Le bilan radiographique est une aide indispensable au diagnostic
dans la pathologie du genou.
Ce doit être la première étape avant
les examens complémentaires.
C’est après son analyse que l’on peut
demander un examen complémentaire de type arthrographie,
scanner, résonance magnétique ou scintigraphie.
Les incidences de base (face, profil, vue axiale de rotule) ne varient
guère, que ce soit en pathologie chronique ou dans le cadre de
l’urgence.
Seules les conditions de réalisation changent
(radiographies en charge pour la pathologie chronique, couchées
pour la traumatologie).
Des incidences complémentaires telles que
les trois quarts seront faites en fonction des découvertes du bilan
radiographique initial.
1- Bilan radiographique de base
:
* Radiographie de face
:
La radiographie de face doit être en appui monopodal chaque fois
que l’état du patient le permet.
Jusqu’à 50 ans, cette incidence se fait à 15-20° de flexion.
Après
50 ans ou si le patient a des antécédents chirurgicaux
(méniscectomie, chirurgie ligamentaire, etc), l’incidence
postéroantérieure à 30° de flexion (schuss) est plus sensible pour
détecter une diminution de l’épaisseur du cartilage.
Au cours de la marche, c’est à 30° de flexion que l’on retrouve les
contraintes fémorotibiales maximales, c’est pourquoi l’usure
débutante (pincement) est mieux visualisée en incidence de schuss.
La première analyse porte sur :
– la qualité de la trame osseuse (appréciation de la charge calcique,
recherche d’une ostéopénie) ;
– l’épaisseur des interlignes fémorotibiaux ;
– la densification des plateaux tibiaux interne ou externe.
Dans un deuxième temps, on recherche des éléments spécifiques en
fonction de l’interrogatoire et de la pathologie du patient.
+ Arthrose :
La classification la plus utilisée pour l’arthrose est celle d’Ahlback :
– stade I : remodelé ;
– stade II : pincement inférieur à 50 % de l’interligne ;
– stade III : pincement supérieur à 50 % de l’interligne.
Cette classification est moins précise que la chondrométrie, mais elle
a le mérite d’être plus proche de la définition anatomique de
l’arthrose qui correspond au contact os-os.
La présence d’un
remodelé, de géodes sous-chondrales, d’ostéophytes sont des
éléments dégénératifs accompagnant le pincement de l’interligne.
Il
est intéressant de rechercher des éléments étiologiques de cette
arthrose tels que des épines tibiales en « crochet », ou une translation
tibiale antérieure fixée qui sont les témoins d’une rupture ancienne
du ligament croisé antérieur (LCA).
+ Pathologie ligamentaire
:
Dans un contexte d’entorse, il faut rechercher :
– un arrachement de l’épine tibiale antérieure, équivalent d’une
lésion du LCA ;
– un arrachement de la zone d’insertion tibiale du ligament croisé
postérieur (LCP) ;
– une fracture de Segond pathognomonique de la rupture du LCA
par un mécanisme en varus rotation interne.
Ce n’est pas vraiment
une fracture mais un arrachement de l’insertion du ligament méniscotibial externe ;
– un arrachement de l’insertion fémorale du ligament latéral interne
qui, au stade chronique, est appelé syndrome de Pellegrini-Stieda.
+ Traumatologie
:
Dans un contexte traumatique, on recherche un trait de fracture
fémoral, tibial ou rotulien.
La suspicion d’une fracture d’un plateau
tibial ou d’un condyle fémoral doit faire pratiquer des incidences
complémentaires, notamment de trois quarts.
* Radiographie de profil
:
C’est l’incidence la plus intéressante dans la pathologie du genou.
La fiabilité de son interprétation dépend de la qualité technique du
cliché.
Il faut impérativement obtenir une superposition des
condyles postérieurs.
La radiographie est faite en appui monopodal,
en légère flexion (15-20°).
On peut se contenter d’un profil en
décubitus latéral dans la pathologie rotulienne.
L’angle de flexion,
la contraction quadricipitale sont sujets à controverse, en particulier
pour la mesure de l’index rotulien et l’analyse de l’engagement
rotulien.
L’étude du cliché suit quatre étapes.
+ Épaisseur de l’interligne
:
Elle est bien analysée sur le cliché de profil, c’est pourquoi
l’incidence en appui monopodal est plus intéressante.
En cas
d’arthrose, on peut localiser celle-ci et émettre des hypothèses
diagnostiques.
Dans les lésions anciennes du LCA, on observe une
translation tibiale antérieure fixée associée à une disparition de
l’espace occupé par le ménisque interne (le triangle clair postérieur).
+ Translation tibiale antérieure ou postérieure
:
La translation tibiale correspond à la subluxation du tibia par
rapport au fémur.
C’est la distance entre le bord postérieur du
plateau tibial interne et le bord postérieur du condyle interne
(gouttière intertrochléocondylienne la plus antérieure).
L’analyse est comparative entre le genou sain et le genou
pathologique, c’est la valeur du différentiel qui est importante.
La translation tibiale antérieure augmente dans les ruptures du LCA.
La translation tibiale postérieure augmente dans les
ruptures du LCP. La translation tibiale est corrélée à la pente tibiale.
Plus la pente tibiale augmente plus la translation tibiale antérieure
augmente.
Cette relation est statistiquement significative, aussi bien
pour un genou sain que lorsqu’il existe une rupture du LCA.
Plusieurs techniques sont utilisées pour calculer la valeur de la pente
tibiale.
Migaud, in a fait une étude comparative des six méthodes
de mesure et conclut que seules deux méthodes sont fiables sur le
cliché de profil.
On utilise soit l’axe anatomique tibial proximal,
soit la corticale tibiale postérieure.
La valeur normale pour la
première méthode est de 9° ± 3° et de 7° ± 3° pour la deuxième.
+ Trochlée :
Pour un genou témoin, la ligne de fond de trochlée qui fait suite à la
ligne de Blumensaat reste à distance du bord antérieur des deux
condyles. Cela signifie que la trochlée est congruente et creuse.
En cas de dysplasie trochléenne, on définit le signe du
croisement entre la ligne de fond de trochlée et le bord antérieur du
condyle externe.
À ce point précis la trochlée est alors totalement
plate.
Le signe du croisement est retrouvé dans 96 % des
instabilités rotuliennes objectives (patients ayant eu au moins une
luxation de rotule) alors qu’il n’est retrouvé que dans 3 % de la
population témoin.
En 1987, une classification en trois stades a été proposée classant la
dysplasie de trochlée en fonction du niveau de hauteur du
croisement.
En 1998, cette classification a été modifiée car elle n’avait pas un
bon indice de corrélation inter- et intraobservateur.
Deux signes radiologiques nouveaux sont décrits :
– l’éperon sus-trochléen, situé au-dessus de la trochlée.
Il
correspond à une proéminence globale de la trochlée ;
– le double contour qui est la projection sur le profil de la berge
interne de la trochlée.
La nouvelle classification de la trochlée intègre ces nouveaux signes
et utilise l’aspect de la trochlée sur la coupe de référence au scanner.
