Troubles du comportement et de la personnalité d’origine neurologique

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Introduction :

La définition d’un comportement est extrêmement flexible.

En psychologie, elle fait allusion à toute réaction d’un individu face à un stimulus ou un environnement.

Troubles du comportement et de la personnalité d’origine neurologiqueEn neurologie, la notion de comportement fait plutôt référence aux interactions sociales et un trouble comportemental se réfère donc à une pathologie de ces interactions sociales.

Les troubles comportementaux et le tableau clinique décrits dans le cadre de la paralysie générale constituent un premier exemple classique de trouble à la fois cognitif et comportemental : troubles mnésiques, dysarthrie, troubles du langage, mais également irritabilité, conduites déviantes et délire mégalomaniaque.

Le tableau, très fréquent au XIXe siècle, est devenu rare.

Actuellement, les troubles neurocomportementaux donnent lieu à des descriptions cliniques de plus en plus approfondies, même si les mécanismes physiopathologiques sont encore mal connus.

Contrairement aux troubles sensitivomoteurs ou cognitifs qui ont bénéficié du développement des neurosciences, les troubles comportementaux postlésionnels sont encore mal individualisés, que ce soit en neurologie ou en psychiatrie.

En effet, les problèmes d’agressivité, de déviance sexuelle, de modification de personnalité sont peu familiers à la neurologie, alors que celui des lésions cérébrales reste actuellement moins familier à la psychiatrie.

Pourtant, plusieurs études effectuées chez les traumatisés crâniens indiquent que les troubles comportementaux après lésion cérébrale constituent un handicap à long terme, alors que les troubles cognitifs ont tendance à s’améliorer avec le temps. Nous définissons ici un trouble neurocomportemental comme un trouble des « forces » qui modulent les interactions sociales, mais aussi les fonctions cognitives.

Les conséquences neurocomportementales des lésions cérébrales ont été regroupées en quatre groupes nosographiques.

Le premier groupe concerne des comportements individuels, qu’ils se rapportent à des réactions aiguës (agressivité, colère) ou à des modifications de conduite (comportement sexuel ou religieux).

Le deuxième groupe est celui des modifications de la personnalité.

Le troisième groupe décrit les différentes conséquences des lésions cérébrales sur l’affect et le comportement émotionnel.

Le dernier groupe rappelle les syndromes comportementaux classiques en rapport avec des lésions cérébrales ou des maladies neurologiques.

Par ailleurs, sont exposés les différents mécanismes sous-jacents aux modifications du comportement et de la personnalité.

Comportements inappropriés en situation :

Indépendamment des modifications de la personnalité, des lésions focales et diffuses peuvent donner lieu à des réactions altérées face à une situation, donc à des conduites inappropriées.

Les causes de ces modifications de conduites sont multiples.

A – DÉSINHIBITION :

Il existe peu de données épidémiologiques sur les comportements désinhibés chez les patients neurologiques, malgré le fait que ce comportement ait été identifié déjà au siècle passé.

Ceci est probablement en rapport avec la multiplicité des syndromes cliniques associés à la désinhibition : syndrome frontal, manie secondaire, personnalité antisociale.

Au sens large, la désinhibition revêt plusieurs aspects : moteur (hyperactivité, diminution du besoin de sommeil, logorrhée), sensoriel (hallucinations visuelles, auditives), intellectuel (idées de grandeur, fuites des idées), instinctif (hypersexualité, hyperphagie, agressivité) et émotionnel (euphorie, irritabilité).

Le plus souvent, le tableau clinique du syndrome de désinhibition comprend un mélange de ces différents aspects.

Concernant les localisations associées au phénomène de désinhibition, on a décrit des lésions orbitofrontales, temporobasales et diencéphaliques, avec une nette prédominance hémisphérique droite.

Le rôle d’un dysfonctionnement des régions orbitofrontales droites dans le développement d’un tel tableau a été confirmé par des études d’imagerie fonctionnelle chez des patients souffrant à la fois de démence et de désinhibition, et chez des sujets sans atteinte neurologique.

Il est probable que d’autres facteurs, tels des caractéristiques familiales, une anosognosie, de même qu’un certain degré d’atrophie cérébrale sous-corticale (noyaux gris), puissent jouer un rôle dans le développement de ces troubles suite à une lésion cérébrale.

Il n’existe pas actuellement de traitement « spécifique » de la désinhibition.

Les approches thérapeutiques visent l’ensemble du syndrome postlésionnel, que ce soit à travers la prise de conscience et l’analyse du trouble, ou par des traitements médicamenteux orientés sur les conséquences sociales comme l’agressivité.

B – MODIFICATIONS DU COMPORTEMENT SEXUEL :

Les modifications du comportement sexuel observées chez des patients neurologiques se présentent sous forme d’hyposexualité avec diminution de la libido, parfois impuissance et, plus rarement, sous forme d’hypersexualité.

1- Hyposexualité :

Elle peut se manifester par une diminution de la libido, une impuissance, une diminution des fantasmes sexuels et des thèmes sexuels dans le discours.

Ce genre de trouble a le plus souvent été décrit chez les épileptiques et a longtemps été considéré comme caractéristique des crises d’épilepsie temporale.

Sur 100 patients souffrant d’épilepsie temporale, 72 se plaignaient de baisse de la libido.

Même si l’association entre épilepsie et troubles de la sexualité est bien établie, le mécanisme étiopathologique est mal connu.

Dans une petite série de patients, Pritchard et al ont observé un pic de prolactine sérique 15 minutes après des crises partielles complexes documentées par un électroencéphalogramme.

L’hyperprolactinémie observée pourrait alors intervenir dans le développement de l’impuissance.

Après un traumatisme crânien, on retrouve également des troubles sexuels, les patients rapportant entre 50 et 75 % d’insatisfaction concernant leur sexualité.

Un hypogonadisme hypogonadotrope a été retrouvé souvent chez des patients ayant souffert d’un traumatisme crânien, 88 % des patients présentant un taux de testostérone inférieur à la normal dans les semaines et même les mois qui suivent le traumatisme.

Une telle baisse semble se retrouver également chez les parkinsoniens.

2- Hypersexualité :

Elle se manifeste par des masturbations en public, l’interpellation de tiers, un langage à connotation sexuelle. Ces symptômes ont été remarqués le plus fréquemment dans le syndrome de Klüver et Bucy.

Cependant, on a aussi décrit une hypersexualité dans des lésions frontales et des foyers épileptiques temporaux, ainsi que lors de traitements dopaminergiques.

Gorman a décrit deux cas de patients présentant une hypersexualité après une lésion du septum dorsal, lors de la mise en place d’un shunt ventriculopéritonéal.

C – RELIGIOSITÉ :

Le terme religiosité est utilisé ici, non pas dans le sens anglais de religiousity, qui caractérise une personne concernée et imprégnée par la religion, mais de religiosity, qui définit un intérêt pathologique pour la religion.

Elle peut s’exprimer sous forme de troubles psychotiques à contenu religieux sous forme d’automutilation, de délire d’identité (les patients se prenant pour des personnages mythologiques ou religieux connus), ou encore sous forme de posture religieuse adoptée, comme la crucifixion.

Les patients neurologiques peuvent présenter des modifications du comportement religieux, notamment sous forme de délires religieux, d’hallucinations auditives (avec la voix de Dieu qui ordonne de quitter la famille), de cénesthopathies, pouvant persister plusieurs années après un traumatisme craniocérébral (TCC).

Des délires religieux et une hyperreligiosité avec conversions religieuses, lecture compulsive de la bible, hypergraphie sur les thèmes religieux ont également été décrits dans l’épilepsie temporale.

Dostoïevski, connu pour une épilepsie, décrit au travers de l’un de ses personnages que, lors d’une crise, « il vit les portes du paradis s’ouvrir et des rangées d’anges se trouvaient là, soufflant dans des trompettes en or. »

D – AGRESSIVITÉ :

Des comportements agressifs entravent la qualité de vie de l’entourage des traumatisés dans un tiers des cas.

