Le genou est une articulation portante, complexe et mobile qui se
subdivise en plusieurs compartiments : fémorotibiaux et
fémoropatellaires, externes et internes.
En raison de la richesse de la
pathologie et des difficultés de l’étude radiologique, les clichés
classiques de face et de profil se sont vus progressivement complétés par
de multiples incidences étudiant de façon élective un secteur donné de
l’articulation dans diverses positions (extension, flexion ou rotation) et
dans diverses situations fonctionnelles (repos ou charge, décontraction
ou contraction musculaire).
L’interprétation de l’articulation fémoropatellaire s’est nettement
affinée depuis une douzaine d’années.
Considérations générales
:
1- Matériel radiologique
:
Nous n’insisterons pas sur les notions de constantes radiologiques, de
surface sensible et de numérisation d’images.
La plupart des incidences décrites (en dehors des incidences axiales) se trouvent réalisées au
mieux au potter avec des conditions techniques offrant le meilleur
compromis pour obtenir une bonne définition et un temps de pose assez
court.
La numérisation des images, de plus en plus fréquemment utilisée,
diminue les contraintes techniques et les doses délivrées, et permet une
étude simultanée des structures osseuses et des parties molles.
Une table
horizontale et un potter mural vertical conviennent encore très bien.
En
fait, on utilise pratiquement toujours une table télécommandée plus
pratique et plus rapide qui permet « d’enfiler » les interlignes dans de
meilleures conditions.
Les tables dont le tube descend assez bas offrent
naturellement une sécurité et un confort plus grand lorsque les clichés
sont réalisés sur un patient debout.
Insistons cependant sur le fait qu’il
est impossible de réaliser des incidences axiales satisfaisantes en début
de flexion (30°) sans tube monté sur colonne mobile ou suspension
plafonnière.
La table télécommandée trouve ici ses limites qu’il est
impossible de contourner malgré toutes les astuces décrites.
2- Position du patient
:
Comme il est habituel pour toutes les zones portantes du squelette, la
position debout est nécessaire pour étudier la statique, les interlignes et
les axes.
La position couchée, plus stable, permet une étude plus fine de
la structure osseuse et facilite la réalisation de l’incidence.
3- Présentation des films
:
Les surfaces impressionnées sur les clichés de face et de profil doivent
avoir une taille suffisante sans être réduites par des diaphragmes trop
fermés ou des cônes trop étroits.
Des informations utiles au diagnostic
se trouvent parfois à l’intérieur des parties molles (qui seront
systématiquement regardées au phare) ou dans les zones proches des
diaphyses fémorales ou tibiales.
On a tendance spontanément à placer l’interligne fémorotibial au centre
du film.
En fait, il est préférable de centrer un peu plus haut (base ou
milieu de la rotule) car l’articulation du genou s’étend beaucoup plus
vers le haut que vers le bas.
Il faut veiller à ce que l’extrémité supérieure
du cul-de-sac sous-quadricipital ne se projette pas en dehors de la
surface impressionnée.
Tous les films doivent préciser clairement la position dans laquelle
l’incidence a été réalisée (debout, couché, flexion, appui monopodal,
etc).
Le dossier radiologique constitue un instantané qui doit pouvoir
être comparé facilement à d’autres clichés réalisés précédemment ou
ultérieurement, si possible dans des conditions techniques identiques.
Le développement des techniques de numérisation complique d’ailleurs
ces comparaisons. Une modification de l’épaisseur de l’interligne
devient difficile à quantifier quand les facteurs d’agrandissement
diffèrent d’un examen à l’autre.
4- Rappels anatomiques et fonctionnels
:
En extension complète, l’articulation fémorotibiale est verrouillée.
Les
condyles fémoraux sont en contact avec la moitié antérieure des plateaux
tibiaux.
Les rainures trochléocondyliennes internes et externes
sont en regard du rebord antérieur des plateaux tibiaux.
Le squelette
jambier est en légère rotation externe.
La rotule n’est pas en situation
articulaire, et se loge un peu au-dessus de la gorge trochléenne, dans la
fossette sus-trochléenne à un niveau variable selon que le quadriceps est
contracté ou décontracté.
La contraction quadricipitale ascensionne la
rotule et la déplace souvent un peu en dehors du fait du valgus
physiologique de l’appareil extenseur et de la prépondérance du vaste
externe.
En début de flexion (15 à 20°), la rotule commence à s’engager sur le
rail trochléen.
La résultante sagittale antéropostérieure de la
contraction quadricipitale augmente progressivement en même temps
que la flexion et compense puis dépasse la résultante externe.
