Le diagnostic d’une tumeur osseuse chez l’enfant repose sur la
confrontation de la clinique avec la radiologie, et sur la biopsie
quand celle-ci est nécessaire.
La radiologie conventionnelle reste fondamentale.
Elle doit
être considérée comme l’équivalent de l’examen macroscopique de
la tumeur.
C’est un élément plus sûr pour le diagnostic que la
structure incertaine et variable d’un petit fragment de tissu.
L’histologie isolée de son contexte est pour Ragsdale,
anatomopathologiste, une devinette et doit être proscrite.
La radiographie de la tumeur et de l’os long porteur permet :
– de différencier une tumeur de l’os ou des parties molles ;
– de déterminer le siège sur l’os (épiphyse, métaphyse, diaphyse) et
en profondeur (os spongieux, corticale, surface) ;
– de préciser les caractéristiques de croissance (bords et réactions périostées) et la présence ou non d’une matrice tumorale calcifiée.
Pour une analyse sémiologique plus fine, elle peut être complétée
par une tomodensitométrie (TDM).
Les images tumorales obtenues
sont alors plus nettes et détaillées, la localisation sur le plan
transverse est plus précise et, quand il y a des superpositions
osseuses comme au bassin, au rachis et au massif craniofacial, elle
devient irremplaçable.
L’imagerie par résonance magnétique (IRM) est capitale pour le
bilan de l’extension au reste de l’os et aux tissus mous.
La scintigraphie au technétium permet de trouver rapidement
d’autres localisations osseuses, mais elle n’est pas spécifique.
Comme l’ostéolyse va toujours de pair avec une certaine quantité
de formation d’os, même des lésions qui apparaissent uniquement
ostéolytiques sont le siège d’une hyperfixation osseuse.
Étude clinique
:
Elle est comme toujours fondamentale, localement et sur le plan
général, mais une question est particulièrement importante : la
tumeur est-elle douloureuse ?
En effet, chez l’enfant, beaucoup de
lésions bénignes sont découvertes fortuitement (fibromes non ossifiants, tumeurs cartilagineuses) et la douleur doit très vite faire
réfuter certains diagnostics ou rechercher une complication.
Il
nous semble inconcevable de donner un compte rendu de tumeur
osseuse, aussi bénigne soit-elle, sans savoir si cette tumeur est ou
non indolore.
Une autre information clinique importante est l’ancienneté des
troubles et il faut toujours s’enquérir d’éventuelles radiographies
antérieures sur le même segment.
En effet, une progression lente est
en faveur d’une tumeur bénigne.
Étude analytique de la tumeur osseuse
sur les radiographies
:
Nous envisageons une tumeur unique sur un os long.
C’est le cas le
plus fréquent chez l’enfant. Toutefois, l’analyse est valable pour les
os courts et les os plats.
A - POTENTIEL ÉVOLUTIF
:
Certains repères ont une valeur indicative mais non absolue.
Une lésion localisée a plus de risques d’être tumorale et une lésion
étendue d’être infectieuse ou dysplasique.
Une lésion localisée de
moins de 6 cm a plus de chances d’être bénigne.
L’agressivité de la tumeur se juge sur l’aspect des bords et la
réaction corticopériostée.
La matrice tumorale donne une idée du tissu tumoral.
La matrice
est une substance intercellulaire produite par des cellules
mésenchymateuses et qui contient des éléments ostéoïdes,
chondroïdes, myxoïdes et des fibres collagènes.
Elle n’est visible
sur une radiographie que si elle est minéralisée.
Les tumeurs
peuvent produire une matrice ostéoïde, chondroïde, fibreuse
(collagène), myxolipoïde ou un mélange des précédentes.
B - ANALYSE MORPHOLOGIQUE
:
1- Modifications de la structure de l’os
:
* Ostéolyse
:
Les bords de la lésion sont la résultante de processus d’ostéolyse et
de reconstruction, et sont le reflet du degré de l’agressivité de la
tumeur.
La radiographie montre un os qui lutte pour se protéger de
la maladie envahissante.
Face à la tumeur, l’endosteum,
normalement quiescent, est remplacé par des ostéoclastes et des
ostéoblastes.
