Le cancer de la prostate est un
cancer dont la fréquence et la mortalité augmentent, mais dont
l’évolution est lente sur 10-15 ans pour les lésions localisées
bien différenciées. Un dépistage individuel est proposé à partir
de 50 ans avec réalisation annuelle d’un toucher rectal et d’un
dosage de l’antigène spécifique de la prostate car trop de
lésions sont diagnostiquées à un stade avancé non curable. Il
n’est plus justifié après 70 ans ou si l’espérance de vie est <
10 ans. Le choix d’un traitement nécessite l’évaluation de
l’espérance de vie et du stade de la maladie afin de ne pas
surtraiter inutilement les patients.
Diagnostic :
DIAGNOSTIC CLINIQUE :
Circonstances de découverte :
* Actuellement, le cancer de la prostate est de plus en plus
souvent découvert sur la notion d'un dosage de l'antigène
prostatique spécifique (PSA) au-dessus de la norme, alors que le
toucher rectal n'est pas suspect.
* Le deuxième mode de diagnostic est la découverte au TR d'une zone
ferme au niveau d'un lobe ou d'une induration d'un lobe ou
débordant au-delà d'un lobe.
* Plus rarement, l'existence de troubles mictionnels révèle le
cancer, mais ces troubles ne sont pas spécifiques.Une dysurie,
une pollakiurie sont fréquentes à l'âge de découverte,
témoignant aussi bien d'une hypertrophie bénigne que d'un
cancer. Il en est de même pour l'hématurie et l'hémospermie.
L'hydronéphrose ou l'anurie révélatrice sont plus rares.
* Les métastases révélatrices sont plus rares, telles les
métastases osseuses douloureuses ou les fractures pathologiques.
* Enfin, le cancer de la prostate est découvert sur l'examen
histologique après traitement chirurgical d'une hypertrophie
prostatique par résection endoscopique ou adénomectomie par voie
haute dans 5 à 10% des cas.
Examen clinique :
L'examen clinique repose sur le toucher rectal (TR) qui,
typiquement, met en évidence une induration irrégulière
pierreuse d'une partie ou de l'ensemble de la glande
prostatique.
Le toucher peut en outre montrer des signes d'extension tumorale
vers la vésicule séminale.
Un TR normal ne permet en aucun cas d'éliminer le diagnostic.
Examens
complémentaires :
Antigène prostatique spécifique :
L'antigène prostatique spécifique est un marqueur spécifique de la
prostate et non du cancer dont le taux s'élève dans toutes les
pathologies prostatiques, qu'il s'agisse d'une hypertrophie
bénigne, d'une prostatite aiguë ou au cours des manipulations
endoscopiques, après une ponction-biopsie de la prostate, un
sondage vésical et lors d'une rétention aiguë d'urine.
Il faut attendre 3 semaines après ce type de manipulation ou à la
suite d'une infection prostatique pour retrouver un chiffre
normal, la demi-vie du PSA étant d'environ 3 jours.
Contrairement à ce que l'on croit, le TR n'augmente pas de façon
significative le taux de PSA.
* La technique de dosage fait appel à différents kits dont le plus
utilisé est le tandem: Hybritech dosage radio-immunologique dont
la normale est égale ou inférieure à 4ng/ml. L'utilisation du
dosage hypersensible du PSA permet d'obtenir une détection
jusqu'à 0,1ng/ml. Compte tenu du nombre de trousses de dosage,
la surveillance du PSA chez un homme doit être faite avec la
même méthode de dosage et si possible dans le même laboratoire.
Toute la difficulté aujourd'hui est de savoir quand réaliser des
biopsies chez un homme dont le taux de PSA est un peu augmenté
alors que le TR n'est pas suspect.
* La vélocité du PSA qui calcule la vitesse d'augmentation du PSA à
intervalles réguliers est en faveur d'un cancer si le taux de
l'antigène est augmenté de plus de 0,75ng dans l'année, mais les
variations individuelles sont importantes.
* La densité du PSA qui rapporte le taux de PSA au volume
prostatique est peu fiable, car l'échographie est
opérateur-dépendante.
