L’urticaire (du latin urtica : ortie) correspond à un syndrome
dermatologique fréquent, le plus souvent aigu et transitoire,
cliniquement polymorphe, associant selon des degrés variables des
maculopapules érythémateuses volontiers figurées, souvent
prurigineuses ou/et une induration plutôt douloureuse,
conséquences d’un oedème dermique (urticaire superficielle
commune) ou/et hypodermique (angio-oedème) résultant d’une
vasodilatation périphérique avec hyperperméabilité capillaire et
veinulaire et d’une inflammation périvasculaire également
polymorphe avec parfois composante de vasculite.
Les étiologies en
sont multiples, ce qui motive l’utilisation du pluriel pour ce cadre
syndromique hétérogène regroupant des entités parfois bien
caractéristiques sur un plan clinique, histologique ou
étiopathogénique.
L’actualité repose surtout sur la meilleure
compréhension de sa physiopathologie et la mise en évidence
d’autoanticorps de type immunoglobuline (Ig) G contre les IgE ou
les récepteurs de haute affinité des IgE des mastocytes (anti-FceRIa)
lors d’urticaire chronique (qualifiée auparavant d’idiopathique),
ainsi que sur la découverte de nouvelles molécules thérapeutiques
moins sédatives, mieux ciblées sur les médiateurs de
l’histaminolibération et sans effet sur le rythme cardiaque.
La grande
fréquence des urticaires, le risque létal potentiel des chocs
anaphylactiques ou anaphylactoïdes, la prévalence des nouveaux
allergènes dès le plus jeune âge (latex...) et l’important impact sur la
qualité de la vie de l’urticaire chronique font de cette maladie
une des principales dermatoses et un véritable problème de santé
publique.
Physiopathologie :
Les stimuli à l’origine de la réaction urticarienne ainsi que les
mécanismes physiopathogéniques sont multiples ; ils font intervenir
les mastocytes et les basophiles qui libèrent par dégranulation
l’histamine, médiateur princeps, mais aussi l’ensemble des acteurs
cellulaires de l’inflammation (polynucléaires neutrophiles et
éosinophiles, lymphocytes, macrophages, plaquettes) ainsi qu’une
cascade de médiateurs (prostaglandines [PG], leucotriènes [LCT],
kinines, neuropeptides, sérotonine, anaphylatoxines C3a et C5a,
platelet activating factor acéther, tumour necrosis factor a, interleukines
4, 1, 6).
Il peut s’agir d’une réaction d’hypersensibilité de type I médiée par
les IgE : l’activation des mastocytes (ou des basophiles) survient
après fixation d’un antigène (ou par le biais d’anticorps anti-IgE,
anti-idiotype, antirécepteur Fc, ou enfin grâce à des dimères
divalents d’IgE obtenus expérimentalement avec des agents
chimiques polymérisants ou des lectines) sur des IgE fixées sur les
récepteurs de haute affinité FceRI, entraînant le pontage des IgE,
provoquant l’agrégation des récepteurs.
Une méthylation des
phospholipides membranaires, une phosphorylation des protéines,
une activation de la protéine kinase et de l’adénosine
monophosphate (AMP) cyclique s’ensuivent ; il y a alors production
d’un flux calcique, l’entrée de calcium dans la cellule favorise
l’assemblage des microtubules, la migration des granules au contact
de la membrane cytoplasmique, la fusion des membranes et la
libération dans le milieu extracellulaire des médiateurs préformés
que sont l’histamine, responsable des effets inflammatoires
immédiats, la sérotonine, la bradykinine, des enzymes
protéolytiques comme la tryptase et des facteurs chimiotactiques
(eosinophil chemotactic factor of anaphylaxis et neutrophil chemotactic
factor of anaphylaxis).
Des médiateurs néoformés comme les dérivés
de l’acide arachidonique (PGD2, LTC4) sont produits grâce à
l’activation de la phospholipase A2.
Les lymphocytes interviennent par la sécrétion d’interleukine 4, stimulant l’afflux des cellules de
l’inflammation et d’histamine releasing factor (HRF) favorisant la
dégranulation.
Les neuropeptides ont aussi une action histaminolibératrice, vasodilatatrice ou chimiotactique par le biais
de la substance P, du calcitonine gene-related peptide, de la
neurokinine et du vaso-intestinal peptide.
De même, les peptides
opiacés endogènes à faible concentration (b-endorphine,
a-néoendorphine, dinorphine) ou médicamenteux (codéine,
morphine) favorisent la dégranulation par des mécanismes non
immunologiques.
