Traumatisme du rachis de l’enfant

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Introduction :

Les traumatismes du rachis de l’enfant présentent certaines caractéristiques :

Traumatisme du rachis de l'enfant– une relative rareté, que ce soit parmi les lésions traumatiques de l’enfant ou parmi les lésions traumatiques du rachis, tous âges confondus ;

– des lésions particulières caractéristiques de la pathologie pédiatrique ;

– des difficultés de diagnostic dues à la structure, en partie cartilagineuse, des vertèbres de l’enfant rendant l’interprétation délicate des radiographies ;

– des indications thérapeutiques et des évolutions également différentes de celles que l’on peut trouver chez l’adulte.

C’est pour ces raisons que, tout au long de ce chapitre, une large place est faite à l’anatomie du rachis en croissance et sa sémiologie radiologique.

Seules les spécificités inhérentes à la pathologie pédiatrique sont évoquées.

Particularités du rachis en croissance :

A – Vertèbre en croissance :

La vertèbre de l’enfant est constituée par une maquette cartilagineuse à l’intérieur de laquelle vont se développer des points d’ossification.

Ceux-ci apparaissent à des périodes variables de la croissance vertébrale, ils fusionnent entre eux également à des âges différents.

Progressivement la matrice cartilagineuse, volumineuse à la naissance, va laisser la place à une structure totalement osseuse.

La résistance mécanique de la vertèbre est donc variable en fonction de l’âge.

Ces structures cartilagineuses représentent non seulement des points de faiblesse mais constituent également des pièges radiologiques.

1- Structure :

* Atlas :

Il présente un noyau d’ossification pour chaque masse latérale et un noyau supplémentaire pour l’arc antérieur.

Ce dernier est visible à la naissance dans seulement 20 % des cas.

Il peut être bifide et asymétrique.

L’ossification complète de l’arc postérieur ne survient qu’à l’âge de 4 ans.

* Axis :

L’ossification de l’apophyse odontoïde se fait avant la naissance.

Elle est toujours visible dès les premières semaines de la vie.

L’apophyse odontoïde est séparée du corps de l’axis par une zone de cartilage de croissance qui fusionne vers l’âge de 5-7 ans.

Cette zone est en continuité avec les synchondroses neurocentrales séparant le corps de l’arc postérieur de chaque côté de la ligne médiane.

Elle est située à un niveau plus bas que celui des facettes articulaires supérieures.

Des reliquats de ces structures peuvent persister longtemps.

Chez l’enfant jeune, une fracture de l’apophyse odontoïde intéresse cette zone cartilagineuse de croissance et, par conséquent, se situe partiellement dans le corps de l’axis, facteur favorisant sa guérison.

En revanche, le niveau de fracture chez l’enfant plus grand et l’adulte est situé quelques millimètres plus haut, en regard des facettes articulaires.

Un noyau d’ossification séparé de l’extrémité supérieure de l’odontoïde apparaît à l’âge de 6-7 ans ; cet ossicule terminal fusionne vers l’âge de 12 ans.

* Vertèbres C3 à L5 :

Pour toutes ces vertèbres, le schéma d’ossification est similaire.

Un noyau d’ossification se développe dans chaque hémiarc postérieur alors qu’un seul noyau se développe pour le corps vertébral.

Ces noyaux sont reliés par les synchondroses neurocentrales, situées en avant de la base anatomique du pédicule.

La synchondrose neurocentrale fusionne à l’âge de 3 à 6 ans.

La fermeture des apophyses épineuses survient, quant à elle, à l’âge de 4 ans.

À la puberté apparaissent des noyaux d’ossification secondaires aux apophyses épineuses et transverses.

Un noyau d’ossification secondaire constituant le listel vertébral apparaît également au niveau des plateaux vertébraux.

L’ossification de ce noyau se fait progressivement, de l’avant vers l’arrière.

La fusion du listel avec le reste de la vertèbre se fait vers l’âge de 25 ans.