Ceux-ci produisent des modifications lytiques et blastiques qui aboutissent à des interfaces ou bords.
Les ostéoclastes
normaux de l’hôte détruisent l’os en réponse à la pression de la
tumeur.
La destruction osseuse ne résulte pas directement de la
présence de cellules tumorales comme l’expression habituelle de
« destruction tumorale » peut le laisser croire.
Les ostéoclastes,
avec l’aide de l’hyperhémie veineuse, peuvent détruire l’os
beaucoup plus vite que les ostéoblastes ne peuvent en produire.
La
quantité d’os perdu et la quantité d’os adjacent persistant au contact
expliquent que l’ostéolyse apparaisse nettement ou non. Les
tumeurs occupant de l’espace se voient plus nettement à la partie
distale des os longs, là où une plus grande quantité d’os spongieux
permet un meilleur contraste.
L’aspect festonné de la surface endostéale avec élargissement fusiforme de la médullaire peut être
le seul signe d’une tumeur dans cette zone.
De la même façon,
l’extension diaphysaire d’une lésion métaphysaire peut ne pas être
perceptible sur une radiographie et l’IRM est ici d’un grand intérêt.
La grande quantité d’os spongieux par rapport à l’os cortical
explique qu’il soit détruit plus vite, mais il faut que 30 à 50 %
soient éliminés pour que l’ostéolyse soit visible sur la radiographie.
La destruction de la corticale prend plus de temps, mais est plus
évidente car l’ostéolyse localisée se voit mieux.
+ Bords
:
Les bords reflètent le rythme du processus pathologique.
On peut
distinguer trois aspects radiologiques principaux.
– Type I : aspects en carte de géographie
Une zone localisée d’altération de l’os spongieux donne une lésion
bien limitée.
La destruction est géographique en ce sens que les
détails des limites sont comme ce que l’on verrait sur une carte.
Les bords dits en carte de géographie peuvent être incurvés, lobulés ou
irréguliers.
Il existe trois sous-types correspondant à une rapidité de croissance
accrue.
La lésion est d’autant plus évolutive qu’elle est mal limitée.
Type IA : il existe un liseré dense autour des bords. Plus il est épais,
moins la tumeur est évolutive.
L’évolution a été suffisamment lente
pour permettre la formation d’un os réactionnel.
Cela se voit dans
les fibromes non ossifiants, l’enchondrome, la dysplasie fibreuse, le
fibrome chondromyxoïde, le chondroblastome.
Type IB : les bords sont nets, à l’emporte-pièce, parce que la zone de
transition est réduite.
L’os sain de voisinage n’a pas pu créer de
réaction ostéoblastique de voisinage et il n’y a pas de condensation
marginale.
Les bords correspondent aux limites du tissu lésionnel.
L’exemple type est la tumeur à cellules géantes, mais cet aspect se
voit dans les enchondromes à croissance rapide, les
chondroblastomes, les fibromes chondromyxoïdes.
Il s’agit de
lésions qui repoussent mais qui n’infiltrent pas.
L’aspect festonné et
la saucérisation corticale sans compensation endostéale sont
l’équivalent pour l’os compact.
Type I C : les bords ne sont pas nets et le processus est infiltratif,
dépassant les possibilités de réaction ostéoblastique.
Le tissu
lésionnel s’étend dans le tissu osseux spongieux entre les travées,
entraînant une destruction osseuse sur une zone étendue.
L’activité
tumorale est plus importante.
C’est le cas du granulome éosinophile,
des lésions malignes.
– Type II : aspect mité
Il se traduit par de nombreuses petites lacunes rondes ou à bords
irréguliers, parfois confluentes, en plages à limites floues
comparables à un vêtement mangé par les mites.
De multiples foyers
d’ostéoclastes dans la moelle du tissu spongieux ou l’endostéum
sont remplis de tissu lésionnel et confluent.
Le cortex est perforé,
avec envahissement des tissus mous.
On voit cet aspect en cas de
sarcome osseux, de lymphome et aussi de granulome éosinophile.
– Type III : destruction perméative ou ponctuée
L’os compact est le siège d’une tunnellisation ostéoclastique, avec
pour résultante de multiples fines traînées qui confluent et
deviennent des clartés ovales avec raréfaction corticale sur une
grande étendue.
