Une meilleure compréhension de
la physiologie vésico-sphinctérienne par les progrès de la
neuro-urologie et notamment par les examens urodynamiques permet
d'approcher les troubles de la miction.
MICTION NORMALE :
Par définition une miction normale doit être volontaire,
confortable et efficace:
* volontaire: elle est déclenchable et peut s'interrompre sur
commande.
* confortable: aisée, sans intervention de la musculature
abdominale, rapide, indolore et peu fréquente notamment la nuit,
permettant une vie sociale normale.
* efficace: la vessie doit être vide au décours de chaque miction.
TROUBLE DE LA MICTION :
Toutes ces caractéristiques peuvent être altérées, réalisant un
trouble de la miction qui peut être par excès ou par défaut et
être quantitatif ou qualitatif.
L'abord d'un trouble mictionnel est très différent selon que le
malade est porteur d'une affection connue ou qu'il se présente
avec un trouble apparemment isolé.
Orientation diagnostique :
INTERROGATOIRE :
L'interrogatoire doit être extrêmement précis et concerner les
antécédents et la recherche de signes fonctionnels.
Antécédents :
Dans les antécédents, on recherche une affection:
* urologique (adénome prostatique, reflux).
* gynécologique et/ou obstétricale.
* neurologique (sclérose en plaques, maladie de Parkinson).
* général (diabète, traitement associé).
Recherche des signes fonctionnels :
* On doit préciser tout d'abord:
- le nombre de mictions diurnes et nocturnes et leur volume au
mieux apprécié par un calendrier mictionnel.
- la qualité de la sensation de besoin (impérieux, normal ou
émoussé).
- la qualité de la sensation de passage de l'urine.
- l'existence de fuites éventuellement précédées par une sensation
de besoin ou concomitante d'un effort.
* On doit rechercher une dysurie:
- attente mictionnelle.
- nécessité de pousser.
- faiblesse du jet.
* On doit enfin préciser le mode de déclenchement de la miction
(volontaire ou non, percussion sus-pubienne).
La sémiologie fonctionnelle peut déjà orienter dans le choix des
examens complémentaires.
EXAMEN CLINIQUE :
L'examen clinique doit impérativement comporter un examen
neurologique et notamment un examen périnéal.
Cet examen doit apprécier:
- la sensibilité à tous les modes des métamères sacrés.
- la réflectivité périnéale (réflexe bulbo-anal ou clitorido-anal,
réflexe anal à la piqûre).
- la commande des releveurs de l'anus et du sphincter anal.
- le tonus du sphincter anal.
- l'état de la prostate et du périnée (évaluation d'éventuels
éléments de prolapsus: cystocèle, hystéroptose, rectocèle).
EXAMENS COMPLEMENTAIRES :
Examen cytobactériologique des urines :
L'ECBU doit être systématiquement réalisé.
En cas de positivité, les troubles seront réévalués après
traitement de l'infection.
Urographie intraveineuse :
L'UIV avec clichés mictionnels montre:
- l'état du haut apparei.
- la capacité vésicale.
- le comportement du col vésical et de l'urètre postérieur pendant
la miction.
- l'efficacité de la miction par la mesure du résidu
postmictionnel.
Bilan urodynamique :
* Le bilan urodynamique comporte au minimum:
- une cystomanométrie qui étudie l'évolution de la sensation de
besoin et l'activité du détrusor au cours du remplissage vésical
et pendant la miction.
- une sphinctérométrie qui mesure la pression urétrale depuis le
col vésical jusqu'au méat.
- une débitmétrie avec mesure du résidu postmictionnel.
* Ce bilan peut éventuellement être complété par l'enregistrement
électromyographique du sphincter strié urétral.
* L'examen urodynamique peut mettre en évidence:
- une hyperactivité du détrusor avec présence de contractions non
inhibables pendant le remplissage, reflet des impériosités
mictionnelles avec fuites éventuelles.