2- Morphologie :

La morphologie globale de la maquette ostéocartilagineuse que constitue la vertèbre de l’enfant est différente de celle de l’adulte. L’élément le plus important à connaître en traumatologie est l’orientation des facettes articulaires.

D’abord proches de l’horizontale, elles se verticalisent progressivement avec la croissance, notamment à l’étage cervical.

Cette orientation horizontale favorise les mouvements dans un sens antéropostérieur.

B – Appareil discoligamentaire :

Les ligaments vertébraux, les disques intervertébraux et les tissus mous ont une élasticité plus importante que chez l’adulte.

Cela a deux conséquences, d’une part la possibilité de lésions médullaires sans lésions vertébrales associées (spinal cord injury without radiologic abnormality [Sciwora]), d’autre part la rareté des entorses graves isolées du rachis chez le petit enfant, celles-ci étant plus souvent remplacées par de véritables décollements épiphysaires ou apophysaires susceptibles de consolider, dans de bonnes conditions, avec un traitement orthopédique.

Tonus musculaire et morphotype :

Par comparaison avec le reste du corps, le crâne est relativement plus volumineux chez le jeune enfant que chez l’adulte.

Lors d’un traumatisme, la force d’inertie céphalique transmet au rachis un moment angulaire potentiel appliqué plus haut qu’il ne le serait chez l’adulte pour un même impact.

Cet effet est majoré par la faiblesse des muscles paraspinaux moins développés que chez l’adulte, surtout chez le nouveau-né.

Traumatismes du rachis cervical :

Ils représentent 40 à 50 % des traumatismes du rachis de l’enfant.

Leur fréquence est cependant rare au sein de l’ensemble de la traumatologie pédiatrique.

Ce type de traumatisme est souvent méconnu initialement chez le petit enfant non encore capable de s’exprimer et dont les radiographies sont d’interprétation délicate.

Cela explique que la plupart des auteurs notent un délai important entre le diagnostic précis de la lésion et le moment de la réception aux urgences.

C’est dire l’importance qu’il y a à évoquer systématiquement un traumatisme cervical et le soin à porter à l’examen des radiographies standards.

A – Épidémiologie :

Les accidents de la voie publique dominent les étiologies (choc piétonvéhicule, passager d’un véhicule, conducteur d’un véhicule à deux roues).

Les accidents de sport ou de jeux suivent avec, dans ce domaine, une prédominance masculine nette.

Des situations propres à l’enfant comme le traumatisme néonatal lors d’accouchements difficiles, notamment par le siège, le traumatisme vertébromédullaire de l’enfant battu, les lésions secondaires au port d’une ceinture de sécurité mal adaptée à la taille de l’enfant, l’existence d’anomalies rachidiennes préexistantes (achondroplasie, trisomie 21, anomalie de segmentation.…) sont à souligner.

Le traumatisme médullaire sans lésion osseuse radiologique (Sciwora) est fréquent chez l’enfant.

Cette fréquence est très certainement liée à l’absence d’élasticité proportionnelle du rachis et de la moelle épinière, la moelle étant moins flexible que le rachis chez le jeune enfant.

La pathogénie exacte de cette lésion est encore discutée, allant de la traction directe sur la moelle jusqu’au vasospasme circulatoire.

Le plongeon en eau peu profonde, étiologie classique, fréquemment associé à des complications neurologiques majeures, représente en fait une proportion faible des traumatismes du rachis cervical.

B – Clinique :

1- Prise en charge précoce :

Dès lors qu’un traumatisme du rachis est suspecté ou qu’un enfant est inconscient après un traumatisme, l’immobilisation et le transport doivent être effectués selon des règles très précises.

Il est maintenant clairement établi qu’un collier cervical ne constitue pas chez l’enfant de moins de 8 ans une immobilisation satisfaisante.

En effet, le fort volume de la tête comparé au reste du corps est tel que la mise en place d’un collier sur un plan dur positionne le rachis cervical en cyphose.

