Vieillissement cutané : aspects cliniques-traitement Cours de dermatologie
Aspects cliniques
:
A - VIEILLISSEMENT INTRINSÈQUE :
L’élément principal est l’amincissement du tégument : la peau du
sujet âgé est fine, pâle, sèche par endroits.
L’atrophie sénile
s’exprime de manière particulièrement nette au niveau de certaines
zones, comme les jambes où l’épiderme est en « pelure d’oignon »,
en « papier à cigarette », fin, plissé, laissant transparaître le réseau
vasculaire sous-jacent.
La perte de l’élasticité s’exprime par un
relâchement d’ensemble, plus évident pour certaines zones.
Au
niveau du visage, cette ptôse est responsable de l’aspect tombant
des paupières, des joues et du relâchement des téguments du cou.
La peau sénile est très fragile dans son ensemble.
Le prurit diffus,
parfois intense, est un symptôme tout à fait courant chez le sujet
âgé.
Bien que son déterminisme soit encore imparfaitement connu,
probablement multifactoriel, il est clair que la xérose (parfois accompagnée d’une fine desmaquation) caractérisant la peau sénile
en constitue un élément étiologique important.
Le traitement de ce
prurit sénile, faisant appel principalement à des émollients, est
souvent difficile.
La peau du sujet âgé voit se développer quelques lésions bénignes,
en nombre variable selon les individus : angiomes rubis, kératoses
séborrhéiques, acrochordons (cou, plis axillaires, plis inguinaux).
Aux paupières, on observe parfois des xanthélasma ou des
hidradénomes.
La ménopause aggrave, par la carence oestrogénique qu’elle entraîne,
l’atrophie cutanée induite par la sénescence.
Il existe par ailleurs
une sécheresse des muqueuses génitales, subissant également un
phénomène d’atrophie.
Le climat d’hyperandrogénie relative est
responsable d’un certain degré d’hirsutisme et d’alopécie de type
androgénique (variations individuelles).
B - HÉLIODERMIE :
Les manifestations de l’héliodermie s’expriment par définition au
niveau des zones chroniquement exposées au rayonnement solaire
(visage, cou, dos des mains).
Certaines zones sont particulièrement exposées : front, pommettes,
région de la patte d’oie, région péribuccale, menton.
La peau apparaît épaissie, terne, rêche, jaunâtre.
Cet épaississement
s’exprime particulièrement au niveau des orifices pilaires, dilatés.
L’ensemble de ces manifestations confère à la peau un aspect citrin
(Milian).
Aux zones de microtraumatismes réguliers (dos des mains,
faces d’extension des avant-bras), on observe des macules purpuriques à bords irréguliers, de quelques millimètres à quelques
centimètres de diamètre (purpura de Bateman).
Coexistant
avec ces macules purpuriques, on note des lésions d’allure
cicatricielle, blanchâtres, aux contours irréguliers (pseudocicatrices
stellaires de Colomb).
Pour certains, les pseudocicatrices
stellaires succéderaient au purpura de Bateman.
Un aspect
particulier s’observe au cou : les faces latérales présentent un aspect
atrophique, télangiectasique, avec dilatation des follicules
pilosébacés (« peau de poulet »).
L’ensemble est connu sous le terme
d’erythrosis interfollicularis colli.
1- Élastose :
Elle se traduit cliniquement par l’apparition de rides.
Les ridules, très superficielles, s’effacent lorsque l’on tend
légèrement l’épiderme entre deux doigts.
Elles sont particulièrement
nettes au niveau des joues, surtout chez la femme, où elles confèrent
un aspect réticulé parfois important.
Les rides profondes (dites rides
d’expression) sont liées à la traction répétée des muscles peauciers
sur une peau ayant perdu ses propriétés élastiques.
Elles se
développent donc de façon perpendiculaire à l’axe de contraction
des muscles : rides verticales du front, de la zone péribuccale
(lèvre supérieure particulièrement), rides de la patte d’oie, zones
périorbitaires.
Au niveau de la nuque, la peau élastosique est parfois
très épaissse, jaunâtre, parcourue de rides très profondes, donnant
un aspect quadrillé (nuque rhomboïdale).
Cet ensemble
symptomatique s’observe volontiers chez des sujets (hommes
surtout) ayant travaillé pendant de longues années en extérieur.
Certains sujets, particulièrement ceux de phototype clair, présentent
des télangiectasies importantes avec aspect de couperose.
L’élastose dermique peut prendre divers aspects parfois moins
typiques.
* « Pseudo-colloid milium »
:
Ce sont des papules jaunâtres d’allure translucide, siégeant au front.