Ces processus peuvent résulter également d’une activation du
complément sérique (anaphylatoxines C3a, C4a et C5a) par des
complexes immuns (réaction de type III) ou encore de mécanismes
non immunologiques (entrée calcique par les ionophores, induction
médicamenteuse ou alimentaire par le biais du métabolisme de
l’acide arachidonique ou d’une libération directe d’histamine,
stimulation par l’acétylcholine lors d’urticaire cholinergique).
La bradykinine, puissant vasodilatateur, résulte de la dégradation
des kininogènes lors du processus inflammatoire ; la prise
d’inhibiteurs de l’enzyme de conversion (IEC) de l’angiotensine qui
permet sa dégradation peut, dans certains cas, favoriser, aggraver
ou pérenniser une urticaire le plus souvent à type d’angio-oedème.
La stimulation par l’histamine des récepteurs H1 entraîne une
vasodilatation périphérique avec hyperperméabilité veinulaire,
oedème tissulaire et extravasation leucocytaire, une hypotension, une
bronchoconstriction, une production de mucus nasal et une
activation des éosinophiles.
Celle des récepteurs H2 favorise la vasodilatation des capillaires,
stimule la sécrétion gastrique, entraîne une bronchodilatation...
La
stimulation des récepteurs H3, présents sur les cellules contenant de
l’histamine, freinerait la libération de ce médiateur et constituerait
donc un rétrocontrôle négatif.
Les autres facteurs inhibant in vivo la réaction urticarienne sont mal
connus ; certains médiateurs sont inactivés par complexion à
l’héparine, d’autres sont détruits par les macrophages et les
neutrophiles, enfin les inhibiteurs des protéases (alpha1-antitrypsine, alpha1-antichymotrypsine, inhibiteur de la C1 estérase [C1INH],
a2-macroglobuline, antithrombine III) contrôlent l’activité
enzymatique de la cascade du complément et du système des
kinines.
Sur un plan histopathologique, l’urticaire classique comporte une
augmentation des mastocytes dermiques aussi bien lorsque la
biopsie est réalisée au sein d’une papule urticarienne qu’en peau
saine et de façon proportionnelle à la durée d’évolution de la
maladie.
L’infiltrat inflammatoire dermique souvent périvasculaire
contient une prédominance de lymphocytes de type T-helper et de
monocytes, et est d’autant plus dense que l’urticaire est chronique
ou qu’il s’agit d’une urticaire au froid.
La proportion de
polynucléaires neutrophiles et d’éosinophiles est variable.
On parle
d’urticaire neutrophilique lorsqu’il existe un grand nombre de
polynucléaires neutrophiles (> 25 pour cinq champs, G X 400) dans
l’infiltrat, en l’absence de vasculite.
Il semble qu’elle s’observe plus
volontiers à la phase aiguë des urticaires et particulièrement lors
d’urticaire retardée à la pression ; elle résulterait d’une production
excessive d’interleukine 3 et de tumour necrosis factor a.
Les
modifications vasculaires à type de dilatation des lymphatiques et
des capillaires ainsi que l’oedème dermohypodermique seraient plus
marqués lors d’urticaire au froid.
La présence de polynucléaires
éosinophiles serait plus grande lors d’urticaire retardée à la pression.
La vasculite urticarienne comporte par définition une atteinte
vasculaire inflammatoire à prédominance veinulaire avec
leucocytoclasie, nécrose fibrinoïde et extravasation d’hématies de
degré variable.
En réalité, il existe un continuum entre les divers aspects anatomocliniques d’urticaire qui peuvent être des modes différents
d’expression d’une même étiologie, fonction du degré
d’inflammation et de libération des médiateurs cytokiniques, une
infection pouvant ainsi se révéler par une authentique vasculite
parfois nécrosante, par une dermatose neutrophilique de type
maladie de Sweet ou bien par une vasculite urticarienne ou encore
une urticaire neutrophilique...
Épidémiologie :
La plupart des individus sont concernés au moins une fois dans
leur existence par une poussée fugace d’urticaire ; cependant, on
sous-estime l’incidence autour de 15 % probablement en raison de
l’oubli de l’épisode aigu et sans conséquence d’urticaire dans les
enquêtes rétrospectives anamnestiques.
Globalement, toutes causes
confondues, le sex-ratio est proche de 1 avec une légère
prédominance féminine.
Enfin, la fréquence de l’urticaire chronique
et la répartition des étiologies sont très variables, fonction de la
géographie, du type de recrutement des services de dermatologie et
de l’importance des explorations faisant varier le taux d’urticaire
dite idiopathique de 10 à 50 %, ce qui rend impossible l’exposé de
statistiques fiables.
