Traitement de l'HTA essentielle de l'adulte
Cours d'urologie
L'HTA est, avec
l'hypercholestérolémie et le tabagisme, un des principaux
facteurs de risque cardio-vasculaire. Ces facteurs de risque
sont souvent associés entre eux. Il s'y ajoute volontiers un
excès pondéral, un trouble de la régulation glucidique, une
absorption excessive d'alcool...
Depuis plusieurs années, l'approche du patient hypertendu s'est
modifiée, et cela pour deux raisons:
* de nouvelles classes thérapeutiques, agissant chacune sur des
cibles différentes, sont apparues, notamment les inhibiteurs de
l'enzyme de conversion (IEC), les inhibiteurs calciques et
maintenant les antagonistes de l'angiotensine II. Loin de
s'ajouter à la panoplie déjà existante, elles ont modifié la
stratégie thérapeutique actuelle. La classique approche "par
paliers" de l'HTA est maintenant remplacée par une nouvelle
approche, visant à contrôler l'hypertension par une monothérapie
ou une bithérapie dans la majorité des cas.
* les résultats des traitements classiques de l'HTA ont montré que
ces traitements réduisaient effectivement la morbidité et la
mortalité cardio-vasculaires. Cependant, si cet effet est
indiscutable sur les complications cérébro-vasculaires
directement liées aux chiffres tensionnels, il est encore
insuffisant sur les complications coronariennes.
Plusieurs hypothèses ont été avancées pour expliquer ces
discordances:
- contrôle imparfait de l'hypertension chez un certain nombre de
malades.
- prise en considération insuffisante des facteurs de risque
cardio-vasculaire associés.
- effets indésirables de certains traitements antihypertenseurs
(notamment sur le métabolisme lipidique ou la kaliémie)...
BUTS DU TRAITEMENT :
L'approche thérapeutique actuelle de l'hypertendu doit tenir compte
de ces données.
* Obtenir des chiffres tensionnels normaux est certes nécessaire.
Tous les antihypertenseurs le permettent, dans une proportion
variant de 50 à 70% des cas. Ce n'est plus suffisant.
* Le traitement antihypertenseur doit aussi viser à réduire les
modifications cardio-vasculaires favorisées par l'hypertension,
c'est-à-dire protéger les organes cibles et prévenir ainsi
l'apparition de l'athérosclérose accélérée.
* Il faut par ailleurs prendre en compte les facteurs de risque
éventuellement associés.
* Enfin, il est souhaitable que ces médicaments soient bien tolérés
et, si possible, actifs en une prise par jour afin de faciliter
l'observance de ce traitement au long cours et de respecter au
maximum la qualité de la vie des patients.
Traitements non pharmacologiques :
Les traitements non pharmacologiques peuvent être utilisés dans
l'HTA limite et sont toujours recommandés comme traitement
d'appoint.
Régime alimentaire :
La tendance, actuellement, est de recommander un régime évitant les
excès de sodium, mais sans restrictions excessives qui
pourraient être nuisibles.
Des mesures diététiques peuvent être conseillées en vue d'obtenir
une perte de poids et la correction d'un trouble métabolique.
Activité physique :
Les sports d'endurance pratiqués régulièrement sont susceptibles
d'abaisser la pression artérielle (PA). Néanmoins, il est
préférable d'éviter certains efforts physiques intenses chez les
hypertendus sévères.
Alcool :
La diminution d'absorption de boissons alcoolisées peut normaliser
des hypertensions modérées ou faciliter le traitement des HTA
plus importantes.
Tabac :
Sa suppression devrait toujours être effective chez l'hypertendu.
Autres méthodes :
D'autres traitements non pharmacologiques ont été proposés comme
les méthodes de relaxation, les régimes riches en potassium ou
en calcium.
Les études contrôlées, lorsqu'elles ont été conduites, n'ont pas
toujours donné des résultats convaincants.
Traitements médicamenteux :
LES DIURETIQUES :
Les diurétiques sont utilisés depuis de très nombreuses années dans
le traitement de l'HTA.
