L’atteinte du tube digestif au cours du sida occupe le deuxième rang en
fréquence après les atteintes thoraciques et la majorité des sidéens se
plaignent de symptômes digestifs au cours de leur maladie.
Parmi les
critères qui définissent l’état de sida, six concernent la sphère digestive.
Le sida constitue un état d’immunodéficience généralisée qui favorise
le développement d’infections à germes opportunistes ou non
opportunistes, et de certaines affections malignes, maladie de Kaposi
(MK) et lymphomes.
Il est dû à l’infection par l’un des VIH.
Ce virus à
acide ribonucléique (ARN) possède une glycoprotéine de surface qui se
lie au récepteur CD4 de la cellule cible (lymphocyte T auxiliaire, mais
aussi lymphocyte B et monocyte) et permet sa fixation sur la membrane
cellulaire, aboutissant à l’introduction du matériel génétique viral dans
le génome cellulaire.
Au plan immunologique, on observe, au cours
du temps, une diminution du nombre de lymphocytes CD4+, une
augmentation du nombre de lymphocytes T suppresseurs (CD8+) et une
inversion du rapport CD4/CD8.
L’altération progressive des fonctions
lymphocytaires T auxiliaires est associée à une altération des fonctions
des lymphocytes B, des monocytes et des macrophages.
Les atteintes digestives au cours du sida sont souvent multifocales.
Des atteintes infectieuses multiples sont parfois associées et
peuvent coexister avec des atteintes néoplasiques, augmentant les
difficultés diagnostiques. Les symptômes sont variés, mais peu
spécifiques.
L’imagerie revêt plusieurs intérêts : localiser l’atteinte,
préciser sa diffusion, suggérer sa nature en fonction des aspects
radiologiques et des paramètres cliniques, orienter les examens
biologiques et les prélèvements, guider une éventuelle ponction-biopsie.
Primo-infection - Ulcérations liées au VIH -
Infection latente
:
À l’infection par le VIH succède habituellement une période de latence
clinique qui peut se prolonger de nombreuses années avant l’apparition
des premiers symptômes du sida.
Elle est parfois interrompue par un
syndrome grippal ou pseudomononucléosique qui traduit la primoinfection
rétrovirale et comporte souvent nausées, vomissements et
diarrhée.
La guérison spontanée est la règle.
Toutefois, certains patients
se plaignent d’une dysphagie intense ; endoscopie et transit baryté en
double contraste découvrent alors un ulcère géant (> 2 cm) de
l’oesophage, habituellement unique, à limites nettes, entouré de
muqueuse saine.
La présence de particules virales sur les bords
de l’ulcère suggère le rôle du VIH lui-même dans la genèse de l’ulcère,
tous les autres prélèvements étant négatifs.
Des ulcérations semblables
ont également été observées au niveau du côlon lors d’endoscopie.
Les cellules infectées par le VIH seraient à l’origine d’altérations de la
sécrétion des cytokines qui aboutiraient à l’infiltration de la sousmuqueuse
par des cellules inflammatoires, source de destruction
muqueuse et d’ulcération.
Les ulcérations liées au VIH sont
extrêmement sensibles à la corticothérapie qui fait disparaître les
symptômes en moins de 1 semaine dans 90 % des cas.
Après la séroconversion et avant les premiers signes de sida, l’examen
clinique et l’imagerie peuvent être strictement normaux.
On note
toutefois, chez de nombreux patients, l’apparition de ganglions intra- et rétropéritonéaux multiples, de petite taille (< 1 cm), dont seul le nombre
est pathologique.
Ces ganglions sont le siège d’une hyperplasie
réactionnelle liée au VIH lui-même.
Aucune ponction ganglionnaire
n’est justifiée tant que le diamètre minimal des ganglions reste inférieur
à 2 cm.
Infections opportunistes
:
A - Infections virales
:
Leur fréquence est en diminution constante depuis l’adjonction précoce
des bi- ou trithérapies au traitement antirétroviral.
En effet, ces nouvelles
stratégies thérapeutiques permettent un contrôle de la réplication duVIH
dans plus de 70 % des cas et une restauration des fonctions
immunitaires.
1- Cytomégalovirus (CMV)
:
Le CMV est l’agent pathogène le plus fréquemment retrouvé au cours
du sida.
