Physiologie, exploration et troubles de l’olfaction

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Introduction :

Au cours de ce siècle, la communauté médicale s’est assez peu intéressée à l’olfaction et à ses troubles.

Physiologie, exploration et troubles de l'olfactionUne évolution positive de cette situation se manifeste cependant depuis une dizaine d’années avec la prise de conscience de l’impact des désordres olfactifs sur la qualité de la vie.

La progression incontestable des connaissances sur le fonctionnement du système olfactif, dont l’identification des récepteurs olfactifs est un des exemples les plus marquants, contribue aussi à faire émerger l’odorat de la pénombre dans laquelle son statut de « sens mineur » le maintenait.

Cet exposé présente les principales données anatomiques et physiologiques qui permettent d’esquisser une interprétation du traitement de l’information olfactive.

Il comporte ensuite l’examen des méthodes d’exploration de la fonctionnalité des voies olfactives ainsi que des caractéristiques de la perception humaine.

Enfin, sont passés en revue les principaux troubles qui affectent l’olfaction.

L’olfaction dite accessoire, qui repose sur le fonctionnement d’un organe distinct de l’épithélium olfactif, l’organe voméronasal, peut être considérée comme une sensorialité indépendante de l’olfaction au sens usuel.

Elle n’a pas été abordée dans cette revue.

Anatomie et physiologie :

A – Épithélium olfactif et genèse du message olfactif périphérique :

Le message nerveux qui prend naissance dans l’organe sensoriel olfactif repose sur l’activité d’une catégorie de cellules qui cumulent plusieurs fonctions : la réception du stimulus, la transduction et la transmission du message sensoriel périphérique.

Ces cellules sont des neurones. Leurs corps cellulaires, disposés sur plusieurs couches dans l’épithélium olfactif, émettent en direction de la lumière de la cavité nasale une unique dendrite qui porte une touffe de cils dont la membrane contient les récepteurs des odorants.

À leur pôle interne, ces neurorécepteurs donnent naissance à un fin axone, non myélinisé, qui rejoint, sans se ramifier, un glomérule du bulbe olfactif après avoir cheminé dans un filet du nerf olfactif traversant l’une des perforations de la lame criblée de l’ethmoïde.

On a décrit chez l’homme un type de cellule qui pourrait représenter une seconde classe de neurorécepteur : sa dendrite porte des microvillosités et non des cils.

Le neuroépithélium olfactif contient deux autres catégories de cellules : les cellules de soutien et les cellules basales.

Parmi ces dernières se trouvent des cellules qui ont, chez de nombreuses espèces, la propriété remarquable de se diviser bien au-delà de la vie foetale et d’engendrer de nouveaux neurorécepteurs capables de remplacer ceux affectés en diverses circonstances par la mort cellulaire.

Pour ce qui concerne les sujets humains, il subsiste beaucoup d’incertitudes sur la façon dont s’exerce le remplacement des neurorécepteurs et sur l’ampleur du phénomène.

Des neurones ont pu être récemment obtenus en culture de cellules à partir de cellules basales prélevées chez un sujet de 72 ans.

1- Stimulus :

Les stimulus olfactifs appartiennent à de nombreuses familles chimiques.

Ces stimulus sont généralement des molécules organiques produites par le métabolisme des animaux et des végétaux et parfois dégradées par des microorganismes.

Pour être olfactivement active, une molécule doit être assez volatile pour atteindre une concentration suffisante dans l’air qui pénètre dans les fosses nasales.

Le poids moléculaire est un facteur important de la volatilité.

S’il est trop élevé, il en résulte une trop faible tension de vapeur du produit ; s’il est trop bas, il caractérise une molécule de petite taille qui ne peut faire qu’un trop petit nombre de liaisons avec les protéines réceptrices.

Parmi les autres facteurs dont dépend l’odorité, il faut mentionner la capacité de la molécule à donner ou à recevoir des liaisons hydrogènes, sa polarisabilité électronique et sa solubilité dans les lipides.

La liaison odorant-récepteur s’effectue en phase liquide, au sein du mucus.

Les molécules doivent donc être dissoutes à concentration suffisante dans ce mucus.

L’acheminement des molécules peu hydrosolubles vers les sites de liaison des récepteurs pourrait mettre en jeu des protéines de transport (OBP [olfactory binding proteins]).

