Maladie à cristaux de pyrophosphate
de calcium dihydraté (PPCD)
:
La maladie à cristaux de PPCD regroupe deux entités différentes
plus ou moins associées :
– les calcifications articulaires et para-articulaires qui témoignent du
dépôt de microcristaux de PPCD au sein de diverses structures
anatomiques ;
– l’arthropathie à microcristaux de PPCD qui témoigne de la
dégradation articulaire associée à ces dépôts microcristallins.
La chondrocalcinose se définit, en revanche, comme la présence de
calcifications au sein du cartilage hyalin et/ou des fibrocartilages
articulaires, et ceci quelle que soit la nature du cristal.
A - TERRAIN
:
On distingue classiquement :
– la forme sporadique, de loin la plus fréquente ; cette affection
s’observe plus souvent chez les femmes ; elle est rare avant 50 ans,
mais sa fréquence augmente ensuite rapidement puisqu’elle devient
banale après 70 ans ; des fréquences de 20 à 44 % ont d’ailleurs été
rapportées chez les sujets de plus de 80 ans ;
– les formes familiales, avec une transmission et une sévérité
variables selon les pays ; une atteinte polyarticulaire avec
d’importants dépôts calciques se développe volontiers précocement
(entre 20 et 40 ans) ; l’évolution se fait alors plus ou moins
rapidement vers la détérioration articulaire ; en France, ce sont
essentiellement des familles alsaciennes qui sont affectées ;
– les formes secondaires, rares mais qui doivent être
systématiquement recherchées chez des sujets jeunes car une
maladie à dépôts de cristaux de PPCD peut être révélatrice de ces
affections ; il s’agit de l’hyperparathyroïdie primaire, de
l’hémochromatose, de l’hypophosphatasie, d’une hypomagnésémie
chronique (notamment dans le cadre d’un syndrome de Bartter ou
de Gitelman), voire d’une goutte ; une association avec
l’hémosidérose, l’hypercalcémie-hypocalciurie familiale,
l’hypothyroïdie, la maladie de Wilson, l’ochronose et l’amylose a
également été rapportée.
B - TABLEAU CLINIQUE
:
Cette affection peut être découverte à l’occasion :
– d’un tableau pseudoarthrosique (50 à 60 % des cas) mimant
cliniquement une atteinte dégénérative habituellement bilatérale et
symétrique des genoux, hanches, coudes, articulations
métacarpophalangiennes, poignets, chevilles et épaules ; la moitié
des patients présente des exacerbations aiguës ;
– d’une pseudogoutte (10 à 25 % des cas) ; il s’agit de la présentation
la plus typique de la maladie ; les patients développent une arthrite
aiguë parfois fébrile associée à d’importants signes inflammatoires
locaux ; le genou est l’articulation le plus souvent affectée, mais la
hanche, l’épaule, le coude, le poignet, la cheville et les articulations
acromioclaviculaire, talocalcanéenne et métatarsophalangienne
peuvent être intéressées ; l’atteinte du rachis est plus rare et peut se
traduire par un tableau de rachialgie inflammatoire ; une sacro-iliite
peut exceptionnellement également révéler l’affection ; cette
arthrite pseudogoutteuse survient en général sans cause, mais elle peut être provoquée par un traumatisme, une affection aiguë
quelconque, une intervention chirurgicale ou une injection intraarticulaire,
notamment de Synvisc (hylan G-F 20) ; elle guérit
en 1 à 3 semaines ; la goutte uratique devenant rare, les cristaux de
PPCD constituent en fait désormais les premiers cristaux incriminés
face à une arthrite aiguë du sujet âgé ;
– d’une arthropathie rapidement destructrice mimant une ostéoarthropathie nerveuse (2 à 36 % des cas) ;
– d’une arthrite pseudorhumatoïde (2 à 6 % des cas) ; les patients
présentent des arthrites sur plusieurs semaines ou mois, avec
dérouillage matinal, tuméfaction synoviale, diminution de la
mobilité articulaire et accélération de la vitesse de sédimentation ;
– de présentations diverses (0,1 % des cas) : ténosynovite aiguë ou
chronique, rupture tendineuse, syndrome du canal carpien,
syndrome du tunnel cubital, cervicalgie aiguë.
La maladie à cristaux de PPCD peut également être complètement
asymptomatique.
Bien qu’une fréquence de 10 à 20 % des cas ait été
rapportée, cette présentation est probablement bien plus fréquente,
et sans doute la présentation clinique la plus fréquente.
C - ASPECTS RADIOGRAPHIQUES
:
1- Calcifications articulaires et para-articulaires
:
Ces calcifications présentent habituellement un certain degré de
symétrie.
Elles sont susceptibles d’intéresser des structures
anatomiques très diverses.
* Cartilage hyalin
:
Les dépôts de cristaux de PPCD apparaissent le plus souvent sous
la forme d’un fin liseré calcique linéaire, continu ou non, parallèle à
l’os sous-chondral dont il reste séparé de 1 à 2mm, plus
rarement sous la forme d’amas granuleux de petite taille.
Ces calcifications peuvent être très étendues ou visibles sur
seulement quelques millimètres.
Elles peuvent s’observer un peu
partout, mais elles sont particulièrement fréquentes au genou, au
poignet, au coude et à la hanche.
* Fibrocartilage
:
Les calcifications sont plus épaisses, granuleuses ou stratifiées.
Elles
sont fréquentes au ménisque, au ligament triangulaire,
à la symphyse pubienne, au labrum acétabulaire ou glénoïdien, à
l’annulus fibrosus, et plus rares aux articulations acromioclaviculaire
et sternoclaviculaire.
* Membrane synoviale
:
Ces calcifications ont un aspect nuageux, flou, et des contours mal
limités, particulièrement à la périphérie de l’articulation.
Elles peuvent parfois simuler une ostéochondromatose synoviale.
Elles sont surtout observées au poignet, notamment aux articulations radiocarpienne et radio-ulnaire inférieure, aux articulations
métacarpophalangiennes et métatarsophalangiennes, aux genoux,
mais elles peuvent être notées ailleurs.
Elles sont habituellement
associées à une chondrocalcinose, mais pas toujours.
Les bourses peuvent également être calcifiées, notamment les bourses sousacromiale
et rétro-olécranienne.
* Capsule
:
Il s’agit de calcifications fines, régulières, à la périphérie des
articulations.
Elles sont surtout observées aux coudes et aux
articulations métatarsophalangiennes, mais également aux
articulations métacarpophalangiennes et aux épaules.