+ Rotule
:
L’anatomie de la rotule sur la radiographie de profil a été beaucoup
discutée, en particulier en ce qui concerne les variations entre la
surface articulaire et la partie extra-articulaire de la pointe.
Ces
variations anatomiques mal individualisables n’ont un intérêt que
dans l’évaluation de la hauteur rotulienne.
La bascule rotulienne a été analysée sur le cliché de profil par Maldague et Malghem qui décrivent trois stades.
– Hauteur rotulienne
La hauteur rotulienne est systématiquement mesurée ; plus de
12 index ont été décrits.
Les trois index les plus utilisés sont
ceux d’Insall et Salvati, de Blackburne et Peel et de
Caton-Deschamps.
Insall Salvati : rapport entre la longueur du tendon rotulien
et le grand axe de la rotule.
La valeur normale est 1,02 (déviation
standard [DS] : 0,13).
Blackburne et Peel : rapport entre la distance séparant la
tangente aux plateaux tibiaux et le bord inférieur de la surface
articulaire rotulienne et la longueur de la surface articulaire
rotulienne.
La valeur normale est 0,80 (DS : 0,13).
Caton-Deschamps : rapport entre la distance séparant le
bord inférieur de la surface articulaire de la rotule et le bord
antérieur du plateau tibial et la longueur de la surface articulaire
rotulienne.
La valeur normale est 1 (DS : 0,14).
La rotule est dite
haute, si l’index est supérieur à 1,2 ; et basse lorsque l’index est
inférieur à 0,6.
Tous ces index sont calculés sur un genou en légère flexion.
– Bernageau a décrit un index en extension permettant
d’analyser l’engagement de la rotule dans la trochlée.
C’est une
excellente appréciation du rapport entre rotule et trochlée mais cet
index nécessite une radiographie supplémentaire en extension et en
contraction quadricipitale.
Cette contraction augmente la bascule
rotulienne qui rend parfois difficile l’appréciation de la surface
articulaire rotulienne.
* Vue axiale à 30° de flexion
:
Les incidences à 60 et 90° n’ont guère d’intérêt dans le cadre des
instabilités rotuliennes car, à ces angles de flexion, la rotule est
toujours centrée.
En revanche, elles gardent leur valeur en
traumatologie, plus faciles à faire que l’incidence à 30° de flexion.
Elles offrent alors une meilleure qualité d’interprétation.
Sur la radiographie à 30° on doit analyser :
– la morphologie de la rotule, la classification utilisée étant celle de Wiberg en trois stades ;
– la subluxation rotulienne : par l’angle de Merchant ;
– l’arrachement du versant interne de la rotule ou une fracture de
la trochlée externe, témoin pathognomonique d’une luxation
traumatique de rotule ;
– le pincement articulaire entre fémur et rotule, témoin d’une
arthrose fémoropatellaire.
Il faut faire attention à l’image
caractéristique en « coucher de soleil » décrite dans les
rotules basses.
Il y a une disparition complète de l’interligne fémoropatellaire par superposition de la rotule et de la trochlée
puisque la rotule reste bloquée dans l’échancrure intercondylienne.
2- Goniométrie en appui bipodal
:
*
Technique
:
Classiquement l’incidence est faite en appui bipodal, l’angle du pied
au sol est défini de façon à ce que les rotules soient au zénith.
D’autres techniques ont été décrites pour mettre le membre inférieur
dans sa position de marche en respectant l’angle du pas.
La goniométrie calcule les déviations axiales du membre inférieur.
On définit des axes et l’on mesure des angles.
– L’axe mécanique fémoral est la ligne partant du centre de la tête
fémorale au milieu de l’échancrure.
– L’axe mécanique tibial est la ligne partant du centre des épines
tibiales jusqu’au milieu de la mortaise tibiotarsienne.
– L’angle entre ces deux axes définit l’angle fémorotibial.
Ces valeurs ont un intérêt dans la planification préopératoire de la
mise en place des prothèses du genou ou bien dans la réalisation
des ostéotomies.
D’autres mesures sont intéressantes :
– axe anatomique fémoral I : droite reliant le centre de l’échancrure
et le point intercortical mesuré à mi-diaphyse ;
– axe anatomique fémoral II : droite reliant le point intercortical
mesuré 10 cm au-dessus de l’interligne et le point intercortical à
mi-diaphyse ;
– l’angle fémoral mécanique : angle entre l’axe mécanique fémoral
et le plan bicondylien distal ;
– l’angle tibial mécanique : angle entre l’axe mécanique tibial et la
ligne passant par les deux plateaux tibiaux.
La nomenclature internationale mesure tous les angles sur le versant
interne de l’articulation du genou.
3- Radiographies dynamiques
:
Elles ont un intérêt dans le bilan des laxités ligamentaires, mais
également pour savoir si une déformation arthrosique est réductible
ou non.
Elles sont soit manuelles mais alors peu reproductibles car
la force appliquée est variable selon l’opérateur, soit on utilise un
appareil permettant d’appliquer une force constante définie en
newtons ou en kilogrammes.
L’interprétation de ces radiographies
n’est possible que si l’on fait des clichés comparatifs.
C’est le
différentiel mesuré qui est alors utilisé.
* Varus. Valgus
:
Les incidences sont faites de face, le genou en extension.
La
contrainte est appliquée au niveau de l’interligne articulaire.
La force
habituellement utilisée est 15 kg.
On mesure, en millimètres, l’ouverture de l’articulation.
Elles font le diagnostic des laxités
périphériques interne ou externe en cas de traumatisme
ligamentaire, ou informent sur la rétraction ou distension des
ligaments collatéraux dans les arthroses du genou.
Dans les
traumatismes récents on est parfois conduit à faire ces radiographies
sous anesthésie générale, ceci restant exceptionnel.
* Tiroir antérieur
:
C’est la méthode la plus fiable pour quantifier la translation tibiale
antérieure dans les ruptures du LCA.
On appelle cette manoeuvre le Lachman passif car il reproduit le test clinique de Lachman.
Le
patient est en décubitus latéral du côté du genou à radiographier.
Le genou est en flexion à 10° (déverrouillé), une cale est appliquée
sur l’extrémité inférieure du fémur, une autre à la face antérieure de
la métaphyse tibiale.
La force est appliquée à la partie postérieure
de la métaphyse tibiale.
L’interprétation de ce cliché n’est
possible que si le profil est parfait avec un alignement des condyles
fémoraux ; il est donc souhaitable de pouvoir faire cette incidence
sous contrôle scopique.
La translation tibiale est alors mesurée de la
même façon que sur le profil en appui monopodal.
* Tiroir postérieur
:
Il permet de quantifier le tiroir postérieur dans les ruptures du LCP.
Le patient est en décubitus latéral. Le genou à radiographier contre
la table.
Cette incidence peut se faire en flexion à 20° ; il y a alors une cale à
la partie postérieure de la métaphyse et la pression est appliquée au
niveau de la tubérosité tibiale antérieure.
Cet angle de flexion n’est
pas le meilleur angle pour l’analyse d’une laxité postérieure.
On
préfère les incidences à 70-80° de flexion qui ont une meilleure
sensibilité.