Mode d'action :
La propriété commune des diurétiques est l'augmentation des
quantités d'eau et de sodium éliminées par le rein, par le biais
d'une inhibition de la réabsorption rénale de sodium.
L'effet antihypertenseur est dû à la réduction initiale du volume
plasmatique, puis à une baisse des résistances périphériques
(diminution de la réactivité du myocyte artériel).
* L'inhibition de la réabsorption du sodium peut avoir lieu en
différents points du néphron:
- anse de Henlé: diurétiques de l'anse.
- tube distal: diurétiques antikaliurétiques.
* Les diurétiques ont un comportement variable vis-à-vis de
l'excrétion potassique; les deux premières catégories pouvant
être responsables d'une hypokaliémie, surtout sur un terrain
prédisposé, la dernière entraînant au contraire une réabsorption
de potassium.
* L'effet des diurétiques est presque toujours synergique avec les
autres médicaments antihypertenseurs.
* Les diurétiques de l'anse sont des diurétiques puissants, qui
sont surtout utilisés dans les rétentions hydrosodées ou chez
l'insuffisant rénal (voir plus loin); ce sont les seuls qui
entraînent une augmentation du flux sanguin rénal.
Effets secondaires :
Les diurétiques ont un certain nombre d'effets secondaires bien
connus:
- déshydratation ou insuffisance rénale fonctionnelle.
- troubles du rythme cardiaque liés à une déplétion potassique.
- hyperuricémie.
- diminution de la tolérance aux hydrates de carbone (diurétiques
thiazidiques).
- modifications des lipides plasmatiques (diurétiques thiazidiques
et diurétiques de l'anse).
- troubles sexuels.
- hyperkaliémie avec les diurétiques antikaliurétiques (chez
l'insuffisant rénal, le cirrhotique...).
- enfin les diurétiques peuvent favoriser la néphrotoxicité de
certaines substances (en particulier les AINS, les aminosides).
A retenir :
Un certain nombre de points doivent être retenus:
* les diurétiques sont utilisés à doses plus faibles qu'autrefois.
* seuls les diurétiques de l'anse peuvent être utilisés chez
l'insuffisant rénal en augmentant les doses. Les thiazidiques
sont inefficaces (à l'exception de l'indapamide), les
diurétiques distaux dangereux.
* les diurétiques de l'anse ne sont pas indiqués dans l'urgence
hypertensive, sauf en cas d'hyperhydratation manifeste.
* même s'il n'est pas toujours utilisé en première intention, un
diurétique fait très souvent partie d'une association
médicamenteuse chez l'hypertendu.
LES BETA-BLOQUANTS :
Les bêta-bloquants sont également utilisés depuis longtemps dans le
traitement de l'HTA.
Mode d'action :
Ce sont des antagonistes compétitifs spécifiques des catécholamines
par leur interaction directe au niveau des récepteurs
bêta-adrénergiques.
* Certains d'entre eux sont dits "cardiosélectifs", bloquant
essentiellement les récepteurs bêta-1 cardiaques, diminuant
ainsi les effets liés au blocage de récepteurs bêta-2
(bronchiques et artériolaires).
* Certains bêta-bloquants sont doués d'un effet antagoniste partiel
(action sympathicomimétique intrinsèque) qui leur confère un
effet moins bradycardisant que les bêta-bloquants dénués de
cette activité.
* Les bêta-bloquants peuvent être liposolubles ou hydrosolubles, ce
qui joue un rôle dans leur élimination.
* Certains d'entre eux, labétalol (Trandate*), céliprolol
(Célectol*) possèdent en outre des propriétés alpha-bloquantes.
L'effet antihypertenseur des bêta-bloquants n'est pas univoque ni
totalement élucidé et résulte de plusieurs mécanismes
intervenant à des degrés divers (réduction modérée du débit
cardiaque, effet sur les centres vasomoteurs cérébraux, effet
sur les catécholamines), dont le plus constant est une
inhibition de la production de rénine. Cela explique l'absence
de rétention hydrosodée sous bêta-bloquants, bien que la
majorité d'entre eux diminue le flux sanguin rénal; le
tertatolol (Artex*) augmente le flux sanguin rénal.