Au plan microscopique, elles apparaissent comme des masses
éosinophiles ou basophiles occupant le derme papillaire.
Leur
origine est discutée (anomalie de synthèse du fibroblaste ou tissu élastosique dégradé ?).
* Élastome en plaques du nez de Dubreuilh
:
*
Nodules élastosiques des oreilles
:
Ce sont des papules translucides de 4 à 6mm de diamètre devant
être biopsées, l’aspect de certains carcinomes basocellulaires étant
proche cliniquement.
* Granulome actinique de O’Brien d’allure annulaire
:
Il s’agit d’un infiltrat histiocytaire et gigantocellulaire « digérant » le
tissu élastosique.
* Aspects spécifiques aux orifices pilaires
:
L’élastoïdose à kystes et comédons (Favre et Racouchot) se rencontre
au niveau des zones périorbitaires, principalement chez l’homme, et
semble-t-il surtout chez le fumeur.
L’aspect est celui de gros
comédons pigmentés, groupés en nappe, surmontant des zones
particulièrement élastosiques, de manière bilatérale et symétrique.
À d’autres endroits, des aspects pseudocomédoniens traduiront un
trichostasis spinulosa (aspect de plusieurs duvets agglomérés sortant
d’un même orifice pilaire).
Des adénomes sébacés résultent de
l’hyperplasie des glandes sébacées groupées en masses appendues à
un follicule pileux.
Ils se traduisent par des papules d’allure rosée,
ombiliquées. Ici encore, l’important sera de ne pas les
confondre avec un carcinome basocellulaire.
2- Troubles pigmentaires
:
La peau héliodermique présente, particulièrement au visage et au
dos des mains, des macules hyperpigmentées, mélaniques, aux
bords irréguliers, de couleur variable (allant du marron clair au
marron foncé).
De quelques millimètres à quelques centimètres de
diamètre, ces lentigos solaires ou séniles s’expriment au plan
histologique par une hyperplasie épidermique associée à des
mélanocytes non ou peu augmentés en nombre, mais exprimant au
plan ultrastructural des signes d’hyperactivité.
Ces taches
pigmentaires banales et bénignes ne devront pas être confondues
avec le lentigo malin ou mélanose de Dubreuilh dont l’évolution et
le pronostic non traité sont tout autres.
Le lentigo malin s’observe
principalement au niveau du visage (joues ++) mais a également été
rapporté aux membres.
Le pic de fréquence se situe entre la septième
et la huitième décennie mais des cas plus précoces peuvent
s’observer. Il existe une prépondérance féminine.
La lésion
apparaît comme une tache pigmentaire unique de grande taille
(pouvant parfois, selon l’évolution, atteindre plusieurs centimètres),
aux bords assez mal limités, de teinte hétérogène (allant du marron
clair au marron foncé).
L’évolution se fait par extension
progressive, en surface puis en profondeur, avec apparition de
nodules pigmentés.
Le lentigo malin est un mélanome, intraépidermique dans un premier temps, puis invasif.
On
comprendra l’importance d’un diagnostic et d’un traitement
précoces.
L’exérèse chirurgicale est le traitement de choix.
3- Kératoses actiniques :
Bien que ne faisant pas partie de la définition stricto sensu de
l’héliodermie (regroupant les manifestations cutanées bénignes
imputables à l’exposition solaire chronique), elles méritent
cependant d’être connues compte tenu de leur fréquence, de leur
déterminisme commun avec l’héliodermie (radiations ultraviolettes),
et de leur caractère précarcinomateux.
Elles se traduisent par des
lésions kératosiques rosées ou grisâtres, papuleuses, confluant
parfois en plaques. Leur topographie préférentielle les
caractérise également : front, crâne (sujets chauves), régions
malaires, dos des mains.
Elles doivent être reconnues et traitées
(applications d’azote liquide).
Elles peuvent évoluer, non traitées,
vers des carcinomes (principalement spinocellulaires).
C - ASPECTS CLINIQUES DU VIEILLISSEMENT
DES PHANÈRES :
Les cheveux deviennent plus fins, grisonnent puis blanchissent, et
se raréfient (variations individuelles).
Dans l’ensemble, les poils se
raréfient.
Chez l’homme, au niveau de certaines zones (sourcils,
conduits auditifs), on assiste au contraire à une augmentation de la
pousse des poils.
Les ongles des mains sont amincis et présentent des striations
longitudinales.
À l’inverse, les ongles des orteils s’épaississent avec
l’âge, conduisant parfois à de véritables onychogriphoses.
