Les anomalies du retour veineux systémique (veines caves
supérieure et inférieure, veines sus-hépatiques et sinus coronaire)
s’observent parfois isolément ou viennent compliquer de très
nombreuses formes de cardiopathies congénitales.
Quand elles ne
sont pas responsables de shunts anormaux, elles peuvent rester
méconnues.
Leur description est indispensable dans les
malformations cardiaques complexes car elles peuvent rendre la
chirurgie réparatrice ou palliative difficile.
Le diagnostic de ces
anomalies est fait de façon fortuite le plus souvent à l’occasion de
l’exploration angiographique d’une cardiopathie congénitale.
La
plupart des anomalies qui sont décrites ici ne surviennent pas
isolément.
Certaines d’entre elles sont des marqueurs très sensibles
d’anomalies complexes de la latéralité cardiaque ; d’autres doivent
être recherchées avec attention car leur méconnaissance peut
conduire à un désastre postopératoire.
Chez l’adulte, certaines
anomalies du retour cave inférieur telles que la continuation azygos
peuvent être déroutantes pour les cathétériseurs sans être
pathologiques.
Le recours à l’imagerie par résonance magnétique
comme préalable aux explorations invasives doit être recommandé,
en particulier chez les patients adultes ou multiopérés pour préciser
les voies d’abord veineuses disponibles ou les plus adéquates pour
la procédure envisagée.
Rappel embryologique
:
Les veines caves supérieures sont issues des veines cardinales
antérieures.
Au cours du développement normal, la veine cardinale
antérieure droite est reliée à la veine cardinale antérieure gauche
par une anastomose transversale qui se développe tandis que la
partie gauche du sinus veineux, le canal de Cuvier et les veines
cardinales gauches involuent, ne laissant subsister qu’un cordon
fibreux entre la veine innominée qui reçoit les veines jugulaire et
sous-clavière gauches et le sinus coronaire.
La persistance de ces
structures constitue la veine oblique de Marshall.
Pour le système veineux sous-diaphragmatique, l’embryologie est
plus complexe car l’organisation des structures veineuses va être
perturbée par le développement du foie et des reins.
En résumé, la
cave inférieure dérive de bas en haut de cinq segments d’origine
différente :
– les veines cardinales postérieures ;
– les veines sous-cardinales ;
– l’anastomose entre la sous-cardinale droite et la vitelline droite ;
– la veine vitelline droite pour le segment mésentérique.
La continuation azygos de la veine cave inférieure (VCI) est liée à
l’absence de formation du segment intrahépatique de la VCI.
Anomalies de la veine cave supérieure
droite
:
En situation de situs solitus avec une latéralisation normale des
oreillettes, les anomalies sont exceptionnelles.
Elles comprennent
l’absence de la veine cave supérieure droite (VCSD), la dilatation
anévrismale de la veine cave supérieure gauche (VCSD) avec ou
sans obstruction distale, l’abouchement à l’oreillette gauche
et/ou dans la partie inférieure de l’oreillette droite.
Quand la VCSD est absente ou hypoplasique, le drainage veineux de la partie
supérieure du corps se fait nécessairement par une veine cave
supérieure gauche (VCSG) qui s’abouche soit dans le sinus coronaire
qui est alors dilaté ou bien directement dans l’oreillette gauche.
Anomalie de trajet du tronc veineux
innominé
:
L’anomalie la plus classique est le trajet sous-aortique du tronc
veineux innominé qui s’observe surtout en association avec la
tétralogie de Fallot avec arc aortique droit.
Elle se complique très
exceptionnellement de compression veineuse quand l’une ou l’autre
des artères sous-clavières a un trajet aberrant.
Les duplications
du tronc veineux innominé sont des surprises angiographiques.
L’absence de tronc veineux innominé est fréquente quand il y a deux
veines caves supérieures. On peut alors voir un réseau de veines médiastinales établissant des communications entre les deux veines
caves supérieures.
Persistance de la veine cave
supérieure gauche :
A - VEINE CAVE SUPÉRIEURE GAUCHE
DANS LE SINUS CORONAIRE
:
Elle est due à la persistance de la veine cardinale antérieure gauche
et de sa jonction avec le canal de Cuvier gauche.
Elle est fréquente
puisqu’on la retrouve dans 0,3 % de la population générale et dans
environ 4 % des cardiopathies congénitales.
Elle naît de la jonction
de la veine jugulaire gauche et du tronc veineux innominé et
descend verticalement devant la crosse de l’aorte et l’artère
pulmonaire gauche.