La rotule
éventuellement instable et légèrement latéralisée en dehors en tout début
de flexion tend à se recentrer entre 15 et 30°.
La zone de contact entre le
fémur et le tibia se déplace légèrement en arrière, entraînant une
diminution des surfaces d’appui en raison du rayon de courbure plus
faible des condyles en arrière.
La contraction musculaire
nécessaire à la stabilisation du genou tend encore à augmenter les
pressions fémorotibiales qui sont donc nettement plus fortes en flexion
qu’en extension.
Les zones d’arthrose fémorotibiales sont
habituellement légèrement déplacées en arrière et le pincement de
l’interligne articulaire se voit mieux à 30° de flexion qu’en extension
complète.
La flexion dévérouille le genou et permet un certain degré de
rotation dans l’articulation fémorotibiale.
Une flexion plus importante applique fortement la rotule sur la trochlée.
Le glissement et le roulement des condyles sur les plateaux tibiaux
repoussent encore en arrière les zones d’appui.
Incidences de face
:
A - Principes généraux
:
Deux principes, communs à toutes les incidences de face, en constituent
les critères de qualité.
1- Enfiler l’interligne fémorotibial
:
Centrer juste au-dessus de l’interligne fémorotibial et l’enfiler
grossièrement est immédiat sur table télécommandée.
Cette opération se révèle également assez facile sans télévision.
L’interligne se palpe à la face interne du genou et se projette en avant, 1
ou 2 cm en dessous de la pointe de la rotule.
En arrière, le pli de flexion
du creux poplité varie avec la morphologie et la musculature du sujet et
constitue donc un mauvais repère.
Comme il est habituellement difficile d’enfiler sur le même cliché les
interlignes interne et externe dont l’orientation et l’obliquité ne sont pas
exactement identiques, on réalise un compromis en privilégiant le
compartiment le plus intéressant.
L’interligne fémorotibial interne est
habituellement soumis à des pressions un peu plus grandes que
l’externe. L’os sous-chondral du plateau tibial interne qui reflète ces
pressions est un peu plus dense que celui de l’externe.
2- Placer le genou de face
:
Cette opération est plus difficile qu’on pourrait le croire (même sous
télévision) car on ne dispose d’aucun critère absolu et reproductible.
– Les critères classiques que sont la position du pied (axe du deuxième
métatarsien) ou de la rotule (rotule au zénith) constituent de mauvais
repères : le rayon, dans l’axe du deuxième métatarsien, met
fréquemment le genou en rotation interne du fait de la valeur très
variable de la torsion du squelette jambier.
De même (le scanner l’a bien
montré), la rotule se décale très souvent en dehors en extension, surtout
lorsqu’elle est instable.
La classique position rotule au zénith met
souvent le genou en légère rotation interne.
– Certains considèrent que l’incidence de face correspond à l’incidence
perpendiculaire au profil vrai qui superpose les deux condyles.
Le
cliché de face s’obtiendrait donc théoriquement en plaçant le plan bicondylien parallèlement à la table.
Ce repère n’est pas utilisable en
pratique courante même si on peut concevoir de faire tourner le patient
de 90° après avoir repéré le profil vrai.
– D’autres préfèrent privilégier l’alignement des structures centrales du
genou que constituent l’échancrure intercondylienne du fémur et les
épines tibiales.
Ces repères sont certainement plus exacts mais sont
difficiles à utiliser lorsqu’une arthropathie déforme ou disloque le
genou.
– D’autres enfin préfèrent privilégier la notion de face fonctionnelle du
genou obtenue dans la position du pas.
En pratique courante, le plus simple est de réaliser un compromis, en
plaçant d’emblée le membre inférieur dans une position proche du pas,
le genou restant de face et bien axé dans le plan sagittal si on le fléchit un
peu.
Il suffit alors de vérifier, sous télévision ou sur le cliché obtenu, que
le genou apparaît réellement de face grâce à la bonne symétrie du bord
axial des condyles, et la projection des épines tibiales au centre de
l’échancrure.
B - Incidences de face
:
1- Incidences uni- ou bilatérales
:
C’est l’étude séparée ou simultanée des deux genoux sur la même
cassette.
– En faveur de l’incidence unilatérale : meilleure définition osseuse,
absence de déformation, interligne mieux enfilé, incidence toujours
possible, même en cas de fort genu varum.
– En faveur de l’incidence bilatérale : rapidité d’exécution,
appréciation comparative de la transparence osseuse des genoux.
– En pratique, il est préférable d’étudier séparément chaque genou sur
des incidences unilatérales.
2- Position couchée ou debout
:
– En faveur de la position couchée : réalisation facile et possible chez
tous les patients, bonne stabilité, bonne étude de la structure osseuse.