Diagnostics positif et différentiel :
La forme d’urticaire la plus fréquente se caractérise par une éruption
aiguë et fugace de papules ou de placards bien circonscrits,
volontiers figurés, érythémateux ou rose orangé, en « peau
d’orange », de taille, de nombre et de topographie très variables,
plus ou moins prurigineux.
Les éléments apparaissent et
disparaissent rapidement sans laisser de trace, la poussée durant
quelques heures à quelques jours.
Elle est généralement sans
lendemain sauf en cas de nouveau contact avec l’allergène.
Il existe par ailleurs des formes circinées (érythème marginé de
Marfan), micropapuleuses (urticaire cholinergique), à tendance
purpurique ou ecchymotique, notamment chez le nourrisson ou lors
de maladie systémique sous-jacente, localisées (zones
photoexposées lors d’urticaire solaire, aspect linéaire lors d’urticaire
de contact ou de dermographisme), diffuses ou généralisées
(urticaire géante).
L’angio-oedème (ou oedème de Quincke) se manifeste par un oedème
blanc rosé souvent plus douloureux que prurigineux, siégeant
préférentiellement à la face (lèvres, paupières, langue, pharynx,
larynx), aux régions génitales et aux régions palmoplantaires.
Il peut être isolé ou associé à une urticaire superficielle (dans près
de la moitié des cas d’urticaire, essentiellement dans les
topographies palpébrales et labiales), la précéder ou lui succéder et
par conséquent résulter des mêmes causes.
L’urticaire chronique se définit arbitrairement par la persistance de
poussées quasi quotidiennes au-delà de 6 semaines, ce qui la
distingue de l’urticaire récidivante ou récurrente se traduisant par
des poussées aiguës espacées de plusieurs semaines à plusieurs
mois.
La démarche étiologique est néanmoins souvent la même,
a fortiori en cas de récidives fréquentes.
En revanche, la prévalence
des étiologies est différente selon que l’urticaire est aiguë ou
chronique, avec logiquement des causes plus complexes, plus
souvent « endogènes », plus graves et plus difficiles à traiter lors de
chronicité.
Le diagnostic différentiel ne se pose généralement pas en pratique,
mais en théorie, on peut discuter de nombreuses affections.
Les piqûres d’arthropodes comportent souvent une papule urticarienne initiale très prurigineuse.
L’anamnèse, le caractère fixe,
la topographie prédominant aux membres et l’évolution vers un
prurigo volontiers vésiculobulleux (prurigo mitis ou strophulus),
rapidement excorié puis lichénifié en cas de prurit persistant sont
évocateurs.
L’éruption urticariforme aux poils urticants des chenilles
processionnaires doit être évoquée après une promenade dans
l’arrière-pays provençal.
Un érysipèle, une dermohypodermite ou une myosite, un erythema
chronicum migrans de Lipschutz après morsure de tique, sont
rapidement diagnostiqués devant les signes infectieux, la fixité et le
caractère inflammatoire du placard érythémateux.
D’autres infections (varicelle, exanthèmes maculopapuleux de la
rubéole, de la rougeole, de la roséole, du mégalérythème...) peuvent
initialement simuler une urticaire généralisée mais la transformation des lésions élémentaires, leur coalescence ou la présence
d’énanthème, font rapidement corriger le diagnostic.
Cependant, il faut savoir éliminer un érythème polymorphe sur
l’aspect en « cocardes » des lésions (avec deux anneaux successifs et
un centre violine d’évolution parfois bulleuse dans les formes
typiques), un érythème annulaire centrifuge plutôt maculeux.
Les lésions urticariformes précessives de la pemphigoïde gestationis
et de la pemphigoïde bulleuse sont assez polymorphes, volontiers
en ébauche de cocardes ou parfois d’évolution ecchymotique ; c’est
la survenue respectivement chez une femme enceinte et chez un
malade âgé et bien entendu l’apparition de vésiculobulles tendues
qui font évoquer la maladie et font pratiquer une histologie avec
immunofluorescence directe.
On décrit également des papules
érythémateuses urticariformes photodistribuées lors de
protoporphyrie érythropoïétique.
Certaines affections comportant des lésions urticariformes sont,
selon les auteurs, distinguées de l’urticaire car soit elles sont
suffisamment caractéristiques comme la dermatite polymorphe
gravidique (pruritic urticarial papules and plaques of
pregnancy), soit elles sont considérées comme des étiologies sous
l’intitulé d’urticaire systémique, de vasculite urticarienne ou bien
d’urticaire neutrophilique...