Contre-indications et effets secondaires :
Les bêta-bloquants sont contre-indiqués en cas de troubles de la
conduction auriculo-ventriculaire, d'insuffisance cardiaque
patente ou d'asthme.
- modifications des signes de l'hypoglycémie chez les diabétiques
traités.
* biologiques: perturbations du métabolisme lipidique.
LES ANTIHYPERTENSEURS CENTRAUX :
Les chefs de file des antihypertenseurs centraux sont la méthyldopa
(Aldomet*) et la clonidine (Catapressan*).
Mode d'action :
Les antihypertenseurs centraux agissent en stimulant les récepteurs
alpha-adrénergiques bulbaires, ce qui entraîne une baisse du
tonus sympathique périphérique. Leur contre-indication
essentielle est représentée par les états dépressifs graves.
Effets secondaires :
Les effets secondaires des antihypertenseurs centraux sont bien
connus: sudation, somnolence, impuissance, constipation,
rarement hépatite ou anémie hémolytique avec l'Aldomet*.
Le Catapressan*est modérément bradycardisant et il en existe une
forme injectable (la voie intramusculaire est préférable).
Des antihypertenseurs centraux de mécanisme d'action plus sélectif
(action sur les récepteurs imidazoliniques), et souvent mieux
tolérés, ont été récemment mis sur le marché. Il s'agit de la
rilmenidine (Hyperium*) et dernièrement de la monoxidine
(Physiotens*).
LES VASODILATATEURS :
Les vasodilatateurs sont les plus logiques des traitements
antihypertenseurs.
Leur mode d'action est varié, et ils appartiennent à plusieurs
classes différentes. L'augmentation de la fréquence et du débit
cardiaque et la rétention hydrosodée limitent l'efficacité des
vasodilatateurs classiques et obligent souvent à associer des
bêta-bloquants et/ou des diurétiques.
Les vasodilatateurs classiques :
* La dihydralazine (Népressol*) est un vasodilatateur artériolaire
entraînant une baisse des résistances périphériques totales.
L'augmentation du débit cardiaque et de la consommation
d'oxygène du myocarde peut être mal tolérée chez un patient
ayant une insuffisance coronarienne.
* La prazosine (Minipress*, Alpress*) est un alpha-bloquant
hautement spécifique des récepteurs alpha-1-postsynaptiques:
- elle n'entraîne pas de tachycardie réflexe, respecte le débit
cardiaque, diminue les résistances veinulaires.
- une hypotension orthostatique peut survenir, en particulier si la
première dose administrée est trop importante et, surtout, si le
malade est déjà sous diurétique.
* Le minoxidil (Lonoten*) est un vasodilatateur extrêmement
puissant. Il est pratiquement obligatoire de l'associer aux
bêta-bloquants et aux diurétiques:
- il peut entraîner un hirsutisme très gênant chez la femme.
- agissant très rapidement par voie orale, c'est un
antihypertenseur réservé aux HTA réfractaires aux autres
thérapeutiques.
- comme le Népressol*, il ne diminue pas l'hypertrophie
ventriculaire gauche des hypertendus.
* L'urapidil (Eupressyl*, Médiatensyl*) est un vasodilatateur plus
récent qui n'entraîne ni tachycardie réflexe ni rétention
hydrosodée et qui agit également au niveau central sur les
récepteurs sérotoninergiques.
Inhibiteurs de l'enzyme de conversion :
Les inhibiteurs de l'enzyme de conversion (IEC), découverts dans
les années 60 à partir d'inhibiteurs naturels dans les venins de
serpents, ont été introduits en thérapeutique au début des
années 80. Ils représentent une des innovations thérapeutiques
majeures de ces dernières années.