Tiroir postérieur à 70° de flexion :
– avec appareil (mécanique ou électronique) : installation du patient
en décubitus latéral, genou contre la table, une cale est située au
niveau du tendon d’Achille, une mâchoire serre la métaphyse
inférieure du fémur juste au-dessus des condyles fémoraux, et la
pression est appliquée sur la tubérosité tibiale antérieure ;
– avec contraction des ischiojambiers : l’installation est la même,
mais il n’est pas nécessaire de bloquer le fémur.
On demande au
patient de faire une contraction maximale des muscles ischiojambiers.
L’interprétation de ce cliché n’est possible que si le profil est parfait
avec un alignement des condyles fémoraux.
Il est souhaitable, là
encore, de pouvoir faire cette incidence avec un contrôle scopique.
La translation tibiale est alors mesurée de la même façon que sur le
profil en appui monopodal.
Plus récemment, Puddu a décrit une incidence permettant
d’objectiver le tiroir postérieur dans les ruptures du LCP.
Sur une
vue axiale des rotules à 60° de flexion, on mesure de façon
comparative la distance entre le fond de la trochlée et la partie la
plus antérieure de la tubérosité tibiale antérieure.
B - ÉCHOGRAPHIE
:
Les échographes de nouvelle génération, beaucoup plus
performants, utilisant notamment des sondes de haute fréquence
(9 à 13 MHz) sont à l’origine d’un retour en force de l’échographie
des parties molles.
Nul ne peut à l’heure actuelle nier la place de
première intention qui doit être réservée à cette technique dans
l’exploration des lésions musculaires.
Il en est de même pour les
gros tendons superficiels et donc, en ce qui concerne le genou, pour
le tendon rotulien et le tendon quadricipital.
Les tendons des muscles ischiojambiers et notamment le tendon du
biceps fémoral et le tendon du demi-membraneux sont également
bien analysés en échographie.
La sémiologie échographique des
lésions musculaires et tendineuses, bien connue de tous, ne sera pas
rappelée ici.
Sur le plan technique, bien se souvenir du piège
constitué par l’artefact d’anisotropie que l’on peut rencontrer
notamment au niveau des insertions ostéotendineuses et dont on
s’affranchira en prenant soin de bien aborder le tendon dans un axe
perpendiculaire aux fibres tendineuses (jouer sur l’inclinaison de la
sonde ou sur certaines machines sur l’angulation du faisceau
ultrasonore).
Par ailleurs, certains auteurs commencent à s’intéresser à
l’échodoppler couleur qui pourrait être un appoint intéressant à
l’échographie dans certaines lésions comme les tendinites, en
montrant une hypervascularisation en regard d’une zone anormale
en échographie mode B.
Les épanchements articulaires (hydarthrose ou hémarthrose) et les
kystes (communiquant ou non avec l’articulation) sont très bien vus
en échographie ; l’échographie peut guider une ponction
(diagnostique ou thérapeutique).
Les kystes poplités et kystes méniscaux sont donc facilement
diagnostiqués en échographie, technique néanmoins la
plupart du temps incapable d’affirmer l’étiologie de ces kystes.
En
effet, la fiabilité de l’échographie pour les lésions méniscales, très
diversement appréciée dans la littérature, ne paraît
actuellement pas satisfaisante.
Certaines publications se sont penchées sur l’analyse échographique
du ligament latéral interne et des ailerons rotuliens ; il s’agit
d’études préliminaires concernant des structures qui, en tout état de
cause, sont analysées cliniquement de façon fiable.
Des auteurs font
également état de l’intérêt de l’échographie dans le syndrome de la
bandelette iliotibiale pour lequel l’échographie serait aussi fiable que
l’IRM en montrant un épaississement du tendon, un oedème
péritendineux et parfois une bursite.
Enfin, l’échographie ne permet
pas l’exploration des ligaments croisés et des structures osseuses ou ostéocartilagineuses.
C - ARTHROGRAPHIE ET ARTHROSCANNER
:
L’arthrographie du genou a depuis longtemps démontré sa fiabilité
pour le diagnostic des différentes lésions méniscales (fissure, « anse
de seau », désinsertion capsuloméniscale) (fiabilité : 83 à 94 %).
L’arthrographie gazeuse (dont le seul avantage était de mieux montrer
les « anses de seau » sur les clichés d’échancrures) a été abandonnée
au profit de l’arthrographie opaque, cette dernière donnant de plus
de meilleures images lorsqu’elle est couplée au scanner
(arthroscanner).
Sur le plan technique, il est intéressant d’associer au produit de
contraste iodé une demi-ampoule (soit 0,5 mL) d’adrénaline à
1/1 000 ; ceci permet d’éviter une résorption trop rapide du produit
de contraste.
Après injection intra-articulaire, il est utile de faire
marcher quelques instants le patient afin de faire pénétrer le produit
de contraste dans les petites fissures ; de même, étudier chaque
compartiment fémorotibial en compression afin d’obtenir des clichés
en « couche mince », et surtout pas en faisant bâiller l’interligne
comme cela se faisait pour les arthrographies gazeuses.
L’arthrographie reste la technique de référence pour l’exploration
des ménisques opérés pour lesquels l’IRM n’est pas fiable ;
néanmoins les aspects arthrographiques postopératoires normaux et
pathologiques doivent être bien connus.
De plus en plus d’équipes complètent systématiquement
l’arthrographie par un scanner, réalisant ainsi un arthroscanner qui
apporte des informations complémentaires.
En effet, grâce aux scanners à rotation continue, la réalisation
d’acquisitions spiralées permet d’obtenir des reconstructions multiplanaires (MPR) d’excellente qualité, ceci à condition d’utiliser
des coupes fines (0,5 à 1 mm) avec un pitch inférieur ou égal à 1 et
un incrément de reconstruction jointif, voire chevauchant.
Les
reconstructions coronales, sagittales, voire radiaires
permettent ainsi parfois de déceler des fissures non vues en
arthrographie ou de préciser une région douteuse arthrographiquement
(fissure ou superposition d’images ?).
Les
désinsertions capsuloméniscales et surtout les languettes méniscales
et les anses de seau sont bien mieux vues qu’en
arthrographie.
Autre avantage de l’arthroscanner, l’analyse des cartilages
d’encroûtement, que ce soit au niveau de l’articulation
fémoropatellaire ou des articulations fémorotibiales interne et
externe.
L’arthroscanner, très peu utilisé par les Anglo-Saxons, est
unanimement considéré en France comme la technique de référence
pour l’analyse du cartilage, montrant de façon très fiable les
amincissements diffus ou les ulcérations focalisées, du
stade 2 au stade 4.
L’arthroscanner est également la meilleure technique pour la mise
en évidence des corps étrangers intra-articulaires, nettement
supérieure à l’IRM. Brossmann donne des chiffres de fiabilité de
57 à 70 % pour l’IRM et 80 % pour l’arthroscanner.
Si l’on intègre la
très bonne analyse de l’os compact en tomodensitométrie (TDM),
on comprend l’intérêt de l’arthroscanner pour les ostéochondrites
disséquantes, lésions qui intéressent préférentiellement le
condyle fémoral interne de l’enfant ou de l’adolescent sportif
(tranche 10- 20 ans), pouvant aboutir à une séparation plus ou moins
complète du séquestre.