D - ÉVALUATION DU VIEILLISSEMENT CUTANÉ :
1- Mesures physiques :
La mesure de l’épaisseur cutanée par échographie est intéressante
pour évaluer le bénéfice d’un traitement (AR, substitution
oestrogénique chez la femme ménopausée).
La mesure des propriétés
biomécaniques se fait grâce à diverses techniques complémentaires
non invasives.
La ballistométrie évalue l’élasticité cutanée en
mesurant l’amplitude des rebonds d’un poids de 5 grammes
retombant d’une certaine hauteur.
Différentes techniques étudient
les propriétés d’extension en faisant effectuer des rotations axiales à
la surface de la peau.
D’autres mesurent les propriétés de
déformation par des techniques de traction ou de compression
(indentomètre).
L’ensemble de ces mesures montre que la peau héliodermique perd son élasticité et son extensibilité. Elles
comportent des limites liées à des problèmes de standardisation et
de sensibilité.
Les modifications du flux cutané sanguin (notamment sous
traitement par AR) sont mesurées par laser-doppler.
La profilométrie
étudie, par analyse d’images computérisées, le relief d’une zone
cutanée (« patte-d’oie » généralement).
Elle permet de quantifier
notamment la diminution des ridules sous traitement.
2- Évaluation clinique
:
Il n’y a pas de système d’évaluation clinique idéal. Selon les auteurs
et les protocoles, sont mis en avant : les échelles visuelles
analogiques, les scores cliniques, les photographies standardisées
(problème de reproductibilité des conditions techniques), les échelles
photographiques de sévérité.
Traitement :
La plupart des traitements qui vont être détaillés ci-après s’adressent
à la prise en charge de l’héliodermie.
A - TRÉTINOÏNE TOPIQUE (VITAMINE A ACIDE, AR)
:
Utilisée depuis de nombreuses années dans le traitement topique
des acnés comédoniennes, la trétinoïne (AR) a vu son intérêt accru
par l’observation, au début des années 1980, de son efficacité dans le
traitement de l’héliodermie.
Depuis, de nombreux travaux ont
confirmé ces observations princeps et précisé les modalités d’action
et de prescription de la molécule dans cette indication.
1- Rationnel pharmacologique :
L’AR est un dérivé métabolique de la vitamine A (rétinol) possédant
des propriétés antiprolifératives et différenciantes sur des épidermes
pathologiques.
L’AR stimule, in vitro, la production de transforming growth
factor-bêta (TGF-bêta) par le kératinocyte.
Cette
cytokine est connue pour stimuler la synthèse de collagène et de fibronectine par le fibroblaste.
L’application topique d’AR à des
souris hairless (sans poils) irradiées par des rayons ultraviolets (UV)
stimule la synthèse de collagène dermique en augmentant
l’expression des gènes codant pour les collagènes I et III.
L’importance des UV-B dans cet effet stimulant a été mis en
avant.
L’application topique d’AR inhibe la stimulation de la
synthèse de métalloprotéinases dermiques (collagénase, gélatinase,
stromélysine) induite par irradiation UV.
En revanche, l’AR
n’influence pas la synthèse des glycosaminoglycans (GAG).
Ses propriétés pharmacologiques constituent donc un rationnel fort
d’utilisation dans le traitement du vieillissement cutané.
2- Bases expérimentales :
Kligman a développé un modèle murin d’héliodermie.
Des souris hairless irradiées par des UV-B trois fois par semaine développent,
après 30 semaines, des modifications cutanées tout à fait
comparables à celles observées au cours de l’héliodermie.
Un
traitement par AR topique (0,05 %) entraîne une réparation des
anomalies induites par les UV : diminution significative des nappes
d’élastose dermique, augmentation du nombre et stimulation de
l’activité des fibroblastes, restauration d’un collagène non
dystrophique au sein du derme papillaire, normalisation de la
microvascularisation, apparition de signes de différenciation
épidermique (couche granuleuse), observation d’un matériel
granulaire, bleu alcian positif, au sein du stratum corneum.
Des études immunohistochimiques ont très bien objectivé les dépôts
de collagène III et de collagène VII (fibrilles d’ancrage) au sein du
derme papillaire.
Ces modifications n’ont pas été observées
lorsqu’un émollient simple était appliqué.
3- Études cliniques :
* Modifications macroscopiques :
Kligman et al ont rapporté dès 1986 les améliorations observées
chez l’homme héliodermique traité par AR topique (0,05 % le soir -
6 à 12 mois).