L’existence, dans l’organe sensoriel, d’un récepteur avec lequel la molécule est susceptible d’interagir conditionne en principe l’efficacité olfactive d’un odorant.

En pratique, les récepteurs sont assez nombreux et leur sélectivité moyenne est assez faible pour que la plupart des substances remplissant le critère du poids moléculaire (entre quelques dizaines et quelques centaines de daltons) soient détectées.

En revanche, les seuils de détection varient grandement selon l’affinité des molécules pour leurs sites récepteurs.

La réception est essentiellement un phénomène de reconnaissance moléculaire.

Le stimulus olfactif est constitué par la configuration tridimensionnelle des liaisons de faible énergie que la molécule-ligand est capable de réaliser avec un récepteur.

Comme les configurations de propriétés moléculaires efficaces sont des entités discontinues et nombreuses, le stimulus ne peut être caractérisé physiquement par un paramètre continûment variable comme l’est la longueur d’onde pour les stimulus auditifs et visuels.

Il en résulte que l’espace des stimulus olfactifs est hautement multidimensionnel.

2- Apports de l’électrophysiologie :

L’épithélium olfactif répond à la stimulation en émettant une variation de potentiel appelée électro-olfactogramme (EOG).

Enregistré à la surface de l’épithélium, l’EOG est un signal lent, généralement monophasique, de polarité négative, engendré par la somme des courants récepteurs produits par de nombreux neurorécepteurs.

Il fournit des informations globales sur la sensibilité de l’épithélium aux odorants et son adaptation au stimulus.

Bien qu’il n’ait qu’une faible résolution spatiale, l’EOG a servi à montrer l’existence d’une distribution non homogène de la chimiosensibilité dans l’ensemble de l’épithélium.

Des données plus analytiques ont été obtenues par l’enregistrement électrique unitaire à l’aide de microélectrodes extracellulaires.

Les neurorécepteurs répondent à la stimulation en augmentant le rythme de décharge des potentiels d’action par rapport à la fréquence de base.

Plusieurs facteurs agissent sur le profil de la réponse et sa latence : la nature du stimulus, le décours temporel de la stimulation, la concentration maximale de l’odorant et l’épaisseur du mucus.

En plus des réponses par excitation, certains travaux ont rapporté une suppression de l’activité spontanée induite par des odorants.

La fréquence maximale atteinte durant une stimulation de courte durée est reliée à la concentration de l’odorant qui détermine le degré de dépolarisation de la cellule.

La relation concentration-fréquence, décrite par la fonction de puissance de Stevens, présente souvent une pente abrupte, c’est-à-dire que la gamme dynamique du neurorécepteur ne dépasse guère l’unité logarithmique.

Cet intervalle dynamique pourrait cependant être plus étendu car il a été montré qu’une petite variation de la probabilité de réponse au voisinage du seuil, trop faible pour être repérée comme réponse indubitable, peut pourtant influencer sensiblement la réponse des neurones du bulbe olfactif en raison de la forte convergence des neurorécepteurs au sein des glomérules du bulbe olfactif.

L’intensité du stimulus est également représentée par le nombre de neurones recrutés, car toutes les cellules sensibles à un odorant n’ont pas le même seuil de réponse.

Donc, si l’on admet qu’une odeur est codée par un ensemble de neurones activés, les variations de concentration de l’odorant, qui entraînent des variations de la composition de l’ensemble codant, sont susceptibles de conduire à des changements de la qualité de l’odeur.

C’est probablement l’origine des changements de qualité qui accompagnent souvent les variations de l’intensité.

Il est possible, cependant, que le traitement du message par le bulbe olfactif réduise l’interaction entre ces deux dimensions du stimulus.

Les neurorécepteurs individuels étudiés jusqu’à maintenant ont une faible sélectivité.

Certains répondent à plus de 50 % des substances pures utilisées comme stimulus.

Les stimulus efficaces sur un même neurorécepteur ont des propriétés physicochimiques si différentes qu’il est difficile d’admettre qu’ils agissent sur un seul type de récepteur moléculaire.

D’après les travaux réalisés chez la grenouille, il a donc été supposé que chaque neurorécepteur était équipé de plusieurs types de récepteurs moléculaires.

Cependant, les travaux de biologie moléculaire réalisés chez des mammifères plaident plutôt en faveur de l’expression d’un petit nombre, voire d’un seul type de récepteur par cellule olfactive.