Cet aspect se voit dans les sarcomes à cellules
rondes, les fibrosarcomes agressifs.
+ Associations
:
Les types II et III peuvent être associés car ils concernent des lésions
agressives.
Leur différenciation a peu d’intérêt pratique.
En
revanche, la distinction entre les types I et les types II et III a une
grande importance.
Le type IA n’est pas associé aux autres types,
car il s’agit de lésions lentement évolutives donc bénignes.
L’association éventuelle des types doit évoquer une modification de
la biologie tumorale comme la transformation maligne d’une lésion
bénigne.
La biopsie doit alors porter sur la zone suspecte.
En cas de transformation maligne, tous les signes de la lésion
bénigne préexistante peuvent disparaître.
L’analyse des films
antérieurs est essentielle.
Parfois, les bords de la tumeur sont invisibles.
C’est le cas de
tumeurs de croissance extrêmement rapide qui traversent le tissu
osseux spongieux et le cortex sans guère de modifications
radiologiques car les vaisseaux nécessaires à la production des altérations osseuses sont obstrués.
L’os enfermé dans du tissu
nécrotique a tendance à rester en l’état, avec son architecture
normale.
* Condensation osseuse
:
Elle peut s’expliquer de trois façons :
– ce peut être une réaction ostéoblastique de l’hôte en réponse à
l’agression tumorale comme dans l’ostéome ostéoïde ou les
ostéolyses de type IA ;
– ce peut être une matrice tumorale ossifiante comme dans les
tumeurs ostéogéniques bénignes ou malignes ;
– enfin, il peut s’agir d’un séquestre (ostéomyélite).
Les plages de condensation osseuse et d’ostéolyse peuvent être
associées, comme dans les sarcomes osseux ou les ostéomyélites
évoluées.
2- Réactions corticopériostées
:
L’interface entre le périoste et la corticale est le siège de formation et
de résorption osseuse.
La réaction périostée secondaire à une
agression apparaît quand se produit la minéralisation périostée, au
bout de 15 jours à 3 mois chez l’enfant.
En cas d’ostéomyélite, elle
manque généralement sur les radiographies initiales.
On les voit au
mieux en TDM. L’IRM n’est pas performante pour l’analyse de la
corticale (car celle-ci ne contient pas de protons) et se traduit par un
hyposignal.
L’ossification sous-périostée n’est pas non plus visible.
* Réaction périostée continue
:
+ Réaction périostée avec conservation de la corticale
:
C’est une ostéogenèse sous-périostée sur le versant externe d’une
corticale continue.
Il y a respect de la corticale et la réaction périostée
se développe à sa périphérie.
– Réaction périostée homogène pleine
La corticale est épaissie par incorporation sur son versant externe
d’une couche d’os compact néoformé.
C’est le cas de lésion
bénigne lentement évolutive.
Elle peut être régulière et homogène,
ou irrégulière et ondulée.
– Réaction périostée unilamellaire
Elle se traduit par la présence d’une seule couche d’os néoformé
séparée de la corticale externe par un fin liseré mais reliée à la
corticale à ses deux extrémités.
On la voit au tout début de
l’ostéosarcome, du sarcome d’Ewing, de la leucémie, mais on peut
aussi la rencontrer dans l’ostéomyélite au début et au cours des
fractures de fatigue.
– Réaction périostée plurilamellaire
C’est l’aspect en bulbe d’oignon.
On observe plusieurs lamelles
osseuses parallèles, séparées les unes des autres et de la corticale
externe par des liserés clairs et qui fusionnent entre elles aux deux
zones de raccordement avec la corticale.
Les lamelles osseuses
visibles sont des bandes d’ostéogenèse sous-périostées successives
qui n’ont pas eu le temps d’être assimilées par l’os.
On voit cet
aspect dans le sarcome d’Ewing mais aussi dans le granulome
éosinophile, les infections et les cals osseux en formation.
– Spiculation sous-périostée
Quand le périoste est décollé de la corticale par un processus
agressif venant de la médullaire à travers l’os cortical, il entraîne
des lames conjonctives autour desquelles l’ostéogenèse va se faire,
formant de fins spicules ossifiés perpendiculaires à la corticale.