L’évolution oedémateuse des macules pigmentées de mastocytose
après frottement constitue le classique signe de Darier qui
s’associe fréquemment à la présence d’un dermographisme.
Mais
l’urtication peut survenir spontanément, après changement de
température, après ingestion d’aliments ou prise de médicaments histaminolibérateurs, que la mastocytose soit cutanée pure ou
systémique.
Les flushs, qu’ils s’intègrent ou non à une pathologie systémique
(mastocytose, carcinoïde, phéochromocytome...) ou l’érythème
pudique se distinguent facilement par leur caractère
maculeux, leur topographie cervicofaciale et leur fugacité.
Lors d’angio-oedème palpébral, il faut évoquer l’oedème associé à
l’eczéma ou à la dermite d’irritation, l’oedème lilacé des paupières
de la dermatomyosite, l’oedème volontiers matinal du syndrome
néphrotique ainsi que le syndrome d’obstruction de la veine cave
supérieure ou encore l’insuffisance de drainage lymphatique
des paupières, notamment lors de prise de neuroleptiques ou après
chirurgie sinusienne, l’oedème facial de la trichinose.
En cas
d’oedème labial récurrent ou persistant, volontiers asymétrique et
induré, il faut penser à la rare macrochéilite granulomateuse de
Miescher qui, si elle s’associe à une langue plicaturée et à une
paralysie faciale périphérique, fait porter le diagnostic de syndrome
de Melkersson-Rosenthal.
En cas d’angio-oedème diffus (oedème de Quincke), le caractère aigu
(associé ou non à un collapsus) permet la rapide distinction avec des infiltrations d’installation progressive et d’évolution chronique
comme le scléromyxoedème de Buschke localisé plutôt au tronc, la
sclérodermie oedémateuse qui prédomine aux extrémités, le
syndrome de fuite capillaire des dysglobulinémies ou des
lymphomes cutanés, les oedèmes d’origine cardiaque (insuffisance
cardiaque droite) ou rénale (syndrome néphrotique)...
Grands cadres étiologiques
ou anatomocliniques :
A -
URTICAIRES DITES PHYSIQUES :
Les urticaires physiques (physical urticaria), qui constituent jusqu’à
20 % des urticaires « chroniques », sont évoquées dès l’anamnèse
devant des circonstances de survenue stéréotypées et leur caractère
récidivant ; l’aspect clinique est souvent caractéristique, avec
notamment apparition de l’urticaire ou/et de l’angio-oedème au site
d’application du stimulus physique.
Le diagnostic est
confirmé par des tests de provocation relativement simples à réaliser,
bien qu’ils ne soient pas toujours bien standardisés.
1- Dermographisme
:
Le dermographisme (factitious urticaria) se définit étymologiquement
par l’apparition (habituellement rapide : de 2 à 5 minutes) d’un
érythème secondairement papuleux « urticariforme », transitoire,
dessinant sur la peau le tracé réalisé par la pression modérée d’une
pointe mousse ou d’un ongle...
On différencie le dermographisme simple, peu papuleux, non
prurigineux et rapidement régressif, observé chez 2 à 5% de la
population, du dermographisme pathologique, caractérisé
par l’existence d’un prurit et par une grande facilité de survenue au
simple frottement des vêtements, après massage.
L’éruption est
reproduite par l’application d’une pression inférieure à 36 g/mm2
grâce au dermographomètre de James et Warin ou stylo à pointe
mousse, muni d’un ressort à pression graduée.
Le dermographisme peut être limité à la zone de friction ou
déborder plus largement, être à prédominance folliculaire, être
« rouge » (micropapules fugaces survenant sur un érythème plus
durable), être associé aux autres types d’urticaire physique ou rester
isolé en se comportant de la même façon sans que, pour autant, les
tests classiques d’urticaire physique soient pertinents : ainsi, le
dermographisme retardé apparaît 3 à 6 heures après le frottement,
persiste jusqu’à 24 à 48 heures, s’accompagne d’une sensation de
brûlure ; le dermographisme au froid n’apparaît que si la friction
s’accompagne d’une exposition au froid ; le dermographisme
cholinergique survient après l’effort.
Un dermographisme pourrait survenir après infestation parasitaire
(scabiose, helminthiase...) ou après prise d’aspirine, de pénicilline.
Le dermographisme peut être la seule manifestation cutanée d’une mastocytose ; il faut rechercher l’association à des épisodes de flush
avec malaise, syncope, céphalées, à des épigastralgies, à des
douleurs osseuses.
Le dermographisme « blanc » s’observe chez le sujet atopique avec
xérose diffuse et se traduit par l’apparition de macules blanchâtres à
la pression correspondant probablement à la libération de facteurs
vasoconstricteurs.