Quoi qu’il en soit du degré exact de sélectivité des neurorécepteurs olfactifs de mammifères, il est admis que chaque odorant active un sous-ensemble de ces cellules selon une combinaison qui lui est propre.

Cette combinaison, ou pattern, encore appelée image olfactive, est le support neuronal de l’odeur.

En traitant les données électrophysiologiques par des méthodes d’analyse multidimensionnelle, on a pu montrer que les récepteurs reconnaissent des similitudes entre les odorants et les regroupent en fonction de ces similitudes (groupes « aromatique », « camphré », « acides gras »…).

Ces rassemblements ne sont pas des classes fermées et n’ont pas de véritables frontières.

3- Apports de la biologie moléculaire :

L’étude des récepteurs olfactifs par la biologie moléculaire connaît un grand développement depuis que Buck et Axel et plusieurs autres équipes ont découvert dans l’épithélium olfactif du rat une superfamille de gènes codant pour des récepteurs à sept domaines transmembranaires, associés à des protéines G.

Il existe plusieurs sous-familles de récepteurs moléculaires et chacune d’elles comporte de nombreux membres.

Le nombre total de gènes de l’olfaction est estimé à plusieurs centaines (hommes), voire à un millier (rongeurs).

Le système olfactif se montre donc très original sur ce plan parmi les systèmes sensoriels.

La grande diversité des récepteurs moléculaires a une conséquence importante : elle rend plausible l’hypothèse que certains des récepteurs peuvent avoir un profil de sélectivité relativement étroit, hypothèse qui permet alors d’interpréter des phénomènes comme l’anosmie sélective.

Un autre apport important des travaux de biologie moléculaire sur les récepteurs est la suggestion que chaque cellule réceptrice n’exprimerait qu’un petit nombre de récepteurs moléculaires, et peut-être un seul.

Si c’est le cas, les neurorécepteurs constituent des canaux de transfert d’information qui maintiennent séparées les sensibilités représentées par les récepteurs moléculaires.

Les divergences observées sur ce point entre les travaux d’électrophysiologie et ceux de biologie moléculaire sont peut-être imputables au fait que ce sont des espèces éloignées au plan phylogénétique qui ont été étudiées selon les deux méthodes.

Une indication en ce sens est cependant fournie par des travaux qui montrent que les neurorécepteurs de la souris sont nettement plus sélectifs que les neurorécepteurs de la grenouille.

À la réception du stimulus fait suite l’étape de la transduction, c’est-à-dire l’amplification et la traduction en courant ionique de la faible énergie produite par la liaison récepteur-odorant.

On a montré que les récepteurs liés aux protéines G étaient couplés à une voie enzymatique impliquant l’adénosine monophosphate cyclique (AMPc) comme second messager et comme agent de contrôle de l’ouverture des canaux ioniques qui produisent le courant générateur des influx transmis.

Une autre voie métabolique, dont la fonction n’est pas totalement élucidée, met en jeu la production d’inositol triphosphate (IP3).

En conclusion, l’information sur l’identité de l’odorant paraît contenue dans l’activité d’une population de neurorécepteurs dont les spectres individuels de sensibilité présentent des recouvrements.

C’est ainsi soit parce que les stimulus activent en partie les mêmes récepteurs moléculaires dotés d’une faible sélectivité, soit parce que les neurorécepteurs portent plusieurs types différents de récepteurs.

Dans ce mode de codage de l’information qui est qualifié de populationnel, l’information pertinente est répartie dans de nombreux canaux parallèles.

4- Chimiotopie : dimension spatiale du message périphérique

La notion de chimiotopie exprime le fait que les régions de l’épithélium olfactif présentent une sensibilité différentielle aux odorants.

Des études sur l’expression des récepteurs moléculaires au sein du neuroépithélium permettent de comprendre cette propriété.

L’acide ribonucléique messager (ARNm) correspondant à un type donné de récepteur est détectable, par hybridation in situ, dans une seule zone parmi plusieurs délimitées selon l’axe latéromédian de l’épithélium.

Les neurones exprimant ce récepteur sont disséminés dans toute la zone.

La répartition différentielle des types de récepteurs explique donc la sensibilité hétérogène de l’épithélium.