– En faveur de la position debout (uni- ou bipodale), seule position
permettant l’étude des interlignes fémorotibiaux et de la statique frontale.
– L’incidence couchée sera donc préférée lorsqu’on veut privilégier
l’étude osseuse et morphologique, et l’incidence debout lorsqu’on veut
privilégier l’étude statique et articulaire.
Le genou étant une articulation
relativement lâche (contrairement à la hanche, par exemple), les
interlignes ne peuvent être explorés qu’en position debout.
La station unipodale sollicite le hauban externe, met en charge les deux
compartiments fémorotibiaux interne et externe, mais peut accentuer un
genu varum en cas de laxité ligamentaire externe.
Elle sera réalisée avec
prudence chez les patients âgés et peu stables.
3- Direction du rayonnement (antéropostérieur
ou postéroantérieur)
:
Le rayonnement antéropostérieur permet une meilleure stabilité du
patient qui s’appuie sur son dos et facilite le positionnement et le
centrage.
Le rayonnement postéroantérieur s’impose uniquement pour
obtenir un cliché sans agrandissement en cas de flexion du genou
(flexion involontaire en cas de flessum, ou flexion volontaire sur les
clichés en Schuss).
4- Genou en extension ou en flexion
:
L’extension constitue la position habituelle de référence.
La flexion dégage l’échancrure intercondylienne et la partie postérieure
des condyles et des interlignes.
Le cliché en « Schuss » peut détecter un
pincement de l’interligne en cas d’arthrose débutante.
C - Incidences de face le plus fréquemment réalisées
en pratique. Aspects normaux
:
– Face unilatérale en antéropostérieur (le plus souvent debout).
– Face en charge à 30° de flexion en postéroantérieur (cliché dit en
« Schuss »).
Incidences de profil
:
A - Principes généraux communs
à toutes les incidences de profil :
Le membre inférieur reposant sur la table par sa face externe, le condyle
fémoral interne se projette un peu plus bas que l’externe.
Le rayon
directeur doit donc être incliné de 10° environ vers la racine du membre
pour passer dans les deux interlignes fémorotibiaux.
Les bords inférieurs
des deux condyles se trouvent alors sensiblement superposés.
Tout en
respectant le centrage préconisé, il faut obtenir une radiographie
suffisamment étendue vers le haut du fait de la grande taille du cul-desac
sous-quadricipital.
Sauf cas particulier, on emploie un format
suffisant pour que le cliché de débrouillage comprenne le quart inférieur
du fémur et le quart supérieur du tibia.
B - Profil externe en décubitus latéral
:
C’est l’incidence le plus souvent réalisée.
Le patient est en
décubitus latéral sur le côté à examiner, le membre inférieur
controlatéral reporté en avant, hanche et genou fléchis et calés par un coussin.
Il est habituel de radiographier le genou en légère flexion (30°).
Le rayon directeur est incliné de 10° vers la racine du membre.
Il ne faut
pas chercher à superposer parfaitement les deux condyles.
Le « profil
parfait » superposant exactement les deux condyles est une tendance
intellectuelle qui se révèle parfois néfaste en pratique.
L’étude des deux
condyles et la mise en évidence de petites lésions condyliennes sont
nettement plus faciles lorsque les deux condyles sont légèrement
décalés.
L’identification des deux condyles est habituellement aisée
grâce à certains critères.
Ce profil externe
du genou, réalisé à 30° de flexion environ, est facile à réaliser et permet
l’obtention d’un profil strict sur un patient bien stable.
Le tendon rotulien
étant tendu, on peut apprécier la hauteur de la rotule.
L’étude des parties
molles antérieures bénéficie grandement de l’utilisation de filtres
absorbants ou d’une technique numérisée par plaques.
C - Autres profils
:
– Le profil réalisé avec une flexion de 15° environ en superposant les
berges trochléennes antérieures a été proposé par Maldague qui a
affiné l’analyse fémoropatellaire de profil.
On peut y apprécier la
position de la rotule à 15° de flexion.
– Le profil externe en charge en extension est plus difficile à réaliser
techniquement.
Le flou cinétique est fréquent en raison de la stabilité
précaire du patient.
Le profil strict impose un repérage précis en
télévision.
Mais c’est le seul cliché capable de montrer la position
respective de la rotule, du fémur et du tibia dans le plan sagittal, le genou
étant verrouillé en extension et en charge.
Dans le plan
sagittal, les plateaux tibiaux sont très légèrement obliques en bas et en
arrière.
L’inclinaison est de quelques degrés par rapport à
l’horizontale.