2- Urticaire retardée à la pression
:
L’urticaire retardée à la pression (delayed pressure urticaria) est plus souvent une urticaire profonde, ferme, peu érythémateuse, peu
prurigineuse, plutôt douloureuse, localisée au site d’application
d’une pression forte et prolongée.
Le délai existant entre le stimulus
physique et l’apparition des lésions varie de 3 à 10 heures ; elles
persistent généralement plusieurs heures.
Plus le délai de survenue
et la durée de rémanence des lésions sont grands, plus le diagnostic
est difficile car le malade ne fait plus le lien entre le facteur
déclenchant et l’angio-oedème, d’autant plus qu’il est généralement
suivi d’une période réfractaire de 1 à 2 jours, pendant laquelle la
répétition du stimulus ne déclenche aucune réaction.
Sa fréquence est très variable selon les auteurs : on peut l’estimer à
près d’un tiers des urticaires physiques.
Il existe une prédominance
masculine avec un âge de survenue autour de la troisième décennie.
Les zones le plus souvent atteintes chez un même patient sont
souvent stéréotypées : plantes des pieds après la marche, épaules
(ports de charge en bandoulière), fesses et face postérieure des
cuisses (succédant à la position assise prolongée).
Parfois l’oedème
est périarticulaire, simulant un rhumatisme.
Des signes systémiques sont retrouvés dans plus de la moitié des
cas à type d’arthralgies, de fébricule avec frissons, de nausées, de
céphalées, de sensation de malaise et d’asthénie...
L’association à une
urticaire vulgaire superficielle, à un dermographisme immédiat ou
retardé, est fréquente ; la forme familiale est exceptionnelle.
On
retrouve classiquement une hyperleucocytose à polynucléaires
neutrophiles, un syndrome inflammatoire, quelquefois une
éosinophilie, plus rarement une hypocomplémentémie et des
complexes immuns circulants qui doivent faire rechercher la
présence d’anticorps antinucléaires car l’urticaire retardée à la
pression peut s’associer à un lupus systémique ou le précéder.
L’histologie cutanée objective un oedème dermohypodermique avec
initialement présence d’un infiltrat dermique de polynucléaires
neutrophiles et éosinophiles, de mastocytes laissant place ensuite à
des lymphocytes à disposition périvasculaire.
Les études en
immunofluorescence ont permis dans de rares cas de détecter des
dépôts granulaires de C3 le long de la jonction dermohypodermique et autour des
vaisseaux.
3- Angio-oedème vibratoire
:
L’angio-oedème vibratoire (vibratory angioedema) est une affection
génétique rare, transmise en dominance autosomique.
Le contact
avec des appareils produisant des vibrations (rasoirs électriques,
perceuses électriques...) produit un érythème immédiat, un prurit,
puis plus tardivement un oedème pouvant persister plusieurs
heures.
Les formes sporadiques sont de connaissance plus récente.
Il semble exister des formes mineures prédominant aux membres,
survenant lors de course à pieds, de cyclisme (vélo tout-terrain), de
sports mécaniques...
4- Urticaire cholinergique
:
L’urticaire cholinergique (exercise-induced or cholinergic urticaria) est
provoquée par une élévation thermique soit exogène (surchauffe
passive : sauna, bains chauds), soit endogène (effort) sur un terrain
neurodystonique ; elle se traduit par l’apparition immédiate de
papules punctiformes entourées d’un halo érythémateux,
prurigineuses, prédominant à la partie supérieure du tronc mais
pouvant se généraliser, disparaissant en 1 à 2 heures (avec existence
d’une période réfractaire variable).
Sa fréquence se situe autour de
6 % des urticaires chroniques et 20 % des urticaires physiques.
Les
formes cliniques en sont variées : disparition de l’aspect micropapuleux et éruption confluente fugace ou à type d’érythème
cholinergique persistant ; lésions à type d’urticaire vulgaire ;
dermographisme cholinergique ; formes généralisées ; formes
associées à d’autres types d’urticaires physiques notamment à
l’urticaire au froid, rares formes retardées.
Il faut distinguer l’urticaire cholinergique, qui n’est pas rare chez les
adolescents et les jeunes adultes, qui est liée à la chaleur, peut être
aggravée par le stress et comporte rarement des signes systémiques
(bronchospasme, hypotension, douleurs abdominales, diarrhée,
salivation, larmoiement...), de l’urticaire anaphylactique d’effort
(surtout lorsqu’elle comporte des petites plaques) qui suit un
exercice physique intense et la consommation d’aliments auxquels
le malade est sensibilisé (le plus souvent céréales) et qui comporte
des placards urticariens plus étendus avec souvent un oedème
laryngé et parfois un collapsus.