Mode d'action :
* Les IEC agissent principalement en bloquant le système
rénine-angiotensine. Ils entraînent de ce fait une
vasodilatation et une diminution de la sécrétion de
l'aldostérone.
* L'inhibition de l'enzyme de conversion a également pour
conséquence une diminution de la dégradation des bradykinines
vasodilatatrices.
* Outre leur remarquable efficacité dans de nombreux types d'HTA
(ils ont transformé le pronostic de l'HTA maligne), ils ont de
nombreux avantages:
- ils n'entraînent ni tachycardie réflexe ni rétention hydrosodée.
- ils préservent les flux sanguins cérébral, coronaire et rénal.
- expérimentalement, ils ralentissent davantage la progression de
l'insuffisance rénale, et cet effet néphroprotecteur a été
confirmé par certaines études contrôlées récentes chez l'homme
diabétique ou insuffisant rénal. Les IEC ont également un effet
antiprotéinurique.
- ils ont une action bénéfique sur la compliance artérielle dont la
diminution, très précoce au cours de l'HTA, est impliquée dans
le développement de l'athérosclérose accélérée des gros
vaisseaux.
- ils réduisent l'hypertrophie ventriculaire gauche.
- ils sont dénués d'effets sur les lipides plasmatiques.
* La plupart des IEC sont maintenant actifs en monoprise. La
quasi-totalité d'entre eux est éliminée exclusivement par voie
rénale (à l'exception du trandolapril et surtout du fosinopril,
qui ont également une élimination biliaire) et la posologie doit
donc être diminuée en cas d'insuffisance rénale.
Effets secondaires :
Leurs effets secondaires sont rares. Deux d'entre eux sont à
connaître:
* la toux qui peut être liée à une libération locale de kinines au
niveau laryngé.
* et les insuffisances rénales fonctionnelles réversibles:
- ces insuffisances rénales aiguës surviennent dans un contexte
bien particulier. Il s'agit, dans la quasi-totalité des cas, de
patients hypovolémiques (le plus souvent en raison d'un
traitement diurétique préalable) et/ou ayant une sténose
artérielle rénale bilatérale ou unilatérale sur rein unique.
- dans toutes ces circonstances, la stimulation marquée du système
rénine-angiotensine a pour conséquence une vasoconstriction de
l'artériole efférente glomérulaire sous l'effet de
l'angiotensine II, qui permet de maintenir une pression de
filtration glomérulaire normale malgré la baisse de perfusion
dans l'artériole afférente.
- la vasodilatation brutale de cette artériole afférente, sous
l'influence d'un IEC, entraîne une baisse de la pression de
filtration glomérulaire et une insuffisance rénale
fonctionnelle.
- celle-ci est réversible à l'arrêt du traitement, et son mécanisme
explique que le traitement par IEC puisse être repris lorsque la
pathologie sous-jacente a été corrigée.
* Certaines précautions d'emploi doivent donc être respectées chez
des sujets à risque pour éviter ces incidents:
- arrêt préalable du traitement diurétique.
- posologie initiale adaptée au degré d'une insuffisance rénale
éventuelle, augmentation progressive de la posologie.
- contrôle de la fonction rénale quelques jours après le début du
traitement.
* Les contre-indications des IEC sont peu nombreuses et
représentées par la grossesse, l'allaitement, l'hypersensibilité
à lamolécule...
Inhibiteurs calciques :
Les antagonistes du calcium ou inhibiteurs calciques forment une
classe thérapeutique qui représente également un des progrès
majeurs récents.
* Agissant par blocage de l'entrée du calcium dans la fibre
musculaire lisse, ce sont des vasodilatateurs qui bénéficient
eux aussi d'avantages précieux:
- pas de tachycardie en cas d'administration chronique ni de
rétention hydrosodée.
- maintien des flux sanguins régionaux.
- effet favorable sur la compliance artérielle.
- diminution de l'hypertrophie ventriculaire gauche.
- absence d'effet sur les lipides sanguins.
* Les inhibiteurs calciques sont en fait une classe thérapeutique
hétérogène.