Ce défaut de régulation émotionnelle peut même persister au long cours, alors que les autres troubles physiques ont disparu.

Certaines épilepsies sont à l’origine d’accès agressifs, voire violents, bien que la fréquence soit difficile à quantifier.

Cliniquement, on distingue l’agressivité dirigée, sous forme d’une réaction disproportionnée à l’égard d’un événement irritant déclenchant, de celle non dirigée s’exprimant par une manifestation agressive impulsive sans objet.

Dans l’épilepsie, on sépare l’agressivité ictale, non dirigée et dans le cadre d’un état confusionnel, de l’agressivité interictale, qui revêt plus souvent un aspect planifié, le sujet s’en prenant à quelqu’un ou quelque chose de précis.

Plus rarement, on a décrit des accès de rage pendant la crise, avec agitation psychomotrice sous forme de mouvements destructeurs.

Suite à un TCC, l’expression de l’agressivité semble être influencée par la personnalité et la consommation éthylique prémorbides, certains traits de caractère s’exacerbant après le traumatisme.

Différentes structures limbiques sont impliquées dans l’agressivité, en particulier l’hypothalamus et la région amygdalienne.

Des tumeurs qui détruisent de façon bilatérale l’hypothalamus ont provoqué des réactions d’agressivité non dirigée, le patient s’en prenant à la première personne venue, avec des mouvements violents non prémédités, lançant au hasard des objets sans utiliser de vraies armes.

Concernant la lésion amygdalienne, le cas de Charles Whitman est un exemple d’agressivité non contrôlable probablement due à une tumeur cérébrale.

En 1969, cet homme tua sa mère et sa femme, puis grimpa en haut d’une tour à l’université du Texas et ouvrit le feu, tuant et blessant de nombreuses personnes avant de se donner la mort.

Il demanda lui-même par écrit avant sa mort qu’une autopsie soit effectuée car il ressentait « des pensées étranges et irrationnelles, ainsi que des impulsions violentes envahissantes ».

On découvrit alors un glioblastome multiforme de la grandeur d’une noix, comprimant l’amygdale.

Chez les épileptiques, une atrophie amygdalienne ou des lésions touchant l’amygdale ou les régions périamygdaliennes gauches semblent induire plus volontiers un comportement agressif, mais ces anomalies sont également associées à une atrophie frontale gauche et à des déficiences intellectuelles.

Ces observations semblent conforter le rôle de relais que joue l’amygdale entre les aires sensorielles primaires et l’hypothalamus, et confirment des études animales antérieures selon lesquelles la stimulation de la région basolatérale de l’amygdale inhibait la réaction d’attaque, alors que celle de la région dorsale l’augmentait.

Le traitement de l’agressivité nécessite une prise en charge comportementale, avec une information dispensée au patient et à son entourage, leur apprenant à reconnaître les prémices et les facteurs déclenchants, ainsi que des méthodes d’autocontrôle comme la relaxation.

Une autre approche est pharmacologique. Les bêtabloquants permettraient une baisse de l’agressivité chez la majorité des patients testés, sans toutefois que le mécanisme d’action soit réellement identifié.

La fluoxétine semble également être efficace dans le traitement de l’agressivité.

Le lithium a été testé chez des patients souffrant de traumatisme crânien avec environ 50 % de réponse favorable ; il reste cependant un risque de neurotoxicité non négligeable.

La carbamazépine diminue l’agitation et par conséquent l’agressivité chez des patients cérébrolésés. Enfin, la buspirone a montré une diminution de l’agressivité chez 90 % de patients violents après lésion cérébrale.

Cette approche est prometteuse mais des études ultérieures sont encore nécessaires.

Enfin, des amygdalohippocampectomies ont été tentées avec succès chez des épileptiques avec comportement agressif.

E – MANIFESTATIONS HYSTÉRIQUES :

Elles restent des entités intrigantes dont la pathogénie est à l’intersection de la psychologie, la psychiatrie et la neurologie.

Charcot lui-même a considéré que la paralysie hystérique était due à des lésions « dynamiques ou fonctionnelles » dans le cortex moteur controlatéral à la paralysie.

Une série d’études récentes confirme, à l’aide de l’imagerie fonctionnelle, l’hypothèse de Charcot.

Marshall et al ont rapporté le cas d’une patiente avec une paralysie gauche.

Le fait de bouger le membre paralysé provoquait chez cette patiente un pattern d’activations inhabituelles dans l’hémisphère controlatéral, avec une hyperactivation du cortex orbitofrontal droit et du cortex cingulaire antérieur droit, et l’absence d’activation des aires prémotrices et motrices.

Des activations similaires ont été obtenues dans une étude de patients avec une paralysie hystérique d’un membre supérieur.

L’aspect marquant était une déactivation du cortex préfrontal dorsolatéral gauche.

Une perturbation des patterns d’activation très similaire à celle de l’hystérie a été observée récemment dans un cas de paralysie du membre inférieur induite par l’hypnose.

Modification de la personnalité :

A – DÉFINITION ET DESCRIPTION DES TROUBLES DE LA PERSONNALITÉ :

La personnalité est définie par l’ensemble des traits physiques et psychiques qui différencient un individu d’un autre.

Ces traits dépendent de facteurs génétiques et environnementaux.

Selon le Diagnostic and statistical manual of mental disorders (DSM IV), un trouble de la personnalité est « un pattern durable d’expériences internes et de comportements qui dévie fortement des attentes culturelles de l’individu ».

Cette déviation peut se manifester dans la cognition, l’affectivité, le fonctionnement interpersonnel et le contrôle des impulsions.

Ce trouble concerne environ 15 % de la population et est suffisamment prononcé pour handicaper affectivement et socialement ces individus.

Les « vrais » changements de personnalité après lésion cérébrale constituent une minorité des pathologies psycho-organiques.

En effet, après des lésions cérébrales, la survenue de troubles de la personnalité ne concernerait que 10 % des troubles neuropsychiatriques .

Après un TCC, la personnalité elle-même semble paradoxalement peu se modifier et les modifications peuvent aussi refléter des réactions émotionnelles plus générales face à un traumatisme, comme une diminution du score d’« extraversion ».

Cependant, l’expérience clinique montre que des TCC donnent lieu à des tableaux comportementaux spécifiques, parmi lesquels les plus connus sont les différents « syndromes frontaux » (dont la sémiologie clinique diffère en fonction de la localisation des lésions à l’intérieur du lobe frontal), et qui peuvent parfois mimer des troubles de la personnalité.

Ces troubles peuvent être de type dissociatif, somatoforme ou anxieux.

Il y a fréquemment une tendance à l’exagération de traits pathologiques prémorbides (comme la tendance à la dépression, à l’anxiété généralisée et aux troubles affectifs bipolaires).

Ces informations suggèrent donc que les « modifications de personnalité » observées suite aux lésions cérébrales proviennent plus de l’altération de quelques traits que de vraies variations de pattern.

Les personnalités retrouvées le plus fréquemment après TCC sont les personnalités « frontales » borderline, évitantes, antisociales et les troubles obsessionnels compulsifs (TOC).

B – TROUBLES DE LA PERSONNALITÉ D’ORIGINE NEUROLOGIQUE :

1- Troubles habituels dans la personnalité « frontale » :

Les modifications classiques de la personnalité proviennent de lésions frontales.

Cette notion est connue depuis 1850, avec le cas de Phineas Gage, dont les modifications du comportement après un traumatisme cérébral pénétrant frontal gauche ont attiré l’attention sur le rôle « de contrôle » du lobe frontal.

La plupart des descriptions cliniques de ces personnalités insistent sur la conservation de l’intelligence (telle que mesurée par l’échelle d’intelligence « WAIS »), mais signalent un comportement social inadéquat et une désinhibition sexuelle souvent associée à une impuissance.

