Hypertension artérielle essentielle de l'adulte
Cours d'urologie
ÉPIDÉMIOLOGIE :
Distribution de la pression artérielle :
La pression artérielle (PA) est distribuée de façon continue dans
la population, selon une répartition gaussienne.
* A l'échelle des populations, la PA est un indicateur de risque
cardio-vasculaire, les complications étant d'autant plus fréquentes
que la tension est plus élevée sans qu'il existe de seuil.
* Le risque de survenue d'une complication majeure est fourni
autant par la pression diastolique que par la pression systolique
(au-delà de 60 ans, la pression systolique constitue cependant le
principal indicateur de risque). A l'échelon individuel, le niveau
tensionnel ne constitue pas un marqueur sensible de risque
cardio-vasculaire.
Critères de l'HTA :
* Les critères retenus par l'Organisation mondiale de la santé
(OMS) pour définir l'HTA, détaillés plus bas, sont donc arbitraires
mais constituent un repère pour aider le praticien à prendre la
décision de traiter une HTA ou différer ce traitement.
* En pratique, ces critères sont nuancés par des caractéristiques
individuelles, susceptibles de différer ou de hâter le début du
traitement (âge, retentissement viscéral de l'HTA, risques
vasculaires associés: tabac, dyslipidémie, diabète; antécédents
familiaux).
* Plusieurs groupes d'experts, principalement anglo-saxons, ont
élaboré des recommandations qui sont plus "activistes" que celles de
l'OMS, en particulier pour l'HTA limite.
Prévalence de l'HTA :
Deux mots caractérisent la prévalence de l'HTA:
* fréquence (10 à 15% des adultes en France);
* et variabilité; selon la composition de la population: la
prévalence de l'HTA est ainsi plus élevée chez les sujets noirs ou
dans le sexe masculin avant 60 ans; selon l'âge, la PA s'élève avec
l'âge jusqu'à 70 ans.
Incidence de l'HTA :
L'incidence de l'HTA (nouveaux cas apparus au cours d'une période
d'observation) est de 5% chez les sujets âgés de 30 ans et de 20%
pour ceux âgés de 60 ans surveillés pendant 10 ans.
Origine multifactorielle de l'HTA :
L'HTA essentielle est d'origine multifactorielle. Les éléments
suivants constituent des indicateurs de risque de survenue d'une
HTA:
* des facteurs individuels: âge, sexe (homme avant 60ans, femme
au-delà), surpoids et diabète.
* des facteurs liés à l'environnement:
- consommation de sodium et d'alcool (à l'inverse, le tabac est un
facteur de risque cardio-vasculaire, mais sa consommation chronique
abaisse le niveau tensionnel; il en va de même pour la consommation
d'acides gras polyinsaturés tel que l'acide linoléique).
- le stress professionnel (à vrai dire difficile à quantifier).
* I'appartenance à une catégorie sociale défavorisée.
* des antécédents familiaux d'HTA.
PHYSIOPATHOLOGIE :
90 à 95% des hypertendus ont une maladie dont la cause n'est pas
précisément identifiée: on parle alors d'HTA essentielle. Trois
obstacles sérieux s'opposent à une meilleure connaissance de la
pathogénie de l'HTA essentielle:
* la grande variété de mécanismes susceptibles de modifier le débit
cardiaque (DC) et les résistances vasculaires systémiques (RVS):
- la PA est le produit du débit cardiaque et des résistances
vasculaires systémiques.
- il est simple de proposer que l'HTA résulte d'une anomalie du
débit cardiaque ou des résistances vasculaires périphériques. Le
débit cardiaque est normal dans l'HTA chronique, sauf chez certains
sujets jeunes modérément hypertendus où il peut être modérément
accru. L'augmentation des résistances artérielles provient d'une
réduction de la lumière des petites artères et des artérioles par
épaississement pariétal qui semble secondaire et non primitif.