Le diagnostic différentiel comporte
en outre l’urticaire chronique résultant d’autres causes, réactivée par
l’effort et la chaleur, les autres urticaires physiques telles l’urticaire
solaire et l’urticaire aquagénique car les facteurs déclenchants
peuvent facilement être confondus (par exemple une baignade en
mer), l’urticaire adrénergique, provoquée par le stress.
5- Urticaire de contact à la chaleur :
L’urticaire de contact à la chaleur (localized heat urticaria) est rare
(20 cas rapportés, le plus souvent femmes entre 30 et 40 ans).
Immédiatement après le contact direct de la peau avec une source
de chaleur (eau, objet, aliment), surviennent un prurit, un érythème
puis un oedème strictement localisés à cette zone de contact, qui
disparaissent en 1 heure environ et peuvent s’associer à une
fébricule, à des signes digestifs ou pulmonaires.
Il existe une période
réfractaire, inconstante, de quelques minutes au cours de laquelle
les lésions ne peuvent être reproduites.
La forme familiale a pour
particularité d’être retardée ; l’association aux autres types
d’urticaire physique est possible.
6- Urticaire de contact au froid :
L’urticaire de contact au froid (localized cold urticaria) atteint plutôt
les sujets jeunes (âge moyen de début 18 ans), avec une
prédominance féminine.
Cette éruption urticarienne relativement
fréquente (3 % des urticaires chroniques) apparaît quelques minutes
(mais il existe de rares formes retardées) après l’exposition au
stimulus déclenchant : contact avec un objet froid, exposition
à l’air froid, ingestion de boissons froides, immersion complète ou
partielle dans l’eau froide.
Elle disparaît environ 1 heure après et est suivie d’une période
réfractaire de plusieurs heures.
Un purpura et un angio-oedème
(surtout lors d’ingestion de substances froides) peuvent s’y associer
ainsi que des signes digestifs (douleurs abdominales, nausées,
vomissements), des arthralgies ou des signes généraux (frissons,
flush, tachycardie, syncope).
L’évolution est aiguë (1 semaine) ou
chronique (plusieurs années).
L’urticaire au froid peut s’associer à
d’autres types d’urticaires physiques.
On décrit de rares formes
familiales précoces (apparaissant dès les premières années de vie,
sous forme de plaques érythématopapuleuses des parties
découvertes avec de fréquents signes associés) ou plus tardives.
L’urticaire au froid est souvent idiopathique ; on observe parfois une
baisse des taux d’alpha1-antitrypsine, d’antichymotrypsine ou même de
C1INH ou encore la présence d’IgG et d’IgM anti-IgE.
Mais il faut systématiquement évoquer les cryopathies primitives
ou secondaires à une hémopathie (lymphome, maladie de
Waldenström, leucémie lymphoïde chronique, dysglobulinémie
monoclonale), une néoplasie, une infection (mononucléose
infectieuse, Mycoplasma pneumoniae, virus de l’immunodéficience
humaine [VIH], rubéole, varicelle, syphilis, hépatites virales,
oreillons, grippe, parasitoses...), une maladie de système (lupus,
syndrome de Gougerot-Sjögren...), imposant de ce fait, en cas de suspicion clinique (présence de purpura volontiers nécrotique, d’un
phénomène de Raynaud, d’un syndrome « systémique »...), la
recherche d’agglutinines froides (à évoquer en cas de macrocytose
résultant de l’agglutination des hématies), de cryoglobulines, de
cryofibrinogène, d’hémolysines, d’anticorps antinucléaires et selon
le contexte la réalisation de sérologies virales, bactériennes ou
parasitaires...
7- Urticaire systémique au froid
:
L’urticaire systémique au froid (systemic cold urticaria) est plus rare
et l’on distingue l’urticaire généralisée avec angio-oedème et souvent
signes de collapsus survenant après exposition au froid du corps
entier et libération d’histamine, de l’urticaire cholinergique au froid
qui survient après un effort en ambiance froide et dont l’aspect
clinique éruptif micropapuleux est semblable à l’urticaire
cholinergique à la chaleur mais dont la topographie est différente
(face, cou, extrémités).
8- Urticaire aquagénique :
L’urticaire aquagénique (aquagenic urticaria) est une forme rare
d’urticaire, précédée d’un prurit intense, localisée aux zones en
contact avec l’eau, quelle que soit sa température et sa
salinité.
On décrit des formes familiales.