Le tableau neuropsychologique est caractérisé par une intrication de troubles cognitifs et comportementaux.

Une description classique est celle du patient appelé EVR qui a présenté, suite à la résection d’un méningiome bifrontal, non seulement une inadéquation sociale et une désinhibition, mais aussi une difficulté à planifier la vie future, des manières de faire correctes mais stéréotypées, une tendance à se surestimer, une incapacité à modifier un comportement même après une punition et une difficulté à éprouver du plaisir.

D’autres patients montraient encore un manque d’originalité et de créativité, et une tendance à avoir des réactions émotionnelles inadéquates.

Ce tableau, relativement fréquent mais non unique, présente par ailleurs quelques similarités avec la personnalité antisociale.

Bien que les lésions frontales orbitobasales, particulièrement du cortex ventromédian, soient nécessaires à l’apparition de tels troubles, le contexte sociofamilial du patient, ainsi que l’anxiété dégagée par le contexte, peuvent être les révélateurs de ces modifications de la personnalité.

En particulier, les patients en milieu protégé réussissent mieux à contrôler leur personnalité.

2- Troubles borderline :

La personnalité borderline est définie comme un mode général d’instabilité des relations interpersonnelles, de l’image de soi et des affects.

Elle est caractérisée par une instabilité affective, des sensations de vide, des colères intenses, et surtout une impulsivité marquée dans au moins la moitié des cas.

Or, cette impulsivité peut être retrouvée dans plusieurs pathologies neurologiques. Parmi les patients borderline, il existe un sous-groupe avec des lésions cérébrales organiques (épilepsie, souffrance néonatale, TCC, lésion vasculaire).

Une anamnèse détaillée révèle des antécédents de TCC chez 42 % d’un collectif de patients connus pour personnalité borderline, mais chez seulement 4% d’un groupe de sujets contrôles.

Il semble exister une relation entre la sévérité du trouble borderline et l’importance de l’atteinte cérébrale, mais non chez des patients présentant seulement quelques traits BPD.

Bien que les quelques troubles neuropsychologiques décrits chez les patients borderline concernent surtout les fonctions exécutives (mémoire de travail, sensibilité à l’interférence), il est difficile d’attribuer le trouble BPD à une lésion cérébrale précise.

On peut tout au plus postuler une dysfonction de certains systèmes souscortico- frontaux.

Les études d’imagerie fonctionnelle faites sur les patients « psychiatriques » montrent des hypométabolismes corticaux et sous-corticaux antérieurs (en particulier préfrontaux, cingulaires antérieurs, caudés et lenticulaires, mais également thalamiques), laissant suspecter un dysfonctionnement d’une boucle sous-cortico-frontale, sans nette latéralisation.

3- Troubles obsessifs compulsifs :

Les TOC sont connus dans plusieurs pathologies neurologiques.

Rappelons que la principale caractéristique du TOC est la présence d’obsessions et de pensées ou d’images intrusives, qui vont générer des conduites stéréotypées et répétées.

Ce comportement compulsif se différencie d’un comportement persévératif par l’aspect « autoinduit », indépendant du contexte, et par l’anxiété qu’induisent les éventuelles tentatives d’inhiber un tel comportement.

Ce type d’activités répétées a été observé dans plusieurs maladies neurologiques, en particulier dans la chorée de Huntington, le syndrome de Gilles de La Tourette, la maladie de Parkinson, la démence frontotemporale, mais également dans les lésions néostriatales, pallidales et frontales.

Par exemple, quelques patients avec syndrome athymormique sur lésions bilatérales des ganglions de la base présentent, outre l’inertie mentale, des activités stéréotypées avec comportements compulsifs et obsessionnels moteurs, verbaux ou cognitifs.

Au vu d’un hypométabolisme frontal associé, Laplane a suggéré des disconnexions souscorticofrontales avec, sur le plan comportemental, une perte de la capacité d’inhiber des programmes moteurs.

L’intérêt grandissant des neurosciences pour les TOC réside dans la spécificité des réseaux neuronaux impliqués : la plupart des études d’imagerie fonctionnelle effectuées chez des patients psychiatriques souffrant de TOC ont montré un hypermétabolisme dans le cortex orbitofrontal ou cingulaire, ou dans le néostrié, sans que l’on ait, pour l’instant, pu mettre en évidence une latéralisation préférentielle.

4- Personnalité antisociale :

La description de la personnalité antisociale, caractérisée par un mode général de mépris et de transgression du droit d’autrui (on utilise parfois le terme de psychopathie), n’est pas fréquente dans la littérature neurologique.

En particulier, cette personnalité est caractérisée par une absence de remords et une indifférence , alors que les patients cérébrolésés sont surtout victimes d’une impulsivité marquée et non d’une absence de remords.

Cependant, les démences frontotemporales sont associées à un comportement « psychopathique » dans environ la moitié des cas.

Les processus neuropsychologiques impliqués dans ce comportement ne sont pas clairs.

Cependant, on a constaté, chez des psychopathes non neurologiques, une difficulté à traiter le contenu émotionnel des mots : la présentation de tels mots active des aires cérébrales différentes de celles des sujets contrôles.

Cette modification de l’organisation fonctionnelle cérébrale des patients psychopathes se retrouve dans les études du métabolisme cérébral régional par une technique d’imagerie fonctionnelle.

Ces patients, en particulier si leur psychopathie n’est pas d’origine « environnementale », semblent avoir un métabolisme basal diminué dans les régions frontales.

Mécanismes neuropsychologiques pouvant induire des troubles du comportement et de la personnalité :

A – MODIFICATION DES PERCEPTIONS ÉMOTIONNELLES :

La faculté de percevoir ou d’exprimer des émotions, en particulier vocales et faciales, a fait l’objet de nombreuses recherches, notamment chez des patients avec lésion hémisphérique unilatérale.

Elle semble plus altérée chez des patients avec lésions droites.

Ces données expérimentales restent controversées, mais sont renforcées indirectement par la démonstration que les réactions autonomes liées aux émotions (battements cardiaques par exemple) sont diminuées chez les patients avec lésion hémisphérique droite.

Un tel déficit, démontré dans le cas d’une lésion frontale post-traumatique, pourrait expliquer des réactions inappropriées dans des psychopathies acquises.

B – IMPULSIVITÉ ET AGRESSION :

Une des raisons pour lesquelles les personnalités borderline et antisociales se développent facilement après une lésion cérébrale, a possiblement à voir avec les concepts d’impulsivité et d’agression.

L’impulsivité est définie comme l’impossibilité de résister à une impulsion, conduite ou tentation, qui peut avoir des conséquences dangereuses pour soi-même ou autrui. L’agression est un acte prédéterminé de violence envers autrui.

Ces deux concepts se rencontrent dans plusieurs troubles de la personnalité.

En particulier, l’impulsivité est un point central de la personnalité borderline et l’agression un des points de la personnalité antisociale.

Il est suggéré que ces comportements puissent se développer suite à une lésion cérébrale spécifique.

Par exemple, des lésions frontobasales ont conduit, chez le singe, à une augmentation des réactions aversives et une diminution des réactions agressives. Des comportements agressifs ont été décrits chez l’homme après lésions du noyau hypothalamique et ventromédian.

Trente pour cent des patients présentant des crises de rage intermittentes ont des épilepsies temporales, ce qui suggère, avec d’autres travaux expérimentaux, que l’amygdale joue un rôle important dans la modulation de l’agressivité.

Enfin, des comportements agressifs ont été trouvés fréquemment suite à des lésions frontales.

C – DIMINUTION DES CAPACITÉS D’APPRENTISSAGE « ÉMOTIONNEL » ET D’APPRENTISSAGE « PROBABILISTIQUE » :

Les patients avec lésions temporales antérieures ont des difficultés dans l’apprentissage d’une émotion, c’est-à-dire à prévoir une émotion en fonction d’un contexte.