* Tendons :
Les calcifications tendineuses sont typiquement linéaires ou stratifiées,
orientées dans l’axe du tendon, à la différence des calcifications
amorphes des cristaux d’hydroxyapatite.
Elles peuvent
s’étendre considérablement à distance de l’os.
Elles intéressent le
tendon d’Achille et les tendons tricipital, quadricipital, gastrocnémien
et supraépineux.
D’autres tendons peuvent être affectés,
notamment en regard du grand trochanter et de l’ischion.
* Ligaments
:
Ces calcifications sont également linéaires et intéressent
fréquemment les ligaments scapholunaire, lunotriquétral,
croisés, mais également les ligaments rachidiens, notamment les
ligaments longitudinaux antérieur et postérieur, et les ligaments
jaune, interépineux et supraépineux.
* Autres tissus mous
:
Des calcifications mal limitées siègent rarement au sein de zones de
métaplasie chondroïde et peuvent alors mimer des tophus goutteux,
notamment aux doigts et aux pieds.
Les vaisseaux peuvent
également être calcifiés.
2- Arthropathie à microcristaux de pyrophosphate
de calcium dihydraté :
L’arthropathie à microcristaux de PPCD peut être associée ou non à
une chondrocalcinose.
Lorsque l’articulation affectée ne présente pas
de chondrocalcinose, un bilan radiographique (bassin, poignets,
genoux) permet d’en retrouver une à distance dans 95 % des cas.
Cette arthropathie est surtout fréquente aux genoux, aux poignets et
aux articulations métacarpophalangiennes, mais elle peut être
observée ailleurs.
Sa distribution est habituellement bilatérale, mais
pas toujours symétrique.
Radiographiquement, elle ressemble à
de l’arthrose, avec un pincement articulaire, une ostéocondensation
et des géodes sous-chondrales, mais elle en diffère par :
– l’atteinte d’articulations habituellement épargnées par l’arthrose,
comme le poignet ou le coude ;
– une distribution intra-articulaire inhabituelle pour de l’arthrose,
comme l’articulation radiocarpienne, scaphotrapézienne,
talo-calcanéo-naviculaire ;
– un aspect volontiers crénelé et engrené des surfaces articulaires ;
– une ostéocondensation sous-chondrale intense, à limite nette,
comme dessinée à la plume ;
– des géodes sous-chondrales qui, lorsqu’elles sont présentes, sont
volontiers nombreuses, parfois de grande taille, entourées d’un liseré
de condensation ;
– des ostéophytes souvent absents ou peu marqués, ce qui contraste
avec la sévérité de l’arthropathie ;
– une évolution fréquente vers la destruction sévère et parfois
rapide de l’articulation, avec collapsus osseux sous-chondral,
fragmentation et corps étrangers intra-articulaires uniques ou
multiples pouvant mimer une ostéoarthropathie nerveuse.
3- Distribution topographique
:
* Genou :
Il s’agit de l’articulation la plus fréquemment affectée sur le plan
clinique mais également radiographique.
La chondrocalcinose
peut être associée à des calcifications synoviales, tendineuses
et ligamentaires (gastrocnémien, quadriceps, ligaments croisés).
Foldes et al ont rapporté une fréquence des calcifications de 97 %
pour le ménisque latéral, de 84 % pour le ménisque médial, de 62 %
pour le cartilage hyalin postérieur et de 38 % pour le cartilage hyalin
antérieur.
L’arthropathie affecte le plus souvent le compartiment fémorotibial
médial, avec effondrement marqué du condyle et angulation
fréquente en varus, puis l’articulation fémoropatellaire.
Une
arthropathie fémoropatellaire isolée et sévère peut cependant
s’observer et est d’ailleurs évocatrice de cette affection.
On
note alors un aspect crénelé et engrené des surfaces articulaires avec
parfois, sur le cliché de profil, une érosion fémorale sus-trochléaire
témoignant du contact anormal entre la patella et le fémur.
L’arthropathie peut enfin affecter les deux compartiments fémorotibiaux, ce qui est rare dans la gonarthrose.
* Poignet et main
:
Les calcifications intéressent le ligament triangulaire, le cartilage
hyalin des articulations radiocarpiennes, médiocarpiennes et
carpométacarpiennes, la synoviale et les structures ligamentaires,
notamment les ligaments scapholunaire et lunotriquétral.
La rupture
du ligament scapholunaire peut d’ailleurs être responsable d’un
désalignement du carpe avec diastasis scapholunaire, puis
pincement entre le lunatum et les os de la deuxième rangée, réalisant
le slap-wrist des Anglo-Saxons.
Il peut s’y associer une
synovite et une ténosynovite responsables d’une tuméfaction des
parties molles, de même que la formation de kystes synoviaux.
Un
syndrome du canal carpien peut en être la traduction clinique.
L’arthropathie à microcristaux de PPCD affectionne particulièrement
le compartiment radiocarpien, articulation rarement lésée dans
l’arthrose.
Elle se traduit par un pincement de l’interligne souvent électif entre le radius et le scaphoïde, alors que l’interligne radiolunaire est relativement respecté. L’ostéophytose est
modérée ou absente.
À un stade avancé, le scaphoïde vient
s’encastrer dans le radius. Une atteinte de l’articulation radioulnaire
distale avec fragmentation ulnaire, diastasis radio-ulnaire,
déplacement postérieur de l’ulna et rupture d’un ou de plusieurs
tendons extenseurs des doigts s’observe plus rarement.
Au carpe,
l’atteinte isolée de l’articulation scaphotrapézienne sans atteinte de
l’articulation trapézométacarpienne est très évocatrice du diagnostic.
Le pincement habituellement complet est associé à une ostéocondensation sous-chondrale très dense, bien limitée, avec
ostéophytose absente ou peu marquée.
Aux articulations métacarpophalangiennes, l’affection intéresse
particulièrement les deuxième et troisième rayons.
Il peut
s’agir d’une chondrocalcinose, de calcifications capsulosynoviales,
ou plus souvent d’une arthropathie.
Celle-ci peut être modérée avec
simple pincement ou plus marquée avec ostéocondensation, géodes,
ostéophytes et collapsus osseux.
Les articulations interphalangiennes
proximales sont, en revanche, peu ou non affectées, à la différence
de l’arthrose.
* Hanche
:
Cette affection se traduit essentiellement par des calcifications du labrum acétabulaire et du cartilage hyalin.
Une arthropathie
s’observe plus rarement. Au stade initial, des ostéophytes acétabulaires de petite taille et une raréfaction osseuse souschondrale
peuvent s’observer.