L’arthroscanner avec ses reconstructions 2D
cherche à analyser le caractère instable de l’ostéochondrite en
recherchant des lésions du cartilage d’encroûtement, un
déplacement du séquestre, une pénétration du produit de contraste
à l’interface entre la « niche » et le séquestre.
L’analyse des ligaments croisés, même si elle est moins bonne qu’en
IRM est bien meilleure qu’en arthrographie simple, à condition que
le segment du genou exploré soit suffisamment grand (intérêt des
nouveaux scanners multicoupes matriciels ou multibarrettes), et à
condition d’utiliser des reconstructions (MPR) obliques dans le plan
ligamentaire.
D - SCANNER
:
C’est la meilleure technique d’analyse de l’os cortical et de l’os trabéculaire.
Ses indications sont néanmoins assez limitées au niveau
du genou par rapport à d’autres articulations.
En dehors des
tumeurs osseuses (bénignes ou malignes), indication TDM qui reste
valable quelle que soit la localisation, les deux principales
indications sont les macrofractures et l’analyse de l’articulation
fémoropatellaire.
1- Macrofractures
:
Elles sont dans la majorité des cas décelées en radiographie
standard, qui peut être suffisante comme par exemple pour les fractures transversales simples de rotule. Pour les fractures plus
complexes, le scanner remplace avantageusement les tomographies.
C’est le cas notamment pour les fractures des condyles fémoraux et
surtout pour les fractures et fractures-enfoncements des plateaux
tibiaux.
Ce scanner doit être réalisé techniquement dans
les conditions décrites précédemment afin, là encore, d’obtenir de
bonnes reconstructions (MPR, 3D surfacique, VRT [volume
rendering]) qui permettront d’analyser le trajet et le nombre de traits
de fracture, les déplacements et les enfoncements en zone articulaire,
la congruence et les éventuels fragments osseux libres.
Les
données du scanner influenceront le choix des techniques
chirurgicales de réparation.
2- Scanner des membres inférieurs
et scanner de l’articulation fémoropatellaire :
Le scanner rotulien est une donnée fondamentale dans le bilan des
instabilités rotuliennes.
Il n’est demandé que lorsqu’une anomalie
de type rotule haute ou dysplasie de trochlée est notée sur le bilan
radiographique standard.
Cet examen permet de faire la
programmation préopératoire et d’avoir des mesures fiables
reproductibles et comparatives toujours nécessaires dans une
évaluation clinique.
– Analyse de la trochlée : elle se fait sur les coupes d’acquisition qui
doivent être relativement fines (3 mm).
On apprécie sur la coupe de
référence (première coupe avec du cartilage trochléen) la
morphologie de la trochlée qui peut être normale, plate, convexe,
asymétrique avec une hypoplasie du versant interne et une convexité du versant externe.
La mesure de la pente du versant
externe est intéressante.
On la considère comme dysplasique si elle
est inférieure à 14°.
Sur cette même coupe il est intéressant de noter
la présence ou non de la rotule en face de la trochlée ; si elle n’est
plus présente c’est un témoin de rotule haute avec défaut
d’engagement.
– Distance tubérosité tibiale antérieure-gorge trochléenne (TAGT)
: la TA-GT en extension est mesurée sur une superposition
de deux coupes passant par la tubérosité tibiale antérieure et la
coupe de référence.
La valeur seuil est de 20 mm au-delà de laquelle
on retrouve 56 % d’instabilités rotuliennes objectives (luxation) et
seulement 3 % de témoins.
– Bascule rotulienne : elle est mesurée par une superposition de
deux coupes, l’une passant par le grand axe de la rotule et l’autre
par la coupe de référence trochléenne.
C’est l’angle que forme le
grand axe de la rotule avec le plan bicondylien postérieur.
C’est le
reflet de la dysplasie du muscle quadriceps, en particulier du vastus
medialis, mais également de la dysplasie de la trochlée.
Cette
évaluation est faite quadriceps décontracté et quadriceps contracté
en extension. La valeur seuil est de 20° au-delà de laquelle on
retrouve 83 % des instabilités rotuliennes contre 3 % chez les
témoins.
E - SCINTIGRAPHIE OSSEUSE
:
Dans beaucoup d’indications, la scintigraphie osseuse a été
remplacée par l’IRM.
C’est le cas par exemple des ostéonécroses,
des ostéochondrites, de l’algodystrophie.
Dans d’autres indications, elle reste en balance avec l’IRM : pour la
recherche d’ostéome ostéoïde, la dynamique de fixation
scintigraphique et son aspect punctiforme sont très évocateurs et
permettent de guider le scanner qui, réalisé en coupes très fines sur
la zone de fixation, permet d’affirmer le diagnostic ; cela dit l’IRM
montre des anomalies inflammatoires très localisées et fortement
évocatrices d’ostéome ostéoïde.
Dans les problèmes d’arthrite
(inflammatoire ou infectieuse) et d’ostéite ou ostéoarthrite,
l’avantage de la scintigraphie sur l’IRM est d’obtenir une exploration
corps entier et donc de déceler des localisations multiples.
L’inconvénient est le manque de spécificité par rapport à l’IRM.
Il
en est exactement de même pour les fractures de contrainte.
F - IRM
:
Cette technique a révolutionné l’imagerie du genou et est
rapidement devenue dans un très grand nombre d’indications
l’examen de deuxième intention, juste après les radiographies
standards qui restent dans tous les cas indispensables.
Ses gros
avantages sont son caractère multiplanaire, son excellente résolution
en contraste permettant une très bonne analyse des parties molles,
et son caractère multiparamétrique permettant en fonction des
séquences utilisées de privilégier la visualisation de telle ou telle
lésion ou de telle ou telle structure.
Dans l’arsenal des séquences disponibles, il faut distinguer les
séquences très anatomiques et les séquences très sensibles au
contenu en eau des structures.
– Séquences très anatomiques : ce sont principalement les séquences
pondérées en T1 et en densité de protons. Une IRM du genou
comporte quasiment toujours l’une ou l’autre de ces séquences dans
le plan sagittal, permettant ainsi d’emblée une première appréciation
de l’état des ligaments croisés, des ménisques, des structures ostéochondrales, de l’appareil extenseur (rotule, tendons rotulien et
quadricipital) et de la cavité articulaire.
– Séquences très sensibles au contenu en eau des structures : ce sont
les séquences utilisant la suppression du signal de la graisse, que ce
soient les séquences d’inversion-récupération (STIR) ou les
séquences en pondération T2 en écho de spin rapide avec
suppression spécifique du signal graisseux (T2 FSE fat-sat).
Là
encore, à notre avis, une IRM du genou doit toujours comporter
l’une de ces deux séquences, qui en raison de leur très grande
sensibilité ont presque une valeur fonctionnelle et peuvent être un
peu considérées comme la « scintigraphie de l’IRM ».
