Physiologie, exploration et troubles de l’olfaction (Suite)

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Première partie

Exploration fonctionnelle des voies olfactives :

Dans les cas de déficiences de la fonction olfactive qui ne peuvent être attribués à des perturbations de l’accès des molécules odorantes à l’épithélium sensoriel, il est relativement malaisé de localiser le niveau de la lésion à incriminer.

Physiologie, exploration et troubles de l'olfaction (Suite)Des dysfonctionnements périphériques peuvent être inférés de l’examen de biopsies de muqueuse olfactive, mais la méthode n’est pas sûre puisque l’épithélium de sujets normosmiques contient des plages où des cellules de type respiratoire ont remplacé les cellules sensorielles.

C’est de façon exceptionnelle que l’on recourt à ces prélèvements tissulaires.

Les méthodes d’exploration qui vont être brièvement présentées, méthodes fondées sur les enregistrements électrophysiologiques et sur l’imagerie fonctionnelle cérébrale, sont encore trop peu standardisées pour être pratiquées couramment.

Il est cependant utile d’examiner leurs potentialités.

A – Électrophysiologie :

1- Électro-olfactogramme :

Depuis sa découverte, l’EOG a été enregistré chez de nombreuses espèces animales.

Comme cette onde lente négative représente la sommation de potentiels récepteurs et générateurs de nombreux neurorécepteurs olfactifs, son recueil constitue en principe un moyen de tester l’état fonctionnel de l’épithélium olfactif.

L’enregistrement de l’EOG humain a été effectué dans un nombre limité de cas.

La méthode consiste à insérer dans la narine du sujet une électrode tubulaire souple (fil d’argent chloruré et gainé, cathéter empli de solution conductrice) que l’on guide jusqu’à la région olfactive.

La stimulation peut être locale, par un cathéter accolé à l’électrode, ou plus globale.

L’EOG humain présente d’évidentes similitudes avec le signal enregistré chez l’animal.

Des signaux d’une amplitude allant de 0,15 à 1,8 mV ont été obtenus avec un stimulus qui, comme la vanilline, n’est pas soupçonné d’activer le nerf trijumeau.

On a pu étudier la désensibilisation (ou adaptation) du signal lors de stimulations espacées par des délais variables.

Il n’est pas encore possible, cependant, de pratiquer couramment la mesure de l’EOG en raison des difficultés liées au positionnement de l’électrode et aux réactions (éternuement, décharge de mucus) que suscite l’introduction d’un corps étranger.

Dans l’état actuel de la méthodologie, l’impossibilité d’évoquer un EOG sous l’électrode exploratrice ne peut pas être considérée comme une indication ferme d’un déficit olfactif périphérique.

2- Potentiels évoqués corticaux :

L’exploration centrale du système olfactif par la méthode des potentiels évoqués rencontre plusieurs sortes de difficultés qui tiennent aux caractéristiques mêmes du fonctionnement de ce système.

La stimulation olfactive ne peut être établie avec le temps de montée rapide qui, dans d’autres systèmes sensoriels, assure une bonne synchronisation des afférences et ainsi une bonne individualisation du signal électrique.

D’autre part, l’adaptation réduit sensiblement la possibilité de sommer de nombreuses réponses individuelles.

Enfin, il appartient toujours à celui qui prétend explorer les réponses proprement olfactives aux odorants de faire la preuve que le signal recueilli n’est pas contaminé par l’activation du nerf trijumeau.

Aussi utiliset- on le terme de potentiel évoqué chimiosensoriel (en anglais chemosensory event-related potential ou CSERP), qui ne présuppose pas l’origine olfactive ou somesthésique du signal, pour désigner les réponses évoquées par la stimulation nasale.

Le choix de la vanilline et du sulfure d’hydrogène comme stimulus proprement olfactifs, et du dioxyde de carbone comme stimulus trigéminal a été recommandé.

Le CSERP présente plusieurs ondes dont les plus saillantes, N1 et P2, se produisent à des latences qui, enregistrées en PZ, sont, respectivement, de l’ordre de 400 et 600 ms, avec de relativement larges variations selon les stimulus.

Les potentiels évoqués par le CO2 ont des latences sensiblement plus courtes que celles observées avec des stimulus plus spécifiquement olfactifs.