Le pincement de l’interligne peut être
global ou supérolatéral, pouvant donc mimer une arthrose ou une
arthrite rhumatoïde.
De multiples petites géodes souschondrales
sont cependant évocatrices.
L’évolution peut se faire vers
une destruction rapide de l’articulation avec fragmentation osseuse
et protrusion acétabulaire.
* Coude
:
Une chondrocalcinose, des calcifications capsulosynoviales ou
tendineuses (au triceps notamment) et une arthropathie ont été
rapportées.
* Épaule
:
Des calcifications cartilagineuses, capsulosynoviales,
tendineuses, un pincement glénohuméral, une
ostéocondensation et des géodes sous-chondrales, une rupture de la
coiffe des rotateurs, plus rarement une destruction de l’articulation
glénohumérale, sont des éléments parfois observés.
Dans ce
dernier cas, une érosion corticale supéromédiale de la diaphyse
humérale secondaire à l’impaction contre la glène peut s’observer.
L’atteinte de l’articulation acromioclaviculaire est également
possible.
* Cheville et pied
:
L’arthropathie affecte essentiellement les articulations talo-calcanéonaviculaires
et peut parfois avoir l’aspect d’une
ostéoarthropathie nerveuse.
L’atteinte de la première articulation métatarsophalangienne peut mimer cliniquement et
radiographiquement une goutte, mais la présence de calcifications
et l’absence d’érosions osseuses permettent habituellement le
diagnostic.
* Rachis
:
Les calcifications discales sont fréquentes et typiquement situées à
la périphérie de l’annulus fibrosus.
Les calcifications de
l’ensemble du disque sont plus rares et volontiers observées dans
les formes familiales ; elles peuvent alors simuler une ochronose.
Les calcifications ligamentaires sont également fréquentes et parfois
responsables d’une compression médullaire ou nerveuse.
Elles
peuvent intéresser les ligaments jaunes, longitudinal postérieur et
antérieur, périodontoïdiens (donnant la classique « dent
couronnée »), interépineux et supraépineux.
Le
cartilage et les éléments capsulosynoviaux des articulations
zygapophysaires peuvent également être calcifiés.
Des discopathies d’aspect dégénératif sont présentes chez 40 % des
patients.
Elles se caractérisent par leur distribution pluriétagée (plus
de trois étages), la fréquence du vide intradiscal, plus rarement la
présence d’une ostéophytose exubérante ou d’une
ostéocondensation très marquée des plateaux vertébraux.
Dans 7 à 17 % des cas, elles évoluent vers la destruction intersomatique, notamment au rachis lombaire et cervical, et
peuvent faire craindre une spondylodiscite infectieuse.
L’atteinte des
articulations zygapophysaires est également fréquente, à l’origine de
spondylolisthésis.
Une scoliose peut enfin s’observer.
* Autres régions anatomiques
:
Les calcifications de la symphyse pubienne sont très fréquentes.
Celles du cartilage et du ligament sacro-iliaque ont
également été rapportées, associées à une ostéocondensation et des
érosions sous-chondrales.
L’articulation temporomandibulaire peut
enfin être affectée.
C - IMAGERIE COMPLÉMENTAIRE
:
Elle présente peu d’intérêt dans cette pathologie, si ce n’est de
documenter l’importance de la destruction articulaire et des
compressions neurologiques.
Les calcifications sont hypo-intenses en
imagerie par résonance magnétique (IRM) et sont par conséquent
difficiles à individualiser au sein d’un ligament.
Les calcifications périodontoïdiennes sont responsables d’un aspect de pseudopannus
rhumatoïde très hypo-intense en T2.
Les calcifications
cartilagineuses peuvent se traduire par des hyposignaux,
notamment sur les séquences en écho de gradient.
On
notera que les calcifications méniscales peuvent mimer des fissures
en IRM.
Le scanner permet, quant à lui, une étude précise de la
topographie des calcifications rachidiennes.
Enfin, l’apport de
l’échographie dans la détection d’une chondrocalcinose non détectée
sur les radiographies a été rapporté.
D - DIAGNOSTIC POSITIF
:
Le diagnostic de certitude de l’affection ne peut être affirmé que par
la mise en évidence des microcristaux de PPCD dans le liquide
synovial ou dans un fragment de synoviale ou de cartilage.
En
poussée, le liquide synovial est volontiers opalescent ou trouble.
Il
est de type inflammatoire avec habituellement entre 5 000 et 30 000
cellules par mm3.
L’étude microscopique détecte des cristaux
intracellulaires mais surtout extracellulaires de petite taille (5 à
10 µm), à bout rectangulaire, faiblement biréfringents en lumière
polarisée. Il faut cependant noter que les faux négatifs dans
l’identification des cristaux de PPCD sont particulièrement élevés,
notamment en cas d’analyse tardive du prélèvement.
De plus,
d’autres microcristaux (oxalate de calcium, cristaux de corticoïdes,
acide éthylènediamine-tétra-acétique [EDTA], cholestérol, urate de
sodium) peuvent parfois poser des problèmes diagnostiques.
La
solubilité des cristaux de PPCD par l’EDTA calcique est rarement
réalisée en pratique.
La recherche des cristaux de PPCD au sein de
la synoviale ou du cartilage est également rarement demandée.
En
effet, la biopsie synoviale n’authentifie des cristaux de PPCD que
dans la moitié des cas.
On retiendra la disparition complète de ces
cristaux lors de la coloration tissulaire à l’hématoxyline pendant une
longue durée (15 minutes).
Le diagnostic de maladie à cristaux de PPCD est probable lorsque
l’imagerie démontre la présence d’une chondrocalcinose dans au
moins deux articulations ou une polyarthropathie caractéristique.
On notera cependant que les calcifications radiographiques peuvent
être absentes pendant des crises de pseudogoutte authentifiées en
arthroscopie.
Enfin, le diagnostic est considéré comme possible s’il n’existe qu’un
tableau clinique de pseudogoutte ou de polyarthrite.
On notera, par ailleurs, que les examens biologiques sanguins sont
le plus souvent normaux en dehors des poussées inflammatoires.
E - DIAGNOSTIC DIFFÉRENTIEL
:
1- Calcifications articulaires et para-articulaires
:
– Méniscocalcose post-traumatique : elle survient à la suite d’un
traumatisme ou d’un geste chirurgical et intéresse habituellement
un seul ménisque.