Le périoste n’est pas visible car de densité aqueuse et confondu
avec les tissus mous.
Ce que l’on voit, c’est la couche d’os calcifié à
sa face profonde sous forme d’une fine ligne calcifiée couvrant les
spicules.
S’il n’est pas visible, il correspond à une ligne virtuelle
joignant le sommet des spicules.
La spiculation se voit avant tout
dans les tumeurs malignes primitives.
+ Réaction périostée continue avec destruction de la corticale
:
Le processus tumoral naît dans l’os du tissu spongieux ou la
corticale profonde.
La face endostéale de la corticale est érodée
puis détruite, avec rupture de la corticale.
Le périoste est stimulé
par la croissance tumorale et construit une couche d’os néoformé
sur sa face profonde au contact de la corticale externe.
Si la
corticale est totalement détruite et si la lésion reste limitée en
périphérie par le périoste, il se forme une coque périphérique fine
ou épaisse selon que le processus est rapidement ou lentement
évolutif.
Cette coque ne doit pas être confondue avec une corticale
refoulée et amincie.
Les coques minces se voient dans les processus expansifs bénins
moyennement évolutifs, comme les kystes anévrismaux, les tumeurs
à cellules géantes.
Parfois, elles sont si minces que seul le scanner
peut les identifier.
Les coques épaisses se voient dans les lésions lentement évolutives
bénignes.
Elles sont régulières si la lésion entraîne une pression
uniforme sur la corticale et irrégulières avec aspect lobulé si la
pression exercée est inégale.
Les zones d’érosion avec corticale
amincie sont séparées par des portions plus épaisses qui forment
des crêtes.
C’est le cas des tumeurs lobulées fibreuses ou
cartilagineuses.
Les crêtes traversent l’hypodensité tumorale sous
forme de lignes épaisses arciformes, souvent entrecroisées, donnant
un aspect de trabéculation grossière.
Il ne faut pas le confondre avec
la fine trabéculation des tumeurs avec logettes séparées par des
septa ossifiés.
Citons l’arc-boutant que l’on voit dans les tumeurs cartilagineuses
expansives.
C’est une formation triangulaire d’os compact qui fait
corps avec la corticale aux points de raccordement d’une coque périostée en regard d’une corticale détruite.
* Réaction périostée discontinue
:
Elle se voit dans les lésions agressives de l’os spongieux ou cortical.
C’est une réaction de type plurilamellaire ou une spiculation.
En
général, la corticale est le siège d’une ostéolyse mitée ou perméative.
Si une lésion refoule le périoste, du tissu osseux se dépose sous le
périoste au point de raccordement du périoste sain et du périoste
pathologique.
Cette zone a une forme triangulaire à pointe externe
correspondant au décollement et à base reposant sur le cortex encore
sain.
Si ce triangle est flou, feuilleté, avec un sommet situé en regard
d’une destruction corticale et d’un envahissement des tissus mous,
c’est un éperon de Codman qui signifie qu’il existe une lésion
agressive comme une tumeur maligne, mais ce peut être une
histiocytose ou une ostéomyélite.
Il ne faut pas le confondre avec les
triangles pleins, homogènes, en arc-boutant, en contrefort, que l’on
voit avec une corticale amincie non rompue dans des processus
lentement évolutifs comme le kyste anévrismal ou le fibrome chondromyxoïde.
L’interruption de la spiculation, qui se traduit par un aspect
désorganisé et irrégulier, se voit dans les tumeurs malignes.
3- Analyse de la matrice tumorale
:
* Généralités
:
Les tumeurs peuvent avoir des matrices minéralisées visibles sur les
radiographies.
Le scanner permet de mieux étudier les calcifications
et la densité de la plage tumorale en plusieurs endroits, avant et
après injection.
L’IRM permet de préciser l’architecture de la tumeur.
Les tumeurs productrices de matrice sont nommées d’après la
matrice d’origine : ostéosarcome, chondrome, fibrome. Certaines
tumeurs ont plusieurs matrices.
Les tumeurs qui ne produisent pas
de matrice sont étiquetées en fonction du type cellulaire
(ostéoclastome), de l’aspect macroscopique (kyste) ou par un
éponyme (sarcome d’Ewing).