Ils rapportent chez les patients traités un
épaississement épidermique, une certaine réversibilité des aspects
de dysplasie épidermique, une augmentation de la teneur en
collagène dermique. Entre 1988 et 1990, trois études contrôlées,
randomisées, conduites en double insu, ont montré l’efficacité d’un
traitement par AR (0,05 % et 0,1 %) pendant 6 mois.
La
première modification clinique, apparaissant dès la première
semaine de traitement, est un aspect plus rosé, plus lisse, plus
brillant de la surface de la peau.
Ces aspects correspondent aux
modifications épidermiques très précoces (épaississement,
compaction du stratum corneum, dépôt mucineux épidermique).
Après 6 mois de traitement, le score global de sévérité est amélioré
d’environ une unité (échelle de 0 à 9). Près de huit patients sur dix
présentent une amélioration significative.
La différence est, dans
toutes les études, statistiquement significativement supérieure aux
résultats obtenus par l’excipient seul.
L’amélioration porte
principalement sur les éléments suivants : rugosité, ridules, aspect
terne et pigmenté.
Cette amélioration s’observe dès la fin du premier
mois de traitement.
L’effet est beaucoup moins observable, voire nul, concernant les
rides profondes et la perte d’élasticité, non modifiées quelle que soit
la durée du traitement.
Les dilatations capillaires répondent peu au
traitement.
L’éclaircissement des macules hyperpigmentées est peu
objectif avec la concentration 0,05 %.
Une étude a montré une
certaine efficacité sur ce paramètre avec la concentration 0,1 %
(concentration non disponible sous forme de crème en France).
De nombreux arguments sont venus infirmer l’hypothèse émise
initialement par certains d’un effet transitoire imputable en fait au
phénomène d’irritation induit par l’AR : réversion des anomalies
histologiques, poursuite de l’amélioration alors même que les effets
irritatifs s’estompent puis disparaissent, diminution de l’infiltrat
inflammatoire périvasculaire sous AR.
La stratification de la réponse
thérapeutique en fonction des effets irritatifs a confirmé que l’AR
agissait indépendamment de tout effet irritatif.
Les études en laser-doppler vélocimétrie ont montré un accroissement du flux
cutané sanguin.
Les études en profilométrie avec analyse d’image (répliques
d’empreintes effectuées au niveau de la patte d’oie) ont bien
démontré la réduction significative de la profondeur et du nombre
de ridules chez les patients traités.
* Relation concentration-effet :
Les premières études contrôlées effectuées aux États-Unis ont évalué
une crème à 0,1 % d’AR.
En France, seules les concentrations à
0,025 % et à 0,05 % sont disponibles sous forme de crème.
L’équivalence, à terme, est établie entre 0,05 % et 0,1 %.
En revanche,
l’utilisation de concentrations plus faibles entraîne des résultats
inférieurs.
La concentration à 0,01 % n’est pas différente de
l’excipient.
La concentration à 0,025 % peut constituer une
première ligne thérapeutique chez les sujets particulièrement
sensibles aux effets secondaires ou un relais.
La concentration de
0,05 % reste cependant celle recommandée dans le traitement de
l’héliodermie.
* Relation effet-durée du traitement
:
L’effet bénéfique maximal semble être observé à 6 mois.
L’amélioration est par la suite beaucoup moins objective.
Il ne
semble pas exister de phénomène d’échappement thérapeutique,
même après application au long cours (4 ans).
* Nécessité d’un traitement d’entretien
:
Elle a été parfaitement démontrée.
L’étude rapportée par Thorne
a évalué le maintien d’un effet bénéfique après 1 an de traitement
quotidien par une crème à 0,05 % d’AR.
À 6 mois, ce maintien
satisfaisant est observé chez 77 % des patients ayant maintenu les
applications à raison de trois fois par semaine, chez 68 % des
patients ayant maintenu les applications à raison d’une fois par
semaine, et chez 47 % seulement des patients ayant arrêté le
traitement.
Il n’y a pas cependant d’« effet rebond » et la
réapparition des signes d’héliodermie se fait progressivement.
*
odifications microscopiques :
+ À moyen terme (6 mois) :
Les modifications sont avant tout épidermiques : augmentation de
l’épaisseur de l’épiderme, apparition de signes de différenciation
(stratum granulosum), aspect plus compact de la couche cornée,
répartition plus homogène de la mélanine au sein de l’épiderme,
cependant sans diminution significative du contenu en mélanine.
+ À long terme (1 à 4 ans)
:
Les modifications épidermiques apparaissent moins nettes (en
dehors du contenu en mélanine qui diminue régulièrement) ; des
modifications dermiques apparaissent. Bhawan et al ont quantifié
les modifications microscopiques par rapport aux aspects initiaux
après 4 ans de traitement.