Il s’agit de calcifications punctiformes grossières
constituées le plus souvent de cristaux d’hydroxyapatite, plus
rarement de cristaux de phosphate dicalcique dihydraté.
Des
calcifications méniscales à microcristaux de PPCD peuvent
cependant survenir dans les mêmes conditions.
– Ossicule méniscal, os surnuméraires et ostéochondromatose : leur
forme arrondie ou ovalaire et la visibilité d’une corticale
périphérique permettent de les différencier de calcifications.
– Calcifications d’hydroxyapatite : ces calcifications sont denses,
amorphes, arrondies ou ovalaires et non stratifiées, à la différence
des dépôts de cristaux de PPCD. Il n’y a typiquement pas de
chondrocalcinose associée.
2- Arthropathies à cristaux de PPCD
:
*
Arthrose
:
La distribution topographique des arthropathies est différente
puisque l’arthrose affecte essentiellement les genoux et les
articulations trapézométacarpiennes et interphalangiennes, alors
qu’elle épargne le plus souvent les articulations radiocarpienne,
métacarpophalangiennes, les coudes, les épaules et les chevilles.
Les
ostéophytes sont typiquement très développés et le pincement est focal.
L’évolution se fait habituellement lentement vers la chondrolyse.
En cas de doute, un bilan radiographique permet de
retrouver une chondrocalcinose dans une autre articulation dans
95 % des cas.
Ces deux affections peuvent cependant être
associées.
* Hémochromatose
:
L’arthropathie prédomine également aux deuxième et troisième
articulations métacarpophalangiennes, mais des ostéophytes en
crochets et des géodes sous-chondrales sont en général évocateurs
de l’affection.
Une atteinte sévère des quatre dernières articulations métacarpophalangiennes est également évocatrice de
l’hémochromatose.
Enfin, une raréfaction osseuse peut être associée.
* Polyarthrite rhumatoïde
:
L’absence d’érosions marginales et le caractère dégénératif des
anomalies observées permettent habituellement le diagnostic.
* Ostéoarthropathie nerveuse
:
Si l’importance de la destruction osseuse peut faire évoquer ce
diagnostic, le contexte clinique est très différent.
* Arthrite septique
:
Les surfaces osseuses sont mal définies dans l’infection et il existe
une raréfaction osseuse.
* Goutte
:
Dans la maladie à cristaux de PPCD, typiquement, il n’y a pas de
tuméfaction asymétrique des tissus mous (tophus), ni d’érosions
osseuses para-articulaires.
Une association de ces deux affections est
cependant possible.
* Traumatisme
:
L’atteinte dégénérative secondaire peut alors mimer une
arthropathie à cristaux de PPCD.
C’est notamment le cas au carpe,
avec atteinte de l’interligne radiocarpien et parfois diastasis
scapholunaire.
L’atteinte est cependant unilatérale.
F - PHYSIOPATHOGÉNIE
:
Le déclenchement des arthrites pseudogoutteuses est secondaire à
l’irruption des cristaux de PPCD du cartilage dans le liquide
synovial, puis à leur phagocytose par la membrane synoviale,
provoquant ainsi une inflammation et notamment la sécrétion
d’interleukine.
La population des cristaux de PPCD est
hétérogène et il semblerait que le nombre, la taille et le type même
des cristaux de PPCD interviennent dans le déclenchement de ces
accès aigus.
La cause de la chondrocalcinose est encore incertaine.
L’altération
du cartilage secondaire à l’âge, un traumatisme ou une arthropathie
semblent favoriser le dépôt des cristaux de PPCD.
Il a été
rapporté que la précipitation du sel calcique dans la synoviale et le
cartilage était due à l’augmentation du pyrophosphate inorganique
(PPi) dans ces deux structures, alors que son taux reste normal dans
le plasma.
Ce PPi est produit par les chondrocytes. Le
développement de ces calcifications pourrait alors être secondaire :
– à une production accrue de PPi (forme sporadique et familiale de
la maladie à cristaux de PPCD) ;
– à un déficit en pyrophosphatase (hypophosphatasie) ;
– à une inhibition de la pyrophosphatase (hémochromatose,
hyperparathyroïdie, hypomagnésémie).
Le mécanisme de l’arthropathie à microcristaux de PPCD reste
également incertain.
Les microcristaux siègent dans la substance
fondamentale au voisinage des chondrocytes.
Ces derniers
présentent des altérations morphologiques et biochimiques, de
même que la matrice extracellulaire où apparaissent des fissures et
des érosions.
Il est probable que les dépôts de PPCD dans un
cartilage déjà détérioré peuvent être libérés plus facilement dans
l’articulation, ce qui explique que certaines arthropathies
surviennent sans calcification ou que ces dernières puissent
s’observer après le développement de l’arthropathie.
Ces dépôts
calciques pourraient alors majorer la dégénérescence du cartilage, à
l’origine d’un cercle vicieux aboutissant à une arthropathie très
destructrice.
G - TRAITEMENT
:
Il s’agit d’un traitement symptomatique.
Lors des poussées aiguës,
le traitement consiste en la prescription d’anti-inflammatoires non
stéroïdiens et éventuellement d’une infiltration intra-articulaire de
corticoïdes.
Un traitement préventif des poussées par de la
colchicine (1 mg/j) est également parfois proposé.
Le traitement des
arthropathies chroniques est identique à celui de l’arthrose.
Hémochromatose
:
L’hémochromatose est une affection rare caractérisée par des
altérations tissulaires secondaires à des dépôts ferriques.
Elle
peut être primitive et représente alors la conséquence d’une
altération génétique du métabolisme du fer se traduisant par une
augmentation de son absorption gastro-intestinale.
Le gène
responsable n’est pas identifié actuellement mais cette affection, de
transmission autosomique récessive, serait due à une anomalie du
locus human leukocyte antigen A du chromosome 6 (essentiellement
la mutation C 282Y, à un moindre degré H 63D).
Une prévalence
de 0,3 % d’homozygotes et de 10 % d’hétérozygotes dans la
population caucasienne a été rapportée.
L’hémochromatose est
dix à 20 fois plus fréquente chez l’homme, possiblement en raison
des saignements menstruels de la femme.
L’hémochromatose peut également être secondaire et résulte alors
le plus souvent d’une accumulation du fer en raison d’une cirrhose
alcoolique, de transfusions sanguines répétées ou d’une anémie
réfractaire, exceptionnellement d’une ingestion chronique et
excessive de fer.
A - TABLEAU CLINIQUE
:
Les manifestations cliniques apparaissent habituellement entre 40 et
60 ans.