Le rôle de l’amygdale dans cet apprentissage a été démontré par une étude de neuro-imagerie fonctionnelle chez les sujets sains : l’amygdale gauche s’active lorsque les sujets sont avertis juste avant, par un son, qu’un visage « fâché » va apparaître.

Si, dans un même paradigme, on manipule les temps de présentation des stimuli de façon à ce que le sujet n’ait pas conscience que le visage est « fâché », le sujet présente également une activation de l’amygdale, mais à droite.

Dans la même lignée, des patients avec lésions amygdaliennes bilatérales peuvent juger l’expression faciale de photographies qui leur sont présentées, mais n’arrivent pas à en tirer des conclusions quant aux règles à tenir devant ces visages (par exemple, faut-il éviter de s’en approcher ?).

Cette incapacité à ressentir une expérience antérieure peut altérer les prises de décision, comme l’ont démontré les erreurs de jugement et l’absence de réaction électrodermale trouvée chez des patients avec lésions biamygdaliennes dans un test simulant un jeu d’argent.

Dans cette même étude, les patients avec lésions fronto-orbitaires avaient une réaction électrodermale (témoignant d’un apprentissage émotionnel), mais ne pouvaient prendre la décision adéquate.

Dans ce cas, la prise de décision nécessite la capacité d’apprécier les risques dans certains choix, donc de pouvoir parier et de pouvoir inhiber certains comportements inappropriés.

Des études comportementales et d’imagerie par résonance magnétique fonctionnelle (IRMf) suggèrent que ces capacités de parier sont très dépendantes de la mémoire de travail et nécessitent une activation frontale dorsolatérale, en particulier gauche.

De plus, elles impliquent des prises de décision (jugement) qui nécessitent l’activation des aires orbitofrontales, particulièrement droites (il faut rappeler que ces décisions découlent d’une initiation interne et ne sont pas indicées par un événement externe).

Par ailleurs, une prise de décision en fonction d’une situation découle directement d’un apprentissage probabilistique préalable.

En effet, face à la possibilité de deux événements, nous devons pouvoir estimer la probabilité de survenue de l’un ou l’autre événement en relation (contingence) avec le contexte.

Cet apprentissage est dissociable d’un apprentissage déclaratif ou autobiographique.

Il est classé dans les mémoires non déclaratives et semble mettre en jeu le noyau caudé et le putamen.

Ce type d’apprentissage est conservé chez les patients amnésiques, mais est déficitaire chez les patients avec lésions frontales.

D – PERTE DE LA CONSCIENCE DU TROUBLE (ANOSOGNOSIE) :

La tendance naturelle, par le cerveau, à ignorer les déficits sensoriels a bien été démontrée par la capacité qu’ont des patients de « compléter » inconsciemment leur scotomes rétiniens en absence de toute lésion cérébrale.

Un déni du trouble associé à une lésion cérébrale est souvent présent dans le cas d’atteinte des aires corticales perceptives primaires et est connu sous le nom d’anosognosie.

On le retrouve en phase aiguë dans les cécités corticales, les troubles de la perception langagière comme les surdités verbales ou les aphasies de Wernicke.

La majorité des patients avec lésion cérébrale ont donc tendance à minimiser les conséquences de leur lésion.

Cette anosognosie est particulièrement importante lors de certaines lésions droites étendues incluant le lobe pariétal, associée à des troubles de la perception spatiale et à un syndrome déficitaire sensitivomoteur de l’hémicorps gauche (syndrome d’Anton-Babinski).

Elle s’accompagne alors d’autres anomalies émotionnelles (anosodiaphorie), perceptives (hallucinations kinesthésiques, allochiries), le tout pouvant mimer des états confusionnels.

Dans le cas de ces lésions hémisphériques droites, elle n’exclut pas l’apparition d’une dépression.

Elle a été également décrite suite à des lésions thalamiques droites.

Dans les cas de démences, l’anosognosie est aggravée par les dysfonctionnements frontaux et est alors moins dépendante de la latéralisation droite des lésions : elle diffère de celle qui caractérise le syndrome d’Anton-Babinski et touche alors la perception du comportement par le patient lui-même.

E – MODIFICATION DES PRÉFÉRENCES ET DES VALEURS :

Certaines lésions cérébrales peuvent modifier non pas le comportement mais les préférences et les plaisirs qui dictent ces comportements.

Un exemple de ces modifications est le « syndrome du gourmand », décrit après des lésions antérieures droites et caractérisé par un désir nouveau et irrésistible de cuisine raffinée, témoignant d’un changement dans les plaisirs et les préférences culinaires chez ces patients.

Des modifications des « goûts » sexuels ont également été décrites chez quelques patients, spécifiquement après des lésions limbiques.

Ces modifications des goûts sexuels sont à différencier d’une hyper- ou hyposexualité telle qu’on l’a décrite après des lésions diencéphaliques ou frontobasales.

Une atteinte cérébrale peut également modifier le raisonnement social et les valeurs morales.

Des difficultés à développer un raisonnement moral acceptable ont été décrites chez des patients avec des antécédents de lésions préfrontales précoces, suggérant qu’il s’agit là d’une absence d’apprentissage moral et non d’un changement de préférences au cours de la vie.

Cependant, quelques descriptions non publiées font état de changement de valeurs morales également après des lésions acquises.

F – CAPACITÉ À FAIRE DES INFÉRENCES :

La compréhension d’un discours, la perception d’une métaphore ou d’un trait d’humour nécessitent la compréhension complète du contexte et de la prosodie.

Cette capacité de traitement contextuel est particulièrement sensible aux lésions hémisphériques droites, dont les effets sur la compréhension du discours ont montré une incapacité à faire des inférences.

À l’opposé, les patients avec lésions hémisphériques gauches, malgré des déficits linguistiques importants, peuvent conserver une certaine compréhension pragmatique qui est d’ailleurs utilisée en rééducation orthophonique.

Modification de l’affect et du comportement émotionnel :

A – DÉFINITION :

Une émotion est un processus cérébral multicomponentiel résultant d’une afférence interne ou externe, s’exprimant sur au moins cinq axes.

Le premier consiste en une expérience purement cérébrale sous forme d’émotions dites primaires (joie, tristesse, peur, colère) ou sociales (surprise, dégoût, doute, remords).

Le deuxième axe est une réaction d’éveil (intérêt, motivation, indifférence, évitement).

Les troisième et quatrième axes sont les axes expressifs, aussi appelés indicateurs émotionnels, se répartissant en une réaction autonome et viscérale (fréquence cardiaque, réactivité capillaire cutanée, diamètre pupillaire, sécrétion salivaire, sensations de constriction oesophagienne, gastrique, intestinale, restriction respiratoire, contrôle sphinctérien, tremblements etc), et une expression motrice (mimique, gestique, prosodie, vocalisation).

Le cinquième axe est cognitif avec l’expression, la reconnaissance, la sémantique, la mémoire et l’imagerie mentale des affects. La durée des états et des troubles émotionnels ou affectifs est un peu semblable aux événements météorologiques.

On parle d’émotion ou d’affect en présence d’un état ou d’une réaction émotionnelle de courte durée (par analogie à une averse, une éclaircie ou une prévision météorologique de 1 ou 2 jours).

Lorsque ces états durent, on parle de troubles affectifs (par analogie à ce qu’est un climat), en particulier d’états dysphoriques, dépressifs, anxieux, maniaques ou bipolaires.

B – TROUBLES ÉMOTIONNELS CONSÉCUTIFS À DES PATHOLOGIES CÉRÉBRALES :

1- Dépression :

Comme la dépression primaire, la dépression survenant à la suite d’une lésion cérébrale consiste en une baisse de l’humeur, une diminution de l’appétit et de la libido, un sentiment de perte d’énergie (anergie, adynamie) et de plaisir (anhédonie), un sentiment d’inutilité, parfois des autoaccusations pathologiques, et des pensées ou des plans suicidaires.