L’épaisseur de l’épiderme est diminuée
de 11 %, le contenu en mélanine de 81 %.
La couche granuleuse n’apparaît pas modifiée de façon significative,
le stratum corneum devenant plus compact.
Au niveau du derme,
une réduction de 34 % de la zone occupée par l’élastose est
constatée.
L’inflammation périvasculaire diminue.
Une
augmentation très nette de la teneur dermique en collagène a été
rapportée.
En microscopie électronique, on observe une
augmentation du nombre des fibroblastes qui présentent des signes
d’activité métabolique.
Les fibres collagènes apparaissent mieux
agencées, moins effilochées.
Les atypies kératinocytaires régressent
également.
* Tolérance
:
Des effets secondaires à type d’irritation (érythème, oedème modéré,
aspect desquamatif) s’observent principalement au cours des 2 à
4 premières semaines de traitement, principalement chez les sujets
au teint clair.
L’intensité en est généralement modérée, conduisant à
un espacement des applications (ou à l’utilisation d’une forme moins
dosée, à 0,025 %) mais très rarement à l’arrêt du traitement.
L’utilisation systématique d’émollients est très utile en association.
L’application à proximité des zones périorificielles est à proscrire en
raison du risque d’irritation.
Dans la revue de Thorne, colligeant
619 patients traités par AR 0,05 % pendant 6 à 18 mois, seuls 5 %
des patients ont dû arrêter le traitement en raison d’une intolérance.
Enfin, en raison du caractère tératogène des rétinoïdes, et même si
l’absorption transcutanée de l’AR topique semble très faible,
l’utilisation de ce traitement est formellement contre-indiquée au
cours de la grossesse.
L’isotrétinoïne (isomère 13 cis de l’AR) topique (0,05 puis 0,1 %)
présenterait une efficacité comparable à celle de la trétinoïne
topique.
Le rétinaldéhyde topique a fait la preuve d’un intérêt
dans des études préliminaires.
B - ALPHA-HYDROXY-ACIDES (AHA)
:
Ce sont des acides organiques possédant une fonction OH
(hydroxyle) fixée en position alpha sur une fonction COOH-acide
(carboxylique).
Ces acides alphahydroxylés sont présents à l’état
naturel dans certains fruits, d’où leur nom d’acides de fruits (raisin,
citron, pomme, orange, poire, canne à sucre).
Parmi les plus utilisés,
citons : l’acide glycolique (possédant la chaîne la plus courte, deux
atomes de carbone, et la plus grande efficacité kératolytique), l’acide
lactique, l’acide malique, l’acide tartrique, l’acide citrique, l’acide
mandélique.
Seule leur forme libre ayant un effet kératolytique, on
conçoit l’importance du pH de la formulation.
À faible concentration
(< 10 %), les AHA diminuent la cohésion cornéocytaire en agissant
sur les couches profondes du stratum corneum.
Entre 20 et 25 %, ils
exercent des effets sur l’épiderme, et probablement sur le derme.
Ils stimulent notamment la synthèse des GAG en inhibant certaines
enzymes intervenant dans la glycolyse.
À très forte concentration
(40 % et plus), ils entraînent une épidermolyse totale et doivent donc
être utilisés sous contrôle médical direct.
Leur rationnel d’utilisation, à faibles concentrations, dans le
traitement du vieillissement cutané repose essentiellement sur leurs
propriétés hydratantes et faiblement kératolytiques.
De nombreuses
préparations commerciales à usage cosmétique contiennent de
l’acide glycolique ou de l’acide lactique à des concentrations
maximales de 15 %.
À la concentration de 5 %, l’acide lactique a des effets uniquement
épidermiques.
À la concentration de 12 % (application deux fois par
jour pendant 3 mois) Smith a montré une diminution des ridules.
Utilisant une concentration de 25 % d’AHA, Ditre et al ont
montré, après 6 mois d’application biquotidienne : une
augmentation de l’épaisseur de l’épiderme et du derme papillaire,
la restauration d’un aspect festonné de la basale, une amélioration
du réseau élastique dermique, une densification des faisceaux
collagènes.
Ces éléments constituent des bases intéressantes à
l’utilisation des AHA dans le traitement du vieillissement cutané,
mais des études contrôlées doivent être menées pour affirmer
pleinement leur intérêt.
L’étude contrôlée de Stiller et al comparant des topiques d’AHA
à la concentration de 8 % (acide glycolique ou acide lactique) chez
74 patients présentant une héliodermie d’intensité modérée a montré
une amélioration significative portant sur la sévérité globale,
l’hyperpigmentation, la rugosité (22 semaines de traitement, deux
fois par jour).