Un léger recurvatum est fréquent et même
physiologique jusqu’à 15° chez le jeune, mais tend à diminuer avec
l’âge.
Ce profil est de plus en plus utilisé dans l’étude statique du genou,
notamment après intervention chirurgicale.
La contraction quadricipitale permet d’apprécier de plus la hauteur de la rotule par la
méthode de Bernageau.
– Le profil en charge en légère flexion a été proposé par certains auteurs
pour rechercher un décalage antérieur du tibia en cas de rupture du
ligament croisé antérieur.
– Le profil interne en décubitus dorsal rayon horizontal est intéressant
chez un patient traumatisé à la recherche d’une lipohémarthrose.
D - Étude de l’articulation fémoropatellaire de profil
:
La compréhension de l’image de l’articulation fémoropatellaire a
grandement progressé ces 10 dernières années grâce aux travaux de
Maldague et Malghem à Bruxelles et Dejour à Lyon.
Des
mesures statistiques permettent de préciser la position habituelle de la
rotule et la forme normale (ou habituelle) de la trochlée, en montrant le
passage progressif vers la dysplasie trochléenne, source d’un mauvais
fonctionnement de l’articulation fémoropatellaire.
On passe ainsi
imperceptiblement du normal anatomique à la variante du normal, puis au dysplasique, enfin au pathologique.
On envisagera ici uniquement
les aspects normaux (ou pratiquement normaux) en renvoyant le lecteur
aux chapitres et aux références bibliographiques traitant des aspects
pathologiques.
Il est habituellement facile de reconnaître les compartiments interne et
externe sur le cliché de profil, surtout si les condyles ne sont pas
totalement superposés.
Le plateau tibial externe est convexe en
haut et plus court que l’interne qui est concave.
Il existe une encoche à la
face antéro-inférieure des condyles (appelée rainure trochléocondylienne)
qui marque la transition entre la trochlée et les condyles.
La rainure trochléocondylienne externe est presque constante (neuf fois
sur dix), nettement individualisée (une fois sur deux) et située plus en
bas qu’en avant.
La rainure trochléocondylienne interne est moins
creusée et plus antérieure.
Cette différence de situation
antéropostérieure s’explique par le fait que le plateau tibial interne et le
condyle interne sont plus allongés que leurs homologues externes.
La
rainure trochléocondylienne interne n’est franchement creusée que si
l’angle antérosupérieur du tibia (qui correspond au rebord antérieur du
plateau tibial interne) est saillant.
1- Étude de la rotule
:
– Mesure de la hauteur de la rotule.
La rotule peut être en position trop haute ou trop basse par rapport à la
moyenne, ce qui induit un mauvais fonctionnement dynamique du
couple rotule-trochlée.
Plusieurs techniques ont été décrites pour
mesurer la hauteur rotulienne, chacune présentant des avantages
et des inconvénients.
Les résultats obtenus par ces techniques
sont cohérents.
Une rotule haute (patella alta) entraîne un
engagement tardif sur la trochlée et favorise donc une instabilité,
d’autant qu’elle s’accompagne souvent d’une dysplasie trochléenne.
Une rotule basse (patella baja) est source d’hyperpression rotulienne.
– Bascule rotulienne.
Maldague et Malghem ont étudié la projection de la face postérieure de
la rotule sur le cliché de profil trochléen à 15 ou 20° de flexion.
Lorsque
la rotule n’est pas basculée, la tangente à la partie latérale de la facette
externe se projette en avant de la crête rotulienne, selon deux lignes
denses bien distinctes.
Une légère bascule externe rapproche les
deux traits précédents qui peuvent progressivement se superposer.
Une
bascule franche entraîne une projection rotulienne en profil dépassé.
Dans une population asymptomatique, la rotule n’est pas (ou presque
pas) basculée.
L’aspect d’une rotule basculée n’est pas strictement
normal et ne sera pas décrit.
2- Étude de la trochlée
:
Sur la trochlée, deux lignes denses sont faciles à repérer : sa berge
externe et le fond de sa gorge.
La ligne correspondant à la berge interne
est habituellement moins marquée.
Le profil trochléen cherche à
superposer la berge externe et la berge interne.
– Mesure de la profondeur trochléenne.
La distance entre les lignes correspondant à la gorge et aux berges traduit
la profondeur de la trochlée, qui est plus ou moins creusée selon les cas.
Pour Maldague et Malghem, la profondeur de la trochlée mesurée à 1 cm
de son pôle supérieur est en moyenne de 5 ou 6 mm, et n’est
inférieure à 5 mmque dans 20 %des cas.