Sur le plan cognitif, les états dépressifs sont caractérisés par un ralentissement psychomoteur, des troubles de la concentration et des oublis, ainsi qu’un syndrome dysexécutif.

La présence d’une dépression secondaire ou symptomatique se rencontre dans 20 à 50 % des accidents vasculaires cérébraux (AVC), mais est également rapportée en association avec d’autres lésions, tumorales ou traumatiques.

Les lésions se situent généralement plutôt dans l’hémisphère gauche, lésant les circuits fronto-sous-corticaux, soit au niveau du cortex frontotemporal, des noyaux gris (striatum, thalamus) ou de la substance blanche (surtout bras antérieur de la capsule interne ou substance blanche frontale).

Un gradient antéropostérieur et gauche est rapporté dans les lésions hémisphériques.

Des lésions microangiopathiques vasculaires ou vasculitiques multiples dans les noyaux gris, le thalamus et dans la substance blanche peuvent aussi causer un état dépressif secondaire, s’associant généralement à une labilité émotionnelle.

Des états dépressifs sont d’ailleurs bien connus, en association avec des maladies des noyaux gris.

Des états dépressifs aigus ont même été déclenchés par des stimulateurs sous-thalamiques.

La prédisposition de certaines lésions sous-corticales et hémisphériques antérieures gauches à induire des états dépressifs est probablement en rapport avec les modifications du métabolisme cérébral trouvées dans la dépression unipolaire « primaire », qui touche 2 à 7% de la population générale au cours de sa vie.

Dans la plupart des cas, on ne rencontre pas d’anomalies neuroradiologiques.

Cependant, les études métaboliques (positon emission tomography [PET]), du débit sanguin cérébral (single photon emission tomography [SPECT]), de même que l’IRMf révèlent des déficits dans les circuits fronto-sous-corticaux et paralimbiques, surtout gauches : le cingulum antérieur, le cortex préfrontal antéroet dorsolatéral, temporal supérieur et pariétal, mais aussi le noyau caudé.

Ces déficits fonctionnels régressent après thérapie. Les états dépressifs post-AVC répondent, parfois de manière incomplète, aux antidépresseurs tricycliques, surtout si les patients ont moins de 65 ans.

L’efficacité des inhibiteurs du recaptage de la sérotonine est probable, mais encore en cours d’évaluation.

Parmi les interventions non médicamenteuses, les approches cognitivocomportementales semblent prometteuses dans certains cas.

2- Troubles anxieux :

L’anxiété est une crainte inappropriée, un sentiment de malaise et une inquiétude que quelque chose va se passer, accompagnés d’un cortège de troubles végétatifs tels que palpitations, sudations, tremblements, souffle court, sensation de constriction thoracique ou de boule dans la gorge, bouche sèche, douleurs abdominales. Les attaques de panique sont des paroxysmes d’angoisse de durée limitée.

Les phobies consistent en une crainte irrationnelle, persistante, envers un objet, une personne ou une situation.

Les études métaboliques montrent une diminution d’activité dans les régions frontales et temporales antérieures, médianes et inférieures, ainsi que dans le cortex cingulaire postérieur et les noyaux gris.

Des troubles anxieux secondaires aux pathologies cérébrales se voient plutôt dans les maladies des noyaux gris (maladie de Parkinson, chorée de Huntington ou de Sydenham, maladie de Wilson) ou dans les lésions temporopolaires gauches.

Les prises en charges médicamenteuses se font par analogie aux troubles psychiatriques classiques, mais leur effet doit encore être démontré par des études contrôlées.

3- Manie :

La manie primaire comprend une association de symptômes tels qu’une euphorie, une irritabilité, une fuite et une accélération des idées, une hyperactivité (téléphones, achats, logorrhée, hypergraphie, dépenses, voyages), une augmentation du temps de travail et une diminution de celui du sommeil, une absence de fatigue, une augmentation de la motivation et des idées de grandeur.

Les épisodes maniaques peuvent exister comme tels, sans dépression, ou en alternance avec celle-ci dans les syndromes bipolaires. Le scanner ou l’IRM ne révèlent généralement aucune lésion visible.

Le SPECT et le PET, en revanche, mettent en évidence une diminution d’activité dans l’hémisphère droit plus fréquemment que dans le gauche, surtout dans les régions temporobasales, mais n’impliquant généralement pas les noyaux gris.

Des formes unipolaires de manie ont été décrites en présence de lésions cérébrales, en particulier vasculaires, mais aussi d’autre origine (tumorales, traumatiques) situées dans l’hémisphère droit, notamment dans le cortex orbitofrontal, les noyaux gris, la substance noire et les voies d’association sous-corticales de la substance blanche, mais aussi dans les régions limbiques et paralimbiques.

4- Troubles bipolaires :

Ils consistent en des cycles de durée variable faisant alterner un état dépressif et un épisode maniaque avec plus ou moins de régularité.

La tomographie axiale et la résonance magnétique ne révèlent généralement aucune pathologie.

Les analyses morphologiques, en revanche, ont montré une plus grande fréquence de dilatation ventriculaire, de lésions striatales droites, ainsi que des altérations bilatérales de la taille des noyaux gris, du vermis cérébelleux, des lobes temporaux (en particulier l’hippocampe) ou de la substance blanche.

Les études métaboliques, de débit sanguin et l’IRMf montrent les mêmes anomalies fonctionnelles que celles décrites dans l’état dépressif ou maniaque, selon la phase du cycle en activité durant l’analyse.

Les troubles maniformes secondaires à des lésions cérébrales sont rencontrés surtout à la suite de lésions hémisphériques droites ou dans les maladies des noyaux gris (maladie de Gilles de

La Tourette, maladies de Huntington et de Fahr).

5- Labilité émotionnelle :

Elle est associée fréquemment à des lésions bilatérales des faisceaux corticobulbaires et se rencontre souvent dans la démence vasculaire et les lésions lacunaires multiples.

Des variations émotionnelles rapides et bipolaires (mood swings) sont aussi bien connues des parkinsoniens en phase de fluctuations motrices que dans d’autres affections des noyaux gris.

6- Émoussement affectif, indifférence, apathie, anhédonie :

L’émoussement affectif peut se manifester de plusieurs façons.

Il est classique dans le syndrome cingulaire antérieur, dans le syndrome aboulique-athymormique ou le mutisme akinétique, mais également dans la maladie de Parkinson et d’autres maladies des noyaux gris.

L’anhédonie consiste en une perte du plaisir des activités gratifiantes et se rencontre aussi en association avec un état dépressif, un syndrome aboulique-athymormique ou une catatonie, mais aussi dans la maladie de Parkinson, par exemple dans les lésions bilatérales des noyaux gris.

L’émoussement affectif témoigne généralement d’un dysfonctionnement des zones cingulaires antérieures, du noyau accumbens, de la substance noire et tegmentale ventrale, ainsi que du télencéphale basal, souvent bilatéralement.

7- Troubles du contrôle émotionnel :

Les troubles intermittents et explosifs du contrôle émotionnel se voient lors d’expression violente des émotions, particulièrement lors d’expression de rage.

Ils peuvent aussi exister sous forme de bascules particulièrement rapides d’humeur ou en association avec des impulsions irrésistibles.

Ils s’accompagnent alors d’une sensation de gratification momentanée suivie, après la réalisation de l’acte, de culpabilité ou de regret.

Ceux-ci diffèrent donc de la labilité émotionnelle, sont fréquents dans certaines maladies affectant les noyaux gris centraux, comme la chorée de Huntington, la maladie de Wilson, la chorée de Sydenham, la maladie de Gilles de La Tourette, l’encéphalite épidémique de von Economo, mais sont aussi observés dans la démence frontotemporale.

Ces troubles répondent généralement aux antiépileptiques « thymorégulateurs » comme le valproate ou la carbamazépine. En cas d’agressivité ou d’agitation surajoutées, les bêtabloquants sont efficaces. Les alternatives sont les neuroleptiques et le lithium.

