Traumatisme de l’épaule

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Orientation diagnostique :

A – Éléments de l’interrogatoire :

  • Traumatisme de l’épauleOn précise l’âge du patient, le sexe, le côté dominant, la profession exercée, le sport éventuellement pratiqué et son niveau.
  • Dans les antécédents, on recherche des douleurs, un traumatisme plus ou moins ancien de l’épaule, une intervention chirurgicale sur cette dernière, une épilepsie, un alcoolisme chronique.
  • Les circonstances du traumatisme actuel permettent de préciser le délai écoulé depuis l’accident, le mécanisme direct ou indirect, le lieu de survenue (accident domestique, de la voie publique, sportif).
  • L’impotence fonctionnelle dont on précise le caractère relatif ou absolu et la douleur résument le plus souvent les signes fonctionnels.
  • Avant une éventuelle anesthésie on précise les antécédents médicaux, les prises médicamenteuses, les allergies, l’heure de la dernière prise alimentaire.

B – Examen physique :

1- Inspection :

Elle retrouve le plus souvent l’attitude des traumatisés du membre supérieur : la main valide soutient l’avant bras du membre atteint.

Elle recherche des attitudes vicieuses évocatrices d’emblée de certains diagnostics : abduction-rotation externe irréductible pour une luxation gléno-humérale antérointerne, rotation interne irréductible pour une luxation gléno-humérale postérieure.

Certaines déformations sont visibles peu de temps après le traumatisme mais peuvent être rapidement masquées par l’oedème post-traumatique : saillie asymétrique de l’extrémité latérale de la clavicule dans une luxation acromio-claviculaire, déformation claviculaire dans une fracture du tiers moyen. Une amyotrophie des fosses supra- et surtout infraépineuse témoigne d’une rupture ancienne des tendons de la coiffe des rotateurs chez un sujet âgé. Un hématome est retrouvé, souvent tardivement, au niveau de la face médiale du bras, du creux axillaire, et de la face latérale du thorax (ecchymose brachiothoracique de Hennequin) : il est souvent le signe d’une fracture de l’extrémité supérieure de l’humérus.

Lorsque aucune lésion n’est évidente à l’inspection, on pourra demander au patient de tenter de mobiliser activement l’épaule.

2- Palpation :

La palpation des reliefs osseux, des articulations accessibles et des insertions tendineuses recherche des points douloureux exquis ou des modifications évidentes de leurs rapports.

3- Examen locorégional et général :

L’appréciation du volume d’un hématome, la palpation des pouls et l’examen neurologique permettent de dépister une complication vasculo-nerveuse qui peut nécessiter un traitement urgent.

Toute complication doit être notée sur l’observation en présence de témoins, à titre médico-légal.

L’examen recherche aussi des lésions associées du même membre, des lésions thoraciques [fractures de côtes, volet thoracique, épanchement sanguin et (ou) aérien thoracique, contusion pulmonaire] et d’autres lésions dans le cadre d’un polytraumatisme.

C – Examens complémentaires :

  • Dans certains cas, l’examen clinique oriente d’emblée vers certains diagnostics et impose des examens complémentaires électifs.

C’est le cas des pathologies acromio-claviculaire ou claviculaire : radiographies comparatives des articulations acromio-claviculaires ; de la clavicule de face ; de l’articulation sternoclaviculaire (incidences de Heining complétées le plus souvent par un scanner).

  • Les clichés radiographiques standard de « débrouillage » de l’épaule sont prescrits après immobilisation du membre supérieur dans une écharpe et mise en place d’une perfusion de sérum physiologique et d’antalgiques : cliché de face en double obliquité, si possible en rotation neutre de l’épaule ; profil d’omoplate (de Lamy) ; profil axillaire qu’il n’est pas toujours facile de faire ; on peut le remplacer alors par un profil de Garth, cliché qui peut être fait coude au corps.
  • Dans certaines situations rares, un examen scanographique sans injection est nécessaire, avec reconstruction bi- ou tridimensionnelle si possible : fractures complexes de l’extrémité supérieure de l’humérus afin de dépister le nombre et le déplacement des fragments ; fractures complexes de la scapula ; luxation sternoclaviculaire postérieure.
  • Les autres examens (imagerie par résonance magnétique, arthroscanner) ne sont utiles en urgence que dans de rares cas (rupture de la coiffe des rotateurs).
  • Une consultation pré-anesthésique permet de prescrire les examens nécessaires en vue d’une intervention.