En effet,
l’association d’une suppression du signal graisseux à une
pondération T2 permet de bien mieux voir les épanchements
articulaires, les ruptures ligamentaires ou tendineuses, les
contusions, les infiltrations inflammatoires, les ischémies ou les
souffrances oedémateuses mécaniques de l’os sous-chondral et de
l’os spongieux et les lésions musculaires.
À côté de ces séquences « clés », il en existe beaucoup d’autres parmi
lesquelles on peut citer les suivantes.
– Séquence rhô fat-sat : l’association d’une séquence très
anatomique (pondération rhô) à une suppression du signal de la
graisse (fat-sat) est très utile en pathologie traumatique du genou.
En effet, si l’on choisit un temps de répétition (TR) suffisamment
long (1 500 ms environ) et un temps d’écho (TE) suffisamment long
(20, voire 30 ms), on obtient grâce au Fat-Sat une pondération
approchant la pondération T2 (et montrant donc de façon fiable les
contusions trabéculaires osseuses, les lésions ligamentaires ou
tendineuses, les épanchements, voire les fissures méniscales), tout
en restant très anatomique.
– Séquence T1 fat-sat gadolinium (séquence pondérée en T1 avec
suppression du signal graisseux et injection intraveineuse de
gadolinium) : cette séquence est très appréciée par certains car elle a
le double avantage d’être anatomique (grâce à la pondération T1) et
très sensible et très informative (grâce à l’utilisation du gadolinium
qui rehausse toutes les structures inflammatoires et/ou vascularisées
et à la suppression du signal graisseux qui potentialise la
visualisation des rehaussements par le gadolinium).
Son utilisation
est évidente et doit être systématique dès qu’est suspecté un
processus inflammatoire, infectieux ou tumoral. Pour les genoux
« traumatiques », son utilisation est plus logique à la phase aiguë
qu’à la phase chronique.
– Séquence T2* (T2 écho de gradient) : cette séquence, peu ou plus
du tout utilisée dans l’exploration d’autres articulations (épaule,
cheville...), reste très utilisée pour le genou. Son principal intérêt
réside dans sa très grande sensibilité pour la mise en évidence des
fissures méniscales.
Elle est également très intéressante dans les
lésions musculaires traumatiques en montrant très bien l’oedème
musculaire et en visualisant très bien les aponévroses et toutes les
structures fibreuses (notamment les cicatrices fibreuses).
Son intérêt
est plus discutable pour l’exploration du cartilage, et sa fiabilité est
médiocre pour les ligaments croisés ou les structures tendineuses.
Sur le plan technique, il va sans dire qu’une bonne IRM du genou
doit être réalisée à l’aide d’une antenne de surface (quadrature si
possible), en coupes fines (2 à 4 mm en 2D selon les structures
analysées).
Si possible avec des séquences dans les trois plans de
référence. Le plan transversal, trop peu utilisé pour le genou,
apporte des informations très intéressantes pour l’articulation fémoropatellaire, pour les ligaments croisés, pour toutes les
structures périphériques périarticulaires et notamment pour les
ligaments collatéraux et les points d’angles postéroexterne et
postéro-interne (PAPE et PAPI).
Le genou est une articulation qui se prête tout particulièrement à
l’IRM qui permet quasiment une étude exhaustive dans la mesure
où elle s’avère fiable pour l’exploration de la majorité de ses
structures anatomiques.
1- Ménisques
:
Après certains tâtonnements initiaux débouchant sur des
discordances IRM-chirurgie, la sémiologie IRM des fissures
méniscales est maintenant bien codifiée, et l’utilisation de la
classification de Stoller et Crues en trois stades a fait la preuve de
sa fiabilité (sensibilité : 87 à 97 %, spécificité : 89 à 98 %, fiabilité : 88
à 95%).
Seules les anomalies de stade 3 (hypersignal linéaire
communiquant avec l’articulation) doivent être retenues comme
pathologiques.
Les anomalies de signal intraméniscales pures,
punctiformes, nodulaires (stade 1) ou linéaires (stade 2) ne communiquant pas franchement avec une (ou deux) surface
articulaire n’ont pas de traduction arthroscopique et ne doivent pas
être décrites comme des fissures.
Une publication déjà un peu
ancienne, confrontant IRM et arthroscopie sur une grosse série de
patients, avait d’ailleurs conclu que seules les lésions de stade 3 très
nettes devaient être interprétées comme des fissures, et qu’en cas
d’hésitation entre une anomalie de stade 2 ou de stade 3, mieux
valait parler de stade 2 (la grande majorité des anomalies IRM
n’ayant dans ces cas-là pas de traduction arthroscopique) ; en clair,
afin d’éviter des arthroscopies « blanches », ne retenir que les lésions
de stade 3 certaines.
Les séquences IRM les plus fiables sont les
séquences en densité de protons (SE ou FSE) et les séquences en T2*.
Les séquences rhô FSE fat-sat semblent également performantes.
Les
séquences T1 sont moins sensibles.
Les séquences T2 (SE ou FSE) ne
sont pas fiables (très peu sensibles).
Pour notre part, nous faisons
confiance aux séquences pondérées en densité de protons et T2*.
Si un doute persiste sur les plans de coupe coronal et sagittal, nous
utilisons volontiers les séquences radiaires pondérées T2* qui ont
montré leur grande fiabilité, permettant d’explorer les ménisques
par des coupes perpendiculaires à leur grand axe (selon le principe
de l’arthrographie) ; cela augmente les performances diagnostiques
pour les lésions de petite taille siégeant au niveau des parties les
plus médiales des cornes antérieures et postérieures.
De multiples
images pièges ont été décrites en IRM concernant l’interprétation
des ménisques, images pièges bien connues qui ne seront pas
rappelées ici.
Les lésions en anse de seau sont bien diagnostiquées
en IRM, le fragment luxé dans l’échancrure étant bien vu en coupes
coronales ; sur les coupes sagittales, on recherche le signe du
double LCP.
L’IRM est beaucoup moins fiable pour le
diagnostic de désinsertion capsuloméniscale (valeur prédictive
positive [VPP] de 9 % pour le ménisque interne et 13 % pour le
ménisque externe, ceci quels que soient les signes utilisés).
Les
ménisques discoïdes sont correctement diagnostiqués en IRM (VPP :
92 %), de même que les kystes méniscaux.
L’IRM des ménisques
opérés est peu fiable. Pour les ménisques suturés, un hypersignal
linéaire persiste dans la zone de suture, pouvant laisser penser à
une fissure itérative.
Pour les méniscectomies, lorsque le geste à
été large, le ménisque restant peut présenter un signal hétérogène et
des contours irréguliers, sans que cela ait forcément une valeur
pathologique.
L’IRM n’est donc intéressante que pour les cas où
la méniscectomie aura été très « économique », cas où la sémiologie
habituelle peut être utilisée.
2- Ligaments croisés
:
L’IRM est fiable, que ce soit pour les lésions du LCA (fiabilité : 90 à
98 %) ou du LCP (fiabilité : 96 à 98 %).
Pour ces
deux ligaments, ont été décrits des signes lésionnels directs
(intéressant la morphologie et le signal ligamentaire) et des signes
indirects bien connus qui ne seront pas redétaillés.