En revanche, la profondeur de
la trochlée est inférieure, pour ces auteurs, à 5 mmdans 90 %des genoux
ayant une instabilité rotulienne franche.
– Étude de l’extrémité supérieure de la gorge trochléenne.
Cette notion a été précisée par Dejour et al qui ont étudié l’aspect et les
rapports de la gorge trochléenne avec les berges trochléennes.
Dans les
trochlées normales (non dysplasiques), la gorge de la trochlée se termine
progressivement vers la corticale antérieure de la surface sustrochléenne,
en restant à distance des berges externe et interne.
Il n’y a pas croisement des lignes.
Lorsque la trochlée est
dysplasique et insuffisamment creusée, les lignes denses des berges
latérales et de la gorge se rejoignent en réalisant le signe du croisement.
Trois types de croisement ont été décrits en fonction de la hauteur à
laquelle il se produit et selon que l’hypoplasie est globale ou prédomine
sur une berge.
Pour ces auteurs, ce signe du croisement a été retrouvé
dans 95 % des genoux ayant eu une ou plusieurs luxations de rotule.
– Mesure de la saillie trochléenne.
Dejour a également étudié les rapports dans le plan sagittal entre la
trochlée et la tangente à la corticale antérieure du fémur sur ses
10 derniers centimètres.
La saillie trochléenne est dite positive
si la gorge trochléenne se projette en avant, nulle si elle se projette à son
niveau, et négative si elle se projette en arrière.
La saillie trochléenne est
nulle ou pratiquement nulle dans les genoux témoins considérés comme
normaux, et positive (en moyenne de 3 mm) en cas de luxation
rotulienne.
– Étude de la transition de la trochlée avec la métaphyse fémorale.
La berge trochléenne externe monte un peu plus haut que l’interne et se
poursuit par la corticale antéroexterne du fémur limitant en dehors la
fossette sus-trochléenne.
Une crête sus-trochléenne (appelée crête
d’Outerbridge) est parfois rencontrée à la jonction avec la métaphyse
mais est anormale car elle contribue à déstabiliser la rotule lors de son
engagement.
Incidences axiales fémoropatellaires
:
De nombreuses incidences ont été décrites car la projection de la rotule
dépend de nombreux paramètres : degré de flexion du genou,
contraction ou décontraction du quadriceps, rotation du squelette du
jambier.
A - Clichés statiques quadriceps décontractés
:
1- Généralités
:
Ils font partie de toute exploration du genou.
Le bilan, devenu classique
depuis les travaux de Ficat puis ceux de Bernageau, étudie les
rapports de la rotule sur la trochlée à 30, 60 et éventuellement 90° de
flexion mesurée à partir de l’extension (qui correspond donc à une
flexion nulle). Pour des raisons pratiques, il n’est pas possible de réaliser
ces incidences en dessous de 30° de flexion.
– À 30° de flexion quadriceps décontractés, la rotule commence à
s’engager sur la trochlée.
C’est l’incidence la plus difficile à réaliser car
la flexion est faible. Sa qualité est souvent médiocre car l’épaisseur traversée par les rayons X est très différente à la partie antérieure de la
rotule et plus en profondeur en regard du fémur.
Elle est cependant
toujours possible (sauf chez les patients très obèses) et elle est la plus
utile pour étudier :
– la morphologie trochléenne à sa partie supérieure ;
– la position de la rotule au début de son engagement sur la trochlée.
– À 60° de flexion, l’étude de la structure osseuse et des parties molles
est de meilleure qualité car l’épaisseur traversée est moindre et plus
homogène.
Cette incidence montre bien le tiers moyen de la trochlée
(qui est nettement moins intéressant que son tiers supérieur), la
morphologie de la rotule (le cliché étant plus lisible qu’à 30°) et les
arthroses externes.
– À 90° de flexion, le tiers supérieur de la rotule est au contact du tiers
inférieur de la trochlée.
C’est l’incidence la moins utile, sauf dans
certaines arthroses internes car la rotule est toujours centrée et fortement
appliquée contre la trochlée.
2- Technique
:
La technique de ces clichés doit être impeccable et ne peut être
correctement réalisée qu’avec un tube monté sur colonne mobile ou
suspension plafonnière : le patient est en décubitus dorsal ou en position
assise, le dos maintenu de façon à obtenir un bon relâchement
musculaire ; les genoux sont en rotation nulle, les cuisses et jambes
reposant sur une cale ou un système de deux plans articulés dont
l’angulation variable a été préalablement repérée à 30, 60 et 90°.
Le rayon directeur aborde par en bas les interlignes fémoropatellaires
repérés par palpation (l’inclinaison du tube est à peu près constante pour
une flexion donnée).