* Le moment où débute l'HTA ou plutôt l'altération du niveau
tensionnel nous demeure inconnu, et même au stade d'HTA débutante
(HTA "limite"), le ou les facteurs initiateurs peuvent être masqués
par des phénomènes d'adaptation ou de contre-régulation rénales,
endocriniennes, neurologiques et cardio-vasculaires au sein
desquelles il est ardu de repérer l'anomalie initiale.
* L'HTA dite "essentielle" n'est probablement que l'expression
clinique finale des facteurs liés à l'environnement et d'une
prédisposition génétique qui contribuerait à 30% de la variance de
la PA. Ces dernières années des causes exceptionnelles d'HTA
génétiques ont été identifiées sur des basesmoléculaires: par
exemple, le syndrome de Liddle, associant une HTA précoce et grave
et, de manière inconstante, une hypokaliémie dues à une anomalie
d'un canal sodium du tube collecteur, est transmis sur le mode
dominant.
L'HTA essentielle est sans doute le plus souvent une maladie
plurifactorielle, avec un ou des facteurs déclenchants et,
secondairement, une excrétion rénale de sodium inadaptée ainsi
qu'une hypertrophie vasculaire, qui perpétuent l'HTA.
Anomalies initiales :
Facteurs génétiques :
On estime que les facteurs génétiques contribueraient pour 25 à 50%
au chiffre de PA:
* les descendants de parents hypertendus ont un risque de devenir
hypertendus bien supérieur aux descendants des sujets normotendus.
* la PA de jumeaux monozygotes est très étroitement corrélée, bien
plus que celle des jumeaux dizygotes ou de frères et sœurs non
jumeaux.
* dans une même famille (environnement identique) la PA des enfants
naturels est corrélée, ce qui n'est pas vrai pour les enfants
adoptés.
* les variations ethniques ont été évoquées plus haut.
* quelques marqueurs génétiques commencent à être identifiés
(variants de l'angiotensinogène).
Débit cardiaque :
Le débit cardiaque peut être élevé transitoirement au stade d'HTA
débutante, chez un sujet jeune (avec des résistances vasculaires
périphériques normales, donc inadaptées).
Anomalies du tonus vasomoteur
* Excès de vasoconstriction:
- I'hémodynamique de l'HTA établie est caractérisée par une
augmentation des résistances vasculaires périphériques et un débit
cardiaque normal; cette élévation des résistances pourrait être la
conséquence d'une modulation inappropriée des systèmes
vasopresseurs.
- I'excrétion de catécholamines par la médullo-surrénale ou le
système sympathique constitue le principal facteur de régulation de
la PA à court terme. L'hyperactivité sympathique pourrait contribuer
à l'HTA débutante.
- le système rénine-angiotensine-aldostérone module la
vasomotricité (par le biais de l'angiotensine II, vasoconstrictrice)
et le bilan sodé (l'angiotensine II et l'aldostérone sont
antinatriurétiques, la première, au niveau du tube proximal et la
seconde, au niveau du tube distal). Ce système joue un rôle dans le
maintien de la PA à long terme.
- un excès d'activité plasmatique ou tissulaire de ce système
pourrait favoriser l'HTA.
* Vasodilatation insuffisante: une diminution d'excrétion urinaire
de prostaglandines vasodilatatrices et de kallikréine a été établie
dans l'HTA essentielle; mais leur rôle physiologique majeur est
local et mal exploré par ces mesures globales.
Anomalie de réactivité vasculaire :
La concentration de sodium intracellulaire est élevée dans l'HTA;
le mécanisme de cette anomalie, décrite dans les cellules
circulantes et les cellules endothéliales, n'est pas univoque
(trouble primitif de perméabilité membranaire ou anomalie des
transporteurs). Cette anomalie est retrouvée fréquemment chez les
enfants de parents hypertendus.
Une augmentation du calcium libre dans la fibre musculaire lisse,
quel qu'en soit le mécanisme (excès de Na+ intracellulaire,
diminution de l'extension de Ca2+) augmente la contractilité
vasculaire.