Elles dépendent des organes affectés par la surcharge
ferrique.
Il s’agit essentiellement d’une cirrhose, d’un diabète
(surcharge pancréatique), d’une pigmentation bronze de la peau,
d’un hypogonadisme hypogonadotrophique et/ou d’une
insuffisance cardiaque.
L’arthropathie hémochromatosique a été rapportée pour la première
fois par Schumacher en 1964.
Elle peut être révélatrice de la maladie
alors que la ferritinémie est encore normale, mais le plus
souvent elle est contemporaine des autres signes cliniques ou
tardive dans la maladie.
Elle concerne de 20 à 50 % des patients
souffrant d’hémochromatose et serait plus fréquente quand
l’hémochromatose débute après 50 ans.
En réalité, il existe des
variations de la prévalence allant de 13 à 80 % selon les séries, car il
n’existe pas de définition consensuelle de l’atteinte ostéoarticulaire.
Cette arthropathie dégénérative est caractérisée par des douleurs
modérées, une tuméfaction et une raideur articulaire.
Elle se
manifeste parfois par une arthrite aiguë pseudogoutteuse liée aux
dépôts de PPCD souvent associés.
L’atteinte est le plus
souvent symétrique, même si des formes unilatérales ont été
rapportées, notamment controlatérales à une hémiplégie
préexistante, soulevant le rôle éventuel de neurotransmetteurs du
système nerveux périphérique dans la propagation de l’arthrite.
Elle touche initialement les petites articulations de la main, avec une
prédilection pour les articulations métacarpophalangiennes des
deuxième et troisième rayons.
Les articulations interphalangiennes sont moins souvent affectées.
Avec l’évolution, des articulations plus
grosses comme les genoux, les hanches ou les épaules peuvent être
affectées. L’atteinte rachidienne est identique à celle de la
maladie des dépôts de PPCD.
B - ASPECTS RADIOGRAPHIQUES
:
Les aspects radiographiques de l’atteinte ostéoarticulaire au cours
de l’hémochromatose sont de quatre types.
– Raréfaction osseuse axiale et/ou appendiculaire : elle témoigne
d’une ostéopénie dont la fréquence a diversement été rapportée
dans la littérature (de 15 à 66 %), mais elle est plus fréquente dans
l’hémochromatose primitive.
Elle est asymptomatique et rarement
responsable de tassements vertébraux biconcaves.
La raréfaction
appendiculaire est diffuse sans prédilection périarticulaire.
– Chondrocalcinose : elle est secondaire à des dépôts de cristaux de PPCD.
Elle est observée dans 30 à 60 % des cas, avec une
fréquence croissante avec l’âge.
Les calcifications articulaires
intéressent les fibrocartilages et les cartilages hyalins.
L’atteinte de la symphyse pubienne et des cartilages hyalins serait
plus fréquente dans l’hémochromatose que dans la maladie à
cristaux de PPCD.
De plus, il y aurait une bonne corrélation
entre l’importance de la chondrocalcinose et la sévérité de la
destruction articulaire.
En revanche, les calcifications périarticulaires et para-articulaires sont rares.
Cette chondrocalcinose
peut être la seule manifestation radiographique décelable.
– Arthropathie de type dégénératif similaire à l’arthropathie à PPCD :
elle est observée radiographiquement dans 50 % des cas.
Comme
pour l’arthropathie à PPCD, les sites affectés sont inhabituels pour
l’arthrose ; les géodes sous-chondrales sont volontiers larges et
multiples, le pincement articulaire souvent global et l’ostéophytose
discrète.
Des aspects évocateurs de l’hémochromatose par
rapport à l’arthropathie à PPCD ont été cependant avancés :
– une ostéophytose de taille et de forme inhabituelles,
typiquement en bec ou en crochet, du bord radial des têtes
métacarpiennes ;
– une prédilection pour les articulations métacarpophalangiennes,
avec des géodes sous-chondrales de 1 à 3mm, bien limitées, à
bords condensés, observées dans les têtes métacarpiennes et
précédant le pincement articulaire parfois asymétrique ; plus
rarement, le pincement articulaire s’associe à une sclérose mal
limitée d’une tête métacarpienne et peu de géodes ; l’atteinte
des deuxième et troisième rayons est fréquente et caractéristique,
comme pour l’arthropathie à PPCD ; les ostéophytes en crochet
sont alors évocateurs du diagnostic d’hémochromatose ;
en revanche, l’atteinte sévère des quatre derniers rayons de la
main, bien que moins fréquemment observée que dans la forme
limitée aux deuxième et troisième rayons, est très évocatrice de
l’affection ;
– une atteinte des articulations interphalangiennes, notamment
proximales, mais ceci est controversé ;
– une atteinte du carpe avec de grosses géodes sous-chondrales
(de 5 à 6 mm), parfois multiples dans un même os ;
même si l’articulation radiocarpienne peut être affectée comme
dans la maladie des dépôts de PPCD, son respect contrastant avec
une arthropathie sévère et étendue du carpe, des articulations
carpométacarpiennes et/ou des articulations métacarpophalangiennes,
est évocatrice de l’hémochromatose ;
– une évolution lentement progressive ; les poussées rapides avec
fragmentation osseuse sont plus spécifiques de la maladie à
cristaux de PPCD.
– Anomalies diverses.
D’autres pathologies ont été rapportées : ostéonécrose des têtes fémorales et humérales, périostite,
ostéoporose focale du poignet, nodules osseux de la crête iliaque,
calcifications tendineuses.
C - DIAGNOSTIC
:
Le diagnostic d’hémochromatose repose sur l’augmentation de la
saturation de la transferrine (protéine vectrice du fer) et de la
ferritinémie, ainsi que sur la biopsie hépatique.
Cette dernière
objective une surcharge cellulaire en hémosidérine et des lésions de
fibrose, voire une cirrhose.
La recherche de la mutation C 282Y (à
un moindre degré H 63D) doit également être réalisée.
La mesure
de l’excrétion urinaire du fer après injection de déféroxamine (test
au Desféralt) n’est, en revanche, plus guère effectuée.
En IRM,
l’étude du signal hépatique permet de quantifier la surcharge en fer.
L’étude articulaire n’est pas nécessaire au diagnostic
d’hémochromatose.
On retient cependant que l’arthropathie se
caractérise par un liquide articulaire de type mécanique, sauf en cas
d’accès pseudogoutteux.