De façon
étonnante, Brandser note que l’utilisation des signes directs seuls
est aussi fiable que l’utilisation des signes directs et indirects ; en
revanche, l’utilisation des signes indirects seuls est moins fiable.
Sur
le plan technique, nous avons l’habitude comme d’autres auteurs
d’utiliser systématiquement des coupes sagittales obliques (dans le
plan du LCA) lorsque la lésion du LCA est suspectée cliniquement.
Le plan sagittal (ou sagittal oblique) est le plus intéressant, que ce
soit pour le LCA ou le LCP, mais les coupes coronales et
transversales sont également très utiles. Les séquences que nous
privilégions sont les séquences T1 (T1 gadolinium à la phase aiguë),
très anatomiques et les séquences T2 FSE avec ou sans suppression
du signal de la graisse ; les séquences T2 FSE ont démontré leur
fiabilité et ont l’avantage d’être très anatomiques et de pouvoir
être utilisées en coupes fines (2 mm) sans dégradation importante
du rapport S/B ; les séquences T2 FSE fat-sat montrent mieux les
anomalies de signal des ligaments ainsi (et nous y reviendrons) que
les signes indirects tels que les contusions osseuses.
Il n’existe
toutefois pas une séquence de référence, et Smith a montré que
c’était l’association des anomalies constatées sur plusieurs séquences
différentes qui permettait d’obtenir la meilleure performance
diagnostique.
3- Ligaments collatéraux et points d’angles postérieurs
:
Le ligament collatéral médial (LCM), le ligament collatéral latéral
(LCL) et les autres structures du PAPE (ligament poplité arqué,
tendon poplité, ligament poplitéofibulaire, ligament fabellofibulaire)
constituent les principales structures pouvant être lésées en cas
d’entorse du genou.
La sémiologie IRM de lésion de ces différentes
structures n’a rien d’original.
Tout le problème réside en fait dans
la petite taille de certains ligaments et dans le trajet anatomique
complexe de certaines structures (tendon poplité, ligament poplité
arqué).
C’est la raison pour laquelle ils doivent être analysés dans
plusieurs plans, et l’on n’insistera jamais assez sur l’intérêt
des coupes transversales qui permettent de bien apprécier toutes les
structures postérieures (et notamment postéroexternes) et de bien
visualiser les insertions des ligaments collatéraux.
La séquence
T1 fat-sat gadolinium est une excellente séquence d’analyse de ces
structures à la phase aiguë ou subaiguë d’une entorse.
4- Lésions ostéochondrales post-traumatiques
:
Elles sont extrêmement fréquentes dans les entorses du genou, en
particulier dans les ruptures du LCA où elles constituent un bon
signe indirect, présent dans deux tiers des cas, surtout au niveau
du compartiment fémorotibial externe et plus particulièrement du
condyle fémoral externe.
C’est le mérite de Vellet d’avoir classé
ces lésions en trois types :
– type A : contusion trabéculaire simple (bone bruise) ;
– type B : contusion osseuse sous-chondrale sans atteinte
cartilagineuse ;
– type C : fracture-impaction ostéochondrale.
Le même auteur, réalisant un suivi IRM et arthroscopique des
patients, a montré une guérison sans séquelle des lésions de type A
et un risque d’évolution vers l’arthrose des lésions de type C.
Ces
lésions s’accompagnent toutes en IRM d’un « oedème du spongieux
» plus ou moins étendu, hypo-intense en T1 et hyperintense
en T2.
Les séquences avec suppression du signal de la graisse sont
de loin les plus sensibles ; les séquences STIR, STIR FSE et T2 FSE
fat-sat ont une fiabilité comparable.
En revanche, le T2 TSE est
peu fiable.
La séquence T2* est également peu fiable en raison de
l’artefact de susceptibilité magnétique induit par le réseau trabéculaire, artefact qui masque l’oedème.
5- Fractures
:
L’IRM n’a guère d’intérêt dans les macrofractures ; si elle est
pratiquée, elle montre les traits de fracture qui sont toutefois plus
ou moins bien vus en raison de la présence de l’oedème trabéculaire
associé ; les déplacements fracturaires et les fragments osseux plus
ou moins libres sont moins bien analysés qu’en scanner.
L’IRM est en revanche très performante pour les fractures occultes
(non décelées en radiographie) et les fractures de contrainte ;
ces dernières comprennent les fractures de fatigue (fractures
d’hypersollicitation souvent rencontrées chez le sportif) et les
fractures par insuffisance osseuse (survenant sur un os plus ou
moins « déminéralisé »).
L’aspect IRM est sensiblement le même
dans les fractures de contrainte et les fractures occultes : le trait de
fracture se présente comme une bande linéaire, hypo-intense sur
toutes les séquences, plus ou moins entouré d’une réaction oedémato-inflammatoire du spongieux, hypo-intense en T1,
hyperintense en T2, rehaussé par le gadolinium.
Les fractures de
contrainte de siège épiphysaire correspondent souvent à des
microfractures trabéculaires, sans véritable trait fracturaire ;
lorsqu’elles sont de siège sous-chondral, elles peuvent être
confondues avec une ostéonécrose ; l’aspect en T2 (hypersignal ou
hyposignal inférieur à 5 mm d’épaisseur) et surtout le suivi évolutif
favorable permettent le diagnostic.
6- Ostéonécrose
:
La nécrose idiopathique systémique présente un aspect IRM typique
bien connu (avec notamment son liseré de démarcation), bien décrit
au niveau de la hanche, et sur lequel nous ne reviendrons pas.
Plus
spécifique du genou est la nécrose sous-chondrale mécanique
survenant dans plus de 90 % des cas au niveau du condyle fémoral
interne, de façon souvent brutale, préférentiellement chez la
femme de la soixantaine.
L’IRM permet le diagnostic avant que les
radiographies ne montrent plus tardivement une petite zone de
méplat ou de dépression.
Typiquement en IRM, on
constate une zone d’os sous-chondral d’épaisseur supérieure à
5 mm, hypo-intense sur toutes les séquences (notamment en T2),
souvent accompagnée d’un important oedème du spongieux au
voisinage (hyposignal T1 - hypersignal T2).
7- Cartilage
:
Beaucoup de publications se sont intéressées à l’IRM du cartilage,
en utilisant comme modèle le cartilage rotulien qui est le plus épais
de l’organisme (environ 5 mm).
Certains auteurs ont insisté sur
l’aspect trilamellaire (trois couches) du cartilage en IRM haute
résolution ; en pratique courante, cet aspect trilamellaire est
rarement rencontré, surtout sur des cartilages moins épais comme
le cartilage d’encroûtement fémorotibial, explorés en antenne
quadrature avec des champs d’exploration relativement grands (field
of view [FOV] entre 150 et 200 mm) ; de plus, il a été démontré que
cet aspect trilamellaire dépendait du type de séquence utilisé
(présent en T2, absent en T1) et pouvait être en rapport avec des
artefacts (« d’angle magique », de déplacement chimique, de
troncature).
Les séquences les plus utilisées sont le T1, le T2
(avec ou sans suppression du signal graisseux) et le T1 fat-sat 3D
SPGR (fat-suppressed three-dimensional spoiled gradient-recalled
sequence).