Conduite à tenir en urgence :

Elle dépend de l’existence de lésions associées dans le cadre d’un polytraumatisme ou de fractures multiples ; de l’existence de complications nécessitant un traitement urgent, le plus souvent d’ordre vasculaire ; du type de lésion traumatique.

A – Fracture de la clavicule :

C’est la plus fréquente des fractures de l’enfant (85 % des lésions traumatiques de l’épaule à cet âge).

Elle est également fréquente chez l’adulte jeune.

Elle est le plus souvent secondaire à une chute sur le moignon de l’épaule dans le cadre d’un jeu ou d’une activité sportive.

1- Fracture du tiers moyen :

La grande majorité (80 %) des fractures de la clavicule concerne le tiers moyen avec une présentation clinique stéréotypée : douleur et déformation localisée.

Le fragment latéral, entraîné par le poids du membre supérieur, se déplace en bas et en avant, le fragment proximal se déplace en haut et en arrière et saille sous la peau, attiré par le muscle sterno-cléido-mastoïdien.

  • La radiographie de face affirme le diagnostic, quantifie le nombre de fragments et l’importance de leur déplacement.
  • Les complications immédiates sont rares, que ce soit l’ouverture cutanée presque toujours de type I (classification de Cauchoix et Duparc), les lésions vasculo-nerveuses (artère et veine axillaire, plexus brachial), les lésions associées [fractures associées de côtes et de la scapula, hémo et (ou) pneumothorax], mais doivent être recherchées cliniquement.
  • Le traitement est avant tout orthopédique : il repose sur une immobilisation par anneaux claviculaires en tissu ou boléro plâtré pendant 3 à 6 semaines selon l’âge du patient (immobilisation courte chez l’enfant), avec surveillance clinique et radiologique régulière jusqu’à consolidation.
  • Les pseudarthroses symptomatiques justifiant un traitement chirurgical sont rares.

Les cals vicieux n’ont le plus souvent que des conséquences esthétiques inférieures à celles d’une cicatrice.

  • Certains cas particuliers relèvent d’un traitement chirurgical dont les modalités varient selon les écoles : fractures à très grand déplacement, fractures ouvertes, fractures bilatérales, impaction du moignon de l’épaule (association fracture de clavicule, de scapula et de la ou des premières côtes), polyfractures, lésions multiples et étagées du membre supérieur.

2- Fracture du tiers externe :

  • Plus rare, il ne faut pas la confondre cliniquement avec une luxation acromio-claviculaire car les signes cliniques peuvent être proches : douleur et déformation localisées à la partie latérale de la clavicule.

Un équivalent du signe de la touche de piano peut être retrouvé dans les formes déplacées (sensation d’enfoncement de l’extrémité latérale de la clavicule avec retour de celle-ci à sa position initiale).

  • La radiographie redresse le diagnostic à condition de centrer le rayon sur l’articulation acromio-claviculaire elle-même.

Elle permet de classer les fractures en 3 types selon la localisation du trait par rapport aux ligaments coraco-claviculaires (Neer) :

– type I : trait en dehors des ligaments coraco-claviculaires, fracture non déplacée ;

– type II : IIA, trait au sein des ligaments ; IIB, trait en dedans des ligaments ;

– type III : trait transarticulaire acromio-claviculaire, fracture peu déplacée ;

– à part, la fracture de Latarjet : fracture du quart latéral de clavicule avec arrachement de la plaque osseuse siège de l’insertion des ligaments coraco-claviculaires.

  • Le traitement est orthopédique et identique à celui d’une fracture du tiers moyen en l’absence de déplacement (types I et III).

Il est chirurgical en cas de déplacement (type II, fracture de Latarjet).

3- Fractures du tiers interne :

Elles sont rares et peu déplacées.