L’étude histologique de la membrane
synoviale retrouve de nombreux grains d’hémosidérine au sein des
cellules synoviales de type B, à la différence des dépôts
d’hémosidérine de l’hémophilie, de l’hémarthrose, de la polyarthrite
rhumatoïde et de la synovite villonodulaire qui intéressent les
macrophages, les cellules phagocytaires de type A des couches sousintimales
.
L’hyperplasie villeuse est modérée, parfois associée
à une infiltration cellulaire inflammatoire chronique.
Nous avons vu
qu’une chondrocalcinose était souvent associée à l’hémochromatose.
Les dépôts de PPCD intéressent alors les couches superficielles de la
membrane synoviale mais surtout le cartilage articulaire.
La
présence de dépôts d’hémosidérine dans les chondrocytes des
cartilages articulaires est en revanche controversée.
On signalera par
ailleurs que des cristaux d’hydroxyapatite ont également été
rapportés.
D - PHYSIOPATHOGÉNIE
:
L’ostéoporose est plurifactorielle dans l’hémochromatose.
Elle peut
résulter d’une résorption osseuse excessive et d’une formation
osseuse inappropriée. Ont été mis en cause l’hypogonadisme, le
diabète, la carence en vitamine D, en vitamine C,
l’hyperparathyroïdie et la surcharge ferrique.
Il semble
toutefois que le statut gonadique soit le facteur déterminant de la
baisse de la densité osseuse et du volume osseux trabéculaire chez
ces patients de par l’atteinte gonadique, hypophysaire et le déficit
androgénique secondaire à la cirrhose.
Chez les patients
ayant un statut gonadique normal, l’excès en fer sérique pourrait
diminuer l’activité ostéoblastique.
Ainsi, les saignées et le
maintien d’un statut gonadique satisfaisant pourraient être efficaces
sur l’ostéopénie.
La pathogénie de l’arthropathie hémochromatosique est inconnue.
Le rôle des dépôts d’hémosidérine a été avancé dans la genèse des
lésions cartilagineuses mais ces dépôts sont inconstants et la
déplétion ferrique par les saignées ne semble pas avoir d’efficacité
sur l’arthropathie.
La cirrhose ne semble pas non plus être
corrélée avec l’existence d’une arthropathie.
Il a également été suggéré que le fer ionisé pouvait inhiber l’activité
de la pyrophosphatase et, par conséquent, entraîner une
augmentation de la concentration en cristaux de PPCD dans
l’articulation, expliquant l’association fréquente à la
chondrocalcinose.
Néanmoins, ces cristaux, cause ou conséquence
des lésions cartilagineuses, aggravent l’arthropathie dans les deux
cas.
E - TRAITEMENT
:
Le traitement repose avant tout sur les saignées thérapeutiques dont
l’efficacité peut être jugée sur l’évolution du signal hépatique en IRM.
La chélation du fer par la déféroxamine n’est nécessaire que
chez les patients pouvant bénéficier des saignées.
Un traitement
précoce de l’hémochromatose pourrait éviter le développement des
complications classiques de cette affection (cirrhose, insuffisance
cardiaque…) ; c’est dire l’intérêt du dépistage génétique de
l’hémochromatose.
Le traitement des manifestations ostéoarticulaires est
symptomatique.
Celles-ci ne sont pas influencées par les saignées.
Alcaptonurie, ochronose
:
A -
DÉFINITION
:
L’alcaptonurie, l’ochronose et l’arthropathie ou rhumatisme
ochronotique constituent trois stades évolutifs d’une même affection
métabolique caractérisée par un déficit congénital en acide
homogentisique oxydase, ou homogentisicase.
Cette enzyme est
nécessaire au catabolisme de la phénylalanine et de la tyrosine.
Son
absence se traduit par une accumulation d’acide homogentisique qui
est éliminé en grande quantité par les urines.
Son oxydation à l’air
donne une coloration brunâtre caractéristique aux urines ; c’est
l’alcaptonurie.
Avec l’âge, l’alcaptonurie évolue presque
inévitablement vers l’ochronose, c’est-à-dire une pigmentation brun
noirâtre du tissu conjonctif.
Au microscope, ce tissu conjonctif
présente spontanément une couleur ocre, d’où le terme d’ochronose.
L’arthropathie ochronotique témoigne de la dégradation articulaire
secondaire aux dépôts pigmentés dans les articulations du squelette
axial et appendiculaire.
B - CLINIQUE
:
Il s’agit d’une affection métabolique rare (un cas sur 1 à 10 millions
d’individus), transmise suivant un mode autosomique récessif dans
la grande majorité des cas, beaucoup plus rarement suivant un mode
autosomique dominant.
Le gène de l’alcaptonurie est situé sur le
chromosome 3q.
L’évolution et l’importance des manifestations cliniques dépendent
du degré de déficit enzymatique.
L’alcaptonurie est habituellement
asymptomatique jusqu’à l’âge adulte, mais une anomalie de la
coloration des urines peut être détectée chez l’enfant.
La
pigmentation ochronotique est rarement observée avant l’âge de 20
ou 30 ans.
Initialement modérée, elle peut devenir plus marquée
avec l’évolution.
Elle apparaît d’abord aux yeux (sclérotique
essentiellement, mais également cornée et paupières), puis affecte
les oreilles (conques, anthélix, tragus, antitragus et tympan) et la
peau (ailes du nez, aisselles, éminences thénar et hypothénar,
régions génitales).
Ces dépôts ochronotiques peuvent affecter
d’autres organes, notamment des systèmes cardiovasculaire
(athérosclérose, infarctus, sténose aortique), génito-urinaire
(calculs rénaux, diminution de la fonction rénale, hypertrophie
prostatique) et respiratoire supérieur.
L’arthropathie ochronotique se développe habituellement dans la
troisième ou la quatrième décennie et serait plus sévère chez les
hommes.
Elle se traduit d’abord au rachis par une douleur et un
enraidissement progressif de l’étage lombaire, puis thoracique et
enfin cervical.
Des troubles de la statique avec perte de la lordose
lombaire et hypercyphose thoracique émaillent l’évolution.
Des
rachialgies aiguës, des radiculalgies et des compressions médullaires
sont plus rarement rapportées.
Les articulations appendiculaires
proximales sont également le siège d’un enraidissement progressif
parfois douloureux et d’une impotence fonctionnelle.
C - ASPECTS RADIOGRAPHIQUES
:
1- Anomalies rachidiennes
:
* Calcifications discales multiétagées
:
Elles sont visibles essentiellement en début d’évolution car elles
disparaissent avec la destruction intersomatique.