- une hypoactivité du détrusor avec une contraction faible ou
absente pour une capacité vésicale augmentée.
- des pressions urétrales anormalement élevées dans la zone des
sphincters lisse et strié.
- des pressions urétrales basses compatibles avec une incontinence.
En fonction du contexte :
En fonction du contexte, on pourra effectuer:
- une urétrocystographie ascendante et mictionnelle.
- une urétrocystoscopie.
- une cytologie urinaire.
- une échographie vésico-prostatique.
A l'issue de ce bilan, le diagnostic et la prise en charge
thérapeutique sont en règle générale possibles.
Anomalies quantitatives de la miction :
TROUBLES PAR EXCES :
Les troubles par excès sont représentés essentiellement par la
pollakiurie et les impériosités mictionnelles.
Pollakiurie :
La pollakiurie se définit comme une augmentation de la fréquence
des mictions sans préjuger du volume mictionnel.
Elle se rencontre principalement dans quatre situations.
Volume vésical diminué :
Un volume vésical diminué:
* petite vessie (vessie de lutte secondaire à un obstacle
cervico-prostatique, vessie radique, tuberculeuse, tumorale).
* résidu postmictionnel important entraînant une diminution du
volume mictionnel, notamment en cas d'obstacle
cervico-prostatique.
* vessie hypercontractile avec des contractions du détrusor
survenant pour une capacité inférieure à la normale et non
inhibable entraînant une instabilité vésicale.
- ces contractions du détrusor sont perçues sous la forme d'un
besoin impérieux pouvant entraîner une pression vésicale
supérieure à celle de l'urètre et conduisant à une fuite
d'urine.
- cette fuite urinaire est précédée d'une sensation de besoin.
Hypocontractilités vésicales :
Les hypocontractilités vésicales s'accompagnent à un stade de début
de l'émission de quantités fractionnées d'urine avec persistance
d'un résidu postmictionnel notable, rendant la fréquence des
mictions supérieure à la normale.
Augmentation de la diurèse :
Une augmentation de la diurèse:
- diabète insipide.
- diabète sucré.
- absorption excessive d'eau.
Mauvaises habitudes mictionnelles :
La pollakiurie est, dans certains cas, le reflet de mauvaises
habitudes mictionnelles, surtout chez la femme qui devance la
sensation de besoin par habitude ou par crainte de la survenue
de celle-ci à un moment inopportun.
TROUBLES PAR DÉFAUT :
Les troubles par défaut sont essentiellement la dysurie et, à un
stade ultérieur, la rétention aiguë ou chronique.
Dysurie :
La dysurie est définie comme une difficulté à uriner et se traduit
par une diminution du débit urinaire maximal inférieur à 15ml/s
pour un volume mictionnel supérieur à 150ml.
Cette difficulté se rencontre essentiellement dans deux situations.
Obstacle cervico-urétral :
* Obstacle cervico-urétral: le plus souvent prostatique chez
l'homme, hypertonie sphinctérienne, prolapsus entraînant une
angulation de l'urètre chez la femme.
* Cet obstacle peut être mis en évidence:
- par l'urétrocystographie ascendante et mictionnelle.
- et également sur l'examen urodynamique qui montre l'association
d'un débit urinaire faible et d'une forte contraction du
détrusor pour tenter de lutter contre l'augmentation des
résistances cervico-urétrales.
Diminution de la contractilité vésicale :
Une diminution de la contractilité vésicale (par trouble de
l'innervation du détrusor ou par atteinte de la musculature chez
les personnes âgées ou en cas d'obstacle cervico-urétral
chronique) est dépistée au mieux par le temps mictionnel de
l'examen urodynamique qui montre l'association d'un débit faible
et d'une contractilité du détrusor abaissée.
Rétention d'urine :
La rétention d'urine se définit comme une impossibilité d'émettre
des urines.