- Certains d'entre eux ont un tropisme cardiaque et vasculaire:
vérapamil (Isoptine*), diltiazem (Tildiem*). Ils peuvent être
contre-indiqués en cas d'insuffisance cardiaque ou de troubles
de la conduction.
- D'autres ont un tropisme essentiellement vasculaire, ce sont les
dihydropyridines.
* Les effets secondaires des inhibiteurs calciques sont
relativement fréquents (céphalées, "flush", œdèmes périphériques
par hyperperméabilité capillaire), mais ont diminué grâce à
l'utilisation de formes à libération prolongée. Aucune réduction
de posologie n'est nécessaire chez l'insuffisant rénal. La
nifédipine (Adalate*) employée par voie orale, la nicardipine
(Loxen*) par voie intraveineuse sont très utilisées dans les
urgences hypertensives.
Antagonistes de l'angiotensine II :
* Les antagonistes de l'angiotensine II bloquent les récepteurs AT1
responsables des principaux effets de l'angiotensine II. Leurs
effets sont très voisins de ceux des IEC, mais leur tolérance
semble encore meilleure (notamment l'absence de toux car ils
n'ont pas d'effet sur la bradykinine).
* Seuls le losartan (Cozaar*) et, plus récemment, le valsartan
(Tareg*) sont actuellement commercialisés, mais plusieurs autres
produits vont suivre, notamment l'inbesartan (Aprovel*) et le
candesartan.
* L'adaptation posologique n'est pas nécessaire chez l'insuffisant
rénal, mais les mêmes précautions d'emploi doivent être
observées chez les sujets hypovolémiques.
Autres antihypertenseurs :
* Le ciclétanine (Tenstaten*) est un nouvel antihypertenseur qui
agirait en augmentant la synthèse de prostacycline au niveau de
la paroi des vaisseaux:
- son effet vasorelaxant se complète d'un effet natriurétique à
partir de 100mg/j (2 gélules).
- il faut donc éviter de l'associer à un diurétique.
ASSOCIATIONS D'ANTIHYPERTENSEURS :
La monothérapie n'est efficace que dans 50 à 70% des HTA. La
nécessité d'une association est donc une éventualité assez
fréquente; une bithérapie appropriée est efficace dans au moins
90% des cas.
Associations synergiques :
Les associations synergiques ou additives sont heureusement fort
nombreuses. Certaines d'entre elles sont commercialisées dans un
même comprimé.
* Les diurétiques sont synergiques avec pratiquement tous les
antihypertenseurs: bêta-bloquants, antihypertenseurs centraux,
vasodilatateurs artériolaires, IEC et les antagonistes de
l'angiotensine II (avec dans ces derniers cas des précautions
d'emploi déjà vues).
* Les bêta-bloquants:
- sont synergiques avec les diurétiques, les vasodilatateurs
artériolaires classiques dont ils limitent les effets
secondaires, les antihypertenseurs centraux.
- peuvent être associés aux inhibiteurs calciques appartenant aux
dihydropyridines, mais pas à l'Isoptine*ou au Tildiem*(voir plus
loin).
* Les antihypertenseurs centraux sont synergiques avec les
diurétiques et les bêta-bloquants.
* Les IEC et les antagonistes de l'angiotensine II sont synergiques
avec les diurétiques thiazidiques ou les diurétiques de l'anse.
Ils peuvent également être associés aux inhibiteurs calciques.
* Les inhibiteurs calciques sont synergiques avec les IEC, les
antagonistes de l'angiotensine II et les bêta-bloquants (pour
les dihydropyridines).
Associations inutiles ou à discuter :
* Il est en principe inutile d'associer deux médicaments de la même
classe, sauf lorsqu'ils ont un point d'impact différent (par
exemple: diurétique thiazidique et épargneur de potassium, IEC
ou antagoniste de l'angiotensine II et inhibiteur calcique).
* L'association IEC ou antagoniste de l'angiotensine II et
bêta-bloquant n'est pas a priori très logique puisque ces
médicaments agissent sur le système rénine-angiotensine, mais
elle peut être utilisée dans certains cas (tachycardie).