La mise en traction du rachis cervical chez un enfant inconscient constitue, elle aussi, une manoeuvre strictement contre-indiquée.

Une immobilisation par un billot de petite taille sous le rachis cervical et thoracique, associée à une stabilisation latérale par deux autres billots, paraît plus souhaitable.

À l’inverse, une traction cervicale douce est indiquée chez un enfant conscient, douloureux, sans signe neurologique déficitaire, dont les premiers clichés radiographiques standards n’ont pas décelé de lésion.

La traction a alors un effet antalgique certain, permettant rapidement de lever la contracture douloureuse, et donc de pratiquer un bilan radiographique complémentaire de meilleure qualité.

Des clichés dynamiques volontaires sont alors possibles, particulièrement en flexion et extension.

2- Examen clinique :

Les situations cliniques sont diverses, allant d’une simple douleur localisée, d’un torticolis, d’une raideur segmentaire à un déficit neurologique complet, secondaire à un traumatisme de mécanisme et d’intensité variables.

Comme chez l’adulte, le risque de méconnaître une lésion médullaire chez un enfant polytraumatisé et comateux est important.

Même chez un enfant conscient, l’examen clinique, et particulièrement l’examen neurologique, peuvent être difficiles dans leur interprétation.

C – Moyens d’explorations radiologiques :

1- Clichés simples :

Ils sont indiqués dans tous les cas.

Le bilan standard comprend : un cliché de profil, ou au mieux deux (l’un centré sur la zone occipito-atloïdo-axoïdienne, l’autre sur la partie moyenne en prenant soin de visualiser C7) ; deux clichés de face (l’un si possible bouche ouverte, l’autre centré plus bas) ; des clichés dynamiques notamment de profil en flexion et en extension peuvent être utiles, ils ne peuvent cependant être effectués que chez un patient conscient et volontaire, réalisant lui-même la flexion ou l’extension.

Ce type de manoeuvre est à proscrire chez le jeune enfant non coopérant.

2- Tomodensitométrie (TDM) :

La TDM apporte des renseignements sur les lésions ostéoarticulaires.

La détermination des lésions médullaires ne peut alors se faire que sur des arguments indirects.

La TDM doit être réalisée en haute résolution avec, si possible, des reconstructions tridimensionnelles pour étudier le canal spinal.

La TDM avec myélographie (myéloscanner) peut être utilisée mais doit être réalisée uniquement en cas de non-disponibilité d’une IRM.

3- Imagerie par résonance magnétique (IRM) :

Tout signe neurologique chez un enfant présentant un traumatisme rachidien impose la pratique d’une IRM médullaire afin de détecter une lésion curable chirurgicalement, tel un hématome épidural.

L’IRM doit être réalisée associant des séquences pondérées en T1 et T2 dans des plans orthogonaux.

Des séquences en écho de gradient, plus sensibles aux inhomogénéités locales de champs induites par une hémorragie, peuvent être nécessaires.

Au delà des lésions intracanalaires, l’IRM offre aussi l’avantage de bien visualiser les atteintes ligamentaires, discales, et les anomalies des segments osseux.

D – Lésions du rachis cervical supérieur :

L’individualisation du rachis cervical supérieur et inférieur n’est pas artificielle.

Le rachis cervical haut correspondant aux complexes occipito-C2, présente une traumatologie spécifique ; la preuve en est que ces lésions intéressent plus volontiers l’enfant en bas âge.

La fréquence de ces lésions est probablement sous-estimée chez l’enfant car souvent associée à d’autres lésions dans les polytraumatismes létaux.

1- Luxation occipitocervicale :

Il s’agit d’une lésion généralement fatale du fait des atteintes de la moelle cervicale constamment associées à une telle luxation.

Elle représenterait 8 % des accidents de la voie publique chez l’enfant.

Certains auteurs ont pu décrire des déficits neurologiques partiels ; dans une telle circonstance toute traction, est bien entendu proscrite.