L’hétérogénicité et les degrés variables
de maturation dans les tumeurs osseuses primitives contribuent aux
difficultés d’interprétation.
Les controverses sur une bonne
classification sont alimentées par l’existence de matrices inclassables,
où la proportion anormale du collagène par rapport aux mucopolysaccharides rend aléatoire la distinction entre tissu
ostéoïde, chondroïde et fibreux. Pour être radiologiquement visible,
une matrice doit se minéraliser.
Dans le cadre des tumeurs osseuses,
c’est souvent le cas des matrices cartilagineuses, osseuses et myxoïdes, ainsi que des zones desmoplastiques. Beaucoup de
tumeurs ne produisent aucune matrice minéralisable.
Une
complexité supplémentaire provient du fait que les tumeurs
malignes perdent souvent leur capacité à produire de la matrice
quand elles envahissent les parties molles et quand elles
métastasent.
La production de tissu ostéoïde se fait à partir d’un tissu conjonctif
préexistant, qu’il s’agisse de collagène (ossification
intramembraneuse), de cartilage (os enchondral) ou d’os (apposition
d’os lamellaire).
La formation d’os visible radiologiquement dans une tumeur peut
se produire selon plusieurs mécanismes :
– l’action des ostéoblastes néoplasiques (ostéoblastome et
ostéosarcome) ;
– la transformation cellulaire (dysplasie fibreuse) ;
– le traumatisme cellulaire (formation d’os dans les lipomes ossifiants) ;
– le remplacement du cartilage (ossification enchondrale dans les enchondromes).
* Différentes matrices
:
+ Matrices ossifiantes
:
Ce sont des plages denses, homogènes, à bords plus ou moins nets,
uniques ou multiples.
Par ordre d’intensité croissante, on peut voir :
– des aspects en verre dépoli, par exemple dans la dysplasie fibreuse
et l’ostéoblastome ; ce sont des opacités bien limitées dont la densité
au scanner est supérieure à celle de l’os trabéculaire et inférieure à
celle de la corticale ; en IRM, il y a toujours un hyposignal ;
– des plages de forte densité, disséminées (ostéosarcome) ou
localisées (ostéoblastomes) ;
– des zones de très forte condensation de densité égale à l’os
compact, avec un hyposignal en IRM, que l’on voit dans l’îlot osseux
condensant bénin, l’ostéome, l’ostéoblastome.
Des calcifications peuvent se voir et elles posent des problèmes de
diagnostic très difficiles avec les calcifications des matrices
cartilagineuses.
+ Matrices cartilagineuses
:
Les calcifications associées à l’architecture lobulée sont évocatrices.
Les calcifications sont ponctuées, de type granuleux, puis croissent
avec un aspect floconneux.
Ailleurs, elles sont arciformes et
annulaires, et relativement spécifiques.
Les érosions de la corticale interne font suspecter la structure
lobulaire, mieux visible en IRM.
En effet, il y a de nombreux lobules
juxtaposés, séparés par de fins septa en hyposignal.
Les lobules ont
un signal faible, hypo- ou iso-intense en T1 et un hypersignal franc
qui augmente en fonction du temps d’écho en T2.
L’association de ces deux types d’anomalies est évocatrice, mais ne
donne pas d’indication sur le potentiel évolutif.
De surcroît, les
calcifications manquent dans environ la moitié des cas, et les lobules
seuls ne sont pas spécifiques et peuvent se voir dans les tumeurs
fibreuses.
+ Autres matrices
:
– Matrices kystiques
L’hypodensité visible sur la radiographie s’avère de nature hydrique
au scanner.
La présence du « fragment tombé intrakystique » a une
bonne valeur quand il existe.
En IRM, l’hyposignal en T1 et
l’hypersignal en T2 sont caractéristiques.
– Matrices graisseuses
Au scanner, l’hypodensité majeure est typique ; en IRM, c’est un hypersignal franc en T1, qui décroît progressivement en fonction du
temps d’écho sur les séquences en T2.
– Matrices tissulaires
Au scanner, la densité est de 20 à 60 UH et, en IRM, il y a un
hyposignal en T1 et un hypersignal en T2 mais non spécifique.