* L'association inhibiteur calcique et diurétique est controversée,
plusieurs études ayant suggéré que le régime désodé ou
l'association de diurétiques diminuait l'action antihypertensive
des inhibiteurs calciques. Rappelons que les œdèmes observés
sous inhibiteurs calciques ne sont pas liés à une rétention
hydrosodée.
Associations dangereuses :
Les associations dangereuses sont rares mais à connaître.
* Les IEC et les antagonistes de l'angiotensine II ne doivent pas
être associés aux diurétiques épargneurs de potassium (risque
d'hyperkaliémie). Par contre, on peut en général les utiliser en
association avec l'Aldactazine*, le Modurétic*.
* L'association d'inhibiteurs calciques ayant un tropisme cardiaque
(Isoptine*, Tildiem*) à des bêta-bloquants est contre-indiquée
chez des patients ayant des troubles de la conduction ou une
fonction ventriculaire gauche diminuée.
Les stratégies thérapeutiques :
PRINCIPES GENERAUX :
* Jusqu'à une date relativement récente, le traitement de l'HTA
reposait sur l'approche classique dite "pas à pas": on essayait
d'abord un seul médicament (en général bêta-bloquant ou
diurétique), puis en cas d'échec une bithérapie. Si nécessaire,
on rajoutait un troisième médicament (par exemple un
vasodilatateur), voire un quatrième (antihypertenseur central).
* Cette méthode a donné des succès certains, mais au prix de
nombreux inconvénients (impossibilité de savoir si un traitement
plus simple n'aurait pas été aussi efficace, diminution de
l'observance du traitement par suite de la multiplication des
médicaments, traitement peu sélectif).
* Dans l'hypertension légère à modérée, l'approche actuelle vise à
proposer un traitement ne comportant, dans la plupart des cas,
qu'une monothérapie ou une bithérapie.Un seul médicament doit
être utilisé en première intention: diurétique, bêta-bloquant,
IEC ou inhibiteur calcique.
* De nombreux schémas de traitement ont été proposés. Celui de
Buhler, préconisant chez le sujet jeune (à rénine souvent
élevée) un bêta-bloquant ou un IEC, et chez le sujet âgé un
diurétique ou un inhibiteur calcique, paraît maintenant dépassé.
Sauf cas particuliers, il est impossible de prévoir la réponse
d'un sujet à tel ou tel antihypertenseur, notamment en fonction
de l'âge. Il est cependant établi que les sujets de race noire
répondent davantage aux inhibiteurs calciques et aux
diurétiques.
* Le choix thérapeutique peut donc difficilement répondre à une
attitude stéréotypée.
* Il faut certainement tenir compte, non seulement de l'âge, mais
aussi du sexe, du tabagisme associé, des pathologies
coexistantes et aussi de facteurs économiques (coût du
traitement, coût de la surveillance, mais aussi coût de la
morbidité cardio-vasculaire encore élevée malgré les traitements
classiques).
* Quel que soit le traitement choisi:
- il faut, sauf urgence médicale (hypertension maligne),
l'instituer à doses progressives et suivant une durée
suffisante, dans la majorité des cas à vie.
- l'efficacité du traitement et sa tolérance doivent être
évidemment vérifiées.
- une surveillance biologique est parfois nécessaire (diurétique).
* Si la monothérapie initiale (recommandée par les références
médicales opposables ) est inefficace, il est conseillé de
recourir à une autre classe médicamenteuse (principe de la
monothérapie séquentielle).
* Lorsque la monothérapie s'avère insuffisante, la tendance
actuelle est d'associer deux médicaments à dose faible pour
obtenir une synergie, plutôt que d'augmenter les doses, ce qui
risquerait d'induire des effets secondaires.
* Si la bithérapie semble inefficace, on peut être amené à essayer
une autre classe médicamenteuse en monothérapie.
CAS PARTICULIERS :
Quelques cas particuliers seront rapidement envisagés.