Le traitement repose sur une immobilisation par halo suivie d’une stabilisation chirurgicale occipitocervicale.

2- Fracture de l’odontoïde :

Cette fracture est secondaire à un mouvement d’hyperflexion puis d’hyperextension.

Le trait de fracture intéresse la synchondrose entre la base de l’apophyse odontoïde et le corps de C2.

Elle réalise un décollement épiphysaire.

Le trait se situe au-dessous du plan des facettes articulaires supérieures de C2.

Le déplacement de l’apophyse odontoïde est le plus souvent antérieur.

Il est parfois difficile de ne pas confondre un tel décollement épiphysaire avec une synchondrose normale.

On doit s’attacher à rechercher une angulation de la face postérieure de l’apophyse odontoïde par rapport à la face postérieure du corps de C2 sur la radiographie de profil, ainsi qu’un élargissement de l’espace rétropharyngé.

Cette lésion est rarement associée à des signes neurologiques, l’évolution après réduction et immobilisation en hyperextension sous minerve est favorable sans risque de pseudarthrose.

Nous préconisons une minerve thoraco-occipitale durant 2 mois, suivie d’un collier cervical souple durant encore 2 mois.

Chez l’enfant plus grand, après fermeture de la synchondrose entre l’apophyse odontoïde et le corps de C2, les fractures sont identiques à celles observées chez l’adulte.

L’ossicule terminal ne doit pas être pris pour un fragment osseux post-traumatique.

Le diagnostic différentiel est constitué par l’os odontoïdéum qui se présente sous la forme d’un os grossièrement arrondi à bord condensé, nettement séparé du corps de C2.

La nature congénitale ou acquise est controversée.

3- Fracture de l’arc postérieur de C2 :

Le trait de fracture peut intéresser la synchondrose neurocentrale, la région pédiculaire ou la lame.

La fracture est visible sur le cliché de profil, si elle porte sur la lame.

En revanche, s’il existe une disjonction à la synchondrose neurocentrale, elle ne se voit pratiquement que sur la TDM.

Le caractère bilatéral de la lésion la rend instable (Hangman’s fracture).

Le diagnostic radiologique repose sur la construction de la ligne cervicale postérieure de Swischuk.

Cette ligne est tracée sur un cliché de profil en position neutre des corticales antérieures des épineuses de C1 à C3.

Elle doit normalement être tangente à la corticale antérieure de l’apophyse épineuse de C2 ou passer à moins de 1 mm en avant de celle-ci.

En cas de fracture bilatérale de l’arc postérieur de C2, elle passe à 2 mm ou plus en avant de la corticale antérieure de l’apophyse épineuse de C2.

Ces fractures consolident toujours après immobilisation en minerve et le rachis reste stable.

Il est en revanche important de rechercher une dislocation associée C2-C3, car celle-ci provoque une instabilité immédiate et peut, en l’absence de traitement, évoluer vers une instabilité secondaire.

La dislocation C2-C3 correspond alors à un décollement épiphysaire des plaques de croissance des plateaux vertébraux.

La cicatrisation peut être obtenue par un traitement orthopédique sans instabilité rachidienne résiduelle.

Certaines lésions du pédicule de C2 peuvent se voir dans des contextes particuliers tels que les sévices d’enfants et les anomalies chromosomiques.

4- Fracture de l’atlas :

La fracture de l’atlas (fracture de Jefferson) est très rare chez l’enfant.

Elle est secondaire à une compression axiale du segment céphalique sur les masses latérales de l’atlas.

Le cliché bouche ouverte peut mettre en évidence un écartement des masses latérales par rapport à l’apophyse odontoïde.

Ce cliché est cependant de réalisation difficile chez le jeune enfant en cas de traumatisme récent.

De plus, l’ossification partielle ou les retards d’ossification de l’atlas peuvent parfois être confondus avec un trait de fracture.

La confirmation radiographique repose sur la TDM.