Utilisés pour explorer la fonction olfactive chez des sujets atteints d’une épilepsie temporale, les CSERP ont montré une augmentation de latence pour les stimulus « olfactifs » présentés à la narine ipsilatérale au foyer épileptique, tableau non reproduit avec le stimulus « trigéminal ».

Ces résultats confirment que l’information olfactive est principalement traitée dans l’hémisphère ipsilatéral à la narine stimulée.

Par ailleurs, l’examen de l’amplitude des ondes des CSERP suggère que l’hémisphère droit joue un rôle prépondérant dans le traitement de l’information.

3- Imagerie fonctionnelle :

Alors que les techniques de neuro-imagerie anatomique se révèlent utiles pour diagnostiquer certains troubles olfactifs d’origine périphérique et préparer l’intervention chirurgicale, les méthodes d’imagerie fonctionnelle sont mieux adaptées à l’exploration des dysfonctionnements olfactifs d’origine centrale.

Appliquée à des sujets stimulés olfactivement de façon bilatérale, la méthode de tomographie par émission de positons (TEP) montre un accroissement de la circulation locale cérébrale principalement en deux régions : l’activation est bilatérale à la jonction du cortex frontal inférieur et des lobes temporaux (cortex piriforme) et unilatérale, du côté droit, au niveau du cortex frontal orbitaire.

L’asymétrie d’activation du cortex frontal orbitaire a été retrouvée avec la méthode d’imagerie fonctionnelle par résonance magnétique (IRMf) pour des stimulus proprement olfactifs, tandis que des odorants supposés plus trigéminaux produisent une activation supplémentaire dans les cortex cingulé, temporal et occipital, ainsi que dans le cervelet.

Avec des stimulus fortement aversifs (sulfures et thiols) qui activent l’amygdale de façon bilatérale, la méthode TEP montre une activation du cortex orbitaire prédominante à gauche.

Lors d’une tâche impliquant la mémoire olfactive, des patients atteints de la maladie d’Alzheimer présentent, par rapport aux témoins, une réduction d’activité métabolique dans les régions hippocampiques.

Exploration de la fonction olfactive :

A – Méthodes d’étude de la fonction olfactive : olfactométrie

La stimulation olfactive idéale serait celle qui dirigerait vers l’épithélium olfactif d’un sujet, à un instant et pour une durée connus avec précision, un flux contrôlé de molécules entraînées par un gaz vecteur inodore.

La réalisation de stimulateurs olfactifs ou olfactomètres remplissant simultanément toutes ces conditions est illusoire et, en pratique, les olfactomètres réalisent des compromis selon le but principal recherché.

Il faut souvent sacrifier les exigences de précision temporelle si l’on entend maîtriser parfaitement la concentration, et inversement.

Les plus performants des olfactomètres sont des appareils à dilution dynamique dans lesquels la concentration désirée est obtenue par le mélange, en proportions ajustables, de deux courants gazeux, le courant odorisé et un courant diluant.

La dilution est souvent effectuée en plusieurs étapes à partir de la vapeur saturante du produit odorant.

Connaissant le taux de dilution et la pression de vapeur à la température de la pièce, il est possible de calculer la concentration finale si les tubulures sont choisies dans des matériaux peu adsorbants.

Le flux d’air odorisé est dirigé à l’entrée des deux narines du sujet (stimulation binarinale) ou vers une seule narine (stimulation mononarinale).

C’est l’inhalation qui introduit activement le stimulus. Une autre méthode consiste à insuffler l’air odorisé dans les narines, tandis que le sujet respire par la bouche.

Il est également possible d’envoyer à chacune des narines des stimulus en partie indépendants (olfactométrie différentielle de Mac Leod).

Certaines études ne nécessitent pas absolument l’usage de ces appareils sophistiqués.

C’est le cas lorsqu’il n’est pas nécessaire de contrôler étroitement l’intensité et le moment précis d’occurence du stimulus, par exemple dans les tests de reconnaissance ou d’identification.

D’autres méthodes, plus simples, fournissent des résultats satisfaisants : c’est le flacon de verre teinté contenant le produit dilué en phase liquide dans une huile minérale inodore ; le flacon de plastique dont on presse la paroi ; la « mouillette » du parfumeur préalablement trempée dans la solution du produit odorant.

Les odorants microencapsulés qui sont libérés par grattage sont utiles dans les tests de grande diffusion.

Plusieurs tests olfactifs ont été proposés.