* Le rapport du PSA libre sur le PSA total est indicatif en dessous
de 10ng/ml: si le PSA libre se situe au-dessus de 25%, on peut
quasiment exclure un cancer de la prostate.
* Il existe une corrélation entre le taux de PSA et le stade
tumoral.
- Lorsque le PSA est inférieur à 10ng/ml, le cancer est
généralement confiné à la glande prostatique.
- Lorsque le PSA est au-dessus de 30ng/ml, plus des trois quarts
des tumeurs prostatiques sont PT3.
- Au-delà de 100ng/ml, la totalité des tumeurs prostatiques sont
métastasées.
Autres examens :
* Le dosage des phosphatases acides (PAP) a une mauvaise
sensibilité pour dépister le cancer de la prostate. Son intérêt
est uniquement de traduire un risque élevé de métastases
osseuses.
* L'échographie par voie transrectale peut mettre en évidence des
zones hypo-échogènes qui, lorsqu'elles sont isolées, sans
augmentation du PSA ni anomalie au TR, ne sont aucunement
spécifiques du cancer. Elle permet surtout de localiser la
glande prostatique pour réaliser les biopsies multiples
nécessaires au diagnostic.
Diagnostic de
certitude :
Le diagnostic d'un cancer de la prostate n'est
qu'anatomopathologique. Ce sont les biopsies prostatiques par
voie rectale échoguidées qui l'authentifient.
* On réalise en général trois biopsies au niveau de la base, de la
partie moyenne et de l'apex dans chaque lobe, soit six biopsies
en sextant en l'absence d'anomalie au TR et on réalise des
biopsies supplémentaires sur les zones suspectes au toucher ou à
l'échographie (zone hypo-échogène).
* L'examen histologique permet de faire le diagnostic en confirmant
l'existence de l'adénocarcinome et en précisant le degré de
différenciation par le score de Gleason.
* Le nombre de biopsies positives est un argument de stadification.
Au-delà de quatre biopsies positives, le risque d'effraction
capsulaire atteint 80% des cas.
BILAN D'EXTENSION :
Clinique et examens paracliniques
* Le TR apprécie une extension au-delà de l'apex et des vésicules
séminales qui contre-indiquerait une chirurgie radicale.
* Un PSA au-dessus de 20ng/ml témoigne d'un risque élevé d'atteinte
prostatique.
* La TDM abdomino-pelvienne permet difficilement d'évaluer
l'extension de la tumeur prostatique. Elle retrouve parfois des
adénopathies ilio-obturatrices ou rétropéritonéales ainsi que
des métastases hépatiques. *
L'IRM par antenne endorectale précise la localisation de la
tumeur et une éventuelle extension aux vésicules séminales ou à
la capsule prostatique.
* La scintigraphie osseuse recherche des lésions secondaires et est
particulièrement indiquée en cas de douleurs ou lorsque le PSA
est au-dessus de 10ng/ml.
LES STADES :
En fonction de tous ces éléments diagnostiques et du bilan
d'extension, il est possible de classer le cancer de la prostate
selon la classification TNM:
- T1a: cancer prostatique découvert après chirurgie pour
hypertrophie bénigne avec moins de 5% du prélèvement envahi.
- T1b: cancer prostatique découvert après chirurgie pour
hypertrophie bénigne avec plus de 5% du prélèvement envahi.
- T1c: cancer prostatique révélé par des biopsies pratiquées devant
une élévation isolée du PSA.
- T2a: cancer prostatique envahissant moins de la moitié d'un lobe.
- T2b: cancer prostatique envahissant plus de la moitié d'un lobe,
mais n'atteignant pas l'autre lobe.
- T2c: cancer prostatique envahissant les deux lobes.
- T3a: cancer prostatique franchissant la capsule d'un côté.
- T3b: cancer prostatique franchissant la capsule des deux côtés.
- T3c: cancer prostatique envahissant la ou les vésicules
séminales.
- T4a: cancer prostatique envahissant le col vésical, le sphincter
externe ou le rectum.
- T4b: cancer prostatique envahissant les muscles releveurs ou la
paroi du pelvis.
- N+: en cas d'adénopathie de l'obturatrice.
- N1: en cas d'adénopathie de l'obturatrice de moins de 2cm.
- N2: adénopathie ilio-obturatrice de 2 à 5cm.