Facteurs liés à l'environnement :
La consommation d'alcool et l'obésité élèvent la PA. Le rôle
pathogène des apports sodés excessifs est vraisemblable au moins
pour certaines ethnies (chez les Noirs).
Défaut d'excrétion rénale du sodium :
Il est connu de longue date que chez le sujet normal, lorsque la
pression s'élève, la natriurèse et l'excrétion hydrique augmentent
(phénomène pression-natriurèse), ramenant ainsi la PA à la normale.
Chez le sujet hypertendu, on met en évidence un glissement de la
courbe pression-natriurèse vers la droite, avec positivation du
bilan sodé.
Plusieurs hypothèses rendent compte de ce glissement et mettent en
cause le rein dans l'initiation (hétérogénéité néphronique,
réduction de la surface de filtration) ou le maintien de l'HTA
(augmentation de la volémie ou du pool sodé intracellulaire).
Hypertrophie vasculaire :
Rôle prééminent de l'hypertrophie vasculaire :
Le rôle prééminent de l'hypertrophie vasculaire dans le maintien de
l'HTA, quel qu'en soit le mécanisme initiateur, est suggéré par:
* la persistance de l'HTA dans bon nombre d'observations
d'hypertensions artérielles secondaires (maladie de Conn, sténose
d'artère rénale) après traitement chirurgical de la maladie causale.
* le rôle trophique d'hormones vasopressives in vitro (angiotensine
II, catécholamines, insuline, facteurs de croissance).
* et un effet direct de la PA elle-même, in vivo.
Modifications anatomiques de la paroi vasculaire :
Les modifications anatomiques de la paroi vasculaire constatées
chez le sujet hypertendu sont les suivantes:
* les lésions siègent principalement au niveau des artérioles, mais
l'HTA accélère l'athérosclérose des artères de plus grand calibre.
* l'hypertrophie vasculaire se fait par l'hyperplasie et
l'hypertrophie des cellules musculaires lisses, éventuellement
associée à une hyalinisation:
- la conséquence globale est une réduction de la compliance et du
diamètre de la lumière vasculaire.
- cette diminution de la compliance est précoce chez le sujet
hypertendu.
Diagnostic :
CIRCONSTANCES DE DÉCOUVERTE :
On découvre l'HTA:
- le plus souvent lors d'un examen systématique.
- parfois lors d'une complication (voir "Pronostic").
Certains symptômes (céphalées, vertiges, acouphènes) ne sont pas
spécifiques d'une HTA. Les céphalées de l'HTA accélérée prédominent
au réveil; mais chez les obèses, elle doivent être distinguées des
céphalées par apnée du sommeil.
A l'inverse, il faut connaître les signes de l'HTA accélérée ou
maligne:
- amaigrissement (par perte hydrosodée liée à la relation
pression-natriurèse).
- insuffisance cardiaque ou insuffisance rénale (voir "Crise aiguë
hypertensive").
TECHNIQUE DE MESURE DE LA PRESSION ARTÉRIELLE :
* Le patient doit être au repos depuis 5 minutes, en décubitus ou
assis, le bras étant maintenu au niveau du cœur.
* L'appareil est au mieux à colonne de mercure; la vessie gonflable
du brassard doit couvrir les deux tiers du bras en longueur et en
largeur.
* Le brassard est gonflé jusqu'à l'abolition du pouls, puis
dégonflé lentement (3mmHg/s):
- la pression systolique correspond à l'apparition des bruits
artériels.
- la pression diastolique à leur disparition (phase V de Korotkoff)
ou à leur diminution (phase IV).
* Compléter systématiquement par:
- une mesure après 2 minutes en position debout (recherche d'une
hypotension orthostatique).
- et, la première fois, par une mesure au bras controlatéral
(recherche d'une anisotension).