Le test d’identification de Cain contient dix odorants sélectionnés en raison de leur caractère familier pour la population américaine et présentés dans des flacons de plastique opaques.

Les sujets répondent en choisissant un nom parmi 20 descripteurs.

Le University of Pennsylvania Smell Identification Test (UPSIT), commercialisé sous le nom de Smell Identification Test, contient 40 fragrances encapsulées qui sont libérées en grattant la zone odorisée d’un feuillet sur lequel sont inscrites quatre réponses possibles.

Le Connecticut Chemosensory Clinical Research Center a développé le CCCRC Olfactory Function Test qui inclut une mesure de seuil et une épreuve d’identification.

Conçu aux Pays-Bas, le Gur Identificatie Test Utrecht (GITU) comprend des odeurs familières pour lesquelles une liste de descripteurs est proposée.

Le Standard Olfactory Acuity Test utilisé au Japon comporte cinq composés odorants aux odeurs familières, dilués à huit concentrations.

Il est complété par une épreuve d’injection intraveineuse d’alinamine, dérivé thiol de la vitamine B1, à forte odeur de mercaptan.

B – Perception olfactive normale :

En interrogeant des sujets humains sur leur perception dans des situations standards de laboratoire ou en clinique à l’aide de techniques olfactométriques, on recueille des informations sur les trois principaux attributs de la perception olfactive : la qualité, l’intensité et la valeur affective ou polarité hédonique.

1- Intensité :

On admet généralement deux niveaux de seuils : le seuil de détection, lorsque le sujet rapporte la présence de l’odorant sans être capable de l’identifier, et le seuil de reconnaissance, légèrement plus élevé, lorsque la qualité propre du stimulus devient perceptible.

Les valeurs de seuils diffèrent considérablement selon les odorants, les sujets et les auteurs des mesures. Dans un nombre limité de cas, les seuils humains ont pu être comparés à ceux d’espèces animales réputées plus sensibles.

Par exemple, le seuil pour l’alpha-ionone est de 1 000 à 10 000 fois plus élevé chez l’homme que chez le chien (berger allemand). Pour un échantillon de substances usuelles, l’homme est entre 8 et 50 fois moins sensible que le rat de laboratoire.

Une fois le seuil franchi, l’intensité perçue croît en fonction de la concentration des molécules odorantes dans le courant de stimulation, selon une relation assez bien décrite par la loi de puissance de Stevens si la concentration n’est pas trop élevée : P = k f n.

P est l’intensité perçue, f est la concentration ; l’exposant n, pente de la courbe, est inférieur à l’unité. Le seuil différentiel est relativement élevé, c’est-à-dire que l’incrément de concentration requis pour obtenir une différence juste perceptible d’intensité entre deux stimulus, ou fraction de Weber, varie entre 0,2 et 0,5.

2- Adaptation :

La sensibilité olfactive est réduite après exposition continue ou répétée à un odorant.

Lors de cette adaptation, on constate une élévation du seuil qui est fonction à la fois de la durée et de l’intensité du stimulus adaptant.

Quand la stimulation est interrompue, la sensibilité est d’abord partiellement restaurée dans les premières minutes, puis atteint plus lentement sa valeur de référence.

L’adaptation induite par un stimulus peut s’étendre à des stimulus de nature chimique différente : c’est l’adaptation croisée.

La plupart des relations d’adaptation croisée ne sont pas symétriques en ce sens que l’adaptation par le stimulus A réduit davantage la réponse au stimulus B que l’adaptation par le stimulus B ne réduit la réponse au stimulus A.

L’adaptation met en jeu une composante périphérique due aux récepteurs et une composante centrale.

3- Qualité :

Le système olfactif se montre très efficace pour discriminer les odeurs.

La discriminabilité s’étend à des molécules identiques au plan chimique comme certains isomères optiques dont les formes d et l donnent naissance à des odeurs distinctes.

Un grand nombre de classifications des odeurs ont été proposées, mais elles ne reposent pas sur des bases objectives et il s’avère très difficile de réduire la grande diversité des qualités olfactives à un petit nombre de primitives.

Il n’est pas aisé de s’entendre sur un nombre limité de descripteurs des odeurs.

L’analyse multidimensionnelle des mesures de ressemblance ou de dissemblance entre stimulus présentés par paires ne permet pas d’identifier des classes bien délimitées.