En T2 (surtout en T2 FSE, surtout associé à
un transfert de magnétisation), le cartilage apparaît hypo-intense et
pour peu qu’il y ait un épanchement articulaire (hyperintense), cette
séquence est très efficace pour la mise en évidence des fissures et
des ulcérations de surface.
L’association d’une suppression du signal
graisseux (T2 fat-sat) permet d’éliminer l’artefact de
déplacement chimique et visualise mieux les anomalies de signal
intracartilagineuses qui pourraient être la traduction d’une
chondromalacie ; néanmoins, ces anomalies de signal
intracartilagineuses sont à interpréter avec prudence car elles
peuvent correspondre à un effet « d’angle magique ».
En T1 fatsat
3D SPGR, le cartilage apparaît très hyperintense par rapport aux
liquides hypo-intenses (pondération T1) ; cette séquence est très
« flatteuse » et est, pour beaucoup d’auteurs, la séquence
« cartilage » la plus fiable ; pour notre part, elle nous paraît effectivement très fiable pour les amincissements diffus du cartilage,
mais sa fiabilité pour les ulcérations de surface focalisées nous
semble assez médiocre, surtout pour les ulcérations de stade 2,
surtout lorsque deux surfaces cartilagineuses se font face, devenant
difficiles à individualiser l’une de l’autre.
Au total, les
performances de l’IRM pour l’analyse du cartilage sont très
diversement appréciées dans la littérature (sensibilité : 48 à 100 % ;
spécificité : 50 à 96 % ; fiabilité : 52 à 81 %) et pour nous, comme
pour la majorité des équipes françaises, l’arthroscanner reste la
technique de référence.
Les études comparatives sérieuses montrent
d’ailleurs la nette supériorité de l’arthroscanner et de l’arthro-IRM par
rapport à l’IRM seule.
8- Ostéochondrite disséquante
:
L’IRM est très intéressante à plusieurs points de vue.
Elle permet un
diagnostic très précoce, avant les radiographies et le scanner.
Elle
montre l’état de vascularisation et de vitalité du séquestre en
fonction de son signal (comme pour les nécroses).
Elle permet
d’apprécier si l’ostéochondrite est responsable d’une souffrance
osseuse, se traduisant par un oedème du spongieux plus ou moins
étendu autour du séquestre.
L’appréciation du caractère
stable ou instable du séquestre est plus difficile ; l’importance du
déplacement par rapport à la niche et l’existence d’un hypersignal
T2 entre la niche et le séquestre sont les meilleurs signes.
De même, l’état du cartilage d’encroûtement en regard de
l’ostéochondrite ne paraît pas toujours facile.
9- Pathologie de l’appareil tendineux extenseur
(tendon rotulien et tendon quadricipital)
:
La fiabilité de l’IRM dans la pathologie tendineuse n’est plus à
démontrer, qu’il s’agisse de tendinite, de rupture partielle
ou complète.
Les séquences les plus intéressantes sont, à
notre avis le T1, le T2 fat-sat et le T1 fat-sat gadolinium.
Les coupes
sagittales doivent toujours être complétées par des coupes
transversales.
Si la symptomatologie clinique est suffisamment
évocatrice, on a tout intérêt à utiliser une antenne de surface de très
petite taille permettant une résolution spatiale optimale pour ces
structures très superficielles.
Intérêt également d’installer le patient
avec le genou un peu fléchi, afin de « mettre en tension » l’appareil
extenseur.
Tableaux cliniques et arbres
décisionnels d’imagerie :
A - GENOU DOULOUREUX MÉCANIQUE
DU GRAND ENFANT ET DE L’ADOLESCENT :
Adolescent sportif présentant des gonalgies mécaniques, mal
systématisées.
Parfois, douleurs vives avec sensation de « quelque
chose qui se déplace ».
Diagnostics possibles : « syndrome rotulien » (au sens large) ;
ménisque discoïde ; ostéochondrite disséquante ; apophysite
(maladie d’Osgood-Schlatter ou de Sinding-Larsen).
+ Explications
:
Le bilan radiographique standard doit comporter des radiographies
de face et de profil (en charge ou en décubitus) et une vue axiale de
rotule à 30°.
La mise en évidence d’un ostéochondrite de stade IV, avec fragment
intra-articulaire libre, débouche sur une arthroscopie sans autre
examen d’imagerie.
Pour les autres stades d’ostéochondrite, on peut
demander soit une IRM, soit un arthroscanner afin de préciser le
caractère stable ou instable du « séquestre ».
Des signes radiographiques d’apophysite associés à un examen
clinique évocateur se suffisent à eux-mêmes, aboutissant à une prise en charge médicalisée avec notamment mise au repos sportif.
La
maladie d’Osgood-Schlatter (apophysite de la tubérosité tibiale
antérieure) est beaucoup plus fréquente que le Sinding-Larsen
(apophysite de la pointe rotulienne).
La mise en évidence d’une dysplasie de trochlée, concordant avec
l’interrogatoire et l’examen clinique doit aboutir à la réalisation d’un
scanner si un traitement chirurgical est envisagé.
Ce scanner analyse
la morphologie de la trochlée et détermine certaines mesures dont
la fameuse TA-GT.
En cas de radiographies normales, il nous semble logique de réaliser
une IRM.
Cet examen fait un bilan articulaire complet, permettant
la mise en évidence d’une pathologie méniscale (ménisque discoïde,
fissure méniscale) ou d’une ostéochondrite débutante.
Une IRM
normale n’élimine bien entendu pas un « syndrome rotulien ».
B - GENOU DOULOUREUX MÉCANIQUE
DU SUJET D’ÂGE MÛR (AU-DELÀ DE 50 ANS)
:
Patient d’âge mûr (50 à 65 ans), ancien sportif.
Apparition récente de gonalgies mécaniques, calmées par le repos,
avec épisodes d’hydarthrose.
Parfois, douleurs vives, « fulgurantes ».
Diagnostics possibles : arthrose ou préarthrose ; lésion méniscale ;
ostéonécrose ; fracture de contrainte.
+ Explications
:
Le bilan radiographique doit comporter : face en charge (si possible
en appui monopodal), face en schuss comparatif ; profil en charge,
en extension ou en légère flexion ; vues axiales de rotules à 30° et
60° quadriceps décontractés.
Le bilan radiographique montre une gonarthrose évidente, le plus
souvent à type d’AFTI (arthrose fémorotibiale interne).
Le
traitement, médical ou chirurgical peut être envisagé sans autre
examen d’imagerie.
Des radiographies complémentaires, et
notamment une goniométrie, peuvent être demandées si un geste
chirurgical (ostéotomie ou prothèse) est envisagé.
Si une ostéonécrose est décelée, ou le plus souvent suspectée, une
IRM confirme le diagnostic, précise l’étendue de la lésion et les
signes de souffrance associés (notamment l’oedème du spongieux).
Si les radiographies sont normales ou ne montrent qu’un minime
pincement fémorotibial, on a le choix entre un arthroscanner ou une
IRM.