Elles intéressent
essentiellement les disques lombaires.
Il s’agit de cristaux
d’hydroxyapatite d’origine dystrophique.
Ces calcifications
siègent initialement dans la partie centrale de l’annulus fibrosus,
mais l’ensemble du disque devient rapidement massivement calcifié.
La visibilité de ces calcifications est accentuée par la présence de la
raréfaction habituelle des corps vertébraux adjacents.
* Discopathies sévères multiétagées
:
Un pincement marqué des disques intervertébraux avec phénomène
du vide intradiscal est évocateur du diagnostic lorsqu’il est
multiétagé.
Il s’y associe une ostéocondensation et une ostéophytose
marginale peu marquée des plateaux vertébraux adjacents.
Une
ossification progressive des disques avec formation de ponts osseux et oblitération des espaces intervertébraux peut s’observer et mime
parfois une spondylarthrite ankylosante, d’autant qu’une atteinte
similaire des articulations sacro-iliaques et de la symphyse pubienne
peut être associée.
L’ankylose rachidienne s’accompagne
habituellement d’une raréfaction osseuse.
Des troubles de la statique
(perte de la lordose lombaire et hypercyphose thoracique) sont
présents.
2- Arthropathies extrarachidiennes bilatérales
et symétriques
:
L’atteinte des genoux (70 % des cas), des épaules (40 % des cas) et
des hanches (30 % des cas) se traduit par des remaniements
dégénératifs avec pincement articulaire et ostéocondensation souschondrale.
L’atteinte est cependant sévère, le pincement volontiers
global, l’ostéophytose modérée, et le collapsus des surfaces
articulaires fréquent, avec fragmentation osseuse à l’origine de corps
étrangers intra-articulaires.
Des calcifications tendineuses et des
bourses peuvent également s’observer.
Il s’y associe une raréfaction
osseuse, probablement par défaut d’utilisation.
D - DIAGNOSTIC POSITIF
:
Il repose sur la mise en évidence du brunissement des urines que
l’on accélère en rajoutant de la soude ou de la liqueur de Fehling.
Le
dosage de l’excrétion urinaire de l’acide homogentisique,
considérablement augmentée dans cette affection (1 à 20 g/j) alors
qu’elle est nulle à l’état normal, est en fait rarement réalisé en raison
de ses résultats inconstants.
Il n’y a habituellement pas de syndrome inflammatoire biologique
dans cette affection.
E - DIAGNOSTIC DIFFÉRENTIEL
:
1- Calcifications discales
:
Les calcifications témoignant de dépôts de microcristaux
d’hydroxyapatite sont habituellement centrales, globuleuses, et
rarement multiétagées.
Lorsqu’elles sont secondaires aux ankyloses
spinales (spondylarthropathie ankylosante, hyperostose vertébrale,
ostéosynthèse chirurgicale...), le contexte est habituellement bien
différent.
Elles sont alors habituellement moins opaques que dans
l’ochronose.
Quant aux calcifications de PPCD, celles-ci prédominent
à la périphérie des disques ; elles sont moins denses et rarement
multiétagées.
2- Discopathies et arthropathies périphériques ochronotiques
:
Le principal diagnostic différentiel est l’arthrose.
L’alcaptonurie s’en
différencie par un développement beaucoup plus précoce des
lésions, l’atteinte de sites inhabituels (épaule, symphyse pubienne),
une distribution rachidienne multiétagée, un aspect inhabituel du
pincement articulaire (pincement fémorotibial latéral isolé ou
atteinte symétrique des deux compartiments, pincement global de
la hanche et de l’épaule), des anomalies extrêmement sévères avec
une importante ostéocondensation, une fragmentation et des corps
étrangers intra-articulaires.
Cette sévérité est habituellement
beaucoup plus grande que dans l’arthrose.
La production de
multiples corps étrangers intra-articulaires est particulièrement
caractéristique, contrastant avec une ostéophytose peu ou non
développée.
Enfin, il n’y a pas d’anomalie tendineuse dans
l’arthrose, à la différence de l’ochronose.
L’aspect radiologique des ostéoarthropathies nerveuses peut être
similaire aux arthropathies ochronotiques, mais le contexte clinique
et les articulations affectées diffèrent.
L’ankylose rachidienne de la spondylarthrite ankylosante peut
mimer l’ochronose mais les syndesmophytes sont cependant
différents des ponts osseux de l’ochronose.
F - PHYSIOPATHOGÉNIE
:
Les pigments ochronotiques s’accumulent dans les chondrocytes, qui
présentent des signes de dégénérescence, et dans la matrice
intercellulaire avec une affinité particulière pour les fibres de
collagène, altérant ainsi les propriétés biomécaniques du cartilage.
La surface cartilagineuse présente un aspect fibrillaire et des
érosions.
Il s’ensuit une fragmentation et une dénudation
progressive du cartilage avec exposition de l’os sous-chondral qui
est condensé.
Les modifications de l’os sous-chondral sont
cependant moins sévères que celles du cartilage.
Le pigment ochronotique est présent mais ne semble pas perturber l’organisation
du tissu osseux, bien qu’il soit ostéoporotique, probablement à cause
du défaut d’utilisation.
Au rachis, le pigment se dépose dans le
cartilage hyalin des plateaux vertébraux.
Le pigment ochronotique peut également se déposer dans les
fibrocartilages, synoviales, tendons et ligaments, ainsi que dans le
tissu conjonctif de diverses structures anatomiques (cornée,
cartilages costaux, bronchiques, trachéaux et laryngés, tympans,
aorte, valves cardiaques, reins et prostate).
G - TRAITEMENT
:
Il n’existe pas, à l’heure actuelle, de traitement permettant de
compenser le déficit enzymatique.
Les régimes pauvres en
phénylalanine et en tyrosine n’empêchent pas la synthèse endogène
et n’ont pas d’effet sur l’arthropathie ochronotique lorsqu’elle s’est
développée.
Le traitement est donc symptomatique (antalgiques,
anti-inflammatoires non stéroïdiens, remplacement prothétique).
Maladie de Wilson
:
La maladie de Wilson (ou dégénérescence hépatolenticulaire) est une
affection autosomique récessive du métabolisme du cuivre
caractérisée par une absence ou un dysfonctionnement de
l’adénosine triphosphatase de type P.
Il en résulte une absence
ou une diminution de la céruléoplasmine, protéine vectrice du
cuivre, et par conséquent une accumulation du cuivre dans divers
organes, notamment le foie et le cerveau.