Le traitement est le plus souvent orthopédique.

B – Fracture de l’extrémité supérieure de l’humérus :

1- Diagnostic :

Apanage de l’adulte et en particulier du sujet âgé, elle est peu ou pas déplacée dans près de 80 % des cas.

Seule la fracture déplacée articulaire pose de difficiles problèmes diagnostiques et thérapeutiques.

  • L’examen clinique n’a rien de spécifique et l’interrogatoire peut retrouver un mécanisme direct par chute sur le moignon de l’épaule ou indirect par chute sur la main ou le coude.

Douleur, impotence fonctionnelle absolue, localisation de l’oedème et de l’hématome au moignon de l’épaule avec parfois diffusion à la face médiale du bras et à la face latérale du thorax, absence de déformation importante aident à différencier cliniquement cette fracture des luxations ou des lésions claviculaires.

On recherche des complications immédiates vasculonerveuses qui n’existent en pratique que dans les fractures très déplacées ou dans les fractures-luxations.

  • Les radiographies standard (face en rotation neutre en double obliquité, profil de Lamy, profil axillaire ou de Garth) affirment le diagnostic et permettent dans la plupart des cas de classer la fracture et de poser une indication thérapeutique adaptée.

Dans de rares cas de fractures multifragmentaires déplacées, un scanner sans injection avec ou sans reconstruction bi- ou tridimensionnelle aide au diagnostic et au traitement.

2- Classification :

Elle a un intérêt pronostique et thérapeutique.

On distingue les fractures extra-articulaires : tubérositaires, sous-tubérositaires ou du col chirurgical ; les fractures articulaires ou céphalo-tubérositaires intéressant à la fois les tubérosités, la tête humérale et la diaphyse et pouvant donc comprendre 2 à 4 fragments et les fractures-luxations.

  • Fractures isolées des tubérosités (extra-articulaires)

Fracture de la petite tubérosité (trochin) : très rare, souvent déplacée et de diagnostic difficile, elle nécessite la plupart du temps un scanner pour préciser le volume du fragment et l’importance de son déplacement. Un déplacement horizontal de plus de 5 mm impose un traitement chirurgical, réduction et ostéosynthèse par vissage ou agrafage.

Fracture de la grosse tubérosité (trochiter) : plus fréquente, parfois associée à une luxation antéro-interne, en particulier chez le sujet âgé.

Elle peut être non déplacée et relève alors d’un traitement orthopédique par immobilisation stricte en bandage de type Dujarier pendant un mois avec surveillance radiologique régulière et rééducation assidue après consolidation.

En cas de déplacement important (ascension ou translation postérieure supérieure à 5 mm), un traitement chirurgical par vissage est recommandé afin d’éviter un cal vicieux à l’origine d’un conflit sous-acromial ou une pseudarthrose à l’origine d’une inefficacité de la coiffe des rotateurs. Parfois, cette fracture correspond à l’arrachement de l’insertion osseuse du tendon du muscle supraépineux.

En cas de déplacement, la taille du fragment osseux ne préjugeant pas de l’extension de la rupture de coiffe associée, une imagerie complémentaire (échographie, arthroscanner, imagerie par résonance magnétique) est nécessaire pour porter une indication adaptée : le plus souvent laçage trans-osseux.

L’immobilisation est confiée à un bandage de type Dujarier avec une besace ou une attelle maintenant le bras en abduction à 45° pendant 4 à 6 semaines.

La rééducation doit être confiée à des kinésithérapeutes entraînés.

  • Fracture sous-tubérositaire ou du col chirurgical (extra-articulaire).

C’est la plus fréquente des fractures de l’extrémité supérieure de l’humérus.

Engrenée ou peu déplacée, elle relève d’un traitement orthopédique avec immobilisation par bandage de type Dujarier pendant 4 semaines et contrôles radiocliniques réguliers.

La rééducation est longue ; une bonne coopération du patient améliore les résultats cliniques qui restent favorables dans ce type de lésion.