En présence d’impulsivité, les inhibiteurs du recaptage de la sérotonine sont indiqués, comme la clomipramine, la fluoxétine, la fluvoxamine, la sertraline ou le citalopram, mais aussi la buspirone.

8- Troubles de la communication émotionnelle :

Les troubles de l’expression émotionnelle spontanée du visage ou amimie, mais aussi de la gestique (akinésie émotionnelle), de la prosodie et de la démarche, sont classiques dans les syndromes hypokinétiques (parkinsoniens, abouliques-athymormiques) et les chorées.

Des troubles de la communication émotionnelle (expression faciale, prosodique, gestique, compréhension, sémantique, syntaxique, alexithymie), mais aussi de la mémoire émotionnelle et de l’imagerie mentale émotionnelle, sont décrits de façon encore fragmentaire.

Des anomalies primaires d’expression, comme akinésie, aspontanéité, bradyhypokinésie, impersistence, tendance aux persévérations et stéréotypies, phénomènes d’écho- ou d’hyperkinésie, sont décrits également, mais de façon rudimentaire, dans les syndromes akinétiques et chez les schizophrènes. Une alexithymie (perte de l’expression verbale des émotions) ou une hyperlexithymie (exagération de l’expression verbale des émotions) sont rapportées dans des lésions hémisphériques droites ou des noyaux gris et du thalamus.

Des phénomènes de dépendance à l’environnement, de stéréotypie, ou de persévération du comportement et de l’expression émotionnelle sont encore peu décrits.

C – PHYSIOPATHOLOGIE DES TROUBLES ÉMOTIONNELS :

Les réseaux cortico-sous-corticaux impliqués dans la genèse et la modulation des émotions commencent à être décrits dans une première approximation.

Il semble que les circuits responsables de la computation primaire de l’expérience mentale subjective des affects se situent dans le télencéphale basal (noyau accumbens et septaux), les structures limbiques temporomésiales (amygdale, hippocampe), le diencéphale et le tronc cérébral (substance grise périaqueductale, locus coeruleus, noyaux du raphé, substance réticulée, substance noire).

Les impressions végétatives seraient organisées principalement dans l’hypothalamus , l’insula, les noyaux gris et certaines régions du tronc cérébral (noyaux respiratoires et cardiovasomoteurs, substance réticulée), induisant les patterns moteurs simples, souvent rythmiques ou toniques et végétatifs, que l’on reconnaît dans le peur, le rire, la rage, la copulation, etc…

Des altérations fondamentales du traitement cérébral des émotions se voient surtout chez des schizophrènes, chez certains pervers, et chez des patients avec lésions temposomésiales, diencéphaliques ou du tronc cérébral.

Une expérience mentale pure émotionnelle, sans corrélat moteur ou végétatif, est rencontrée dans des crises épileptiques amygdaliennes, orbitofrontales ou temporales antérieures.

En revanche, une expression viscérale et motrice d’allure émotionnelle (sham rage), dénuée de son corrélat d’expérience mentale cérébrale, peut se déclencher par stimulation des structures hypothalamiques.

Le « troisième système moteur », ou système moteur limbique, est le principal responsable de la coordination motrice et viscérale de l’expression émotionnelle.

Une connexion directe des structures limbiques et paralimbiques (orbitofrontales, cingulaires, temporopolaires et parahippocampales) avec le tronc cérébral (mimique, respiration, fréquence cardiaque, réactivité capillaire, tremblement, etc), le néocortex préfrontal (mimique, gestique, prosodie, sémantique verbale), pariéto-occipital (perception de la sémantique verbale, mimique, gestique, imagerie mentale), temporal (mémoire et reconnaissance) avec « servo-assistance » des circuits fronto-sous-corticaux (cingulaire antérieur, orbitofrontal, dorsolatéral préfrontal) et d’autres circuits encore non décrits chez l’homme mais supputés par Nauta et d’autres, peut se regrouper sous le nom de circuits cortico- (fronto-, temporo-, pariéto-, insulo-) striato-limbo-thalamo-mésencéphalo-frontaux.

Les noyaux gris ont ici essentiellement un rôle de renforcement facilitateur ou inhibiteur.

Il semble que le transfert de la computation limbique vers les noyaux gris se fasse dans les noyaux accumbens pour l’expression motrice et par le claustrum vers l’insula pour le traitement autonome.

La cognition émotionnelle est essentiellement répartie dans le cortex cérébral, avec une dominance pour l’hémisphère mineur (droit) pour les émotions primaires, gauche pour les émotions sociales (et les classifications des émotions), selon une répartition assez identique au traitement du langage dans l’hémisphère gauche et une modulation probablement dorsolatérale préfrontale sous-tendant le concept d’intelligence, d’adaptabilité ou de modulation affective primaire comme il en est dans le syndrome dysexécutif, et plutôt dans l’hémisphère gauche pour ce qui a trait au contrôle ou à la modulation des affects sociaux.

Des mimiques évocatrices d’états dépressifs, sans leur corrélat viscéral ou moteur, ont été décrites dans des lésions operculaires droites.

Des troubles expressifs ou cognitifs (surtout gnosiques) de l’expression émotionnelle ont été décrits chez les schizophrènes, les parkinsoniens, dans la chorée de Huntington, dans des lésions hémisphériques antérieures et postérieures droites (aprosodie motrice, sensorielle, globale, de conduction, transcorticale motrice, alexithymie, imagerie mentale émotionnelle), soit à tous les niveaux des circuits fronto-souscorticaux mentionnés ci-dessus.

Grand syndromes comportementaux en neurologie :

A – SYNDROMES CARACTÉRISÉS PAR UN TROUBLE DE LA MOTIVATION ET L’INITIATION :

1- Frontal pseudodépressif :

Face à des signes de type dépressif, trois cas de figure au moins peuvent être dégagés :

– un état dépressif sans atteinte neurologique ;

– une réaction dépressive dans les suites d’une lésion cérébrale ;

– des signes évoquant un état dépressif chez un patient cérébrolésé sans véritable trouble de la thymie.

C’est ce dernier cas qui fait l’objet de notre propos : le syndrome frontal pseudodépressif.

Sur le plan comportemental, il se caractérise par une apathie et une réduction de la spontanéité verbale (latences et courts énoncés, voire réponses monosyllabiques), une inertie motrice, une diminution des champs d’intérêt du malade, une indifférence affective.

Ces patients ne sont pourtant pas tristes. Ils n’expriment subjectivement pas de nets sentiments d’incapacité et de désespoir.

Dans ce syndrome, il convient de souligner l’un de ses éléments principaux, l’apathie, que certains auteurs considèrent comme un syndrome neuropsychiatrique spécifique, survenant sans autre signe dépressif et comprenant notamment une perte d’intérêt et d’élan vital, une baisse de la motivation, une réduction de la spontanéité, un émoussement affectif, un manque d’intérêt pour de nouveaux projets.

L’apathie peut se différencier de l’inertie pathologique qui a été utilisée pour décrire la dissociation entre une réponse verbale correcte et une absence totale d’actions.

Blumer et Benson font référence à des lésions de la face dorsolatérale des lobes frontaux : convexité préfrontale, ganglions de la base et thalamus, ainsi que leurs connexions.

La mesure du débit sanguin cérébral de base a confirmé l’implication des régions frontales et temporales, plus particulièrement dorsolatérale droite et frontotemporale gauche.

Enfin, il convient de souligner la contribution de circuits fronto-sous-corticaux, notamment en relation avec certaines structures cingulaires antérieures.

Les essais thérapeutiques qui ont amené à certains succès ont surtout utilisé les agonistes dopaminergiques, en particulier la bromocriptine (5 à 20 mg/j) et l’amantadine.

Les quelques cas de traitement décrits concernent notamment des tableaux de mutisme akinétique, syndrome frontal et aphasie transcorticale motrice.