L’arthroscanner montre très bien les lésions méniscales et les
lésions chondrales ; les ostéonécroses ne sont vues qu’après un
certain délai, de même que les fractures de contrainte.
L’IRM montre ostéonécroses et fractures de contrainte avec une bien meilleure
sensibilité et une meilleure spécificité ; les lésions méniscales sont
analysées de façon sensiblement équivalente à l’arthroscanner.
Les
lésions chondrales sont moins bien vues qu’en arthroscanner, mais
l’IRM montre l’existence ou non d’une souffrance osseuse souschondrale
associée, ce qui semble cliniquement plus important que
la mise en évidence des lésions de chondropathie, fort banales après
50 ans et n’ayant pas forcément une traduction symptomatique.
En
clair, dans ce genre de tableau clinique un peu flou du sujet de la
cinquantaine, notre préférence va à l’IRM en complément éventuel
des radiographies standards.
C - SYNDROME MÉNISCAL
:
Patient jeune (18 à 25 ans), sportif, présentant subitement une
gonalgie aiguë dans la pratique du sport, avec hydarthrose.
Depuis,
douleurs intermittentes avec sensations de blocage.
Les
radiographies standards sont normales.
+ Explications
:
Le bilan radiographique minimal comporte une face en charge, un
profil en charge ou en décubitus, une vue axiale de rotule à 30°.
Nous sommes dans un tableau à radiographies normales, ce qui
exclut en grande partie un problème d’instabilité rotulienne.
Si l’anamnèse et l’examen clinique sont typiques d’une pathologie
méniscale, on peut discuter soit une IRM préthérapeutique pour
confirmer le diagnostic et éliminer une autre pathologie, soit une
arthroscopie thérapeutique de première intention.
L’attitude ne serait
pas du tout la même chez le patient de la cinquantaine pour qui une
arthroscopie de première intention doit être proscrite.
Si l’anamnèse et l’examen clinique ne sont pas typiques, une IRM
permet de préciser les choses : confirmation d’une lésion méniscale
(et notamment d’une lésion méniscale externe pour laquelle
l’examen clinique est moins fiable) ; découverte d’une ostéochondrite fruste ou de séquelles chondrales et ostéochondrales
d’ostéochondrite ; mise en évidence de signes indirects de luxation
ou de subluxation traumatique de rotule (lésion de l’aileron rotulien
interne ; oedème du spongieux ; ± impaction trabéculaire du bord
médial de la rotule et de la face latérale de la trochlée externe) ;
pathologies plus rares à type de tendinite de la « patte-d’oie », de
syndrome de la bandelette iliotibiale.
D - TRAUMATISME VIOLENT AVEC SUSPICION
DE FRACTURE :
Patient d’une trentaine d’années, ayant fait une chute violente (ski,
moto…), avec impotence fonctionnelle et « gros genou »
(hydarthrose ou hémarthrose).
+ Explications
:
Le bilan radiographique, réalisé en décubitus, comporte une face,
un profil (éventuellement avec rayon horizontal à la recherche d’une lipohémarthrose), une vue axiale de rotule si la flexion est possible,
et des trois quarts à la recherche d’une petite fracture occulte.
Pour les fractures de rotule, les radiographies sont le plus souvent
suffisantes.
En cas de fracture plus complexe intéressant les condyles fémoraux
et surtout les plateaux tibiaux, un scanner spiralé s’impose, avec de
bonnes reconstructions multiplanaires (MPR) et éventuellement 3D
surfaciques ou VRT.
La constatation d’une lipohémarthrose, bien que non
pathognomonique, évoque fortement une fracture que l’on
s’évertuera à rechercher soit en scanner spiralé, soit en IRM
(technique très sensible pour la détection des fractures occultes).
Si les radiographies sont normales, le bilan d’imagerie sera celui
d’une « entorse » plus ou moins grave.
Une IRM réalisera au mieux
le bilan lésionnel, soit en urgence soit de façon différée, en montrant
bien les lésions ligamentaires (ligaments croisés et ligaments
collatéraux), les lésions méniscales, les lésions ostéochondrales, les
lésions des points d’angle et notamment du PAPE.
E - ENTORSE DU GENOU
:
Patient sportif, entre 15 et 35 ans, victime d’une « entorse » du genou
cliniquement grave avec suspicion d’atteinte du pivot central.
+ Explications
:
Les radios standards vont éliminer un problème de macrofracture.
Elles vont rechercher des signes indirects de lésion ligamentaire
(arrachement du massif des épines, fracture de Segond…).
En cas
de macrofracture, un examen TDM se discute. Dans tous les autres
cas, l’IRM permet d’obtenir un bilan lésionnel complet (ligaments croisés, ligaments collatéraux, points d’angle postérieurs, ménisques,
lésions ostéochondrales…).
Cette IRM sera réalisée soit en urgence,
soit de façon différée en fonction du contexte clinique.
F - PATHOLOGIE TENDINEUSE (TENDON ROTULIEN
OU TENDON QUADRICIPITAL)
:
Jeune patient pratiquant un sport de saut (saut en longueur, saut en
hauteur, basket…), présentant des douleurs dans la région
rotulienne et sous-rotulienne, avec récemment douleurs plus vives
au cours d’une impulsion ; empâtement de la région sous-rotulienne.
Diagnostics possibles : tendinite du tendon rotulien ; rupture
partielle ou subtotale du tendon rotulien.
+ Explications
:
Le bilan radiographique comporte une face en charge, un profil en
décubitus (si le cliché est numérisé, le « fenêtrage » s’attachera à bien
visualiser les parties molles et notamment le tendon rotulien), une vue
axiale de rotule à 30°.
Éventuellement, en l’absence de film numérisé,
un profil en « rayons mous » pour mieux visualiser les parties molles.
Ce bilan radiographique peut montrer un arrachement de la pointe
de la rotule, des séquelles de maladie de Sinding-Larsen, ou des
signes d’enthésopathie de la pointe rotulienne (enthésophyte ou
calcifications tendineuses).
L’échographie doit ensuite être l’examen complémentaire de
première intention.
Entre des mains expérimentées et en utilisant un
bon appareil, l’échographie fait sans problème la part des choses
entre tendinite et rupture (partielle ou complète) du tendon rotulien.
Bien entendu, l’IRM est très fiable, mais il s’agit d’une technique
plus onéreuse qui ne doit être réservée qu’à de rares cas de
discordance clinique-échographie.
Conclusion
:
Les radiographies standards restent à la base de toute l’imagerie du
genou ; les incidences nécessaires et suffisantes doivent être bien
connues en fonction de l’âge et de la pathologie recherchée.
La place de
l’échographie reste limitée à l’exploration des structures superficielles,
musculaires ou tendineuses, pour lesquelles elle a largement prouvé son
efficacité.
L’IRM a bouleversé l’imagerie du genou tant cette technique s’avère
complète et performante pour quasiment l’ensemble des structures
anatomiques de cette articulation, dont elle permet un bilan le plus
souvent complet.
Le scanner et surtout l’arthroscanner font un « retour
en force » en raison des progrès techniques et de la qualité des
reconstructions multiplanaires, offrant pour certaines pathologies une
bonne alternative, voire un avantage par rapport à l’IRM.