Déplacée et instable, elle relève d’un traitement chirurgical dont les modalités varient selon la qualité osseuse et les écoles (embrochage à foyer fermé, ostéosynthèse à foyer ouvert par plaque vissée…).

Lorsqu’il existe une médialisation importante du fragment distal attiré par le muscle grand pectoral, on découvre parfois des complications vasculo-nerveuses.

L’ostéosynthèse sera suivie d’une rééducation adaptée, confiée à un kinésithérapeute entraîné. Les complications (pseudarthrose, cal vicieux) sont rares.

  • Fracture articulaire ou céphalo-tubérositaire non déplacée : elle relève d’un traitement orthopédique identique à celui des fractures extra-articulaires.

La surveillance radiologique doit être ici particulièrement attentive afin de dépister un déplacement secondaire.

  • Fracture articulaire ou céphalo-tubérositaire déplacée : la première difficulté est de classer la fracture.

Il n’est pas toujours facile de préciser le nombre de fragments, en particulier de faire la différence entre une fracture à 3 fragments sans fracture de la petite tubérosité et une fracture à 4 fragments comprenant une fracture de la petite tubérosité.

Par ailleurs, le déplacement des différents fragments et en particulier des tubérosités n’est pas toujours facile à appréhender sur les radiographies standard.

Un scanner est donc souvent utile afin de préciser ces éléments.

La deuxième difficulté est thérapeutique : la mauvaise qualité de l’os chez le sujet âgé et les difficultés de réduction et d’ostéosynthèse stable rendent leur traitement ardu.

La troisième difficulté est pronostique : la vascularisation de la tête humérale, issue de l’artère circonflexe antérieure, est presque terminale.

Une fracture du col anatomique déplacée interrompt celle-ci et les possibilités de suppléance vasculaire sont réduites.

Ainsi, l’évolution vers une nécrose avasculaire de la tête humérale est possible malgré un traitement initial correct. Fracture à 2 fragments : fracture du col anatomique.

Exceptionnelle, elle relève d’une réduction et d’une ostéosynthèse avant 60 ans, en sachant que le risque de nécrose avasculaire est très important, d’une prothèse humérale simple ou intermédiaire au delà de 60 ans.

Fracture à 3 fragments : le 3e fragment est la grosse tubérosité dans l’immense majorité des cas.

Les indications sont identiques à celles des fractures à deux fragments. Les complications à moyen terme sont la nécrose avasculaire de la tête humérale, bien que moins fréquente, le cal vicieux et la pseudarthrose de la grosse tubérosité.

La nécrose avasculaire peut aboutir à l’omarthrose (arthrose gléno-humérale) post-traumatique.

Fracture à 4 fragments : le risque de nécrose avasculaire est ici élevé et seul un os de bonne qualité chez un patient de moins de 60 ans doit faire choisir une réduction et une ostéosynthèse, qui reste techniquement difficile.

  • Fractures secondaires à une luxation d’épaule : la fracture est la conséquence et le prolongement de l’encoche créée dans la tête humérale par le rebord glénoïdien lors de la luxation.

La réduction doit être douce et se faire sous anesthésie au bloc opératoire.

Elle sera suivie d’un traitement orthopédique ou chirurgical selon le déplacement secondaire fracturaire : réduction et ostéosynthèse de la fracture, le plus souvent ; rarement, prothèse humérale simple ou intermédiaire au-delà de 60 ans, en cas de lésions fracturaires ne permettant pas la conservation de la tête humérale.

  • Fractures associées à une luxation d’épaule : on retrouve ici presque toutes les catégories de fractures décrites précédemment, en association avec une luxation antéro-interne ou postérieure.

La plus fréquente est la fracture de la grosse tubérosité.

La réduction de la luxation permet souvent d’obtenir une réduction satisfaisante de la fracture, ce qui autorise un traitement orthopédique (bandage type Dujarier avec coussin ou attelle d’abduction conservés 4 semaines).

Les autres fractures-luxations concernent les fractures sous-tubérositaires ou céphalo-tubérositaires à 3 et 4 fragments.

L’indication thérapeutique n’est pas modifiée par la luxation, sauf si la tête humérale, totalement détachée, est luxée dans le creux axillaire.