Elle met en évidence deux solutions de continuité dans l’atlas sur l’arc antérieur et/ou postérieur.

Ces fractures nécessitent une immobilisation par minerve pendant 6 semaines.

5- Luxation rotatoire C1-C2 :

Il s’agit d’une des causes les plus fréquentes du torticolis de l’enfant.

Le déplacement rotatoire peut survenir lors d’un traumatisme mineur d’amplitude quasiment normale, les accidents de sport sont les plus fréquents.

La plus grande laxité de l’appareil discoligamentaire de l’enfant ainsi que l’orientation horizontale des facettes articulaires font partie des facteurs évoqués pour expliquer ce type de déplacement.

Les lésions radiologiques sont bien décrites par Fielding.

Leur interprétation est souvent difficile car les patients sont bloqués en inclinaison latérale et en rotation rendant les clichés standards de lecture délicate.

De face, sur un cliché bouche ouverte, une des masses latérales apparaît plus large et proche de la ligne médiane, tandis que la masse latérale opposée paraît plus petite et plus éloignée de cette même ligne.

Une des facettes articulaires peut être cachée en raison d’un chevauchement.

Sur le cliché de profil, la masse latérale de l’atlas, en forme de coin, se projette en avant de son arc antérieur.

Les deux parties de l’arc postérieur ne se superposent pas et semblent fusionner au crâne.

L’apophyse épineuse de C2 peut être déviée de la ligne médiane du même côté que la mandibule, alors qu’elle est du côté opposé lors d’une rotation normale.

Sur les clichés dynamiques en flexion, il faut s’attacher à rechercher une majoration de la distance arc antérieur (apophyse odontoïde, normalement inférieure à 5 mm, qui témoigne dans le cas contraire d’une rupture du ligament transverse de l’atlas).

Le diagnostic d’entorse rotatoire doit être confirmé par une TDM.

Les clichés superposant C1 et C2 permettent de préciser le type de lésion et son degré d’instabilité.

Quatre types sont décrits par Fielding : le type 1 est un déplacement rotatoire simple, sans glissement antérieur de C1, le ligament transverse est intact, il s’agit de la forme la plus fréquente, elle est bénigne et ne nécessite qu’une simple surveillance ; le type 2 est un déplacement rotatoire pour lequel le ligament transverse de l’atlas est rompu, cette lésion est potentiellement dangereuse et instable ; il en est de même des types 3 et 4, beaucoup plus rares.

Dans toutes ces circonstances, l’instabilité est sévère et peut nécessiter une arthrodèse postérieure chirurgicale.

6- Luxation C2-C3 :

C’est une lésion à la limite du rachis cervical supérieur.

Elle est à différencier de la pseudoluxation de C2-C3, par laxité physiologique, bien visible sur les clichés de profil, que l’on peut constater jusqu’à l’âge de 7 à 8 ans.

En cas de pseudoluxation C2-C3, la méthode de Cattel et Filtzer permet d’apprécier le déplacement antéropostérieur de C2-C3 sur des clichés de profil strict en flexion et en extension.

Cette méthode permet de mesurer le déplacement de C2 par rapport à C3.

L’amplitude de déplacement doit rester inférieure à 4 mm.

E – Lésions du rachis cervical inférieur :

Les lésions du rachis au-delà de l’âge de 7-9 ans sont superposables à celles observées chez l’adulte et ne seront pas développées ici.

Chez le petit enfant, ces lésions sont rares.

Les fractures parcellaires (tear drop fracture) touchant l’angle supérieur ou l’angle antéro-inférieur peuvent présenter certains aspects particuliers.

De telles fractures diffèrent de celles de l’adulte dans la mesure où le trait se prolonge dans l’anneau cartilagineux, constituant de véritables séparations traumatiques entre le cartilage de croissance du corps vertébral et l’os spongieux.

Leur traduction radiologique peut se résumer à un élargissement de l’espace intervertébral.

Ces lésions sont souvent méconnues et instables.