Le tube est placé au-delà des pieds (incidence podocraniale).
La cassette repose sur les cuisses, perpendiculairement
au rayon incident.
Une cassette « 24 x 30 en travers » contient
habituellement la projection des deux genoux qui sont étudiés en même
temps.
Une technique numérisée avec plaques luminescentes à
mémoire étale les contrastes et améliore indiscutablement la qualité
« photographique » des images.
Les parties molles, et
notamment les ailerons rotuliens, deviennent visibles.
Lorsque la rotule est en position basse, cette incidence podocraniale ne
permet pas d’enfiler l’interligne, même si on prend la précaution
d’étendre les pieds au maximum.
L’incidence craniopodale (rayon
descendant) permet de gagner quelques degrés d’inclinaison du rayon
par rapport à la jambe.
3- Résultats normaux
:
Les rotules et les trochlées sont de forme variable.
Le
compartiment fémoropatellaire externe est pratiquement toujours plus
développé que l’interne en raison de la prédominance des forces
externes induites par le valgus physiologique de l’appareil extenseur.
Certaines constructions ont été décrites pour apprécier leur morphologie.
L’angle trochléen est le repère le plus utilisé car le plus facile à mesurer.
Il doit être calculé au tiers supérieur de la trochlée, c’est-à-dire sur une
incidence prise réellement à 30° de flexion.
Sa valeur normale
est de 140°.
Mais il ne donne qu’une vue partielle de la forme de la
trochlée dont l’étude plus fine nécessiterait de mesurer d’autres
paramètres s’opposant au déplacement externe de la rotule.
La mesure
de la profondeur de la trochlée est discutable puisqu’elle fait intervenir
la morphologie de la berge interne.
Les mesures se référant au plan
frontal sont difficiles à faire sur les incidences axiales et relèvent plutôt
du scanner.
La morphologie rotulienne est également très variable.Wiberg a classé
les rotules en trois types selon l’aspect et l’importance de la facette
interne :
– dans le type I, les deux facettes sont à peu près symétriques ;
– dans le type II, le plus fréquent, la facette interne est nettement moins
développée que la facette externe ;
– dans le type III, la facette interne est hypoplasique, peu articulaire, et
présente parfois une petite angulation qui diminue encore sa portion
articulaire.
Les plaques osseuses sous-chondrales sont plus denses en dehors qu’en
dedans et les travées osseuses de la rotule sont légèrement orientées en
dehors en raison de la prédominance des contraintes externes.
La position de la rotule par rapport à la trochlée : la rotule est
normalement centrée dès 30° de flexion sur la trochlée : la crête de la
rotule et la gorge de la trochlée se situent en regard l’une de l’autre.
Un
éventuel déplacement externe (subluxation) est en pratique plus facile à
apprécier directement à l’oeil que par l’angle de congruence de
Merchant.
Une discrète bascule externe de la rotule peut être banale en début
d’engagement.
Elle peut être quantifiée par l’angle de Laurin
compris entre la tangente à la facette rotulienne externe et la ligne
joignant les berges externe et interne.
Cet angle est
normalement ouvert en dehors.
B - Clichés dynamiques avec contraction
des quadriceps ou rotation du squelette jambier
:
Le cliché pris à 30° de flexion quadriceps contractés est nettement
moins important que celui réalisé quadriceps décontractés.
Il cherche
essentiellement à montrer le recentrage de la rotule lorsqu’elle est
spontanément subluxée et surtout le pincement de l’interligne
fémoropatellaire externe en début d’engagement par augmentation de la
résultante sagittale.
Il s’agit véritablement d’un cliché en charge de
l’articulation fémoropatellaire en début d’engagement.
Les résultats
obtenus dépendent de la prédominance d’une des deux forces résultantes
(la résultante sagittale appliquant et recentrant la rotule sur la trochlée,
et la résultante frontale externe décalant la rotule en dehors).
Il est
impossible de préciser le moment où la résultante sagittale l’emporte sur
la résultante frontale.
À 30° de flexion, la résultante sagittale l’emporte
le plus souvent, contrairement à ce qui est observé au scanner dans les
tout premiers degrés de flexion.
Deux techniques permettent d’obtenir une bonne contraction quadricipitale :
– la position en rappel sur dériveur : pieds maintenus sur la table par
une sangle de compression, tronc incliné en arrière sans dossier ;
– la position du skieur, plus stable et plus reproductible, patient debout,
membres inférieurs fléchis à 30°.
L’incidence est craniopodale, le tube
radiogène étant situé à la verticale des genoux.
Le cliché à 30° de flexion quadriceps décontractés avec rotation externe
du squelette jambier a été préconisé par Miremad puis Maldague.