Elle reçoit ensuite la veine hémiazygos puis,
après avoir pénétré dans le péricarde, elle se poursuit par le sinus
coronaire.
Dans 85 % des cas, il y a deux veines caves supérieures
qui peuvent communiquer par un tronc veineux innominé ou bien
par des anastomose médiastinales.
Dans 15 % des cas, la VCSD est
absente et la VCSG draine tout le sang veineux des membres
supérieurs et de la tête, et le système azygos est retrouvé à gauche.
Isolée, cette anomalie n’a aucun retentissement fonctionnel.
Le
diagnostic échographique montre un sinus coronaire dilaté et la VCSG peut être vue par voie suprasternale à gauche de la crosse de
l’aorte.
Le diagnostic angiographique se fait soit par
cathétérisme rétrograde du sinus coronaire à partir de l’oreillette
droite, soit, quand il y a un tronc veineux innominé, par une
injection de contraste dans sa portion proximale, montrant le
drainage vers le sinus coronaire, soit par une injection au fil de l’eau
dans une veine du bras gauche.
L’absence de tronc veineux
innominé atteint depuis la VCSD doit faire suspecter la présence
d’une VCSG.
Si la persistance d’une VCSG au sinus coronaire
est une anomalie mineure et bénigne, elle peut gêner la mise en
place d’une stimulateur cardiaque par voie veineuse brachiale
gauche ; elle peut contraindre le chirurgien à clamper ou à canuler
la VCSG pendant la circulation extracorporelle.
Il est nécessaire
de préciser si la VCSG communique avec la VCSD dans le cas où
une dérivation cavopulmonaire supérieure est envisagée.
En effet,
s’il y a un tronc veineux innominé, il est possible de lier la VCSG ;
dans le cas contraire, elle doit être anastomosée à l’artère pulmonaire
gauche pour éviter que le drainage veineux de la partie supérieure
du corps ne se fasse vers le sinus coronaire ou, en cas de ligature,
que ne se développent des anastomoses veinoveineuses entre le
système cave supérieur et inférieur.
Enfin, il a été proposé que la
dilatation du sinus coronaire gêne le remplissage mitral pendant la vie foetale conduisant ainsi à une hypoplasie relative du ventricule
gauche.
En effet, cette anomalie n’est pas rare dans les asymétries
ventriculaires foetales aux dépens des cavités gauches et constitue
un marqueur de risque de coarctation néonatale.
L’aspect
échographique de dilatation du sinus coronaire peut en imposer au
cours de l’examen échocardiographique foetal pour une
communication interauriculaire de type ostium primum.
La
rectification du diagnostic est indispensable car ce type de
cardiopathie est fréquemment associé à la trisomie 21 alors que la
persistance de la VCSG n’est pas un facteur de risque d’aneusomie.
Pour finir, en l’absence de VCSD, les troubles du rythme seraient
plus fréquents liés à des anomalies de position ou de développement
du noeud sinusal.
B - VEINE CAVE SUPÉRIEURE GAUCHE
DANS L’OREILLETTE GAUCHE
:
Quand l’abouchement se fait dans l’oreillette gauche directement ou
par un sinus coronaire fenêtré, le patient peut être cyanosé et le
diagnostic peut être rendu difficile si cette anomalie est associée à
une cardiopathie elle-même responsable de shunt droitegauche.
Cette anomalie isolée est très rare. S’il n’y a pas
de VCSD, le shunt droite–gauche est obligatoire ; la ligature de la
VCSG n’est pas possible et il est nécessaire de faire un
cloisonnement atrial.
À l’inverse, quand il y a une VCSD, le shunt
est le plus souvent gauche–droite car la pression dans l’oreillette
gauche est supérieure à la pression cave et la VCSG peut être liée
au-dessus du sinus coronaire.
Anomalies de la veine cave inférieure
:
Les variations anatomiques de la VCI comprennent les
possibilités suivantes :
A - ANOMALIES DE POSITION EN FONCTION DU SITUS
:
La VCI peut se situer à gauche et croiser ou non la ligne médiane au
diaphragme en fonction de la latéralisation des oreillettes et de la
position du coeur.
La reconnaissance de la position de la VCI par
rapport au rachis et de la position respective de l’oreillette qui la
reçoit permet de définir le situs : solitus, inversus ou ambigu.
Cela
n’est pas toujours simple dans les anomalies du déterminisme de la
latéralité gauche–droite, en particulier quand le coeur est en
dextrocardie ou quand il y a un isomérisme atrial.