Elle survient:
* soit de façon aiguë et dans ce cas en règle douloureuse,
diagnostiquée par l'examen clinique qui trouve un globe vésical
et le plus souvent en rapport avec un obstacle
cervico-prostatique.
* soit de façon chronique et dans ce cas le plus souvent indolore,
voire même diagnostiquée au stade de fuites d'urines par
regorgement où le trop-plein vésical s'évacue indépendamment de
la volonté, sans lien avec l'effort et sans aucune sensation de
besoin.
Anomalies qualitatives de la miction :
La miction peut perdre son caractère confortable, notamment en
présence de brûlures qui doivent en premier lieu faire éliminer
une infection urinaire.
En l'absence de celle-ci il s'agit de cystalgies à urine claire,
nécessitant une prise en charge psychologique adaptée.
Cas particuliers :
FISTULES :
Les fistules sont des communications anormales entre l'appareil
urinaire et les organes de voisinage (urétéro-vaginales,
vésico-vaginales, vésico-utérines, vésico-rectales...):
* responsables de l'émission permanente d'urine ne passant pas par
le méat urétral et échappant donc au contrôle de l'appareil
sphinctérien.
* surviennent le plus souvent après une opération ou un
accouchement.
* confirmées par les examens endoscopiques (avec épreuve au bleu de
méthylène) et radiologiques.
Le traitement est exclusivement chirurgical.
INCONTINENCE URINAIRE D'EFFORT :
L'incontinence urinaire d'effort n'est pas une anomalie de la
miction mais une émission involontaire d'urine par le méat
urétral en dehors de la miction, à l'occasion d'un effort.
Cette anomalie très fréquente concerne essentiellement la femme et
principalement au cours du post-partum ou pendant la
périménopause.
Clinique :
Fuite d'urine :
La clinique permet en règle de poser le diagnostic, la patiente
présentant une fuite d'urine (en général de faible volume,
contrairement aux fuites par instabilité vésicale) concomitante
d'un effort.
* A un stade de début il s'agit d'efforts violents (éternuement,
jogging).
* A un stade avancé, la fuite survient pour des efforts de moins en
moins intenses, voire simplement à l'orthostatisme.
Examen clinique :
L'examen clinique en décubitus dorsal et debout à vessie pleine
peut reproduire la fuite en demandant à la patiente de tousser.
* Il permet d'apprécier les différents éléments de prolapsus
(cystocèle, hystéroptose, rectocèle).
* Il permet d'évaluer la tonicité des muscles releveurs de l'anus
(par un testing musculaire classique coté de 1 à 5 en demandant
une contraction musculaire évaluée par deux doigts
intravaginaux).
* Il tente de faire disparaître la fuite en repositionnant le col
vésical en bonne place grâce à deux doigts latéro-urétraux
(manœuvre de Bonney).
Examens complémentaires :
* Les examens complémentaires sont dominés par l'exploration
urodynamique qui va préciser le mécanisme des fuites à l'aide
d'un enregistrement des pressions urétrales par l'intermédiaire
d'une sonde.
Ainsi on différencie:
- les hypotonies du sphincter (de prise en charge plutôt
rééducative).
- les fuites par anomalies de position du col vésical et du
sphincter où la transmission des pressions est mal répercutée à
l'effort (de prise en charge plutôt chirurgicale).
- ces deux anomalies peuvent être associées.
* Dans certains cas, on effectue en complément une cystographie de
profil ou un colpocystogramme (appréciant la position respective
des différents organes pelviens), surtout lorsqu'il s'agit d'une
patiente multiopérée.
Conclusion :
Une bonne connaissance de la physiologie vésico-sphinctérienne et
notamment des mécanismes de régulation du gradient de pression
urétro-vésicale permet, à l'aide de l'examen clinique et de
quelques examens, de préciser au mieux l'origine d'un trouble de
la miction pour y apporter le traitement adapté.