Le diagnostic différentiel se pose avec l’urticaire au froid et
l’urticaire cholinergique, non seulement car celles-ci peuvent
survenir après immersion dans l’eau respectivement froide ou
chaude, mais aussi parce que l’association de ces urticaires
physiques est possible, enfin également du fait du caractère micropapuleux, volontiers périfolliculaire et prurigineux des lésions.
L’évolution peut être dramatique avec choc suivi de noyade.
L’urticaire de contact aux animaux et végétaux aquatiques (méduses,
physalies, coraux, anémones, algues...) est évoquée devant le
caractère très localisé des lésions malgré une immersion
généralement complète du corps, l’évolution volontiers vésiculobulleuse, parfois même purpurique ou nécrotique, et bien
entendu la négativité des tests de provocation.
La dermite des
nageurs, due à la pénétration des furcocercaires ou forme larvaire
des schistosomes (Trichobilharzia ocellata dans les lacs d’Europe ou
bilharziose des canards ; Schistosoma mansoni, japonicum,
intercalatum et haematobium sous les tropiques), entraîne un prurit
suivi d’une éruption urticariforme durant plusieurs jours ; elle est
suivie pour les bilharzioses tropicales humaines d’une fièvre dite de
« safari », puis de manifestations spécifiques hépatodigestives ou
génito-urinaires.
Le prurit aquagénique ne comporte pas de lésions
visibles, il impose la recherche d’un syndrome myéloprolifératif
(polyglobulie, thrombocytémie...).
L’urticaire aquagénique pourrait résulter de la solubilisation dans
l’eau d’un agent histaminolibérateur déjà présent sur le tissu cutané
et qui pourrait alors traverser la couche cornée.
9- Urticaire solaire
:
Maladie rare (moins de 2 % des photodermatoses), débutant
brutalement à un âge variable (en moyenne entre 20 et 40 ans),
touchant cinq fois plus le sexe féminin, volontiers sur un terrain
atopique, l’urticaire solaire apparaît dès les premières minutes de
l’exposition aux ultraviolets (UV).
Le très court temps de latence est
un élément clé du diagnostic.
Toutefois, on connaît d’exceptionnelles
formes retardées de 12 à 24 heures.
Elle se traduit par une sensation
de brûlures, de prurit ou de paresthésies avec apparition en 5 à
15 minutes d’une éruption érythématopapuleuse, très
prurigineuse, des zones nouvellement photoexposées et jusque-là
couvertes, tandis que les zones constamment photoexposées comme
le visage, la face dorsale des mains, sont généralement respectées.
Les lésions peuvent être parfois purpuriques, être entourées d’un
halo érythémateux ou de pseudopodes plus ou moins étendus.
La
topographie est parfois trompeuse avec atteinte des parties
couvertes (certaines radiations traversant les vêtements légers),
atteinte de zones peu exposées (comme la paume des mains),
atteinte très localisée épargnant d’autres zones photoexposées ou au
contraire, extension, généralisation des lésions, y compris aux
muqueuses notamment buccale.
L’urticaire peut s’accompagner de
signes systémiques (malaise, hypotension, syncope ou même choc, céphalées, vertiges, bronchospasme, vomissement).
L’évolution des
papules se fait vers la résolution rapide en 1/2 heure à 1 heure après
mise à l’ombre.
L’intensité et la durée des lésions sont
proportionnelles à l’intensité et à la durée de l’exposition.
Un état
réfractaire s’installe pour une durée variable de 12 à 24 heures.
La
répétition des expositions solaires pendant l’été entraîne un état de
tolérance temporaire.
L’évolution de la maladie peut être longue, se
perpétuant d’année en année chaque été pour les formes induites
par les UV, toute l’année pour celles induites par le rayonnement
visible.
Le rayonnement solaire et/ou des radiations électromagnétiques (de
longueur d’onde allant de 280 à 700 nm) activeraient un
chromophore (présent dans la peau, éventuellement dans le sérum),
qui déclencherait une réaction d’hypersensibilité immédiate médiée
par les IgE.
On recherche (à distance d’une poussée, pour éviter la période
réfractaire) la dose urticariante minimale dont la surface et la durée
sont dose dépendantes.
L’utilisation d’un simulateur solaire
à arc de xénon avec monochromateur (filtres) ou plus récemment
d’un laser permet de déterminer de façon la plus précise les
longueurs d’ondes incriminées, des UVC au visible.
Plus
simplement, on peut avoir recours au test au verre à vitre (qui
bloque les UVB) avec une exposition de 10 minutes pour identifier
les urticaires solaires dues aux UVA et au spectre visible et/ou à un
simple projecteur de diapositives pour l’étude du visible.