Il fait partie de la famille des herpès virus et possède une double
hélice d’acide désoxyribonucléique (ADN).
Le CMV serait à l’origine
de 13 % des affections digestives au cours du sida, les segments le plus
fréquemment atteints étant, par ordre de fréquence décroissante, le
côlon, le grêle, l’oesophage et enfin l’estomac.
L’infection
à CMV est le plus souvent observée lorsque le taux de lymphocytes
CD4+ est inférieur à 50/mm3 ; il s’agit probablement de la réactivation
de virus ayant précédemment infecté le patient.
Le CMV infecte
principalement les cellules conjonctives et endothéliales, beaucoup plus
rarement les cellules de l’épithélium digestif.
Il induit une vascularite
locale, source de thrombose vasculaire et d’ischémie pouvant entraîner
ulcération et/ou nécrose pariétale avec perforation digestive.
Le
diagnostic de certitude repose sur la mise en évidence d’inclusions
virales intranucléaires et cytoplasmiques au niveau des cellules
endothéliales ou épithéliales prélevées par biopsie endoscopique.
Les aspects radiologiques sont multiples, fonction de la sévérité du
processus inflammatoire et de la vascularite, de l’importance de
l’oedème et du processus de fibrose cicatricielle.
L’aspect le plus
évocateur est celui d’ulcère superficiel, unique ou multiple, entouré d’un
halo clair d’oedème, la muqueuse avoisinante ayant un aspect normal.
Lorsque l’ulcère a une grande taille (> 2 cm), intéresse le bas oesophage
et apparaît unique, il est impossible de le différencier de l’ulcère géant
lié au VIH ; le diagnostic repose alors sur les prélèvements.
Au niveau du grêle, le CMV peut entraîner une sténose avec
épaississement pariétal et plis irréguliers.
Cette sténose peut s’ulcérer
ou se compliquer de perforation, voire d’invagination, ou de
pseudotumeur inflammatoire.
Cette dernière entité est difficile
à distinguer d’un sarcome de Kaposi ou d’un lymphome.
L’importance
de l’infiltration mésentérique et une éventuelle colite associée plaident
alors pour le diagnostic d’infection à CMV.
La gastrite à CMV succède souvent à une oesophagite à CMV et atteint
préférentiellement la jonction oesogastrique et la région antrale.
Elle
se caractérise par un épaississement nodulaire de la paroi avec rigidité
pariétale et parfois sténose antrale sur le transit baryté
oesogastroduodénal (TOGD).
Cependant, l’infection à CMV peut ne
concerner que l’estomac.
La colite à CMV provoque des ulcérations muqueuses entourées
d’oedème et un épaississement pariétal observés sur les explorations
barytées et en TDM.
Elle atteint préférentiellement le côlon droit, mais
les pancolites sont fréquentes.
Elle peut se compliquer
d’hémorragie de la paroi colique (avec aspect nodulaire hyperdense en TDM), de pneumatose pariétale et de mégacôlon toxique avec
perforation.
Le pronostic vital est alors mis en jeu. L’association à
d’autres atteintes liées au CMV (hépatite, cholangite, rétinite) n’est pas
rare.
2- Herpès
:
Les virus herpès simplex (VHS) de types 1 et 2 peuvent atteindre le tube
digestif au cours du sida, le type 2 étant plus fréquent chez les
homosexuels.
L’infection se fait par inoculation directe par contact
muqueux. Endémique, le virus reste longtemps latent au niveau des
ganglions nerveux.
Chez le sidéen et lors d’immunodépression, on
observe une réplication virale et les virions migrent le long des gaines
nerveuses efférentes, vers la peau et les muqueuses où les lésions
apparaissent.
Les sites lésionnels les plus fréquents sont les extrémités du
tube digestif : oropharynx et oesophage d’une part, rectum et anus d’autre
part.
Les atteintes oropharyngées ou périnéales associées sont la règle. Les
aspects radiologiques observés au niveau de l’oesophage consistent en de
multiples petites ulcérations punctiformes, séparées par des zones de
muqueuse saine.
À un stade plus avancé, les ulcères peuvent confluer et
être difficiles à distinguer de l’oesophagite sévère à Candida, avec
irrégularités pariétales et aspect en « timbre-poste ».
L’analyse
histologique des bords lésionnels montre la présence de cellules géantes multinucléées et d’inclusions virales intranucléaires.