Il est notable que la dimension prépondérante identifiée dans les représentations multidimensionnelles est la dimension hédonique, c’est-à-dire le caractère plaisant ou déplaisant des odeurs.

Il faut enfin remarquer que qualité et intensité olfactives ne sont pas des attributs indépendants.

La variation de l’intensité d’une odeur produit souvent un changement sensible de sa qualité.

4- Dimension hédonique :

Les sujets humains se fondent largement sur la dimension de plaisir ou de déplaisir que procurent les odeurs pour apprécier les similitudes et dissimilitudes olfactives.

Certains pensent que l’attribut hédonique de l’odeur est le résultat d’un apprentissage associatif.

Ils s’appuient sur le fait que des enfants de moins de 5 ans n’ont pas les mêmes préférences olfactives que les adultes.

Que l’expérience sensorielle influence nettement la tonalité affective des sensations olfactives est hors de doute.

Il est pourtant très vraisemblable que les réactions aversives à l’égard de certaines classes de molécules puissamment malodorantes ont un déterminisme inscrit dans l’organisation des voies olfactives.

C – Facteurs influençant la sensibilité olfactive :

1- Influence du sexe :

Les femmes montrent une supériorité sur les hommes en termes de détection et d’identification des odeurs et cet avantage tend à s’accroître avec l’âge.

Il ne semble pas que ces différences entre sexes soient explicables par des raisons culturelles.

Elles sont repérables, en effet, dans de nombreuses zones géographiques.

Les deux sexes diffèrent également pour ce qui concerne l’appréciation de l’intensité et de la valence hédonique de certaines odeurs corporelles.

Les femmes perçoivent comme plus intenses et moins plaisantes les odeurs des sécrétions axillaires et vaginales, ainsi que l’odeur de l’androsténone rappelant l’odeur de la sueur.

La fréquence de l’anosmie à l’androsténone est différente chez les hommes et chez les femmes.

2- Vieillissement :

Tous les paramètres mesurés, détection, reconnaissance ou identification des odeurs, montrent une dépendance à l’égard de l’âge.

Alors que les performances sont relativement stables entre 15 et 65 ans, elles se détériorent sensiblement au-delà, ce qui s’accompagne d’une forte augmentation de la variabilité intersujets.

D – Anosmies sélectives :

Il ne fait guère de doute que l’équipement en récepteurs olfactifs des sujets humains est très variable d’un individu à l’autre.

Aussi peut-on voir dans le phénomène d’anosmie sélective un cas extrême de cette diversité plutôt qu’une pathologie proprement dite.

Dans une population humaine, la distribution des seuils de sensibilité à certains odorants est bimodale.

Certains individus ne perçoivent pas la note caractéristique de tel ou tel odorant, alors qu’ils montrent une sensibilité normale à l’égard de tous les autres.

Ainsi, 36 %des sujets testés parAmoore et al présentaient une élévation de leurs seuils de sensibilité à l’isobutyraldéhyde d’un facteur 500.

On a décrit des anosmies partielles pour plusieurs dizaines de substances.

Il est probable que la liste pourrait être très allongée si les tests de détection étaient réalisés à grande échelle.

L’anosmie sélective trouve probablement son explication dans les mécanismes moléculaires de l’olfaction.

Les anomalies de cette catégorie, dont il a été établi que certaines étaient génétiquement transmises, peuvent être comprises comme la conséquence de l’altération ou de l’absence du gène codant pour le récepteur spécifique d’un groupe relativement restreint d’odorants.

On ne peut supposer, en effet, que les odorants qui sont l’objet d’anosmies sélectives sont détectés par un grand nombre de récepteurs peu sélectifs car le défaut de l’un de ces récepteurs n’aurait pas des conséquences aussi grandes sur le seuil de reconnaissance des odorants.

L’interprétation des anosmies sélectives est cependant compliquée par la découverte récente que l’exposition répétée à l’androsténone rend possible la perception de l’odeur de cette substance par des sujets initialement anosmiques.

Troubles de l’olfaction :

A – Pathologies du système olfactif périphérique :

Parmi les pathologies non traumatiques atteignant le système olfactif périphérique, on distingue les affections nasales et sinusales paranasales d’une part, et les infections virales des voies respiratoires supérieures d’autre part.