CRITERES DE L'OMS: DIAGNOSTIC DE L'HTA :
Critères initiaux :
Selon les critères initialement retenus par l'OMS:
* l'HTA est définie par la constatation d'une PA systolique égale
ou supérieure à 160mmHg et d'une PA diastolique égale ou supérieure
à 95mmHg, ces chiffres étant la moyenne de trois mesures à deux
consultations différentes (voire de six mesures lorsque la PA
diastolique est inférieure à 105mmHg).
* la PA normale est inférieure ou égale à 140/90mmHg.
Critères revus :
Les critères revus en 1993 par l'OMS considèrent qu'il existe:
* une HTA légère entre 160 et 180 de pression systolique et/ou
entre 95 et 105 de pression diastolique.
* et un sous-groupe HTA limite individualisé entre 140 et 160 de PA
systolique et/ou entre 90 et 95mmHg de PA diastolique.
* cette distinction intervient dans la prise en charge de
l'hypertendu.
NB: il est crucial de bien saisir que la variabilité tensionnelle
chez un même sujet au cours de la journée et d'un jour à l'autre
expose au risque de porter le diagnostic d'HTA par excès si l'on ne
s'appuie que sur une mesure tensionnelle unique.
Sauf en cas de complication vitale imminente, notamment dans une
HTA maligne, le traitement d'une HTA n'est jamais urgent; ce
traitement, s'il est décidé, sera poursuivi à vie.
Les critères retenus par l'OMS, en particulier la répétition des
mesures, doivent donc être bien respectés.
Mesures par le patient et ambulatoires :
La PA peut être également mesurée:
* par le patient, à l'aide d'appareil manuel ou automatique; cela
affranchit de la variabilité émotionnelle (effet "blouse blanche").
* par mesure ambulatoire (MAPA) sur 24 ou 48 heures, à l'aide d'un
appareil automatique portable déterminant la pression trois à quatre
fois chaque heure.
La place précise de ces deux techniques n'est pas définitivement
établie. Elles fournissent probablement des indices de risques
cardio-vasculaire plus précis que la mesure traditionnelle; elles
permettent aussi d'éviter de traiter les patients très émotifs dont
la PA est fortement influencée par la présence d'un soignant
(infirmière ou médecin). Mais le diagnostic de l'HTA et la décision
de traiter reposent encore sur une évaluation clinique.
RETENTISSEMENT DE L'HTA :
Le retentissement de l'HTA s'apprécie sur des éléments cliniques et
des examens paracliniques.
Eléments cliniques :
Eléments neurologiques :
* Accident ischémique transitoire ou accident vasculaire cérébral
constitué (les accidents ischémiques sont quatre fois plus fréquents
que les hémorragies).
* L'examen du fond de l'œil selon la classification:
- de Keith et Wagener: stades I et II, non spécifiques; stade III,
hémorragies ou exsudats; stade IV, œdème papillaire qui témoigne
d'un œdème cérébral débutant.
- ou de Kirkendall, qui est plus logique: stade I, rétrécissement
artériel diffus; stade II, hémorragies et nodules dysoriques; stade
III, œdème papillaire.
Eléments cardiaques :
Signes d'insuffisance cardiaque (dyspnée d'effort puis de
décubitus, tachycardie, galop...), parfois œdème pulmonaire (râles
crépitants) ou insufffisance coronarienne (angor).
Eléments vasculaires :
Claudication intermittente, palpation des pouls périphériques
(abolition?), et de l'aorte abdominale (anévrisme?), auscultation
des gros vaisseaux (souffle cervical, abdominal ou fémoral).
Signes rénaux :
Nycturie.
Examens paracliniques :
Bilan minimal :
Le bilan minimal de l'OMS inclut:
* un examen du sang: créatinine, kaliémie, glycémie, uricémie,
cholestérol, hématocrite (l'utilité de l'urinémie et de
l'hématocrite est contestable).
* un dépistage urinaire (bandelette): protéinurie, hématurie.
Il peut orienter vers une cause particulière d'HTA secondaire ou
dépister un facteur de risque vasculaire associé, qui nécessitent
des investigations complémentaires.