Un bilan radiographique par IRM est alors indispensable.

En effet, seule l’IRM permet de savoir si une fracture cunéiforme s’associe à un trait de fracture passant dans le disque intervertébral pour constituer un véritable décollement apophysaire.

L’IRM permet d’autre part de visualiser des lésions ligamentaires postérieures, témoignant d’une instabilité antérieure et postérieure.

En cas de décollement épiphysaire, une immobilisation par traitement orthopédique peut être tentée par une minerve durant 8 semaines.

Si, en revanche, il existe une lésion discale, un traitement chirurgical de stabilisation par voie antérieure semble préférable.

Deux pièges diagnostiques doivent être reconnus au rachis cervical bas.

D’une part, l’aspect de tassement vertébral du fait de l’aspect cunéiforme antérieur normal observé jusqu’à l’âge de 10 ans particulièrement sur C3 ; d’autre part, les laxités segmentaires pouvant être vues à tous les étages cervicaux, et tout particulièrement à l’étage C2-C3, déjà citées dans le rachis cervical supérieur.

Traumatismes du rachis thoracolombaire :

A – Épidémiologie :

La fréquence relative des lésions traumatiques du rachis thoracique et lombaire par rapport à celles du rachis cervical est variable de 40 à 80 %° selon les séries.

La cause la plus fréquente est représentée par les accidents de la voie publique, que la victime soit passagère d’un véhicule ou piéton.

D’autres causes sont retrouvées telles que les chutes de plusieurs étages, les accidents de sport et les sévices à enfants.

L’incidence des complications neurologiques est d’environ 20 %.

Une autre lésion associée est retrouvée dans la moitié des cas.

B – Manifestations cliniques :

Dès lors qu’un traumatisme est sévère, qu’il existe une lésion abdominale thoracique ou osseuse évidente, une lésion rachidienne doit être évoquée systématiquement.

L’histoire du traumatisme permet de déterminer le mécanisme de la lésion.

L’examen du dos recherche des zones douloureuses, un crépitement des épineuses.

L’examen neurologique est extrêmement important et répété à intervalles réguliers.

Cet examen est difficile chez le petit enfant, la recherche de troubles sphinctériens doit être systématique.

Qu’il s’agisse de signes cliniques d’appel ou d’un contexte de polytraumatisme, un bilan radiographique standard est systématiquement demandé.

Ce bilan peut être complété par une TDM ou une IRM, en fonction du type de lésion évoquée.

C – Différents types de lésions rencontrées :

1- Fractures-tassements corporéaux :

Ils résultent d’un traumatisme en flexion entraînant une diminution de hauteur de la partie antérieure et/ou latérale du ou des corps vertébraux atteints.

Selon l’importance du traumatisme, le tassement concerne des éléments variables de l’ensemble discovertébral.

Les tassements mineurs sont les cas les plus fréquents, plusieurs étages vertébraux sont généralement concernés.

Ces tassements intéressent le noyau d’ossification corporéal central, laissant intacts les cartilages de croissance et les disques ; le pronostic de ces lésions est donc favorable tant sur la stabilité que sur la croissance ultérieure.

En effet, l’évolution se fait généralement vers une récupération relative de la hauteur vertébrale et un redressement spontané de la déviation en cyphose ou en inflexion latérale.

Le tassement peut intéresser le cartilage de croissance de la vertèbre.

Cette alternative est beaucoup plus rare et expose alors, à moyen terme, au risque de cyphose évolutive.

Un examen IRM nous paraît indispensable dans ce type de lésion permettant de différencier deux situations :

– l’IRM met en évidence l’intégrité du disque et des structures ligamentaires postérieures.

Le pronostic est bon, même en cas de cyphose marquée, et ceci d’autant que l’enfant a encore un potentiel de croissance important.

On peut espérer une récupération de la hauteur vertébrale et une correction des déviations angulaires aidées par un traitement par corset ;

– l’IRM montre une lésion discale et/ou une lésion ligamentaire postérieure.