2- Syndrome frontal pseudomaniaque :

Appelé également « manie secondaire » ou « syndrome pseudopsychopathique », ce syndrome se situe à l’autre pôle du syndrome frontal pseudodépressif.

Il regroupe des troubles du comportement tels que désinhibition, agitation psychomotrice, changement d’humeur, irritabilité, agressivité (parfois violente), tendance aux calembours (le Witzelsucht dans la littérature allemande), conduites puériles, niaises, voire égocentriques ou mégalomaniaques.

Le patient fait preuve d’un optimisme étonnant malgré sa maladie ; il se montre peu ou pas concerné par ses modifications comportementales.

Le terme de « moria » fait référence à ces traits euphoriques.

Des allusions déplacées à sa vie sexuelle sont exprimées et des comportements boulimiques peuvent se présenter. Une altération de certaines fonctions exécutives, une distractibilité et un manque de jugement sont fréquemment associés.

On décrit par ailleurs des troubles neurovégétatifs. Bien que pouvant survenir suite à des désordres toxiques, métaboliques ou inflammatoires, ce tableau évoque des lésions situées sur la face orbitaire ou orbitobasale du lobe frontal, principalement dans l’hémisphère droit.

Starkstein, par l’étude de 12 cas, suggère comment une manie secondaire peut se développer suite à des lésions du cortex orbitofrontal, principalement dans l’hémisphère droit.

Vardi décrit un patient avec comportement persistant de moria dont le SPECT montre une hypoperfusion frontopariétale droite en l’absence d’une lésion plus focalisée.

Les régions corticales orbitofrontales et basotemporales de cet hémisphère peuvent sélectivement inhiber les conduites motrices, modifier les comportements instinctifs, affectifs et intellectuels.

Cependant, d’autres structures sous-corticales sont impliquées dans une telle symptomatologie, comme le thalamus, en particulier le noyau dorsomédian, essentiellement à droite, bien que l’hémisphère gauche semble aussi jouer un rôle dans de tels comportements.

Sur le plan thérapeutique, des mesures d’adaptation de l’environnement du patient et d’information de son entourage sont à prendre, parfois des mesures légales comme une mise sous tutelle.

Au niveau médicamenteux, outre le lithium, des substances anticonvulsives (Dépakine, Tégrétol) semblent être efficaces dans le traitement des manies secondaires.

3- Athymhormie :

Le syndrome athymhormique ou perte de l’autoactivation psychique est caractérisé par une réduction de la motricité spontanée et de l’expression, ainsi que par l’appauvrissement de l’activité mentale.

La perte de l’élan vital présentée par ces patients est souvent associée à une apparente indifférence affective.

Ce tableau est généralement associé à des lésions, parfois lacunaires, des noyaux caudés et lenticulaires.

B – SYNDROMES DE TYPE PSYCHOTIQUE :

1- Syndromes de « misidentification » :

Pour Weinstein, les delusionnal misidentification syndromes (DMS) incluent le syndrome de Capgras, de Fregoli, les illusions d’intermétamorphose, les illusions de double subjectif et de double inanimé, les phénomènes autoscopiques et les paramnésies réduplicatives.

Le trait essentiel qui relie tous ces syndromes est l’idée de duplication, avec comme caractéristiques communes la sélectivité (seulement quelques personnes, lieux), la coexistence possible de plusieurs types de DMS, la dissociation (la fausse identification n’exclut pas une connaissance implicite de la vraie identité).

Parmi les phénomènes de duplication, les plus classiques sont les paramnésies réduplicatives et le syndrome de Capgras.

Quand ces troubles sont secondaires à une atteinte neurologique, les antipsychotiques et antiépileptiques sont peu efficaces, et le traitement doit être plutôt causal ou consister en une adaptation de l’environnement.

En cas d’atteinte dégénérative, les inhibiteurs de l’acéthylcholinestérase diminuent très significativement ces troubles de type psychotique.

* Paramnésies réduplicatives :

En 1903, Pick décrit un patient qui croyait qu’un hôpital identique avec ses médecins et son personnel soignant avait été déplacé d’un site à un autre et existait simultanément avec l’original.

Il introduit le terme de paramnésies réduplicatives.

Elles sont souvent décrites pour les lieux, mais existent aussi pour des personnes, des événements, des règles sociales.

Il y a coexistence du double.

Toutefois, il ne s’agit pas d’un phénomène autoscopique.

Le patient ne voit pas le double, ne ressent pas le double simultanément dans le même espace que lui-même.

Les sites lésionnels le plus souvent cités sont les lobes frontaux, ainsi que l’hémisphère droit.

Si un lien entre l’hémisphère droit et les réduplications d’aspect visuospatial (lieu, autrui) paraît se dessiner dans la littérature, des réduplications pour le temps et la personne peuvent se voir sur lésions paralimbiques gauches.

* Syndrome de Capgras :

Bien qu’identifié d’abord comme un syndrome purement psychiatrique, le syndrome de Capgras a aussi été décrit en relation avec une souffrance hémisphérique droite.

Le syndrome de Capgras, ou l’illusion des sosies, décrit la conviction que certaines personnes, bien connues par le patient avant le début de sa maladie, ont été remplacées par des sosies.

Bien que certains patients présentant le syndrome de Capgras aient des difficultés de reconnaissance des visages, de l’appariement de visages et de la mémoire des visages, ces difficultés ne semblent pas être suffisantes pour expliquer l’illusion des sosies.

D’autres troubles d’identification de personnes, tels que l’illusion de Fregoli, c’est-à-dire la transmigration de certaines caractéristiques psychologiques d’une personne à l’autre, ont été décrits suite à une souffrance hémisphérique droite, surtout temporale.

* Autoscopies :

Les phénomènes autoscopiques (Doppelgänger) sont différents des autres DMS car ici le double est ressenti à droite ou à gauche du sujet, ou vu, alors que dans les autres DMS, le double est prétendu ou présumé.

Ces expériences, suffisamment anxiogènes pour conduire à des tentamen, peuvent être induites par des souffrances diffuses ou focales.

L’hypothèse d’une localisation lésionnelle préférentiellement hémisphérique droite n’a pas pu être démontrée sur une analyse rétrospective de patients avec lésions focalisées.

2- Autres syndromes psychotiques :

* État confusionnel et psychotique aigu :

L’état confusionnel est une dysfonction cognitive globale avec des troubles simultanés de l’attention, de la perception (hallucinations ou hallucinoses), du cycle veille-sommeil et du comportement psychomoteur.

Bien que ce trouble puisse se trouver dans n’importe quelle encéphalopathie diffuse, métabolique, toxique ou médicamenteuse, particulièrement chez la personne âgée, il est également mimé par certaines pathologies focales.

Une cause classique est l’état de mal à expression confusionnelle (incidence annuelle : 10/100 000), par exemple dans le cadre d’une épilepsie temporale.

Les hallucinations ou hallucinoses visuelles ou auditives d’origine focale sont liées à des lésions corticales ou thalamopédonculaires.

* Alice au pays des merveilles :

La perception altérée de l’image corporelle, souvent en relation avec des céphalées migraineuses, a donné lieu à ce syndrome, en référence au célèbre conte de Lewis Caroll.

Les fluctuations de taille et de forme décrites par le romancier souffrant lui-même de céphalées ont fait supputé à des auteurs que Lewis Caroll aurait personnellement présenté de telles altérations perceptives.

* Syndrome de Clérambault :

Davantage connu sous le terme d’érotomanie, ce syndrome a été introduit dans la littérature dans les années 1920 par Clérambault.

Il s’agit d’un « délire érotique » où le patient a la conviction d’être follement aimé par une personne avec laquelle il n’a pas de contact.

Quelques observations d’érotomanie d’étiologie organique ont été rapportées, notamment dans les cas d’épilepsie sur évacuation d’un hématome pariétotemporal droit, suite à une hémorragie sousarachnoïdienne ou dans les suites d’un TCC.