Electrocardiogramme et HTA :
Il est raisonnable de pratiquer systématiquement un ECG:
- l'hypertrophie auriculaire gauche est le premier signe à
apparaître (en D2, onde P bifide, durée égale ou supérieure à 0,12
seconde).
- l'hypertrophie ventriculaire gauche (déviation axiale gauche, SV1
+ RV5 égales ou supérieures à 35mm), bloc de branche ou fibrillation
auriculaire sont possibles dans les formes évoluées.
Radiographie du thorax :
Une radiographie du thorax n'est utile qu'en cas d'insuffisance
cardiaque.
On parle de cardiomégalie si le rapport cardio-thoracique est égal
ou supérieur à 0,5 (cardiomégalie: surcharge pulmonaire).
Echocardiographie et HTA :
* L'échocardiographie a une sensibilité nettement supérieure à
l'ECG pour déceler une hypertrophie cardiaque gauche:
- oreillette gauche de plus de 40mm.
- épaisseur du septum ou de la paroi postérieure de plus de 10mm.
- masse ventriculaire gauche indexée à la surface corporelle:
hypertrophie ventriculaire gauche si égale ou supérieure à 135 g/m2
chez l'homme, supérieure à 110 g/m2 chez la femme.
* L'échocardiographie est indiquée en cas d'insuffisance cardiaque,
de souffle cardiaque, d'hypertrophie ventriculaire gauche électrique
ou de troubles du rythme.
* L'échocardiographie n'est pas indiquée si l'HTA est facilement
contrôlée et non compliquée.
DÉPISTAGE D'UNE HTA SECONDAIRE :
Le dépistage d'une HTA secondaire est systématique et repose sur:
* l'interrogatoire:
* consommation d'alcool ou de médicaments (œstroprogestatifs,
vasoconstricteurs, corticoïdes, AINS, réglisse, ciclosporine).
- antécédents et symptômes vasculaires ou uro-néphrologiques:
traumatisme du rein, colique néphrétique, hématurie, gros rein,
souffle abdominal.
- notion d'hypokaliémie (hyperaldostéronisme?).
- triade évocatrice de phéochromocytome (céphalées, sueurs,
palpitations).
* le bilan biologique de l'OMS.
AUTRES FACTEURS DE RISQUE :
L'appréciation des autres facteurs de risque vasculaire doit être
réalisée par principe: tabac, dyslipidémie (cholestérol,
triglycérides), diabète, obésité, antécédent familial de maladie
vasculaire.
Évolution et pronostic :
HISTOIRE NATURELLE :
Les études épidémiologiques longitudinales ont montré que la PA
s'élevait lentement (sur 10 à 30 ans) chez les futurs hypertendus.
Le diagnostic d'HTA essentielle permanente est habituellement porté
entre 40 et 60 ans. A ce stade, deux possibilités évolutives sont
exceptionnelles: la régression de l'HTA ou l'apparition d'une HTA
accélérée ou maligne (1% des cas).
Les modalités évolutives habituelles sont schématisées dans la
figure 2; les complications sont soit mécaniques (conséquence
directe de l'HTA), soit le fait d'une athérosclérose accélérée.
* L'HTA est un facteur de risque cardio-vasculaire: morbidité et
mortalité augmentent de façon continue avec le niveau de PA
(systolique ou diastolique), quel que soit l'âge.
* De toutes ces complications, c'est l'insuffisance coronarienne
qui constitue la plus fréquente; sa survenue dépend étroitement de
l'HTA, du tabac et du cholestérol.
* A l'inverse, l'HTA est le facteur de risque le plus important
d'accident vasculaire cérébral (hémorragique ou ischémique)
* Elle favorise aussi l'artériopathie des membres inférieurs (mais
le tabac est le facteur primordial) et l'insuffisance cardiaque.