Dans ce cas, la nécrose avasculaire étant pratiquement certaine, une prothèse humérale simple ou intermédiaire est seule indiquée.

C – Fracture de la scapula :

Rares, elles surviennent dans le cadre d’un polytraumatisme ou d’une impaction du moignon de l’épaule.

Elles peuvent alors passer inaperçues car la scapula est masquée par les masses musculaires qui l’entourent.

Tout traumatisme à haute énergie du moignon de l’épaule doit la faire rechercher, surtout s’il existe des fractures des premières côtes, une fracture de la clavicule, une fracture et (ou) luxation de l’extrémité supérieure de l’humérus.

1- Examen clinique :

Il ne fait qu’évoquer le diagnostic devant une douleur postérieure, accentuée par la palpation des reliefs scapulaires, lorsqu’ils ne sont pas encore noyés dans l’oedème post-traumatique.

2- Examens complémentaires :

Compte tenu des superpositions avec la cage thoracique et la clavicule, le diagnostic d’une fracture de la scapula sur des radiographies standard n’est pas aisé. Un scanner est presque toujours indispensable pour confirmer la fracture ; préciser son siège : glène, épine, acromion, processus coracoïde, col chirurgical, pilier ; apprécier l’importance et la direction du ou des déplacements.

3- Traitement :

Il est le plus souvent orthopédique car les masses musculaires périscapulaires limitent les déplacements : immobilisation par bandage type Dujarier 21 jours puis rééducation.

Il doit être chirurgical en cas de fractures déplacées de la glène, du col anatomique, de l’épine acromiale et du processus coracoïde.

D – Luxation gléno-humérale :

1- Luxation antéro-interne :

Elle représente la grande majorité des luxations chez l’homme et plus de 95 % des luxations gléno-humérales.

Avant 25 ans, sa principale complication est la récidive ; après 50 ans, ce sont : la rupture transfixiante de la coiffe des rotateurs (50 %) et plus rarement la capsulite rétractile.

Le mécanisme est celui d’une chute sur le moignon de l’épaule, ou d’un mouvement forcé ou contré d’abduction- rétropulsion-rotation externe de l’épaule.

  • Le patient se présente dans l’attitude des traumatisés du membre supérieur, le bras en abduction-rotation externe irréductible.

Outre l’existence d’une impotence fonctionnelle absolue, l’inspection retrouve un coup de hache externe.

La palpation retrouve un vide sous-acromial latéral et le comblement du sillon delto-pectoral ou du creux axillaire par la tête humérale luxée.

Elle recherche des complications immédiates, compression du nerf axillaire (circonflexe) qui se traduit par une hypo-esthésie du moignon de l’épaule et une absence de contraction isométrique du muscle deltoïde, compression ou lésion du plexus brachial à l’origine de douleurs importantes et d’une paralysie sensitivo-motrice du membre supérieur plus étendue. Plaies et thromboses artérielles ou veineuses sont plus rares.

  • Les radiographies standard de l’épaule permettent de porter le diagnostic (face en double obliquité, profil d’omoplate et ou de Garth) et précisent le type de luxation : extra-, sous- ou intracoracoïdienne, rarement erecta.

Elles permettent également de détecter les lésions osseuses fréquemment associées (lésions « de passage ») :

– encoche de Malgaigne (ou de Hill-Sachs pour les Anglo-Saxons) : fracture-impaction postéro-supérieure de la tête humérale, présente dans près de 90 % des cas sur la radiographie de face en rotation interne ou sur le profil de Garth ;

– fracture du rebord antéro-inférieur de la glène, qui n’est pas toujours visible quand elle est de petite taille.

Sa visualisation peut nécessiter, à distance de l’épisode aigu, des incidences radiologiques spécifiques (profils glénoïdien et glénoïdien « dépassé » de Bernageau) voire un arthro-scanner dans le cadre d’un bilan radiologique préopératoire d’une instabilité chronique d’épaule ;

– fracture de la grosse tubérosité : elle est de taille variable ; il s’agit parfois d’un petit fragment osseux représentant l’insertion du tendon du muscle supraépineux.