Au niveau du
rectum et de l’anus, l’atteinte herpétique entraîne une hyperplasie
nodulaire lymphoïde et de multiples ulcérations punctiformes.
B - Mycoses
:
1- Candidose
:
Candida albicans est un germe commensal du tractus digestif.
La
candidose oesophagienne est observée chez 15 %environ des sidéens et
est fréquemment, mais pas obligatoirement, associée à une candidose oropharyngée.
L’apparition d’une candidose oesophagienne est
considérée, chez les patients porteurs du VIH, comme une forme de
passage à l’état de sida déclaré.
La candidose est la cause la plus
fréquente d’oesophagite chez le sidéen et entraîne habituellement une
dysphagie ou une odynophagie sévères, parfois associées à des douleurs
thoraciques.
La candidose se caractérise par la formation de plaques
blanchâtres, souvent orientées longitudinalement, composées d’un
exsudat contenant des Candida, visibles à la surface de la muqueuse
oesophagienne qui apparaît érythémateuse et ulcérée dans 18 %des cas.
L’aspect endoscopique est évocateur dans plus de 97 % des cas, le
diagnostic de certitude reposant sur la mise en culture des prélèvements
sur milieu de Sabouraud.
Toutefois, certaines équipes instituent un
traitement spécifique sans confirmation dès lors que la symptomatologie
clinique est typique.
Le transit oesophagien en double contraste est plus
sensible que la technique en simple contraste pour détecter les lésions
débutantes : images de soustraction de petite taille, orientées
longitudinalement, traduction des plaques mycotiques.
À un stade plus évolué sont observés, de manière non spécifique,
un épaississement pariétal et des troubles péristaltiques, puis des
irrégularités diffuses des bords oesophagiens, des ulcérations et un aspect
pavimenteux du mucogramme.
Les autres localisations de candidose sont exceptionnelles. Un cas
d’atteinte iléale a été observé sur un transit baryté, caractérisé par un épaississement pariétal et une dilatation.
Un autre cas de nécrose de
l’iléon et du côlon ascendant a été rapporté en TDM avec pneumatose et
aéroportie.
La candidose systémique met en jeu le pronostic vital,
avec possible dissémination hématogène et microabcès hypodenses en
TDM, pouvant atteindre le foie, la rate, les reins.
La relative préservation
de la fonction des polynucléaires neutrophiles au cours du sida met
longtemps les patients à l’abri de la candidose systémique.
2- Histoplasmose
:
L’histoplasmose au cours du sida est observée dans les zones d’endémie
(États-Unis, Antilles).
Il s’agit de la réactivation d’une infection latente.
L’atteinte du tube digestif est observée dans 10 % des cas d’histoplasmose
disséminée et est beaucoup plus rare que l’histoplasmose
pulmonaire.
Le côlon est la localisation digestive la plus fréquente,
suivi par l’intestin grêle.
Les explorations barytées montrent une sténose
irrégulière.
La présence d’adénopathies mésentériques hypodenses a
été rapportée.
Le diagnostic de certitude repose sur la mise en culture
et des colorations spécifiques des prélèvements biopsiques.
C - Protozoonoses
:
Leur fréquence a beaucoup diminué depuis l’arrivée des trithérapies.
La
guérison de cryptosporidiose et microsporidiose chroniques, 1 à 6 mois
après l’introduction d’une trithérapie antirétrovirale, a été observée dans
plus de 95 % des cas.
1- Cryptosporidiose
:
Les cryptosporidies sont des parasites intracellulaires, hôtes du tube
digestif de nombreux animaux domestiques.
Elles sont à l’origine de
diarrhées sévères chez les immunodéprimés (16 % des diarrhées au
cours du sida).
Bien que l’infection puisse intéresser tous les segments
du tube digestif, la localisation la plus fréquente est l’intestin
grêle et particulièrement l’iléon.
Les cryptosporidies sont alors
retrouvées dans les cellules épithéliales, le long de la bordure en brosse
des microvillosités ; elles sont à l’origine d’une diarrhée avec fuite hydroélectrolytique.
Le diagnostic repose sur l’examen parasitologique
des selles avec techniques spéciales permettant l’identification des
oocystes.