- N3: adénopathie de plus de 5cm.
- M+: métastases viscérales.
Le stade clinique correspond au stade préthérapeutique et n'est pas
toujours corrélé au stade pathologique, souvent sous-évalué.
Évolution et
pronostic :
L'évolution du cancer de la prostate varie d'un homme à l'autre
tout en sachant que certains cancers ont une évolution purement
locorégionale, d'autres ont une extension métastatique plus ou
moins rapide.
Il n'existe pas de critères d'évolution spécifiques, mais les
arguments de mauvais pronostic sont un score de Gleason élevé,
traduisant une tumeur peu différenciée et un volume tumoral
important.
Au stade localisé, il existe près de 100% de survie à 7 ans (stades
T1, T2) et en revanche moins de 10% de survie à 10 ans en cas
d'atteinte extra-prostatique.
Traitement :
TRAITEMENT DES STADES LOCALISES :
(Cancer confiné à la prostate ≤ T2.)
Trois attitudes sont possibles: la simple surveillance, la
chirurgie radicale et la radiothérapie externe ou la
brachythérapie.
Simple surveillance :
La simple surveillance est indiquée chez un homme dont l'espérance
de vie est inférieure à 10 ans, et à condition que le cancer ne
soit pas très indifférencié (score de Gleason à 7 ou inférieur).
Le dosage du PSA pratiqué tous les 6 mois permet, en cas
d'évolutivité, de proposer un traitement médical.
Chirurgie radicale :
La prostatectomie radicale est indiquée lorsque l'espoir de vie du
patient est long.
* Elle est précédée d'une lymphadénectomie ilio-obturatrice
bilatérale.
- L'examen extemporané n'est pas aujourd'hui systématique, mais
réservé aux malades dont le PSA est supérieur à 10 ou le score
de Gleason supérieur à 7, quel que soit le taux de PSA.
- En cas d'atteinte ganglionnaire à l'examen extemporané, il n'y a
logiquement plus d'indication à la chirurgie radicale et le
traitement envisagé est une hormonothérapie soit par
orchidectomie bilatérale ou pulpectomie bilatérale dans le même
temps si le malade est prévenu, soit par hormonothérapie
médicale.
* La prostatectomie radicale enlève la prostate et les vésicules
séminales dans leur intégralité. La suture est réalisée entre la
vessie et l'urètre sans le sphincter strié.
Complications de la prostatectomie radicale
- La mortalité après prostatectomie radicale est inférieure à 0,5%.
- Les sténoses de l'anastomose urétro-vésicale sont observées dans
2 à 8% des cas, les transfusions dans 3 à 5% des cas.
- Les risques fonctionnels sont: l'incontinence urinaire totale
(1%) ou d'effort (10 à 20% des cas, notamment en fin de
journée), l'impuissance dans 60 à 80% des cas, et ce d'autant
plus que le malade est âgé.
Suivi du patient
* Dans les 3 mois qui suivent la prostatectomie radicale, le taux
de PSA doit revenir à 0,1ng/ml ou en dessous.
* En l'absence de retour à ce chiffre, il faut considérer qu'il
existe soit des métastases non décelées en microscopie, soit une
persistance de tissu cancéreux au niveau de la zone de chirurgie
ou une récidive locale.
* Le PSA est réalisé à 3 mois, 6 mois puis une fois par an.
* Le traitement antiandrogénique temporaire préopératoire ne
modifie en rien la survie sans récidive biologique à moyen
terme.
Radiothérapie :
Radiothérapie externe :
La radiothérapie externe est préférée sur un terrain fragile ou
chez les hommes qui veulent garder une vie sexuelle.
* L'amélioration des techniques de centrage (radiothérapie
conformationnelle) et d'irradiation permet de limiter
aujourd'hui considérablement le risque de cystites ou de
rectites radiques.
* L'irradiation est faite à des doses variables, de 60 à 70 Grays
éventuellement en bifractionné.
* Le taux de PSA doit redescendre normalement en dessous de 4. A
1ng on considère que le pronostic est le meilleur.
* Un traitement antiandrogénique temporaire peut y être associé.
Son utilité réelle reste discutée.