Cette association lésionnelle, en particulier chez le sujet âgé, doit faire rechercher un trait de refend le long du col anatomique qui pourrait se compléter lors d’une tentative de réduction brutale, aboutissant alors à une fracture-luxation céphalo-tubérositaire désengrenée, de mauvais pronostic.

  • La réduction, après lecture attentive des radiographies, peut être tentée dans la très grande majorité des cas aux urgences, chez un patient perfusé, sous anesthésie locale ou sous prémédication renforcée.

De nombreuses manoeuvres ont été décrites ; le principe essentiel est d’une part, de ne pas perdre de temps pour débuter la réduction afin de diminuer la douleur, source de contracture musculaire et, d’autre part, d’effectuer des manoeuvres douces et progressives.

Une radiographie de face en rotation neutre sera effectuée après la réduction pour vérifier la qualité de celle-ci et l’existence ou non des lésions osseuses de passage déjà décrites.

L’immobilisation est effectuée en rotation interne coude au corps dans un bandage en jersey tubulaire de type Mayo Clinic.

Sa durée est classiquement de 3 semaines. La rééducation s’efforce de renforcer les muscles rotateurs internes de l’épaule, en particulier le muscle sousscapulaire, la proprioceptivité musculaire, et de redonner à l’épaule une mobilité active et passive normale.

  • L’instabilité chronique est caractérisée par des luxations récidivantes à partir du 3e épisode.

2- Luxation postérieure :

Beaucoup plus rare, il faut l’évoquer :

  • au sortir d’une crise convulsive (épileptique connu ou non, sevrage d’un alcoolisme chronique, choc électrique thérapeutique) ;
  • devant une épaule douloureuse peu déformée, avec comblement du vide sous-acromial postérieur, en rotation interne coude au corps irréductible.

La radiographie de face en double obliquité montre une tête humérale en rotation interne et une disparition de l’interligne articulaire.

Le profil d’omoplate de Lamy ou le profil axillaire confirment toujours le diagnostic.

La réduction s’effectue dans les mêmes conditions que pour une luxation antéro-interne.

Des radiographies de contrôle post-réductionnelles systématiques : face en rotation neutre et profil axillaire ainsi qu’un éventuel scanner permettent de préciser le siège et l’importance d’une encoche antérieure dans la tête humérale dite de MacLaughlin qui, lorsqu’elle affecte plus de 25 % de la surface articulaire de la tête humérale, nécessite une intervention chirurgicale.

L’immobilisation est effectuée en rotation neutre de l’épaule pendant 3 semaines.

Un bilan neurologique comprenant obligatoirement un scanner cérébral est parfois nécessaire en cas de première crise convulsive

E – Luxation acromio-claviculaire :

Fréquente chez le sujet jeune, elle pose uniquement des problèmes d’indications thérapeutiques dans les formes très déplacées des patients jeunes actifs et (ou) sportifs.

1- Examen clinique :

Le mécanisme est celui d’une chute sur le moignon de l’épaule.

L’impotence fonctionnelle est relative et la douleur localisée à l’articulation acromio-claviculaire ce qui élimine les autres diagnostics, en dehors de celui de la fracture du tiers latéral de la clavicule, déjà évoqué.

L’inspection retrouve parfois une saillie du quart latéral de la clavicule par comparaison avec le côté opposé ; souvent cependant, l’importance de l’oedème masque les reliefs osseux.

La palpation recherche le signe de la touche de piano et un éventuel tiroir antéro-postérieur témoignant de la réductibilité de la luxation.

2- Examens complémentaires :

Des radiographies comparatives de face et en profil axillaire des articulations acromio-claviculaires permettent de classer ces luxations (classification de Julliard) :

– stade I : entorse acromio-claviculaire.

Les ligaments coraco-claviculaires sont intacts .

La clavicule n’est pas déplacée.

Il existe une simple douleur localisée ;

– stade II : subluxation acromio-claviculaire.

Seul le ligament acromio-claviculaire est rompu, les ligaments coraco- claviculaires sont étirés.