Les signes radiographiques décrits par Berk sont
nombreux : épaississement du relief muqueux et des plis, floculation de
la baryte en rapport avec l’hypersécrétion intestinale, aspect spastique
du grêle.
À un stade sévère est observé un effacement des plis et du relief
muqueux, avec aspect de « pseudo-Whipple » en rapport avec une
atrophie villositaire marquée.
Des cas plus rares d’atteinte de l’estomac avec sténose antrale et
d’atteinte colique avec fistule rectovésicale ont été rapportés.
2- Isosporose
:
C’est une protozoonose (2 à 5 % des cas de diarrhée) au cours du sida,
due à Isospora belli dont la localisation est intracytoplasmique.
Elle
entraîne une diarrhée souvent moins intense que celle observée au cours
de la cryptosporidiose et qui se complique moins fréquemment de
déshydratation et de troubles hydroélectrolytiques.
Elle réagit souvent
favorablement au triméthoprime-sulfaméthoxazole ou Bactrim.
Les
signes radiographiques de l’isosporose du grêle sont identiques à ceux
observés lors de la cryptosporidiose.
Le diagnostic repose sur
l’examen parasitologique des selles.
3- Microsporidiose
:
Cette protozoonose engendre diarrhée et syndrome de malabsorption
chez l’immunodéprimé.
Le diagnostic repose sur l’identification du
parasite en microscopie électronique.
4- Pneumocystose
:
Pneumocystis carinii est un protozoaire susceptible d’infecter de
nombreux organes chez l’immunodéprimé.
Sa localisation la plus
fréquente est pulmonaire, le poumon représentant la porte d’entrée
majeure de l’infection.
Une dissémination hématogène peut toutefois
être observée, favorisée par la prescription d’aérosols de pentamidine
administrés pour prévenir l’infection pulmonaire.
De tels aérosols
entraînent une concentration locale élevée de pentamidine, mais
l’absorption systémique est peu importante, favorisant la dissémination
extrapulmonaire du parasite.
Celui-ci peut alors entraîner une
pneumocystose hépatique, splénique, rénale ou lymphatique et, dans de
rares cas, il peut également atteindre le tractus digestif.
Aucune
description radiographique d’atteinte digestive n’a été publiée à ce jour.
Au niveau des viscères abdominaux, la pneumocystose se traduit par de
multiples microabcès, hypodenses en TDM, dont l’analyse histologique
a montré qu’ils renfermaient de multiples kystes de Pneumocystis
carinii et des trophozoïtes.
De telles lésions peuvent disparaître ou se
calcifier, des calcifications punctiformes ou arciformes étant alors
visibles en TDM au niveau de la rate, du foie et des reins.
D - Infections bactériennes
:
1- Mycobactérie tuberculeuse
:
L’infection à Mycobacterium tuberculosis est plus fréquente chez les
patients en situation précaire et dans les pays en voie de développement.
Elle survient lorsque le taux de lymphocytes CD4+ se situe entre 150 et
350/mm3.
Les manifestations digestives viennent au second rang en
fréquence après les manifestations thoraciques.
La formation d’un granulome est plus rare que chez les patients immunocompétents.
L’infection du tube digestif peut se faire par dissémination hématogène
à partir d’une tuberculose pulmonaire, par extension directe, en
particulier à partir de ganglions lymphatiques, et par régurgitation
d’expectoration contenant des bactéries.
Les localisations digestives les
plus fréquentes sont l’iléon, la valvule iléocæcale et le côlon, mais tout
segment digestif peut être atteint. Au niveau de l’oesophage, l’atteinte
tuberculeuse se traduit par une ulcération souvent profonde, un
syndrome de masse pariétale ou extrinsèque en rapport avec la présence
d’adénopathies satellites.
Une fistulisation est possible.
Un cas de
localisation gastrique a été rapporté, caractérisé par une masse tissulaire
développée aux dépens de la paroi postérieure, s’accompagnant
d’adénopathies rétropéritonéales.
L’atteinte de la région iléocæcale
se traduit par un épaississement pariétal, souvent circonférentiel,
entraînant une sténose segmentaire irrégulière sur les opacifications
barytées et en TDM, et associé à des adénopathies mésentériques
qui sont évocatrices lorsqu’elles ont un aspect central nécrotique
hypodense enTDM.
L’atteinte colique peut entraîner ulcération, sténose
segmentaire et lésions pseudopolypoïdes.