D’autres études sont nécessaires.
À ces concentrations, la tolérance est généralement bonne, des
sensations d’irritation plus ou moins importantes s’observant
parfois, fonction de la concentration, du pH et de la sensibilité
individuelle.
C - ANTIRADICALAIRES :
1- Rationnel :
La responsabilité des radicaux libres oxygénés dans le déterminisme
du vieillissement cutané, et notamment de l’héliodermie, est
actuellement bien argumentée.
Leur action délétère porte
sur l’ADN, les membranes cellulaires et des protéines de structure.
L’action des UV diminue de surcroît le taux cutané de la plupart
des enzymes impliquées dans la défense antiradicalaire.
Il existe un très grand nombre de publications qui démontrent, sur des modèles
expérimentaux, l’effet protecteur de molécules antiradicalaires sur
des dommages photo-induits.
Ces molécules sont intégrées dans des
compléments alimentaires ou dans des préparations cosmétiques à
visée antivieillissement.
Leur intérêt dans le traitement des signes
du vieillissement cutané ou de l’héliodermie reste cependant à
démontrer formellement, l’absence d’études correctes contrastant
avec la multiplicité des messages publicitaires.
2- Vitamine E :
C’est un antioxydant naturel liposoluble majeur. L’alphatocophérol
est le composé actif.
En topique, il diminue chez l’animal la quantité
de radicaux libres induits par les UV et prévient l’apparition de
nécroses kératinocytaires (sunburn cells).
3- Flavonoïdes :
Ils regroupent diverses molécules.
Le flavophérol (complexe
flavonoïde naturel des extraits de sylibum, plante de la famille du
chardon) protège vis-à-vis de la peroxydation lipidique induite par
les UV sur fibroblastes humains en culture et in vivo chez la souris
irradiée par les UV-B.
Cette molécule a également démontré son
efficacité sur un modèle expérimental de vieillissement induit chez
le lapin par l’administration d’un inhibiteur de la catalase
(aminotriazole), en augmentant, après application topique, les
concentrations en élastine et en collagène.
D’autres flavonoïdes,
tel le tocotriénol contenu dans l’huile de palme, ont démontré
leur efficacité sur la prévention des effets des radicaux libres sur des
modèles expérimentaux.
4- Vitamine C (acide ascorbique)
:
Elle stimule la synthèse de collagène par le fibroblaste en culture.
Son utilisation en topique (10 %) exerce un effet protecteur chez
le porc contre certaines altérations induites par les UV.
L’utilisation de l’acide ascorbique en topique se heurte cependant à
d’importants problèmes de photo-oxydation.
5- Sélénium :
Il est impliqué fortement dans l’action antiradicalaire de la
glutathion peroxydase.
Son administration per os chez la souris
hairless protège significativement contre les dommages photoinduits.
Chez l’homme, l’administration de sélénium réduit la
formation de sunburn cells sur l’effet des UV.
6- Superoxyde dismutase :
C’est une enzyme impliquée dans les défenses antiradicalaires
naturelles : son application topique, encapsulée dans des
liposomes a également un effet préventif sur la formation de
sunburn cells chez l’animal.
Au total, si l’utilisation d’antiradicalaires mérite certainement d’être
étudiée dans la prévention et le traitement du vieillissement cutané,
force est de constater que l’absence de travaux convaincants dans
ces indications chez l’homme rend leur intérêt encore plus
conceptuel que pratique.
D - PEELINGS :
1- Principe. Rationnel :
L’application d’un exfoliant chimique sur la peau entraîne une
destruction épidermique et parfois dermique (selon la molécule et
la concentration) permettant, par le phénomène de cicatrisation ainsi
déclenché, la constitution d’un derme et d’un épiderme que l’on
suppose de meilleure qualité.
L’analyse de la peau après peeling a
montré l’apparition d’un collagène de type I et des signes d’activité
fibroblastique.
Mais peu de modifications semblent devoir être
observées au sein du réseau élastique.
Les peelings superficiels détruisent l’épiderme dans son ensemble,
parfois le derme superficiel si le temps d’exposition est prolongé
(acide glycolique).
Ce sont les peelings les plus utilisés à l’heure
actuelle : acide glycolique (50 à 70 %), acide trichloracétique
(ATA) (10 à 25 %), solution de Jessner (acide salicylique + acide
lactique + résorcinol), résorcine, AR.
Les peelings moyens (ATA
40 %) détruisent l’épiderme, le derme papillaire et le derme
réticulaire. Les peelings profonds (phénol) sont peu utilisés et
exposent à des complications cardiaques.