La cyphose angulaire est potentiellement évolutive et doit être traitée par un corset à long terme avec parfois une indication d’arthrodèse postérieure secondaire.

Cette éventualité est cependant beaucoup plus rare.

Il faut cependant garder à l’esprit qu’un tel tassement vertébral chez l’enfant peut être révélateur d’une affection générale ou locale (granulome éosinophile, leucémie, tumeur d’Ewing, kyste anévrismal).

2- Fractures comminutives (« Burst’s fracture ») :

La séparation avec le groupe précédent est pratique mais ne correspond pas toujours à la réalité.

La réalisation de TDM dans certains tassements montre souvent une fracture du mur postérieur inaperçue sur les clichés standards.

Elles résultent d’un traumatisme en compression et associent une lésion complexe du corps vertébral avec rétropulsion d’un fragment osseux dans le canal rachidien et risque de lésion médullaire.

Ce sont des fractures instables, leur bilan lésionnel impose une TDM et une IRM.

Leur prise en charge n’est pas différente de celle de l’adulte, elle justifie une réduction et une fixation par une double voie antérieure et postérieure.

3- Fractures-luxations :

Ce sont des lésions instables, très souvent responsables de lésions médullaires dont le diagnostic et le traitement sont identiques à celui de l’adulte.

4- Lésions rachidiennes secondaires au port de la ceinture de sécurité :

Lors d’une décélération brutale, le port de la ceinture de sécurité peut entraîner des lésions du rachis lombaire, de L2 à L4 secondaires à un mécanisme de pivot.

Ces fractures concernent le corps vertébral (Chance’s fracture) ou des éléments discocartilagineux (pseudo-Chance’s fracture) et s’étendent vers les structures ostéoligamentaires de l’arc postérieur.

Chez l’enfant, de telles fractures antérieures portent de façon prédominante sur le plateau cartilagineux.

Le diagnostic d’une telle fracture peut être retardé par l’importance des lésions intra-abdominales associées (lésions mésentériques, duodénopancréatiques, etc).

Il faut savoir la rechercher sur des clichés simples et sur l’examen TDM abdominal.

L’écartement des apophyses épineuses sur les clichés standards et le signe des « facettes articulaires nues » sur la TDM est très évocateur de ce type de lésion.

Ce dernier signe correspond à la luxation bilatérale des facettes articulaires postérieures, secondaire au mécanisme de pivot.

Comme chez l’adulte, ces fractures justifient d’un traitement chirurgical de réduction et de stabilisation.

5- Fracture-arrachement de listel marginal (« Rim’s fracture ») :

Il s’agit d’une fracture parcellaire du plateau vertébral cartilagineux de l’enfant ou partiellement ossifié lorsque apparaît le listel vertébral.

Ce type de lésion peut se voir jusqu’à l’âge de 25 ans, âge auquel le listel fusionne avec le reste du corps vertébral.

Plusieurs types de ces lésions ont été décrits par Takata, allant de l’avulsion isolée cartilagineuse sans lésion osseuse associée, jusqu’à la lésion de la totalité du mur vertébral postérieur.

Ce type de fracture doit être connu afin de ne pas les confondre avec une hernie discale traumatique en cas de fragment de petite taille, ceci d’autant que la symptomatologie clinique peut être essentiellement radiculaire, sous forme de sciatique ou de cruralgie.

La TDM et l’IRM permettent de redresser le diagnostic.

Le traitement de ces lésions est éminemment chirurgical, consistant à retirer le fragment osseux détaché.

6- Fracture-séparation de la synchondrose neurocentrale :

Il s’agit d’une lésion propre à l’enfant jeune, avant la transformation définitive des cartilages de croissance entre le corps vertébral et l’arc postérieur.

Le diagnostic radiologique de cette fracture est difficile sur les clichés simples, si elle ne s’accompagne pas d’un déplacement corporéal antérieur ou antérolatéral.