La tuberculose péritonéale se
manifeste en règle par une ascite, des épaississements nodulaires du
péritoine et du grand épiploon, bien visibles en échographie, et des
adénopathies mésentériques associées, volontiers hypodenses en TDM
et hypoéchogènes à l’échographie.
2- Infections à mycobactéries atypiques
:
Mycobacterium avium est un bacille alcooloacidorésistant
intracellulaire, qui est une source fréquente d’infection opportuniste
chez les patients sidéens dans les pays développés.
Les portes d’entrée
et de dissémination en sont l’appareil respiratoire d’une part et le tractus
digestif d’autre part.
De telles affections surviennent lorsque le taux de
lymphocytes CD4+ se situe en dessous de 50/mm3.
La nécrose caséeuse
et la formation de granulomes est rare chez le sidéen.
Le diagnostic de
certitude repose sur les cultures.
Au niveau du tube digestif, le segment le plus fréquemment atteint est le
jéjunum. Ses plis apparaissent épaissis et on note fréquemment une
dilatation modérée et diffuse de sa lumière.
L’aspect a parfois été décrit
comme celui d’un syndrome de « pseudo-Whipple ».
L’association
à des adénopathies mésentériques est fréquente.
L’aspect de
nécrose centrale, hypodense en TDM, serait plus évocateur d’infection
à Mycobacterium tuberculosis qu’à Mycobacterium avium.
L’infection du tractus digestif est souvent associée à une hépatosplénomégalie.
Des lésions hypodenses du foie et de la rate
sont plus fréquemment observées au cours de l’infection à
Mycobacterium tuberculosis que durant l’infection à Mycobacterium
avium.
E - Autres infections
:
Des coloproctites à germes divers (Entamoeba histolytica, Giardia-Lamblia, Neisseria gonorrhoeae, Chlamydia, Shigella) ont été décrites
en particulier chez les homosexuels.
Leur gravité et leur
symptomatologie ne seraient pas différentes chez les patients
immunocompétents et chez les patients sidéens.
Leurs signes
radiologiques sont communs à ceux des coloproctites infectieuses, quel
qu’en soit l’agent étiologique : ulcération muqueuse, diminution du
relief haustral et aspect spastique de la région rectocolique, parfois
associés à un aspect infiltré de la graisse périrectale.
Lésions malignes
:
A - Maladie de Kaposi
:
La MK est une tumeur maligne qui associe hyperplasie des vaisseaux
papillaires et proliférations de cellules fusiformes et endothéliales avec
lacs vasculaires.
Sa fréquence chez les sidéens est en diminution et
actuellement il est observé presque exclusivement chez les homosexuels
masculins et en Afrique.
Un cofacteur viral semble être en cause (herpès
type 8). Chez le sidéen, la MK est volontiers multifocale et agressive,
associant des localisations cutanées, ganglionnaires et viscérales.
Des
atteintes digestives sont présentes chez 50 % des porteurs de MK
cutanée.
Les localisations cutanées précèdent en règle, mais pas
toujours, la survenue des localisations digestives.
Tous les segments du tube digestif peuvent être le siège de MK, de
l’oropharynx au rectum. Toutefois, le site le plus
fréquemment atteint est le duodénum.
Au début, la MK se caractérise
par la présence d’une petite masse sous-muqueuse, réalisant une macule
violacée de 5-15 mm, visible en endoscopie mais très difficile à mettre
en évidence sur les clichés radiographiques malgré l’utilisation de clichés en double contraste, en couche mince et sous diverses
incidences.
L’aspect endoscopique est très évocateur, mais les
biopsies ne sont positives que dans 23 % des cas, car ces lésions sont
souvent sous-muqueuses et ne renferment que peu de cellules
typiques.
À un stade plus évolué, le diagnostic radiographique
repose sur la mise en évidence d’un ou de plusieurs nodules sousmuqueux,
parfois ombiliqués, avec ou sans ulcération centrale donnant
à la lésion un aspect en « cible ».
Des lésions planes, mieux visualisées
en utilisant une compression, ont été décrites.
En TDM, la MK se
caractérise par la présence de nodules pariétaux ou d’un épaississement
pariétal segmentaire avec gros plis. Un épaississement pariétal diffus,
sans interposition de paroi digestive saine, évoque plutôt une atteinte
infectieuse ou lymphomateuse.