L’ascension de la clavicule par rapport à l’acromion est inférieure à 50 % de l’épaisseur de la clavicule. Il existe une douleur localisée, une petite déformation, une touche de piano ;

– stade III : luxation acromio-claviculaire.

Les ligaments coraco-claviculaires sont rompus.

L’ascension de la clavicule par rapport à l’acromion est supérieure à 50 % de l’épaisseur de la clavicule.

Touche de piano et tiroir sont présents.

  • Certains auteurs individualisent d’autres stades (IV, V et VI) en fonction de l’existence d’une perforation de la chape musculaire delto-trapézoïdienne et de l’importance du déplacement antéro-postérieur ou inférieur, de la clavicule.

3- Traitement :

Les stades I et II sont traités par une immobilisation relative par bandage en jersey tubulaire de type Mayo Clinic ou élastoplaste pendant 15 jours.

Ils ne laissent le plus souvent comme séquelle qu’une discrète saillie du quart latéral de la clavicule.

Le stade III doit être traité de manière identique sauf chez les patients très sportifs ou effectuant un travail de force en élévation du membre supérieur.

Pour certains auteurs, l’intervention à type de ligamentoplastie locale est indiquée en urgence, pour d’autres, elle n’est indiquée qu’à distance, en cas d’impotence fonctionnelle douloureuse résiduelle.

F – Luxation sterno-claviculaire :

Rares, elles sont de diagnostic difficile.

1- Examen clinique :

Le mécanisme est celui d’une chute sur le moignon de l’épaule, rarement d’un choc direct.

La douleur localisée est évocatrice lorsque le traumatisme est isolé.

Dans un contexte de polyfractures ou de polytraumatisme, seul un examen attentif permet de retrouver une douleur, voire une déformation localisée. On peut séparer ces luxations en :

  • luxation antérieure, de diagnostic facile du fait de la saillie antérieure du quart médial de la clavicule ;
  • luxation postérieure, plus rare, où la proximité des structures médiastinales rétrosternales (troncs veineux, trachée, oesophage) fait rechercher de principe des complications.

2- Examens complémentaires :

Classiquement diagnostiquées par les incidences comparatives de Heining, les disjonctions sterno-claviculaires bénéficient actuellement du scanner systématique qui se révèle également indispensable pour dépister les complications des formes postérieures.

3- Traitement :

Les luxations antérieures peuvent être négligées. Les luxations postérieures doivent être traitées chirurgicalement par réduction et fixation par broches.

G – Rupture transfixiante de la coiffe des rotateurs :

1- Examen clinique :

  • Patient âgé de moins de 50 ans sans antécédent de douleur d’épaule : le mécanisme de l’accident est soit une abduction forcée contre résistance, à l’origine d’une rupture du supra-épineux, soit une abduction-rétropulsionrotation externe, une traction sur le bras en haut en en arrière ou une rotation interne contrée, évoquant une rupture du sous-scapulaire.

Les douleurs et l’impotence fonctionnelle sont fonction de l’étendue des lésions.

On recherche soit un déficit d’antéflexion et d’abduction actives évoquant une rupture du supra-épineux, soit un déficit de la rotation interne active avec augmentation de la rotation externe passive et impossibilité de décoller la main du plan du dos (lift-off test de Gerber) évoquant une rupture du sous-scapulaire.

  • Patient âgé de plus de 50 ans aux antécédents de douleurs d’épaule : le traumatisme est souvent minime, chute sur le moignon de l’épaule ou simple effort de soulèvement.

Il existe une douleur de l’épaule, éventuellement associée à une perte de l’antéflexion et de l’abduction actives, la mobilité passive est toujours conservée (épaule pseudoparalytique).

2- Examens complémentaires :

  • Les radiographies de l’épaule : (face en 3 rotations, profil de Lamy et axillaire) montrent des calcifications de l’espace sous-acromial, une condensation de la grosse tubérosité, un entésophyte acromial, une diminution de l’espace acromio-huméral (< 10 mm).

Elles mettent parfois en évidence un arrachement osseux de la grosse tubérosité : fracture operculaire dont l’étendue ne préjuge pas de l’extension des lésions de la coiffe.