* Syndrome d’Othello :

Dans ce syndrome, également rencontré dans des encéphalopathies diffuses ou après des lésions frontales droites, le thème du délire est caractérisé par une jalousie pathologique.

C – SYNDROME DE KLÜVER ET BUCY :

Décrit en 1937 chez le singe suite à une lobectomie temporale bilatérale, le syndrome de Klüver et Bucy se retrouve chez les patients atteints de démence frontotemporale et se caractérise par des hypermétamorphoses (ou compulsion à se diriger vers n’importe quel stimulus visuel), une hyperoralité, une hypersexualité, une agnosie visuelle et une réactivité affective émoussée lorsque le stimulus est visuel.

Ce tableau clinique provoque chez ces patients une tendance à explorer tout stimulus visuel, non seulement avec les mains, mais aussi avec la bouche, et à tout avaler.

Il se retrouve après des lésions bilatérales de l’amygdale temporale, bien que des lésions bithalamiques aient également été décrites.

L’hypersexualité se remarque dans des avances déplacées, et non dans l’aspect quantitatif de l’activité sexuelle.

Ce tableau peut contraster avec l’aspect très placide des patients.

D – COMPORTEMENT ET ÉPILEPSIE TEMPORALE : Y A-T-IL UNE « PERSONNALITÉ ÉPILEPTIQUE » ?

1- Épidémiologie et historique :

De manière générale, la prévalence des troubles psychiatriques chez les épileptiques est de 20 à 30 % environ.

Il y a donc un risque significativement plus important de troubles psychiatriques associés à l’épilepsie dont la fréquence précise, la durée et le mode d’évolution ne peuvent pas être précisés pour l’instant en raison du manque d’une classification internationale et d’une méthodologie rigoureuse.

Le concept de personnalité épileptique, par exemple la présence d’un ensemble négatif de changements du comportement chez les patients épileptiques, a évolué lentement, marqué par des stigmates et une incompréhension.

Les quatre courants de pensée qui ont prédominé ce dernier siècle sont :

– la période de détérioration épileptique de la fin du XIXe siècle : l’épilepsie crée une détérioration de la personnalité et de la cognition ;

– la période du caractère épileptique du début du XXe siècle : l’épilepsie et les troubles du comportement associés sont secondaires à un trait de caractère inhérent à la personne ;

– la période de normalité du milieu du siècle : les patients épileptiques sont considérés comme parfaitement normaux ;

– la période des spécificités psychomotrices, plus récente : la localisation et l’activité du foyer sont plus importantes que l’épilepsie elle-même.

2- Personnalité épileptique ou syndrome de Geschwind :

L’association de plusieurs changements de personnalité chez les patients souffrant d’une épilepsie du lobe temporal (TLE) poussa Geschwind et Waxman, en 1975, à esquisser un syndrome dont le trait central était l’« approfondissement » des émotions.

La constellation des symptômes caractéristiques est la suivante : idées philosophiques ou cosmiques, hypergraphie, hyposexualité, agressivité, irascibilité et viscosité mentale.

Ce syndrome peut être complet ou partiel. En 1977, Bear et Fedio étendent ce syndrome à 18 traits qu’ils regroupent en trois catégories de troubles :

– troubles émotionnels (par exemple : hyperaffectivité, dépression, état maniaque, mégalomanie…) ;

– troubles du comportement sexuel (par exemple hypo- ou hypersexualité, exhibitionnisme, agressivité, colère, violence…) ;

– troubles de la pensée (par exemple : préoccupation religieuse, philosophique, cosmologie, moralité, dépendance, paranoïa…).

Bien que ces traits ne soient pas propres à l’épilepsie et se retrouvent également chez d’autres patients (par exemple psychiatriques, autres pathologies neurologiques ou sujets normaux), il semble qu’ils soient significativement plus fréquents chez les TLE.

Le rôle exact de l’épilepsie reste encore à préciser.

3- Influence du côté du foyer (gauche, droit) et de son origine (temporale et frontale) :

Seules les épilepsies temporales ont fait l’objet d’études systématiques. Bear et Fedio envisagent ces différences sous trois aspects : la sévérité des troubles, leur pattern, la perception des troubles par les patients eux-mêmes.

* Sévérité :

De manière générale, la sévérité du trouble est plus grande chez les patients avec épilepsie droite que chez les patients avec épilepsie gauche, en particulier la tristesse.

Ce trait est par ailleurs nettement minimisé, voire nié par les patients avec épilepsie droite, alors que les patients avec épilepsie gauche l’augmentent.

Ceci est également constaté avec l’obsessionnalisme, la dépendance, la colère, la tendance punitive et l’hypermoralisme.

* Pattern :

Il en ressort que les patients avec lésion gauche présentaient plus de changements dans la contemplation intellectuelle, notamment le sens du destin personnel, la colère, la paranoïa, la dépendance, ainsi que les événements ayant du sens.

Les patients avec lésions droites se distinguaient par des changements dans la conduite affective ou comportementale avec des items comme l’élation, l’obsession, la viscosité, l’« émotionnalité », la tristesse et l’attraction sexuelle.

* Perception des troubles :

En ce qui concerne l’évaluation des troubles par les patients euxmêmes, les auteurs constatent que les patients avec lésion gauche ont une tendance significative à se décrire plus sévèrement que les patients avec lésion droite, ces derniers ayant tendance à nier leurs changements de personnalité.

Cette constatation corrobore les observations concernant les réactions aux déficits après une lésion unilatérale non épileptogène (AVC).

Les dénis les plus dramatiques de la maladie (anosognosie de l’hémiplégie) sont plus fortement associés à une localisation hémisphérique droite, alors que les patients avec lésion hémisphérique gauche ont été associés aux réactions de catastrophe.

On trouve deux explications à cela :

– l’hémisphère droit est dominant pour les émotions ;

– l’hémisphère gauche, intact, ne recevant plus les informations sensorielles de l’hémisphère droit, confabulerait une réponse. Par contraste, le déficit des fonctions cognitives (langage, calcul) de l’hémisphère gauche ou les émotions verbales établies dans l’hémisphère seraient apparentés à une conscience verbale de la lésion, d’où l’« hyperconscience ».

La nature de la réponse et de l’association affective suggère également des styles hémisphériques distinctifs.

L’hémisphère droit, apparemment, utilise des réactions non verbales, alors que l’hémisphère gauche montre une prédilection pour l’idéation, la contemplation, et peut-être des expressions verbales des affects comme représentées dans la conceptualisation religieuse ou cosmique.

Les modifications de personnalité chez les patients épileptiques ont surtout été étudiées lors de dysfonctionnement du lobe temporal et spécialement lors de crises du système limbique en raison du rôle potentiel de ce dernier dans la psychopathologie constatée (par exemple syndrome de Klüver et Bucy).

Cependant, il existe également des changements de personnalité lors d’épilepsie sur foyer préfrontal.

On constate en effet également une augmentation des comportements violents chez les patients souffrant d’épilepsie frontale.

Ces derniers montrent souvent de l’indifférence quant à leurs actes, alors que les patients TLE expriment de profonds remords.

Ceci s’expliquerait par le fait que le cortex préfrontal module les activités limbiques et hypothalamiques.

Les lésions préfrontales peuvent donc engendrer des comportements agressifs par un processus secondaire causé par un manque d’inibition de l’aire limbique.

Conclusion :

Les troubles comportementaux d’origine neurologique sont extrêmement variés.

Leur existence et leurs caractéristiques sont importantes à connaître car ils sont persistants et souvent très invalidants pour l’entourage et le patient.

L’intrication entre troubles comportementaux et troubles cognitifs est encore mal connue, mais plusieurs mécanismes neurophysiologiques et neuropsychologiques semblent être communs.

Les traitements sont encore surtout symptomatiques.

Ils devront, dans le futur, intégrer les différentes disciplines des neurosciences cliniques pour permettre une plus grande spécificité.

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