L’association de nodules ou
d’épaississement pariétaux à des adénopathies hypervasculaires se
rehaussant massivement après injection iodée est très évocatrice de
MK.
La MK digestive est associée dans 10-15 % des cas à des
localisations hépatiques découvertes par biopsie, pouvant réaliser en
TDM, dans les cas typiques, une infiltration périportale qui se rehausse
tardivement après injection iodée.
Parfois latente, la MK peut se
compliquer de diarrhée profuse, perforation, invagination et
saignement.
Depuis l’utilisation de trithérapies antirétrovirales efficaces
contre le VIH, des cas de régression de MK à localisation cutanée ont
été rapportés.
B - Lymphomes non hodgkiniens
:
Les LNH ont une fréquence particulièrement élevée lors de l’infection à
VIH et atteignent 4 à 10% des sidéens. Le risque, pour un sidéen, de
développer un LNH est 60 fois plus élevé que dans la population
générale.
La fréquence des LNH ne semble pas significativement
diminuée par les trithérapies.
Ils sont presque constamment associés à la
présence d’anticorps anti-EBV (Epstein-Barr virus) et sont observés
lors d’états d’immunodépression avancée (taux de lymphocytes CD4+
< 100-200/mm3).
Leur gravité est particulière chez le sidéen.
Ils sont
caractérisés par des types histologiques très agressifs avec
prédominance de lymphomes B indifférenciés, polyclonaux, et de
lymphomes de type Burkitt.
Ils sont en règle diffus au cours du sida et
découverts à des stades d’extension avancés. On note une fréquence
particulière des formes extranodales.
Les atteintes
digestives sont observées chez 15 % des patients ayant une LNH.
Tous
les segments du tube digestif peuvent être atteints, mais on note une
fréquence particulièrement élevée d’atteintes de l’intestin grêle
et de l’estomac.
Sur le TOGD, l’atteinte gastrique peut se traduire par des nodules sousmuqueux
parfois ulcérés, de taille variable, ou par un épaississement pariétal localisé ou circonférentiel.Au niveau de l’intestin grêle, le LNH
se traduit par un épaississement pariétal entraînant en règle une sténose
segmentaire plus ou moins régulière avec dilatation d’amont ; il peut se
compliquer d’ulcération ou d’invagination.
L’atteinte anorectale est
exceptionnelle en dehors du sida et se caractérise par des nodules sousmuqueux
ou un épaississement pariétal focal ou étendu.
L’atteinte oesophagienne est rare, en règle nodulaire.
La TDM est
essentielle au bilan d’extension : elle précise une infiltration
péritumorale locorégionale, en particulier mésentérique, recherche des
adénopathies satellites et une atteinte viscérale associée, plus
fréquemment hépatique que splénique.
Les localisations hépatiques se
manifestent par des nodules uniques ou plus souvent multiples,
volontiers hypoéchogènes en échographie et hypodenses en TDM, mais
de rehaussement variable.
La TDM permet de guider une ponctionbiopsie
de la masse afin de typer le lymphome et de suivre l’évolution de
la masse tumorale sous traitement.
Des localisations pancréatiques de LNH ont également été rapportées, ainsi que des localisations biliaires
isolées dont l’aspect est proche de celui des cholangiopathies.
C - Autres tumeurs malignes
:
La maladie de Hodgkin a une gravité particulière chez le sidéen en raison
de la prédominance de types histologiques défavorables et d’une
extension souvent importante.
Sa fréquence ne semble pas
significativement supérieure à celle observée dans la population
générale.
Des tumeurs musculaires lisses multiples du tube digestif ont été
rapportées, sans augmentation significative de fréquence par rapport à
la population générale.
En conclusion, l’atteinte digestive liée au VIH revêt des aspects
multiples auxquels correspond une séméiologie radiologique
variée.
Son interprétation doit être parfaitement connue des
radiologistes car la topographie de l’atteinte, sa diffusion et ses
caractéristiques morphologiques ont une grande valeur
d’orientation.
La confrontation des hypothèses étiologiques
cliniques et radiographiques affine souvent le diagnostic et oriente
les investigations ultérieures.
C’est souligner l’importance du
dialogue entre imageurs et cliniciens pour une prise en charge
efficace des sidéens.