HTA labile :
C'est une des situations les plus difficiles. La décision
thérapeutique doit tenir compte des antécédents familiaux et
personnels, des facteurs de risque, éventuellement
d'explorations complémentaires comme l'échographie cardiaque, le
profil tensionnel d'effort ou l'enregistrement ambulatoire de la
PA.
Un certain nombre de ces sujets ne nécessitent pas de traitement
antihypertenseur, mais il faut aussi se garder de considérer
trop rapidement que des patients ont une hypertension "nerveuse"
alors qu'ils risquent de développer plus tard une hypertension
permanente, surtout lorsqu'il existe des antécédents familiaux
ou personnels ou des facteurs de risque associés.
Rappelons que la compliance artérielle est également diminuée dans
ce type d'hypertension.
HTA maligne :
Définie par des chiffres de PA élevés (avec minima supérieure ou
égale à 12) et un retentissement viscéral important (en
particulier fond d'œil au stade III ou IV), l'HTA maligne est, à
l'inverse, une urgence médicale où la réduction des chiffres de
la PA prime sur toute autre considération.
* L'hospitalisation d'urgence est indispensable. Insuffisamment
traitée, cette forme d'hypertension peut aboutir rapidement à
une défaillance cardiaque et à une insuffisance rénale majeure.
* Les vasodilatateurs sont largement utilisés, en particulier par
voie parentérale.
* Les IEC, les inhibiteurs calciques, voire le minoxidil, sont
particulièrement efficaces.
* Les bêta-bloquants peuvent être presque toujours utilisés, sauf
s'il existe une insuffisance cardiaque liée à une
myocardiopathie sous-jacente (et non une défaillance cardiaque
secondaire à l'hypertension).
* Les diurétiques ne sont utilisés que s'il existe une
hyperhydratation (les taux de rénine sont déjà extrêmement
élevés dans ce type d'hypertension et ces sujets sont
habituellement hypovolémiques).
Poussée aiguë d'HTA :
* La nifédipine (Adalate*) par voie orale est largement utilisée
dans ce type d'urgence. La nicardipine (Loxen*) semble pouvoir
également être utilisée; de même que le captopril, lui aussi
d'action rapide. Tous ces médicaments ont l'avantage de
préserver le débit sanguin cérébral.
* L'administration d'antihypertenseurs par voie intraveineuse, à la
seringue électrique, peut être utile (Loxen*IV, Trandate*IV).
* Il faut éviter une chute trop brutale de la PA.
* Rappelons que le furosémide par voie intraveineuse (Lasilix*) ou
le bumétanide (Burinex*) est un mauvais traitement de l'urgence
hypertensive, sauf en cas d'hyperhydratation manifeste.
* Le traitement d'urgence doit être relayé par un traitement
continu.
HTA chez l'insuffisant rénal chronique :
L'HTA doit être impérativement traitée, afin de ralentir autant que
possible l'évolution de l'insuffisance rénale et d'éviter le
développement de lésions athéroscléreuses diffuses, qui risquent
de compromettre le pronostic à long terme, lorsque ces patients
seront dialysés et/ou transplantés.
* L'insuffisance rénale impose l'éviction de certains médicaments
(diurétiques distaux) et des adaptations posologiques
(augmentation des doses des diurétiques de l'anse, diminution
des doses de la plupart des IEC, des bêta-bloquants
hydrosolubles...).
* Presque tous les médicaments peuvent être utilisés chez
l'insuffisant rénal, avec des précautions particulières suivant
les cas.
- On utilise de préférence les médicaments qui préservent ou
augmentent le flux sanguin rénal (vasodilatateurs, inhibiteurs
calciques, IEC).
- Les IEC semblent avoir un effet néphroprotecteur particulier,
notamment chez les sujets ayant une protéinurie importante.
HTA du sujet âgé :
Le bénéfice du traitement de l'HTA semble acquis jusqu'à environ 80
ans. Cette hypertension, à prédominance systolique, est de
traitement difficile. Les chiffres sont volontiers variables,
avec risque d'hypotension orthostatique.