LESIONS VISCERALES :
Atteinte cardiaque :
* La dilatation auriculaire gauche précède l'hypertrophie
ventriculaire:
- celle-ci affecte en général toutes les parois du ventricule
gauche, mais affecte initialement le septum (pathologique lorsqu'il
est égal ou supérieur à 11mm d'épaisseur en échographie) et peut
s'associer à une dysfonction diastolique (trouble de compliance)
alors que la fonction systolique est longtemps préservée:
- au maximum, les cavités gauches sont hypertrophiées et dilatées.
- l'hypertrophie ventriculaire gauche représente un facteur de
risque indépendant chez le sujet hypertendu.
- sa régression avec l'usage des antihypertenseurs est possible
mais ne dépasse pas 20% le plus souvent.
* L'ischémie myocardique résulte de l'athérosclérose coronarienne
hâtée par l'HTA et à une réduction de la réserve fonctionnelle
coronarienne; cette dernière est due à l'hypertrophie myocardique et
à l'élévation de la pression dans les vaisseaux myocardiques,
conséquence de l'hyperpression intraventriculaire gauche.
* L'angor et l'infarctus du myocarde sont les principales
complications de l'ischémie myocardique.
* Ces diverses anomalies favorisent les troubles du rythme
ventriculaire ou supraventriculaire.
Atteinte vasculaire :
* Aorte: anévrisme et dissection aortique sont des complications
rares.
* L'HTA favorise l'athérosclérose des autres gros vaisseaux
(membres inférieurs, cou).
Lésions cérébrales :
Les lésions cérébrales se traduisent en clinique par des accidents
ischémiques transitoires (20%) ou plus souvent constitués et alors
bien plus souvent ischémiques (75%) qu'hémorragiques.
Les accidents ischémiques sont dus à une thrombose artérielle ou à
un embole d'origine aortique, carotidienne, vertébrale ou cardiaque.
Sur le plan anatomique on distingue:
* les lésions artériolaires:
- l'artériosclérose hyaline.
- les microanévrismes de Charcot-Bouchard.
* les lésions parenchymateuses:
- les lacunes (conséquences de multiples micro-infarctus), de
diamètre allant de 1 à 4mm.
- les hémorragies, profondes ou sous-corticales.
- la leuco-encéphalopathie de Binswanger.
Lésions rénales :
* Sur le plan anatomique:
- la néphroangiosclérose bénigne (les lésions artérielles ne
diffèrent pas de ce qui est décrit ailleurs dans l'organisme).
- la néphroangiosclérose maligne est caractérisée par l'association
d'une endartérite fibreuse des artères interlobulaires et d'une
nécrose fibrinoïde des artérioles, parfois étendue aux glomérules.
* En clinique, l'insuffisance rénale terminale complique rarement
l'HTA, même dans ses formes les plus sévères. Les sujets noirs ont
une plus grande susceptibilité à l'insuffisance rénale, même après
normalisation tensionnelle.
BENEFICES ET LIMITES DU TRAITEMENT ANTIHYPERTENSEUR :
Les bénéfices et limites du traitement antihypertenseur sont
établis au vu des essais organisés depuis le début des années 60.
HTA sévère :
Le traitement de l'HTA sévère (PA diastolique égale ou supérieure à
115mmHg) réduit les complications mécaniques (accidents vasculaires
cérébraux, insuffisance cardiaque, dissection aortique, insuffisance
rénale rapidement progressive par néphroangiosclérose maligne).
HTA modérée :
Le traitement de l'HTA modérée (PA diastolique entre 95 et 109mmHg)
montre une réduction des accidents vasculaires cérébraux ; le
bénéfice individuel est mince (il faut traiter 1 000 patients
pendant 1 an pour éviter sept accidents vasculaires cérébraux
graves) mais, à l'inverse, la collectivité y trouve un intérêt
(l'HTA étant une maladie fréquente), au prix d'un coût élevé.