La dose
érythémateuse minimale est toujours normale et les photoépidermo-tests sont négatifs.
Le diagnostic différentiel se fait avec l’urticaire de contact à la
chaleur, la lucite polymorphe, la lucite estivale bénigne, certains
eczémas photoallergiques oedémateux, la protoporphyrie
érythropoïétique, le lupus, la dermatomyosite.
B - URTICAIRES MÉDICAMENTEUSES :
L’étiologie médicamenteuse intervient dans 10 à 30 % des cas selon
les séries, car il est parfois difficile d’affirmer l’origine iatrogène de
l’urticaire, a fortiori lorsque le traitement est prescrit pour une
infection qui peut elle-même être imputable.
Le tableau
réalisé est le plus souvent aigu à type soit d’urticaire commune, soit
d’urticaire et d’angio-oedème avec ou sans choc anaphylactique.
L’évolution peut être subaiguë comme la maladie sérique.
Enfin,
l’urticaire peut évoluer sur le mode chronique, soit d’emblée, soit
après une phase aiguë ou subaiguë.
Toutes les familles de médicaments peuvent être responsables d’une
urticaire et celles le plus fréquemment impliquées sont généralement
celles le plus fréquemment prescrites : antibiotiques (pénicillines,
sulfamides), analgésiques (aspirine) et antipyrétiques, anesthésiques, AINS, sérums et vaccins...
L’interrogatoire est souvent difficile car certains patients
méconnaissent leur traitement (collyres, sprays, suppositoires,
ovules...) ou bien il s’agit de contaminants alimentaires
(antibiotiques utilisés pour le bétail) ou d’allergie croisée : les
patients intolérants à l’aspirine le sont aussi aux AINS, à la tartrazine
et aux acides benzoïques.
Les mécanismes des urticaires
médicamenteuses sont variés et parfois associés : histaminolibération
non spécifique, allergie réaginique à médiation IgE de type I, allergie
de type III avec complexes immuns circulants, activation du
complément libérant des anaphylatoxines, trouble du métabolisme
de l’acide arachidonique (AINS) ou sensibilité aux inhibiteurs des
prostaglandines (glafénine), stimulation des récepteurs aux
leucotriènes (LTD4/LTE4) par l’aspirine, action sur l’AMP
cyclique (bêtabloquants).
L’IEC, en augmentant la durée de vie de la
bradykinine et de la substance P, favorise l’apparition de l’oedème
de Quincke selon un mécanisme identique à celui observé lors de
déficit congénital ou acquis en C1INH.
Cet effet secondaire
survient, dans plus de la moitié des cas, lors de la première semaine de traitement mais des délais de plusieurs années ont été rapportés.
L’évolution peut être fatale ; le malade peut néanmoins guérir
malgré la poursuite de l’IEC mais il peut aussi récidiver de manière
imprévisible avec à chaque fois un risque létal.
Une même molécule peut intervenir selon des mécanismes
différents : les pénicillines ou la glafénine (supprimée de la
pharmacopée) relevant d’un type I ou III chez des malades
différents, voire chez le même malade.
De plus, la molécule
thérapeutique n’est parfois pas en cause et ce sont les excipients ou
des conservateurs (sulfites) qui entraînent la poussée d’urticaire.
Le dosage des Ig spécifiques (radio-allergo-sorbent test [RAST]) et les
tests in vitro sont rarement contributifs.
On peut, lorsque le
traitement est fondamental, réaliser des tests cutanés mais ils ne sont
bien codifiés que pour les bêtalactamines ; les tests
aux anesthésiques généraux hypnotiques ou benzodiazépines, aux
morphiniques et aux curarisants sont fondamentaux avant
intervention chirurgicale chez un malade à fort risque allergique ou
ayant déjà fait un accident anesthésique : on utilise des pricks avec
des dilutions (avec du diluant physiologique phénique) croissantes,
de 1/10 000 à 1/10, puis, en cas de négativité, des
intradermoréactions (IDR) avec des concentrations également
progressives.
Les tests aux anesthésiques locaux se font avec des
dilutions plus importantes, de 1/1 000 000 à 1/1 000. Seule la
réintroduction médicamenteuse, difficile à réaliser du point de vue
éthique, affirme le diagnostic en cas de test positif, mais ne l’élimine
pas s’il est négatif.
On doit informer le centre régional de
pharmacovigilance afin de définir les critères d’imputabilité, pour
permettre le recensement des effets adverses des médicaments et
afin de décider de façon consensuelle de l’intérêt d’une
réintroduction ou d’une éviction définitive.