Les affections nasales et sinusales telles que rhinites allergiques, polyposes, rhinites bactériennes et sinusites sont des causes d’affaiblissement de l’odorat.

Le pronostic est raisonnablement optimiste car un traitement pharmacologique ou une intervention chirurgicale qui améliore l’accès de l’air à la surface sensorielle peuvent dans certains cas restaurer la fonction olfactive.

Les troubles olfactifs d’origine virale ont pour caractéristique de comporter fréquemment (36,3 % des cas) des parosmies, c’est-à-dire des modifications de la qualité des odeurs lorsque l’anosmie n’est pas totale.

Malgré les nombreux traitements appliqués dans les cas de troubles olfactifs consécutifs à une infection virale (strychnine ou dérivés, vitamine A, corticostéroïdes, zinc, aminophylline), le pourcentage des cas de restauration de la fonction semble plutôt faible.

La proportion des récupérations spontanées, qui peut être évaluée à un peu plus de 30 %, ne paraît pas très différente de celle estimée pour les sujets traités, mais la comparaison est très hasardeuse compte tenu de la disparité des données disponibles.

Quand elle a lieu, la restauration semble plus lente qu’après lésion traumatique.

B – Atteintes traumatiques :

Des troubles de l’odorat accompagnent assez fréquemment les traumatismes crâniens.

Dans un ensemble d’études portant sur plus de 8 000 patients, l’incidence de l’anosmie post-traumatique a été évaluée à 5 %.

Cette proportion est certainement sous-estimée car les patients ne signalent pas toujours leur déficit.

La probabilité de l’anosmie augmente avec la sévérité du traumatisme.

Elle est également fonction de son site. Bien que nettement moins fréquents que les traumatismes frontaux, les chocs occipitaux s’avèrent environ cinq fois plus dangereux que les premiers.

Les mécanismes de l’atteinte olfactive traumatique peuvent être classés en trois catégories : lésions des fibres du nerf olfactif, lésions des voies nasales, lésions cérébrales.

Le cisaillement du nerf olfactif au niveau des perforations de la lame criblée de l’ethmoïde, à la suite du déplacement du cerveau consécutif à un choc occipital ou frontal, représente, avec les fractures de la base du crâne, la première cause d’anosmie post-traumatique.

Les lésions des tissus osseux, cartilagineux ou des tissus mous qui freinent ou empêchent l’accès de l’air aux régions supérieures de la cavité nasale sont également des causes de perte de la fonction olfactive.

Des atteintes cérébrales centrales par contusion, hémorragie et oedème peuvent, selon leurs localisations (néocortex orbitofrontal, cortex piriforme, bulbe olfactif…), causer des perturbations de la discrimination et de la reconnaissance olfactives et non la simple perte de sensibilité.

Une amélioration de l’état olfactif des patients après déficit d’origine traumatique a été estimée se produire dans 40 % des cas.

Ce pourcentage inclut les traumatismes relativement légers (amnésie post-traumatique de moins de 24 heures) pour lesquels le pronostic de récupération est nettement supérieur (50 %) alors qu’il est plus faible (10 %) pour les traumatismes plus graves (amnésie de plus de 24 heures).

Il faut aussi mentionner, corrélativement, que la présence d’une anosmie totale consécutive à un traumatisme frontal est un signe de dommage orbitofrontal qui autorise un pronostic pessimiste quant au devenir socioprofessionnel du patient, même si aucun autre signe clinique patent n’est observé.

Le pronostic pessimiste qui accompagne les anosmies virales et posttraumatiques semble indiquer que les neurorécepteurs olfactifs humains ne bénéficient pas des mêmes processus de régénération que les cellules réceptrices des autres mammifères, y compris des primates non humains.

Les examens endoscopiques et les biopsies de muqueuse olfactive pratiqués chez les anosmiques post-traumatiques montrent un épithélium désorganisé contenant des zones de tissu cicatriciel et d’épithélium respiratoire.

Des rassemblements d’axones à la base de l’épithélium paraissent indiquer qu’une régénération de neurorécepteurs a bien lieu mais que la progression des axones vers le bulbe olfactif est stoppée, peut-être par obturation des perforations de la lame criblée de l’ethmoïde.

Les biopsies de sujets souffrant d’anosmies d’origine virale révèlent, en microscopie électronique, une dégénérescence presque complète des cellules réceptrices tandis que des lambeaux d’épithélium d’apparence presque normale subsistent chez les patients souffrant d’hyposmie.