B - CONTINUATION AZYGOS DE LA VEINE CAVE INFÉRIEURE
:
Le retour veineux des membres inférieurs se fait par une veine
azygos qui traverse le diaphragme et vient s’aboucher à une des
veines caves supérieures. Le segment intrahépatique de la VCI
est interrompu.
Cette anomalie s’observe dans 80 % des isomérismes gauches mais reste rare dans les autres cardiopathies
congénitales.
Le diagnostic est fait par l’échographie ou
l’angiographie.
Ce type d’anomalie du retour veineux systémique
complique les cathétérisme cardiaques.
Il pose par ailleurs un double
problème lors de la palliation des cardiopathies congénitales
complexes par la technique de dérivation cavopulmonaire.
Le
premier est lié au fait qu’une anastomose cavopulmonaire
supérieure est alors subtotale car seules les veines sus-hépatiques
continuent à se drainer dans le coeur.
Ensuite, cette absence de
passage du sang veineux d’origine hépatique dans les poumons est
un facteur de risque de développement de fistules artérioveineuses
pulmonaires à moyen terme.
C - ABOUCHEMENT DE LA VEINE CAVE INFÉRIEURE
À L’OREILLETTE GAUCHE
:
Il s’agit d’une anomalie cyanogène comme pour les veines caves
supérieures (VCS).
Elle est très rare et est le plus souvent confondue
avec une communication interauriculaire très bas située qui oriente
le drainage veineux cave inférieur vers l’oreillette gauche.
D - ABOUCHEMENT DE LA VEINE CAVE INFÉRIEURE
AU SINUS CORONAIRE
:
Il a rarement été décrit chez des patients ayant une hétérotaxie
viscéroatriale.
Les veines sus-hépatiques se drainent alors dans la
partie droite du massif auriculaire et la VCI dans la partie gauche.
Le toit du sinus coronaire est habituellement absent.
E - STÉNOSES DE LA VEINE CAVE INFÉRIEURE
:
Elles ont été rarement décrites en association avec le syndrome du
« cimeterre ».
Ce syndrome associe une hypoplasie pulmonaire
droite, un retour veineux pulmonaire droit anormal qui se fait
habituellement dans l’oreillette droite par une veine cimeterre et une
séquestration pulmonaire alimentée par une artère systémique
naissant sous le diaphragme.
Des sténoses membraneuses de la terminaison de la VCI
responsables du syndrome de Budd-Chiari ou d’hémoptysie massive
ont été rapportées.
Enfin, la persistance des différentes valves du
sinus veineux (valve d’Eustachi au bord de l’orifice de la VCSD,
valve de Thébésius au bord de l’orifice du sinus coronaire et réseau
de Chiari situé entre la valve de Thebesius et la cloison
interauriculaire) peuvent exceptionnellement être à l’origine de
symptômes liés à l’obstruction du retour veineux systémique.
Elle peut surtout gêner le cathétérisme droit.
Anomalies des veines sus-hépatiques
:
Dans les isomérismes, les veines sus-hépatiques peuvent se
connecter directement dans l’oreillette à distance de la VCI.
Le
drainage dans le sinus coronaire a été décrit là aussi dans des cardiopathies complexes.
Le diagnostic est fait au cours de
l’intervention de dérivation cavopulmonaire.
Anomalies du sinus coronaire
:
La connaissance de ces anomalies a été approfondie grâce au
développement des nouvelles techniques de stimulation d’ablation
de circuits électriques anormaux.
La dilatation du sinus coronaire
est le plus souvent liée au fait qu’il reçoit une VCSG.
Des
sténoses ou atrésies du sinus coronaire peuvent être vues en
l’absence d’autre anomalie. Le drainage veineux coronaire
s’effectue alors par une VCSG fonctionnant de bas en haut vers le
tronc veineux innominé.
Les anévrismes du sinus coronaire ou les
anomalies de position de son abouchement à l’oreillette droite ne
sont souvent constatées qu’au cours de procédures d’ablation.
L’agénésie partielle ou totale du toit du sinus coronaire est
responsable d’un shunt droite–gauche et survient rarement
isolément.
Agénésie du canal d’Arantius
:
Le canal d’Arantius ou ductus venosus est une structure présente
uniquement pendant la vie foetale.
Il fait communiquer la veine
ombilicale et la veine porte avec la VCSD.
Il se ferme en quelques
heures ou jours après la naissance.
Son absence ou sa thrombose
anténatale peuvent conduire à une anasarque foetale.
Cependant, plusieurs cas totalement asymptomatiques ont été
décrits. Le diagnostic est échographique.