Il faut insister sur le fait qu’un peeling est un acte médical complexe
nécessitant, de la part d’un opérateur, une solide formation et une
bonne expérience, les complications pouvant être sévères.
2- Indications
:
Les peelings superficiels, les plus utilisés, agissent principalement
sur l’hyperpigmentation, la rugosité, les fines ridules caractérisant
l’héliodermie.
Ils ont peu d’intérêt sur les rides profondes, même
répétés.
Les solutions sont appliquées avec prudence par unités
cosmétiques (joue droite, joue gauche, front...) en étant
particulièrement prudent au niveau des zones périorificielles.
Après
un temps d’application extrêmement bien défini, la solution est
neutralisée.
Les concentrations utilisées et les temps d’application
doivent être progressivement augmentés en fonction de la tolérance
en respectant un délai obligatoire de quelques semaines entre les
séances.
Les peelings moyens ou les peelings combinés (solution de Jessner
avant un peeling superficiel) sont indiqués face à des formes
plus sévères d’héliodermie.
3- Contre-indications. Précautions
:
Les peelings sont contre-indiqués en cas de photodermatose, en cas
d’herpès évolutif, d’antécédent de chéloïdes, de chirurgie récente
(dermabrasion).
Des précautions doivent être prises chez les sujets
de phototype foncé en raison des risques d’hyperpigmentation postinflammatoire.
L’utilisation d’émollients et de photoprotecteurs
est indispensable en postpeeling.
La réalisation des peelings doit se
faire à distance des périodes ensoleillées.
4- Complications
:
* Hyperpigmentation :
C’est l’effet secondaire le plus fréquent et ce d’autant que le peeling
a été plus profond.
* Hypopigmentation :
Elle est très rare, mais de mauvais pronostic.
* Érythème persistant
:
Durant 2 à 3 semaines, il se rencontre surtout avec l’ATA.
Surinfections
Bactériennes, virales, elles nécessitent une prévention systématique
chez les sujets prédisposés.
* Cicatrices hypertrophiques :
E - LASER :
Le développement du laser CO2 pulsé (resurfacing) a constitué
un progrès important dans le traitement des rides de l’héliodermie.
1- Rationnel
:
Les radiations du laser CO2 (longueur d’onde : 10 600 nm) sont
absorbées par l’eau.
Compte tenu de la richesse en eau de la peau
(65 %), plus de 99 % de l’énergie laser est stoppée par l’absorption
dans une profondeur de 20 à 30 ím, conduisant à un dommage
thermique de 40 à 120 ím.
Une zone d’élastose dermique peut
mesurer de 100 à 500 µm de profondeur.
L’avantage des lasers pulsés (temps d’exposition inférieur à la milliseconde) est de délivrer
une haute énergie (énergie fluente de l’ordre de 5 J/cm2) en un
minimum de temps, et donc de diminuer le risque cicatriciel.
Le
développement de systèmes computérisés permet de répartir de
manière plus efficace et plus harmonieuse les impacts (2 à 3 mm par
impact).
2- Indications. Mécanismes d’action :
L’utilisation du laser CO2 pulsé permet un lissage, un
« resurfaçage » de la peau héliodermique et la destruction des rides.
Le mécanisme d’action est plurifactoriel : destruction thermique
du tissu élastosique, rétraction du collagène dermique, dépôt d’un
collagène nouvellement synthétisé.
Les analyses histologiques effectuées au décours des séances ont
montré :
– à court terme : une destruction de l’ensemble de l’épiderme et
d’une partie du derme superficiel. Après un seul passage, l’effet est
équivalent à un peeling moyen ;
– à moyen terme : une diminution de l’élastose, l’apparition d’un
collagène nouvellement synthétisé au sein du derme superficiel, la
normalisation de la polarité des kératinocytes basaux, la restitution
d’un aspect ondulé de la jonction dermoépidermique.
3- Résultats
:
Plusieurs équipes ont rapporté les résultats de leur expérience.
Dans l’indication de la ridectomie des zones périorbitaires,
périorales et de la glabelle, l’amélioration est évaluée à 50 %
(analyses photographiques, évolution de scores de sévérité, études
profilométriques).
La réépithélialisation postopératoire s’observe en
7 à 14 jours.
L’efficacité semble constante, même dans les formes les
plus sévères d’héliodermie.
Il semble nécessaire cependant d’avoir
un recul plus important (suivi moyen des patients au cours des
études publiées : 3 mois) afin d’apprécier définitivement la
rémanence de l’effet thérapeutique et l’incidence d’éventuels effets
secondaires d’apparition retardée (hypopigmentation).