De la sorte, le motif d’activité neuronale évoqué par un odorant dans le neuroépithélium forme une sorte d’image neuronale de l’odeur, ce qui a conduit à suggérer que le système olfactif utilise un codage spatial.

Nous allons voir que l’odeur est également représentée par un motif spatial d’activité à l’entrée de l’étage du bulbe olfactif.

B – Bulbe olfactif et prétraitement de l’information :

1- Organisation du bulbe olfactif :

Le bulbe olfactif contient les neurones de deuxième ordre, les cellules mitrales.

C’est une formation de type cortical organisée en couches concentriques.

La couche la plus externe est la couche du nerf olfactif.

À ce niveau, les axones des neurorécepteurs forment un feutrage dense qui recouvre la deuxième couche ou couche glomérulaire.

Les glomérules olfactifs sont constitués par les prolongements de quatre types de cellules : les axones des neurorécepteurs ; les dendrites des neurones de projection, les cellules mitrales ; les dendrites des cellules à panache ; enfin, celles des interneurones locaux appelées cellules périglomérulaires.

Les axones des neurorécepteurs se ramifient avant de réaliser des synapses excitatrices avec les autres types cellulaires.

Le neuromédiateur de ces synapses semble être le glutamate.

Les corps cellulaires des cellules périglomérulaires se trouvent en bordure des glomérules et soulignent leurs limites.

Certaines des cellules à panache, les plus internes, ont des propriétés assez semblables à celles des cellules mitrales et sont des neurones de projection ; d’autres, les plus externes, s’apparentent davantage à des interneurones.

La troisième couche est la couche plexiforme externe dans laquelle s’étendent les dendrites des cellules mitrales et celles d’une deuxième catégorie d’interneurones, les cellules granulaires, dont les corps cellulaires sont situés plus en profondeur.

La quatrième couche est celle des cellules mitrales, formée par les corps cellulaires de ces neurones.

La cinquième couche, dite plexiforme externe, est une mince zone de transition entre les somas des cellules mitrales et la sixième couche formée par plusieurs strates d’interneurones, la couche des cellules granulaires.

Les relations synaptiques les plus étudiées au sein du bulbe olfactif sont celles qu’entretiennent les cellules mitrales avec les deux principales populations d’interneurones.

À l’intérieur des glomérules, les dendrites des cellules périglomérulaires, excitées directement par les afférences réceptrices et indirectement par les cellules mitrales, exercent une inhibition dendrodendritique en retour sur ces mêmes cellules mitrales.

Les neurotransmetteurs de cette inhibition sont l’acide gamma-aminobutyrique (GABA) et la dopamine ; les deux neurotransmetteurs coexistent dans certaines cellules mais non dans toutes.

Ces interneurones envoient leurs axones en direction des glomérules adjacents où ils exercent une inhibition de voisinage sur les neurones de deuxième ordre.

Les cellules mitrales interagissent aussi avec l’autre catégorie d’interneurones, les cellules granulaires, dans la couche plexiforme externe, au moyen de synapses dendrodendritiques.

Les cellules mitrales excitent les cellules granulaires et reçoivent une rétroaction inhibitrice de nature GABA-ergique.

2- Projections des neurorécepteurs sur l’entrée du bulbe olfactif :

Il existe, chez le rat, une correspondance anatomique entre des zones définies de l’épithélium olfactif et des territoires également définis de la couche glomérulaire du bulbe olfactif.

Les projections sont à la fois divergentes et convergentes : d’une part, les neurorécepteurs voisins dans l’épithélium se projettent sur toute l’étendue antéropostérieure d’un secteur du bulbe olfactif ; d’autre part, un glomérule du bulbe reçoit les terminaisons de neurorécepteurs provenant de toute l’étendue d’une certaine zone épithéliale.

Plutôt que somatotopique au sens strict, la projection est dite régionorégionale.

Les projections des neurorécepteurs sont également fonction de certaines propriétés moléculaires de la surface membranaire de leurs axones.

Des méthodes histochimiques et immunohistologiques utilisant divers marqueurs moléculaires de surface ont permis d’identifier des sous-ensembles d’axones ayant différents motifs de projection.

Certaines molécules membranaires participent sans doute au guidage des axones vers leurs sites de projection.

Il existe des mécanismes présidant au regroupement sélectif des axones.