La rotation externe du squelette jambier augmente le valgus de
l’appareil extenseur et fait mieux apparaître certaines subluxations
externes intermittentes.
La position du patient est identique à celle du
cliché pris à 30° de flexion quadriceps décontractés.
La main du
radiologue protégée par un gant de plomb empaume la cheville et
imprime une rotation externe du squelette jambier tandis que le genou
du patient est maintenu en place.
En prenant chaque côté séparément, on
peut placer le tube sur le côté interne du pied, diminuant ainsi la flexion
du genou qui peut être ramenée à 20° ou 25°.
Le cliché pris à 30° de flexion quadriceps décontractés en rotation
interne du squelette jambier est rarement réalisé et difficile à interpréter.
Il a été proposé pour apprécier le recentrage éventuel d’une rotule subluxée en diminuant le valgus physiologique de l’appareil extenseur.
L’absence de recentrage en rotation interne traduirait une rétraction de
l’aileron rotulien externe.
La mesure de la distance tubérosité tibiale antérieure-gorge de la
trochlée (TAGT), mise au point par Bernageau et Goutallier, n’est
actuellement plus réalisée sur les clichés standards, mais au scanner.
Autres incidences
:
Elles viennent compléter éventuellement les incidences de base en
fonction du contexte clinique ou des renseignements fournis par les
clichés précédents.
S’agissant d’incidences essentiellement osseuses et
morphologiques, elles sont réalisées en position couchée.
Les incidences de trois quarts (ou obliques) dissocient l’image des deux
condyles fémoraux, et se révèlent très utiles pour déceler une lésion de
l’os sous-chondral des condyles ou pour localiser des corps étrangers
articulaires.
L’expérience montre que les trois quarts sont plus riches
d’informations s’ils sont réalisés à plus de 45°, c’est-à-dire s’ils se
rapprochent plus du profil que de la face.
L’oblique en rotation interne
de 45° dégage l’interligne péronéotibial supérieur.
Les incidences d’échancrure intercondylienne explorent parfaitement la
face postéro-inférieure des condyles (siège des ostéonécroses), leur face
médiane profonde (siège des ostéochondrites) et l’espace intercondylien.
Actuellement, sur la table télécommandée, l’incidence postéroantérieure est la plus couramment employée.
Le patient est à
genoux, le genou radiographié fléchi de 30 à 60° (le degré de flexion
déterminant la zone des condyles explorée).
La stabilité est assurée par
des coussins glissés sous le ventre ou par la flexion maximale de l’autre
genou replié sous le tronc (position de départ de course).
Le rayon
directeur est centré sur l’interligne, très légèrement incliné vers la tête
pour rester tangent aux plateaux tibiaux.
Les avantages de cette
technique par rapport à celle préconisée initialement sur film courbe sont
nombreux : emploi d’une cassette normale au potter ; possibilité
d’enfiler l’interligne fémorotibial sous scopie télévisée ; absence de
déformation de l’interligne et du tibia.
Les inconvénients sont
représentés par la position instable, peu confortable, voire impossible à
obtenir chez certains patients, et par la déformation du fémur.
On
remarquera que l’incidence en « Schuss » correspond à une incidence
d’échancrure « en charge ».
Les incidences dégageant la rotule (en dehors des incidences axiales)
sont devenues désuètes depuis le scanner.
Il en est de même des
tomographies avantageusement remplacées par le scanner ou l’imagerie
par résonance magnétique.
Clichés dynamiques en position forcée
:
Ils servent essentiellement à mettre en évidence une lésion ligamentaire
ou capsuloligamentaire et sont toujours réalisés de façon bilatérale et
comparative en raison des phénomènes de laxité constitutionnelle
variable.
On ne retient que les résultats franchement positifs.
A - Clichés de face en varus et en valgus forcés
:
Le patient est en décubitus dorsal, les membres inférieurs en légère
flexion (10° environ), les cuisses sont maintenues en place par un butoir
ou une sangle.
La jambe est mise successivement en valgus puis en varus
par le radiologue, le genou restant parfaitement de face (point très
important).
Le rayon directeur vertical est centré sur le milieu de
l’interligne, diaphragme et cône localisateur diminuant l’irradiation.
Les clichés de face en varus et valgus forcés objectivent un bâillement
anormal de l’interligne du côté de la lésion ligamentaire traumatique ou
dégénérative.
En extension, la stabilité du genou est assurée par les ligaments latéraux
et la capsule postérieure.
Sur un genou en extension, un bâillement de
l’interligne interne en valgus forcé nécessite une lésion ligamentaire et
capsulaire.