* Les bêta-bloquants peuvent être mal tolérés sur le plan
cardiaque.
* L'attitude traditionnelle est d'utiliser des diurétiques en
première intention ou des antihypertenseurs centraux.
* Mais les inhibiteurs calciques et les IEC, qui sont souvent
efficaces sur la PA systolique, sont de plus en plus utilisés.
HTA chez le diabétique :
Le contrôle de l'HTA chez le diabétique est d'une importance
particulière, car elle est volontiers annonciatrice de
néphropathie diabétique progressive. Malheureusement, elle est
souvent difficile à équilibrer chez les sujets diabétiques de
type II, pléthoriques.
* Les vasodilatateurs et en particulier les IEC (qui ont un effet
spécifique sur l'hypertension intraglomérulaire et qui diminuent
la microalbuminurie) peuvent être utilisés, notamment dans le
diabète de type I avec néphropathie.Une polythérapie est
fréquemment nécessaire chez les sujets diabétiques âgés.
* En dépit de leurs inconvénients, les bêta-bloquants, surtout
cardiosélectifs, sont utilisés par beaucoup de diabétologues à
doses modérées. Les diurétiques de l'anse sont préférables aux
thiazidiques, qui possèdent un noyau diabétogène.
HTA gravidique :
L'HTA gravidique (PA supérieure à 140/85mmHg) peut s'intégrer dans
le contexte d'une toxémie gravidique ou survenir chez une femme
ayant déjà une HTA, une tendance hypertensive connue ou une
néphropathie antérieure.
* Elle doit être traitée en évitant les chutes trop brutales de PA
qui pourraient compromettre davantage la perfusion placentaire.
Le traitement doit donc être très progressif.
* L'Aldomet*, le Catapressan*, le Népressol* sont les plus
utilisés. La plupart des équipes prescrivent des bêta-bloquants.
* Les diurétiques sont formellement contre-indiqués, même en
présence d'œdèmes. Les IEC le sont également, en raison du
risque d'accidents fœtaux. On manque encore de recul pour les
inhibiteurs calciques, mais beaucoup d'équipes les utilisent.
* En cas d'HTA incontrôlable, de complications rénales, la seule
solution est l'extraction du fœtus.
HTA associée à d'autres pathologies :
L'existence d'une coronaropathie, d'une artérite des membres
inférieurs, d'une hyperuricémie, d'une hyperlipidémie, d'une
insuffisance cardiaque, d'un asthme... peut conduire à éviter
certains antihypertenseurs contre-indiqués ou à en préférer
d'autres ayant un effet favorable sur la pathologie associée
(inhibiteurs calciques ou bêta-bloquants en cas d'angor...).
Cas particuliers de l'HTA résistant au traitement :
C'est dans ces circonstances, après avoir éliminé autant que
possible une non-observance médicamenteuse et vérifié le
caractère judicieux des associations utilisées, qu'il faut
reprendre l'enquête étiologique et rechercher en particulier une
cause réno-vasculaire passée inaperçue ou surajoutée à bas bruit
(le critère habituel est la persistance d'une hypertension
malgré une bithérapie appropriée).
Conclusion :
Il existe actuellement des moyens thérapeutiques efficaces contre
l'HTA.
Il est indispensable de prendre en charge le patient hypertendu de
façon globale et en particulier de ne pas négliger les facteurs
de risque fréquemment associés: hypercholestérolémie, tabagisme,
excès pondéral, trouble de la glycorégulation, absorption
excessive d'alcool.
La prise en charge de ces patients ayant de multiples facteurs de
risque est difficile car ils sont souvent peu enclins à modifier
leurs habitudes de vie.
Il est donc nécessaire de faire preuve de persuasion et de
persévérance, et de ne pas oublier que le traitement
médicamenteux ne saurait occulter la nécessité de mesures
diététiques simples et d'une meilleure hygiène de vie.
La prévention du risque cardio-vasculaire élevé chez de tels
patients justifie ces efforts.