4- Effets secondaires :
Un érythème facial persistant (supérieur à 2 mois) s’observe dans
50 % des cas.
Une hyperpigmentation transitoire est rapportée dans
un tiers des cas.
Une hypopigmentation focale est rare
(destruction profonde).
Le suivi postopératoire doit être rigoureux
(émollients, photoprotecteurs).
La prévention d’un herpès chez les
sujets prédisposés doit être systématique.
F - DERMABRASION :
Elle consiste en un meulage mécanique de la surface cutanée, au
moyen d’un appareil rotatif abrasif tournant à grande vitesse.
Ce
traitement doit être effectué par un opérateur très expérimenté, de
façon minutieuse.
Elle permet de niveler le relief cutané, de manière
plus ou moins nette en fonction de sa profondeur (pouvant aller
jusqu’au derme moyen).
Elle est particulièrement indiquée dans les
formes sévères d’héliodermie, avec rides profondes.
Elle permet par
ailleurs de détruire dans certains cas les lésions associées à
l’héliodermie, notamment lentigos solaires et kératoses actiniques.
L’efficacité est parfois spectaculaire dans les mains d’opérateurs
entraînés.
Des analyses histologiques ont montré, après dermabrasion, une
diminution très significative de l’élastose dermique, une élévation
des taux de collagène dermique (type I et type III) ainsi que des
concentrations de TGF-bêta, traduisant une intense activité
fibroblastique.
La prise en charge postopératoire doit être rigoureuse (pansements
gras, hydrocolloïdes). Ici encore, la prévention de la surinfection
herpétique devra être systématique chez les sujets prédisposés.
Une photoprotection devra être assurée pendant plusieurs mois après
dermabrasion.
Les complications sont variées : hyperpigmentation postinflammatoire, achromies, érythème persistant, cicatrices
hypertrophiques (contre-indication chez les patients présentant des
antécédents de chéloïdes ou ayant été traités récemment par
rétinoïdes par voie générale).
G - COSMÉTIQUES HYDRATANTS :
Ils s’adressent principalement au traitement de la sécheresse cutanée
liée au vieillissement intrinsèque.
De nombreuses préparations
cosmétiques sont actuellement disponibles et comportent, dans leur
formule, des molécules dont le rôle actif dans le maintien de
l’hydratation du stratum corneum est démontré.
Le maintien de
l’hydratation peut se faire en freinant l’évaporation de l’eau
intrinsèque, en restaurant la composition lipidique optimale du
stratum corneum (préparations comportant des céramides) ou en se
substituant à elle (produits occlusifs [vaseline, paraffine, cires,
alcools gras], filmogènes hydrophiles [chitosane, chitine]).
Cette hydratation peut se faire également en apportant de l’eau
exogène et en la fixant au sein du stratum corneum : substances
hygroscopiques (urée, polyols [glycérol, allantoe vera]). Rappelons
que les AHA, à faible concentration, possèdent un effet hydratant.
H - PHOTOPROTECTION :
Le rôle des UV dans le déterminisme de l’héliodermie est désormais
bien établi.
Il est donc indispensable de mettre en route, parallèlement à toute
prise en charge thérapeutique, une photoprotection efficace.
L’application régulière d’écrans solaires protégeant contre les UV
apparaît à cet égard de première importance, afin d’éviter toute
aggravation de l’héliodermie.
Certains travaux semblent même
indiquer l’existence d’une certaine réversibilité de l’élastose grâce à
une photoprotection régulière.
I - TECHNIQUES CHIRURGICALES :
Elles ne sont pas détaillées ici.
Citons simplement les principales
techniques : lifting classique, lifting frontal, lifting endoscopique.
J - TRAITEMENT SUBSTITUTIF DE LA
MÉNOPAUSE ET VIEILLISSEMENT CUTANÉ :
L’hypo-oestrogénie accentue l’atrophie cutanée due à la sénescence.
Plusieurs auteurs ont évalué l’influence de l’oestrogénothérapie
substitutive sur ce paramètre.
La substitution oestrogénique augmente l’épaisseur cutanée, stimule
la synthèse du collagène, de l’acide hyaluronique, augmente la
teneur en collagène de la peau, et notamment en collagène III,
augmente le nombre et améliore l’orientation des fibres élastiques
du derme.
L’influence sur le microrelief cutané est plus discutée.
Une étude épidémiologique récente conduite sur une grande échelle
(3 875 femmes) a montré que le risque de développement de rides
était significativement inférieur chez les femmes ménopausées
utilisant des oestrogènes (données ajustées sur l’âge, les habitudes
solaires, le tabagisme).