A - CLINIQUE
:
La maladie de Wilson est rare, un peu plus fréquente chez les
hommes.
Les symptômes cliniques résultent de l’accumulation du
cuivre dans le corps.
L’âge de découverte de l’affection est variable,
habituellement compris entre 5 et 40 ans.
La manifestation clinique
initiale est hépatique dans 42 % des cas, neurologique dans 34 %,
psychiatrique dans 10 % des cas et hématologique, endocrinienne
ou rénale dans moins de 10 % des cas.
Plusieurs organes peuvent
être affectés au moment de la présentation clinique.
Chez les enfants, l’atteinte hépatique prédomine.
Il peut s’agir d’une
hépatite chronique, aiguë, fulminante, ou d’une cirrhose
asymptomatique.
Chez les jeunes adultes, ce sont plutôt les
symptômes neuropsychiatriques (dystonie, dysarthrie,
tremblements, troubles de la personnalité, anomalies cognitives) qui
dominent le tableau clinique.
Ils résultent notamment de l’atteinte
des noyaux gris centraux.
Les modifications oculaires sont caractéristiques de l’affection.
Il
s’agit des anneaux de Kayser-Fleischer, pigmentation jaune-brun de
la partie supérieure et inférieure de la cornée.
Ils sont
particulièrement évidents à la lampe à fente.
Ces anneaux sont
habituellement présents chez les adultes mais peuvent être absents
chez les enfants.
Une anémie hémolytique réactionnelle à la présence augmentée du
cuivre dans le plasma peut également s’observer.
La maladie rénale
tubulaire se traduit essentiellement par des anomalies biologiques
(aminoacidurie, protéinurie, phosphaturie, glycosurie, uricosurie).
L’atteinte articulaire est fréquemment asymptomatique et détectée
par les radiographies.
Une douleur et une tuméfaction peuvent
cependant occasionnellement s’observer.
B - ASPECTS RADIOGRAPHIQUES
:
Les signes radiographiques sont tardifs (20 à 40 ans) et associent
typiquement :
– une raréfaction osseuse (25 à 50 % des cas).
Elle est surtout
apparente aux mains, pieds et rachis et peut être responsable de
fractures ; elle est probablement secondaire à la perte de calcium et
de phosphore dans les urines ; une ostéomalacie, un rachitisme et
un syndrome de Fanconi ont parfois été rapportés en association
chez ces patients ;
– une chondrocalcinose.
Particulièrement décrite au genou, elle est
en fait rare et discutable ; si l’inhibition de la pyrophosphatase par
l’accumulation de cuivre pourrait expliquer sa présence, il peut
également s’agir d’une chondrocalcinose idiopathique, voire d’une
mauvaise interprétation des fragments osseux particulièrement
fréquents dans cette affection ;
– des arthropathies.
Elles ont été rapportées aux genoux, mains,
poignets, pieds, hanches, épaules, coudes et genoux et seraient
présentes chez la moitié des patients ; elles peuvent se traduire
par un aspect irrégulier ou une fragmentation de l’os sous-chondral
susceptible de mimer une ostéochondrite, des irrégularités corticales
et proliférations osseuses des enthèses, notamment aux trochanters,
et parfois des géodes sous-chondrales ; au rachis, l’aspect peut être
celui d’une maladie de Scheuermann.
Par ailleurs, on signale en IRM la possibilité d’un hypersignal des
ganglions de la base du crâne en T1 (signal paramagnétique du
cuivre) et d’un hypersignal en T2. Une atrophie et une myélinolyse
pontine ont également été rapportées.
C - DIAGNOSTIC POSITIF
:
Le diagnostic est habituellement porté sur l’association des données
cliniques (anneau de Kayser-Fleischer, symptômes neurologiques
typiques) et biologiques (céruléoplasmine sérique diminuée, contenu
en cuivre hépatique et urinaire augmenté).
Des tests génétiques
moléculaires sont maintenant standardisés pour tester les sujets
apparentés, mais cette analyse génétique reste cependant complexe
puisque plus de 100 mutations ont été identifiées et la plupart des
individus sont hétérozygotes.
D - DIAGNOSTIC DIFFÉRENTIEL
:
Il s’agit essentiellement de l’arthrose.
Cependant, la répartition
topographique des arthropathies (petites articulations de la main,
notamment les articulations métacarpophalangiennes, le poignet), la
fragmentation osseuse et les irrégularités des surfaces osseuses sont
inhabituelles dans l’arthrose.
Les autres diagnostics différentiels sont
l’ostéochondrite disséquante, la maladie de Scheuermann et la
chondrocalcinose à cristaux de pyrophosphate de calcium.
E - TRAITEMENT
:
Un traitement précoce de chélation du cuivre est nécessaire pour
prévenir les lésions hépatiques et cérébrales.
Le choix du
médicament utilisé dépend du stade de la maladie et du type de
présentation.
Il s’agit du zinc, de trientine (en association ou non
au zinc), de tétrathiomolybdate.
La D-pénicillamine est moins
prescrite à l’heure actuelle en raison de ses effets indésirables (lupus,
syndrome néphrotique dans 20 à 25 % des cas). Une
transplantation hépatique doit en revanche s’envisager en cas de
défaillance hépatique fulminante ou de réponse thérapeutique
insuffisante.
Cristaux de cholestérol
:
Au cours de la polyarthrite rhumatoïde, des cristaux de cholestérol
sont fréquemment identifiés dans la membrane synoviale et le
liquide articulaire.
Ils sont plus rarement rapportés dans l’arthrose,
la goutte, la spondylarthrite ankylosante ou le lupus, et
exceptionnellement dans les hyperlipoprotéinémies.
Il a été
démontré que l’injection intra-articulaire de ces cristaux ne
s’accompagnait que d’une inflammation synoviale relativement
modérée, à la différence des autres affections à microcristaux.
Ces
cristaux de cholestérol sont donc susceptibles d’entraîner une
inflammation synoviale de bas grade, et peut-être des dommages
cartilagineux.
Corticostéroïdes
:
Les préparations de corticoïdes pour injection intra-articulaire sont
parfois des suspensions de microcristaux.
Leur injection peut dès
lors s’accompagner d’une exacerbation des symptômes avec
rougeur, chaleur et tuméfaction de l’articulation.
Ces manifestations
débutent habituellement 1 à 3 jours après l’injection intra-articulaire
et peuvent persister quelques jours.
Elles sont rarement observées,
mais l’injection de doses importantes de corticostéroïdes et le
caractère traumatique des injections peuvent en augmenter la
fréquence.