Il a été montré que les neurorécepteurs exprimant le gène d’un certain type de récepteurs, et disséminés dans une zone définie de l’épithélium olfactif, envoient leurs axones converger dans un petit nombre de glomérules qui se trouvent ainsi spécialisés dans la transmission d’une sensibilité spécifique.

3- Glomérules et protocolonnes bulbaires :

La description du bulbe olfactif en couches concentriques doit être complétée par une autre description qui prend en compte la structuration de la couche glomérulaire en quelques milliers de formations anatomiquement bien définies : les glomérules.

On peut voir dans chaque glomérule l’entrée d’un micromodule, sorte de colonne primitive ou protocolonne.

Une colonne regroupe l’ensemble des cellules mitrales et des cellules à panache qui adressent leurs dendrites à un glomérule et les interneurones qui contrôlent ces neurones principaux.

Plusieurs arguments anatomiques et fonctionnels peuvent être avancés à l’appui de cette conception.

Après l’injection, chez le rat, d’un marqueur d’activité métabolique, le 2- désoxyglucose radioactif, suivie par une stimulation olfactive de plusieurs dizaines de minutes, le bulbe olfactif de l’animal sacrifié présente des glomérules fortement radioactifs, tandis que beaucoup d’autres ne sont que faiblement marqués.

Le motif spatial dessiné par les glomérules les plus activés est symétrique dans les deux bulbes et caractéristique de l’odorant utilisé pour la stimulation.

Le bulbe olfactif montre donc une forme de chimiotopie qui prolonge celle observée dans le neuroépithélium.

L’activité afférente induite par le stimulus est principalement confinée dans un petit nombre de foyers identifiables comme glomérules et qui se présentent donc comme des unités d’activation du bulbe.

L’hypothèse de l’unité fonctionnelle du glomérule, et donc celle de la protocolonne dont il constitue l’entrée, a été renforcée par des études électrophysiologiques qui montrent que deux cellules mitrales innervant le même glomérule réagissent semblablement aux stimulus, tandis que des cellules innervant des glomérules adjacents tendent à répondre de façon opposée, l’une par excitation, l’autre par inhibition.

Dans ce dernier cas, se trouve illustrée la notion d’inhibition de voisinage : le glomérule le plus actif est entouré par une couronne de glomérules qu’il inhibe grâce aux projections latérales de ses cellules périglomérulaires.

4- Fibres centrifuges : plasticité et modulation du message olfactobulbaire

Plusieurs systèmes de fibres dites centrifuges transmettent au bulbe olfactif des messages issus de nombreuses régions cérébrales.

Ce sont tout d’abord les aires paléocorticales qui reçoivent des projections du bulbe olfactif.

S’ajoutent les grands systèmes régulateurs qui ont pour origine le locus coeruleus, les noyaux du raphé et le télencéphale basal.

Ces fibres centrifuges aboutissent sur les deux catégories d’interneurones bulbaires qui servent d’intermédiaires à la modulation de la décharge des cellules mitrales.

Le message de sortie du bulbe olfactif n’est donc pas sous la seule dépendance des afférences primaires, il est aussi dépendant du niveau d’activité dans les différentes voies centrifuges.

Les exemples les plus étudiés de la mise en jeu des fibres centrifuges se rapportent à l’apprentissage olfactif.

La libération de noradrénaline (NA) dans le bulbe par les fibres centrifuges du locus coeruleus est à l’origine de changements dans les interactions synaptiques réciproques entre cellules mitrales et cellules granulaires.

Il en résulte, de façon durable, un traitement sélectif des odeurs impliquées dans l’apprentissage.

Un autre système de fibres centrifuges, le système cholinergique du télencéphale basal, joue également un rôle dans une forme de mémoire olfactive à court terme.

L’acétylcholine libérée dans le bulbe olfactif lors de la stimulation olfactive contribue à maintenir quelque temps dans cette structure, et peut-être dans le cortex olfactif, une image dynamique de l’odeur.

Ces résultats tendent donc à impliquer le bulbe olfactif non seulement dans la transmission et le traitement transitoire de l’information olfactive, mais aussi, de façon plus durable, dans certaines étapes du stockage de l’information.

5- Activité électrique :

L’activité électrique du bulbe olfactif est rythmée par la respiration ou le flairage.

Un autre rythme, plus rapide (35-85 Hz), se manifeste par des bouffées d’ondes électroencéphalographiques (EEG) de grande amplitude, lors de la stimulation.