Brachythérapie :
La brachythérapie consiste en une radiothérapie interstitielle. Des
aiguilles radio-actives sont implantées dans la prostate par
voie périnéale sous contrôle échographique transrectal.
Ces résultats sont identiques à la radiothérapie externe.
TRAITEMENT DES STADES EXTRA-CAPSULAIRES :
(T3, T4, N+ ou M+.)
Le traitement chirurgical radical n'a plus de place.
Radiothérapie :
La radiothérapie est utilisée dans les stades T3 (envahissement
capsulaire ou vésiculaire).
Traitement hormonal :
Dans les stades plus avancés, l'indication thérapeutique est au
traitement hormonal: il s'agit toujours d'une castration qui
peut être:
- soit chirurgicale par orchidectomie bilatérale ou pulpectomie,
réalisée aujourd'hui sous anesthésie locale en hospitalisation
ambulatoire.
- soit d'une castration chimique par agoniste de la LH-RH, à raison
d'une injection sous-cutanée mensuelle ou trimestrielle à vie.
La possibilité d'un traitement séquentiel avec interruption
temporaire, permettant une qualité de vie meilleure, est en
cours d'évaluation.
Un traitement complémentaire par anti-androgène stéroïdien ou non
stéroïdien peut être utilisé en complément le premier mois du
traitement par agoniste de la LH-RH, pour limiter les risques
d'une poussée évolutive, liée à l'augmentation de la
testostéronémie.
Le blocage anti-androgénique complet n'a plus d'indication
aujourd'hui, car ses résultats n'ont pas prouvé de différence
significative à moyen terme lors des méta-analyses récentes.
Le traitement anti-androgénique isolé peut être employé chez les
hommes qui désirent conserver une vie sexuelle, en sachant
qu'ils seront toutefois impuissants dans 50% des cas. Les
résultats sont moins favorables que par castration chimique ou
chirurgicale.
Surveillance du traitement :
* La surveillance repose sur le TR, le dosage de l'antigène de la
prostate. La testostéronémie est évaluée à 3 mois après la
castration. Les autres examens de surveillance: créatininémie,
échographie rénale, scintigraphie osseuse, sont à prescrire en
fonction de l'évolution clinique.
* En cas de réascension du taux de PSA, on doit craindre chez les
malades qui ont subi une chirurgie radicale une récidive locale
ou une évolution métastatique. Des biopsies de la zone
d'anastomose peuvent être pratiquées, permettant de mieux
orienter le traitement qui sera:
- soit en cas de récidive locale, une éventuelle radiothérapie.
- soit en cas d'évolution métastatique, un traitement hormonal.
* En cas de récidive après castration chimique ou chirurgicale, on
parle alors d'échappement hormonal et il n'y a plus de
traitement spécifique. L'utilisation de diéthylphosphestrol
permet une diminution du PSA, mais la survie n'est pas
prolongée.
* Chez les malades qui sont sous traitement anti-androgène pur,
sous blocage complet, toute réélévation du taux de PSA doit
faire évoquer un syndrome de suppression des anti-androgènes. A
l'arrêt du traitement anti-androgénique, le PSA redescend.Une
élévation du PSA sous traitement anti-androgène n'est donc pas
significative systématiquement d'une aggravation de la maladie.
Traitement des complications :
* En cas d'obstruction de l'urètre prostatique dans les formes
locorégionales ou métastatiques, une résection endoscopique de
la prostate est possible. En cas d'obstruction progressive d'un
ou des deux uretères, une montée de sonde urétérale double J par
voie rétrograde ou par voie antégrade permet un rétablissement
de la fonction rénale.
* En cas d'anurie primitive révélatrice d'un cancer de la prostate,
le traitement combine une hormonothérapie immédiate, associée à
une néphrostomie unilatérale ou bilatérale ou une montée de
sonde urétérale selon l'état local et les moyens techniques mis
à disposition.
* A ces traitements de fond, s'ajoute le traitement des douleurs,
notamment métastatiques osseuses, qui combine les antalgiques
puissants et une irradiation éventuelle sur les zones
douloureuses à doses moyennes.
La chimiothérapie n'a pas démontré sa réelle efficacité. Des essais
de thérapie génique sont en cours.