– Matrices hétérogènes
Elles résultent d’hémorragie intratumorale, ou de nécrose, ou
d’architectures en logettes : certaines tumeurs sont multiloculaires
avec un cloisonnement par des septa.
On y trouve parfois des
images de niveaux liquide-liquide qui sont des niveaux
hématohématiques avec sédimentation des hématies et sérum
surnageant.
On les identifie en TDM et en IRM, surtout dans les
kystes anévrismaux.
4- Extension tumorale
:
Il faut la rechercher dans toutes les tumeurs malignes et dans
certaines tumeurs bénignes agressives.
Elle est locorégionale et
générale.
* Extension locorégionale
:
Elle se fait selon les voies de moindre résistance.
Le canal médullaire se laisse facilement envahir.
De petites
métastases médullaires (skip métastases) peuvent apparaître en
amont de la limite proximale de l’envahissement médullaire.
Le
cartilage de conjugaison est franchi plus souvent qu’on ne le croie,
comme le montre l’IRM et d’autant plus que l’on se rapproche de
l’épiphysiodèse, là où les anastomoses vasculaires se créent entre les
systèmes épiphysaire et métaphysaire.
Le cartilage articulaire est une barrière.
L’envahissement se fait par
voie capsuloligamentaire et s’accompagne d’un épanchement intraarticulaire.
La corticale est une barrière peu efficace qui peut être
rompue ou infiltrée.
Le périoste est une barrière plus efficace pour
les tumeurs malignes, mais uniquement de bas grade.
* Extension aux tissus mous
:
Elle se fait soit par refoulement, soit par infiltration.
L’IRM est
l’examen clé pour ce bilan.
L’extension aux tissus mous se voit sur les coupes en T1 après
injection et sur les coupes en T2.
On constate un hypersignal qui
s’accroît sur les échos plus tardifs et un signal plus intense après
injection.
La difficulté provient de l’oedème inflammatoire péritumoral qui a tendance à se confondre avec la tumeur et à
surestimer l’extension.
* Extension endocanalaire
:
Elle s’explore sur une coupe coronale ou sagittale de l’os malade
dans son ensemble, en antenne corps, en séquences en écho de spin
pondérées en T1.
La médullaire osseuse est normalement en hypersignal T1 puisqu’elle est graisseuse.
L’infiltration tissulaire se traduit par une disparition de cet hypersignal normal.
La diffusion
de l’hyposignal tissulaire permet de préciser l’extension de la
tumeur à ses extrémités supérieures et inférieures. Les skip
métastases sont bien vues en hyposignal au sein de l’hypersignal
graisseux au-dessus de la tumeur.
* Extension générale
:
Il faut rechercher avant tout des métastases pulmonaires grâce à la
radiographie pulmonaire et au scanner thoracique.
Les localisations aux autres os se recherchent par scintigraphie, mais
l’hyperfixation n’est pas spécifique.
Biopsie
:
C’est un acte chirurgical important qui doit être réussi du premier
coup et qui doit être représentatif de la lésion.
Elle s’impose dès
qu’il y a un doute sur le diagnostic.
Il est naturellement essentiel que celle-ci soit faite dans une zone
pathologique. Les régions les plus expressives pour le diagnostic par
l’histologiste sont celles où la minéralisation est anormale.
En
revanche, ce sont les zones lytiques qui sont les plus utiles pour
établir un pronostic.
Les échecs de la biopsie sont de plusieurs ordres.
Il peut s’agir d’un
prélèvement de trop petite taille ou insuffisamment représentatif, ou
d’un tissu complètement nécrosé.
On peut n’avoir que des débris
d’une cavité, ou bien les images ont été modifiées par une
hémorragie ou un traitement antérieur. Une biopsie trop superficielle
peut n’intéresser que la périphérie de la lésion et montrer une
réaction ostéoïde non spécifique.
Si on suspecte une tumeur maligne, le problème de la voie d’abord
de la biopsie est capital.
On peut se passer de la biopsie dans les lésions découvertes
fortuitement et typiques d’un cortical defect ou d’un fibrome non
ossifiant, d’un kyste osseux essentiel, d’un îlot osseux condensant
de petite taille, d’un ostéochondrome pédiculé des os longs, d’un
ostéome ostéoïde, et en cas de métastase évidente en raison d’une
lésion primitive connue et d’autres localisations préexistantes.