Ces « ondes induites », décrites pour la première fois par Adrian, résultent des interactions entre les deux populations de cellules mitrales et de cellules granulaires.

Elles ont la même fréquence dans l’ensemble du bulbe olfactif mais présentent des différences d’amplitude.

Les travaux de Freeman indiquent que la répartition spatiale de l’amplitude de ces ondes, notamment après un apprentissage olfactif associatif, fournit une représentation neuronale de l’odeur.

6- Message de sortie du bulbe olfactif :

Le message nerveux émis par le bulbe olfactif lors de la stimulation par un odorant peut être ainsi décrit.

Pendant la phase d’inhalation, le stimulus a activé un ensemble de neurorécepteurs qui transmettent alors leurs messages à une population de glomérules du bulbe olfactif.

Dans ces glomérules, la convergence de nombreuses afférences simultanément actives sur un nombre beaucoup plus restreint de cellules mitrales facilite la détection des signaux de faible intensité.

Un mécanisme de contrôle de l’entrée, qui fait probablement intervenir les récepteurs présynaptiques D2 de la dopamine, substance libérée dans les glomérules, et l’inhibition par les cellules périglomérulaires limitent la transmission des signaux les plus intenses.

Dans le même temps, les cellules périglomérulaires exercent sur les cellules mitrales des glomérules voisins une inhibition latérale qui renforce le contraste entre les glomérules les plus actifs et ceux qui le sont moins.

L’activité des cellules mitrales met en jeu le second système d’interneurones, les cellules granulaires.

Ces dernières leur envoient en retour une inhibition de longue durée qui peut être surmontée si l’activité afférente est intense.

L’inhibition qui persiste en expiration contribue à ralentir ou à supprimer l’activité pendant cette phase.

De la sorte, l’activité de beaucoup de cellules mitrales apparaît synchrone du rythme respiratoire.

Enfin, ajoutons que le message de sortie du bulbe est modulé par les voies centrifuges dont les effets les mieux connus s’exercent sur l’apprentissage olfactif.

C – Aires corticales et devenir de l’information olfactive :

Le message du bulbe olfactif est adressé en parallèle à plusieurs structures ipsilatérales qui peuvent être regroupées sous l’appellation de « cortex olfactif primaire », même si toutes n’ont pas une structure corticale typique.

1- Aires de projection du bulbe olfactif :

La voie de sortie est constituée par les axones des cellules mitrales (et de certaines cellules à panache) et leurs ramifications empruntant le tractus olfactif latéral (TOL) pour se rendre au noyau olfactif antérieur (NOA) et aux aires paléocorticales du cortex piriforme, au cortex entorhinal latéral, au cortex périamygdalien, aux noyaux corticaux antérieur et postérolatéral de l’amygdale, à la tenia tecta ventrale, au tubercule olfactif et au noyau duTOL.

Ces différentes aires sont largement interconnectées et toutes renvoient au bulbe olfactif des efférences qui font partie des systèmes de fibres dites centrifuges.

On remarque que deux synapses seulement séparent les cellules réceptrices :

– de l’hippocampe, via l’aire entorhinale ;

– des noyaux amygdaliens, via le cortex périamygdalien ;

– et même du néocortex fronto-orbitaire, puisque celui-ci est rejoint par des fibres d’association provenant du cortex piriforme, parallèlement à la voie qui passe par le noyau médiodorsal du thalamus.

Le traitement de l’information olfactive doit donc être réalisé en deux étapes seulement, dans le bulbe olfactif et dans le paléocortex.

2- Organisation du paléocortex :

Les études anatomiques ainsi que les enregistrements électriques et optiques de l’activité corticale évoquée par stimulation du bulbe indiquent qu’il existe une certaine organisation des projections mais pas de relations somatotopiques précises entre le bulbe et le cortex olfactif.

Les projections sont à la fois convergentes et divergentes.

Il est possible que la surface du cortex contienne une représentation multiple des protocolonnes bulbaires, mais le motif en serait trop fin pour être détecté par les enregistrements d’activité évoquée.

Une caractéristique majeure du cortex olfactif est l’abondance des fibres d’association horizontales, de nature excitatrice.

Certaines relient différentes régions d’une même aire.

Elles cheminent dans la partie profonde de la couche externe, ou couche I, en dessous des fibres afférentes provenant du bulbe olfactif, et se terminent dans cette couche ainsi que dans la couche III qui contient les cellules pyramidales profondes.