En légère flexion, la capsule postérieure est relâchée, et seul le ligament
latéral interne assure la stabilité.
Un valgus forcé apparaissant
simplement en flexion traduit une lésion isolée du ligament latéral
interne.
B - Clichés de profil avec recherche de tiroir antérieur
ou postérieur :
La recherche d’une lésion du ligament croisé antérieur par tiroir
antérieur est la plus fréquente.
Le tiroir antérieur se recherche sur le
genou fléchi à 20 ou 30° de flexion (équivalent du test clinique de Lachman) de façon à diminuer la tension des muscles ischiojambiers qui
se manifeste pour une flexion plus marquée.
En pratique, plusieurs techniques sont possibles.
– Le patient est en décubitus latéral, le genou est en profil externe.
La
main gantée, on effectue sur le tibia un mouvement de tiroir antérieur.
Il
est malheureusement difficile d’obtenir un relâchement complet de la
part du patient et une traction avec force constante et répétitive.
– Certains auteurs préfèrent enregistrer le déplacement fémorotibial en décubitus dorsal.
Le genou est fléchi à 20°.
La jambe est
soulevée sur un support.
La cuisse est attirée vers le bas par un poids de
3 ou 4 kg.
D’autres ont proposé le cliché debout en charge et en légère
flexion.
– La technique la plus fiable semble être celle qui est réalisée grâce à
l’« appareil à clichés tenus » de la firme allemande Telos.
Elle doit
cependant respecter des critères très stricts sur le positionnement du
patient, la force de poussée tibiale et la mesure radiologique du
déplacement.
– Les mouvements de tiroir effectués avec une rotation externe ou
interne du squelette jambier font intervenir les éléments postérieurs
(capsule et coques condyliennes) mais sont plus difficiles à interpréter.
– La recherche d’un tiroir postérieur est plus rare et se fait à 90° de
flexion.
Gonométrie
:
La mesure de la déviation angulaire fémorotibiale dans le plan frontal
nécessite la prise sur un même cliché de la totalité du membre inférieur,
hanches et chevilles incluses.
A - Technique
:
L’examen est le plus souvent réalisé debout en appui bipodal.
L’appui monopodal est parfois souhaité par certains chirurgiens pour intégrer la
déviation angulaire induite par la laxité ligamentaire latérale.
D’autres
préfèrent au contraire une gonométrie en position couchée pour
présenter l’interligne dans les conditions de l’intervention, et supprimer
la composante articulaire ligamentaire de la déviation angulaire.
Cette
notion est intéressante avant mise en place d’une prothèse.
Positionner les genoux strictement de face n’est pas toujours facile mais
est capital car une rotation des genoux fausse complètement la mesure, surtout s’il existe un flessum ou un recurvatum. Les critères d’un genou
de face et les moyens pour l’obtenir ont été envisagés précédemment.
Cet examen requiert un matériel particulier : grande cassette de 30 x
120 cm, avec écrans dégressifs incorporés et tube à rayonsXplacé à une
distance de 2,5 ou 3 m du sujet.
Le centrage se fait sur l’interligne fémorotibial.
Il est habituellement possible de radiographier les deux membres
inférieurs en même temps.
L’étude séparée des deux genoux peut
s’imposer en cas de genu varum trop important ou de déformation telle
qu’il n’est pas possible de positionner les deux genoux de face en même
temps.
B - Méthode de mesure
:
La mesure repose sur la détermination des axes mécaniques
radiologiques des membres inférieurs décrits par Duparc et Massare.
L’axe mécanique du fémur relie le centre de la tête fémorale (facile à
déterminer si la tête n’est pas trop déformée) au centre théorique du
genou (assimilé à la projection sur la ligne bicondylienne du milieu du
segment joignant les deux épines tibiales).
L’axe mécanique du tibia relie le centre du genou au centre de la cheville
(milieu du segment intermalléolaire tangent au dôme astragalien).
C - Résultats
:
– Le tracé des axes permet de calculer l’angle de déviation angulaire
globale.
– Lorsque les deux axes sont à peu près alignés, l’axe du membre
inférieur reliant la tête fémorale à la cheville passe par le centre du
genou.
– Lorsque l’angle est ouvert en dehors, l’axe mécanique du membre
inférieur passe en dehors du centre du genou : il s’agit d’un genu
valgum.
– Lorsque l’angle est ouvert en dedans, l’axe mécanique du membre
inférieur passe en dedans du centre du genou : il s’agit d’un genu varum.
– Pour certains, il existe un très discret valgus physiologique de 2 ou
3°.
Mais pour la plupart des auteurs, les axes mécaniques sont
alignés.