  • L’arthroscanner avec arthrographie puis reconstruction bidimensionnelle est l’examen le plus fiable : il précise le siège, l’étendue des lésions et la dégénérescence graisseuse des muscles.
  • L’imagerie par résonance magnétique n’est pas toujours facile à obtenir en urgence.
  • L’échographie est très dépendante de l’opérateur.

Chez le patient jeune, le diagnostic doit être évoqué en urgence et confirmé dans les 8 jours pour pouvoir réaliser une réparation de bonne qualité.

Chez le patient âgé, le diagnostic lésionnel précis n’est nécessaire qu’après une période de 3 mois de traitement fonctionnel.

3- Traitement :

Il dépend de l’âge, de la profession, du type d’accident (accident du travail ou non), de la motivation du patient, du côté dominant ou non, des lésions rencontrées et de leur importance, de l’état musculaire.

Un patient jeune avec une rupture transfixiante sur coiffe saine doit bénéficier d’un traitement chirurgical précoce avec réinsertion transosseuse.

Un patient âgé avec une rupture transfixiante sur coiffe dégénérée doit être traité fonctionnellement 3 mois : antalgiques, anti-inflammatoires, infiltrations sous-acromiales ou intra-articulaires, rééducation en désengagement de la tête humérale de la voûte acromio-coracoïdienne.

En cas d’échec de ce traitement, le traitement chirurgical pourra être envisagé : réinsertion transosseuse et (ou) plastie d’avancement ou lambeau musculaire.

H – Lésion du plexus brachial :

Il s’agit d’une lésion le plus souvent associée à une ou plusieurs fractures (premières côtes, clavicule, scapula, extrémité supérieure de l’humérus) dans le cadre d’un traumatisme à haute énergie.

Elle est rarement isolée et survient alors dans un contexte univoque : il s’agit d’un accident de moto avec chute sur le côté, le membre étant tracté à l’opposé de la tête.

1- Diagnostic :

Les douleurs sont intenses et permanentes.

Elles intéressent l’ensemble des territoires concernés par les lésions nerveuses.

Elles sont associées à un déficit sensitivo-moteur du membre supérieur dont l’étendue dépend de celle des lésions anatomiques neurologiques. L’examen recherche des lésions radiculaires de C5 à T1 ou tronculaires, en essayant de préciser leur caractère complet ou non.

Les radiographies standard immédiates, dans les lésions plexiques isolées, sont normales.

L’évolution dépend du type et du siège des lésions.

Le bilan lésionnel est effectué au mieux 2 mois après le traumatisme par un nouvel examen clinique, un examen électromyographique et une imagerie : imagerie médullaire ou myéloscanner par résonance magnétique.

2- Traitement :

Le traitement en urgence repose sur une immobilisation par écharpe, des antalgiques de type III à forte dose, associés à des neuroleptiques, avec un entretien passif des mobilités articulaires au bout de 8 jours.

Le traitement à distance dépend du type, du siège et de l’étendue des lésions : il fait parfois appel à une chirurgie de réparation, de greffe nerveuse, de neurotisation ou à des transferts musculaires palliatifs.

I – SLAP lesion (Superior labrum antero-posterior lesion) :

Terme anglais qui désigne la désinsertion du bourrelet glénoïdien autour de l’insertion de la longue portion du biceps.

Lésion rare, elle survient chez les patients jeunes et sportifs pratiquant un sport de lancer.

Le mécanisme est celui d’un étirement ou d’une compression de l’épaule par chute en abduction horizontalerétropulsion- rotation interne.

Les signes fonctionnels se résument à une douleur antérosupérieure de l’épaule, associée parfois à une sensation d’instabilité.

On ne retrouve aucun signe évocateur d’une laxité chronique de l’épaule ni d’une rupture de coiffe.

Les radiographies standard sont normales.

Le diagnostic repose sur l’arthroscanner ou sur l’arthroscopie, à la fois diagnostique et thérapeutique. Le traitement est discuté mais repose soit sur une résection soit sur une réinsertion transosseuse du bourrelet.

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