Synthèse
:
Pour établir un diagnostic clinique et radiologique, l’analyse de la
lésion est essentielle.
En général, une tumeur d’un type
cellulaire donné se développe là où les cellules homologues sont ou
étaient les plus actives.
Le siège de la tumeur est aussi important à prendre en compte.
Sur les os longs, l’épiphyse est épargnée en général et une
lésion lytique doit évoquer un chondroblastome, tumeur rare.
Il faut
écarter la tumeur à cellules géantes, elle-même très rare et à point
de départ métaphysaire chez l’enfant.
La métaphyse, zone de
forte croissance, est un lieu privilégié des tumeurs osseuses chez
l’enfant.
On y trouve l’enchondrome, l’ostéochondrome, le kyste
osseux essentiel (humérus et fémur proximal) avec parfois le signe
du fragment tombé, l’ostéosarcome, heureusement rare.
Sur la
diaphyse, il faut tenir compte du siège sur le plan axial pour les
orientations diagnostiques.
Une lésion corticale doit faire penser à
un cortical defect ou à un fibrome non ossifiant, à un ostéome
ostéoïde, à un fibrome chondromyxoïde qui est rare, de même que
le sarcome à cellules rondes d’Ewing.
Dans la moelle du tissu
spongieux lui-même, il faut penser au granulome éosinophile,
au kyste osseux anévrismal, à la dysplasie fibreuse. Dans les lésions
de surface, il faut faire la différence entre les tumeurs malignes et
celles des tissus mous.
Par ailleurs, les tumeurs sont plus
fréquentes sur les os longs (membres inférieurs et humérus) que sur
le squelette axial.
La notion de fréquence doit rester à l’esprit.
On voit beaucoup
de cortical defects et de fibromes non ossifiants, d’enchondromes et
d’ostéochondromes, de kystes osseux essentiels, puis au
deuxième rang des ostéomes ostéoïdes, des kystes osseux
anévrismaux et des granulomes éosinophiles.
Les autres
tumeurs comme les tumeurs fibreuses sont beaucoup plus rares, y
compris les tumeurs malignes, mais il importe de diagnostiquer tôt
ces dernières.
La notion d’âge intervient aussi.
On peut donner des
fourchettes d’âge en fonction de la fréquence des lésions.
Conclusion
:
Au total, la radiographie de la tumeur osseuse complétée dans certains
cas par la TDM reste l’approche diagnostique essentielle chez l’enfant.
Les résultats de l’analyse sémiologique radiologique de la tumeur
confrontée à la clinique, en particulier l’existence ou non de douleurs et
l’ancienneté des troubles, permet d’établir le diagnostic de bénignité ou
de malignité dans 90 % des cas.
À partir de là, on décide d’une abstention thérapeutique, ou d’une
biopsie osseuse, ou d’une exérèse d’emblée.
D’un point de vue pratique et pour illustrer l’importance de la
confrontation radiohistologique, il faut insister sur trois types
principaux d’erreurs où la radiologie apporte une aide appréciable à
l’histologie.
Cette dernière a été chaque fois corrigée grâce à l’apport de
la radiologie.
Les cas les plus graves sont ceux où l’histologie a répondu d’abord
lésion bénigne alors qu’il s’agissait d’une lésion maligne et,
l’inverse, quand l’histologie a d’abord dit qu’il s’agissait d’une lésion
maligne alors que c’était une lésion bénigne.
Ces cas sont rares mais ils existent.
Les cas les moins graves mais tout de même préoccupants sont ceux où
une lésion maligne ou bénigne à l’histologie s’est
avérée être après confrontation avec la radiologie une lésion d’une autre
nature histologique, tout en restant respectivement maligne ou bénigne.
Les erreurs se voient surtout dans les ostéosarcomes de type chondroblastique et quand il y a une cavité kystique.
Les derniers cas sont ceux où le diagnostic histologique était celui d’une
tumeur bénigne alors qu’il s’agissait en fait d’une ostéite ou
d’une variante de la normale, ou encore ceux où la biopsie
était négative alors qu’il existait une lésion.