C – Pathologies centrales lésionnelles :

Dans la tradition des recherches neuropsychologiques, les déficits olfactifs imputables à des lésions cérébrales apportent des informations encore lacunaires mais cependant significatives sur le rôle de différentes aires cérébrales dans le traitement de l’information olfactive.

Depuis les travaux de Gordon et Sperry, on sait que chacun des hémisphères est capable de reconnaître les odeurs mais que le seul cerveau gauche a, en général, la possibilité de les nommer.

Les lésions centrales affectent assez rarement la détection des odeurs.

En revanche, la reconnaissance et l’identification sont altérées par les lobectomies temporales. Les patients porteurs de lésions frontales impliquant le cortex orbitofrontal présentent aussi des déficits de discrimination et d’identification.

Le schéma non croisé des projections bulbocorticales a pour conséquence que les déficits associés à une lésion unilatérale sont surtout apparents lorsque la narine stimulée est du même côté que la lésion.

La lésion orbitofrontale droite a cependant des conséquences négatives pour la stimulation des deux narines.

On observe, en outre, que les déficits sont plus prononcés pour des lésions temporales droites, ce qui est en accord avec les observations sur des sujets sains, qui font apparaître des performances meilleures pour des stimulations portées à la narine droite.

L’analyse des troubles olfactifs associés aux lésions corticales confirme ainsi le rôle du lobe temporal inférieur antérieur et de la région frontale orbitaire dans le traitement de l’information olfactive.

D – Troubles olfactifs associés :

Un certain nombre de pathologies du système nerveux s’accompagnent de troubles olfactifs.

Nous limiterons la présentation de ces troubles olfactifs associés au syndrome de Kallmann et aux maladies dégénératives.

1- Syndrome de Kallmann :

Le syndrome de Kallmann (ou de Kallmann-de Morsier) est une forme d’hypogonadisme hypogonadotrophique associée à de l’anosmie.

La neurobiologie de cette maladie du développement du système nerveux a progressé récemment en liaison avec l’identification du principal gène responsable, le gène KAL, localisé sur le chromosome X.

Le gène produit une protéine (KALP) qui joue un rôle important dans le développement du système nerveux.

Le syndrome a pour origine l’impossibilité des neurones sécréteurs de GNRH (gonadotrophin releasing hormone) de migrer depuis leur site d’origine, dans la placode olfactive embryonnaire, jusqu’à l’hypothalamus.

Le blocage de la migration affecte également les neurorécepteurs olfactifs qui ne peuvent rejoindre le cerveau antérieur, ce qui conduit à une non-différenciation du bulbe olfactif.

2- Maladies dégénératives :

Un grand nombre d’études ont été consacrées dans les années récentes aux troubles olfactifs qui accompagnent plusieurs maladies dégénératives du système nerveux.

Dans le cas de la maladie d’Alzheimer, il y a un consensus assez général sur le fait que l’identification des odeurs est sérieusement perturbée.

Cette atteinte est déjà manifeste à un stade précoce de la maladie.

La sensibilité olfactive paraît également réduite, mais avec des différences selon les individus et les odeurs.

Les déficits olfactifs sont sans aucun doute à rapprocher des altérations structurales observées dans les voies olfactives des patients.

Les signes histopathologiques de la maladie, amas neurofibrillaires et plaques, ont été retrouvés dans l’épithélium olfactif, le bulbe olfactif, le NOA et les régions limbiques associées aux fonctions olfactives comme l’uncus et le groupe médian des noyaux amygdaliens.

La prédominance des altérations structurales dans les aires recevant des projections olfactives par rapport aux aires visuelles et somesthésiques a donné quelque crédit à l’idée que les voies olfactives pourraient introduire un agent pathogène dans le système nerveux puisque le nerf olfactif est une voie d’entrée cérébrale pour des virus et des particules qui atteignent l’épithélium olfactif.

Cette hypothèse est loin, cependant, de faire l’unanimité.

Des dysfonctionnements olfactifs accompagnent la maladie de Parkinson.

Les troubles se manifestent comme une élévation du seuil de détection et une difficulté d’identification sans nécessairement atteindre le degré de totale anosmie.

Les capacités de détection et d’identification des patients ne sont pas corrélées avec la dégénérescence dopaminergique.

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