Sujets âgés :
Les sujets âgés (de plus de 60 ans) tirent également avantage à
être traités. Il convient d'être vigilant pour éviter les effets
indésirables des antihypertenseurs, plus fréquents et moins bien
tolérés à cet âge. Au-delà de 80 ans, le bénéfice du traitement
semble persister.
Prévalence des maladies coronariennes :
Fait crucial, dans une majorité d'études, traiter l'HTA réduit peu
la prévalence des maladies coronariennes. Cet échec est peut-être dû
à la persistance des autres facteurs de risque de coronaropathie,
tabac et dyslipidémie.
CONCLUSIONS PRATIQUES :
* Chez un sujet atteint d'HTA essentielle, le pronostic dépend:
- du degré manométrique de l'HTA.
- de son retentissement viscéral.
- des facteurs de risque vasculaire associés, dont les principaux
sont le tabac, une dyslipidémie, un diabète.
* Actuellement, la prise en charge d'un hypertendu ne se résume
plus à la prescription d'un traitement antihypertenseur, mais
nécessite l'évaluation précise et le traitement de l'ensemble des
facteurs de risque cardio-vasculaire associés chez ce patient
(surpoids, tabagisme, dyslipidémie, diabète, alcool...).
* La décision de traiter l'HTA est ainsi nuancée et doit être faite
en fonction de chaque individu:
- toute HTA permanente (≥ 160/95mmHg) doit être traitée; en deçà de
cette valeur, les avis divergent mais de plus en plus de
spécialistes considèrent que le traitement est d'autant plus indiqué
que d'autres facteurs de risques coexistent (diabète,
hypercholestérolémie) et qu'après une période de traitement non
médicamenteux (exercice, arrêt du tabac, amaigrissement, limitation
des apports sodés à 6 g/j) la PA reste élevée.
- à titre d'exemple, dans les situations délicates (HTA limite), le
niveau tensionnel à partir duquel le traitement est institué a été
progressivement abaissé à 140/90mmHg si coexiste un facteur de
risque vasculaire ou si le patient est de sexe masculin, Noir ou
présente des antécédents cardio-vasculaires familiaux.
- chez le sujet âgé (60 à 80 ans), il est aussi utile de traiter
l'HTA, y compris l'HTA systolique isolée (PA ≥ 160mmHg), que chez le
sujet jeune. Le vieillissement expose à une rigidité artérielle
accrue, à un émoussement du baroréflexe, à une adaptation rénale
moindre en cas de déplétion hydrosodée d'autre origine, à une
incidence accrue d'effets indésirables des médicaments. La règle est
de débuter le traitement plus progressivement que chez les adultes
jeunes.
HTA accélérée :
* L'HTA accélérée ou maligne est définie par:
- la présence de lésions ophtalmologiques graves (stade III:
hémorragie et exsudats ou IV: œdème papillaire) à l'examen du fond
d'œil.
- associées à une HTA marquée (PA diastolique habituellement
supérieure à 120mmHg).
* Sur le plan clinique peuvent exister:
- des signes neurologiques: céphalées, baisse de la vision, voire
encéphalopathie hypertensive (troubles de conscience, convulsions).
- des signes de déshydratation (soif, réduction pondérale) avec une
polyurie inadéquate.
* Le risque de survenue d'une complication mécanique de l'HTA
(œdème aigu du poumon, hémorragie cérébrale) est très élevé et
justifie un traitement urgent.
* Une insuffisance rénale rapidement progressive est possible, avec
protéinurie (située entre 1 et 2 g/24 h), hématurie microscopique
et, parfois, anémie hémolytique mécanique (régénérative, avec
haptoglobine basse, test de Coombs négatif et présence de
schizocytes). L'épuration extra-rénale peut être nécessaire et,
parfois, interrompue ultérieurement, après des semaines ou des mois
de normalisation tensionnelle.
* Il faut s'acharner à rechercher une étiologie à l'HTA accélérée
ou maligne (dans 50% des cas, il s'agit d'une HTA secondaire, en
particulier réno-vasculaire, ou d'une néphropathie parenchymateuse).