On reconnaît également des fibres d’association qui relient les différentes aires corticales ipsilatérales, et des fibres commissurales.

Chaque fibre afférente du TOL fait des synapses excitatrices « en passant », assez peu nombreuses, avec plusieurs cellules pyramidales, et plusieurs fibres afférentes contactent une même cellule pyramidale.

Les connexions des fibres d’association se font selon le même motif, à la fois convergent et divergent.

Il semble que l’excitation des cellules pyramidales soit significativement accrue par la convergence des influx synchronisés des afférences et des réafférences.

Les circuits inhibiteurs ont une extension horizontale plus restreinte que celle des circuits excitateurs.

Des connexions de type feedforward sont assurées par des interneurones inhibiteurs de la couche I qui sont stimulés directement par les afférences du TOL ; des boucles de rétroaction sont formées par des interneurones, tels que les cellules multipolaires profondes, et des branches collatérales d’axones de cellules pyramidales.

3- Activité évoquée :

Les potentiels de champ évoqués par des stimulations électriques portées, chez l’animal, au bulbe olfactif ou auTOL, reflètent clairement l’organisation du cortex.

Ils comportent une onde diphasique qui reflète l’excitation monosynaptique par les fibres du TOL et l’excitation disynaptique produite par les fibres d’association.

Les événements inhibiteurs se manifestent aussi dans les composantes plus tardives.

Les réponses du cortex piriforme aux stimulations olfactives n’ont pas fourni d’indices très éclairants sur le fonctionnement cortical.

Sans doute, les expériences ont-elles été trop peu nombreuses et réalisées dans des conditions trop différentes pour autoriser des comparaisons utiles.

Un pourcentage relativement faible de cellules pyramidales répond aux stimulations par une excitation.

En termes de sélectivité, les neurones corticaux ne paraissent pas se distinguer de façon prononcée des neurones du bulbe olfactif.

Lorsqu’elles sont étudiées lors de tâches complexes de discrimination avec renforcement, chez le rat, les activités des neurones du cortex piriforme apparaissent qualitativement très semblables à celles des neurones du néocortex frontal orbitaire.

4- Modèles de fonctionnement du cortex piriforme :

L’idée directrice des principaux modèles de fonctionnement cortical est que le paléocortex est organisé comme une mémoire associative.

La reconnaissance d’une odeur impliquerait la confrontation du motif d’activité corticale induit par le stimulus avec des réseaux de neurones préalablement constitués.

Ces réseaux seraient formés grâce à un mécanisme de renforcement synaptique dans des conditions d’apprentissage.

On a effectivement constaté des phénomènes de potentialisation à long terme de l’activité synaptique dans le cortex olfactif et l’on s’est intéressé, dans cet esprit, au mécanisme susceptible de synchroniser l’arrivée des influx présynaptiques afférents et réafférents pour les rendre plus efficaces.

Un mécanisme permettant cette synchronisation pourrait être représenté par l’oscillation du potentiel de membrane des neurones corticaux.

Le cortex olfactif, comme le bulbe olfactif, est en effet le siège d’une activité EEG oscillatoire dans une bande de fréquences gamma (35-85 Hz) recouvrant celle du bulbe olfactif.

Ainsi, il est possible de supposer que le message du bulbe olfactif distribué à la surface du cortex induit, sous certaines conditions d’apprentissage qui facilitent le renforcement de l’activité synaptique, la formation d’un réseau de neurones aux interactions renforcées.

Ce réseau serait constitué par les neurones qui se trouvent coactivés lors de stimulations semblables répétées.

Sa composition dépend donc de l’organisation spatiale du message afférent qui détermine quels neurones corticaux sont directement excités.

Elle dépend aussi de la position relative de ces neurones et de l’organisation des fibres d’association qui déterminent quels neurones sont susceptibles d’être atteints par des influx réafférents en phase avec les influx afférents.

Une fois constitué, le réseau neuronal cortical correspondant à une odeur pourrait fournir le support neural de la trace durable de cette odeur en mémoire.

On peut supposer aussi que, lors d’une nouvelle expérience olfactive, le réseau interagit avec le motif d’activation bulbaire par l’entremise des fibres corticobulbaires qui constituent l’une des composantes des fibres centrifuges.

Suite

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