La TDM permet une évaluation précise de la lésion.

7- Lésions secondaires à des microtraumatismes répétés :

Des microtraumatismes répétés chez l’enfant sportif peuvent être responsables de spondylolyse avec ou sans spondylolisthésis à l’étage L5 ou L4 par fracture de fatigue isthmique.

En phase initiale, leur diagnostic radiologique est difficile car la lésion est peu visible sur les clichés simples.

La scintigraphie peut, en revanche, objectiver le problème sous forme d’une hyperfixation unilatérale.

Le diagnostic peut parfois se poser avec un ostéome ostéoïde ou une anomalie constitutionnelle controlatérale.

La TDM permet de les différencier.

L’évolution se fait généralement vers la réparation spontanée de l’isthme rompu ou la rupture isthmique bilatérale.

Dans les deux cas, la symptomatologie douloureuse s’amende à partir de cette période.

Il est rare, dans notre expérience, que la persistance d’un syndrome douloureux malgré un traitement orthopédique bien conduit, puisse faire indiquer un traitement chirurgical de reconstruction isthmique ou d’arthrodèse L4-S1.

Lésions neurologiques associées :

A – Différents types de lésions rencontrées :

Tout traumatisme du rachis chez l’enfant associé à des signes neurologiques implique une IRM effectuée en urgence.

Cet examen permet de distinguer trois types de lésions :

– les contusions hémorragiques ;

– les lésions oedémateuses et ischémiques ;

– les sections médullaires.

En cas de déplacement de fragments osseux dans le canal rachidien, l’IRM ou le myéloscanner recherchent brèche durale et avulsion radiculaire.

B – Aspects particuliers rencontrés chez l’enfant :

1- Hématome épidural ou sous-dural :

Particulièrement fréquents chez l’enfant battu ou lors de traumatisme obstétrical, ils sont secondaires à une déchirure de la dure-mère et des méninges.

Bien que rares, ces lésions doivent être connues en raison de leurs possibilités thérapeutiques neurochirurgicales.

2- Lésions médullaires sans lésion radiologique osseuse visible (Sciwora) :

L’incidence de ces lésions est une des caractéristiques de l’enfant et notamment de l’enfant jeune.

Elles représentent, en fonction des séries, de 4 à 66 % des enfants présentant des lésions médullaires.

Le niveau concerné est le plus souvent cervicothoracique.

Lorsque les lésions neurologiques sont partielles, le pronostic est relativement bon.

Lorsque les lésions médullaires sont complètes, le pronostic est extrêmement péjoratif.

L’utilisation d’IRM systématiques devant tout déficit neurologique a permis de déceler certaines anomalies cartilagineuses ou discoligamentaires associées.

Cependant, dans certains cas, la lésion médullaire reste le seul signe objectivé.

La pathogénie serait due à l’absence d’élasticité proportionnelle du rachis et de la moelle épinière, la moelle étant moins flexible que le rachis chez le jeune enfant.

Plusieurs mécanismes ont été proposés pour expliquer les atteintes médullaires sans lésion osseuse radiologique, telles que traction longitudinale directe sur la moelle, compression médullaire par une lésion ligamentaire discale ou cartilagineuse, atteinte médullaire indirecte par transmission de force externe et d’énergie à la moelle (concussion), atteinte ischémique secondaire ou vasospasme.

Dans près de la moitié des cas, le déficit neurologique est marqué par un déficit transitoire puis, après un intervalle libre, pour aller jusqu’à 4 jours l’installation d’un déficit neurologique complet.

Ces lésions justifient d’une immobilisation prolongée pendant plusieurs semaines.

Il n’y a cependant aucune indication de laminectomie sauf en cas de lésion compressive identifiée.

Lésions survenant dans un contexte particulier :

A – Sévices à enfants :

Certaines lésions sont caractéristiques de ce type de traumatisme :

– l’hématome épidural ou sous-dural cervical isolé ;

– l’arrachement d’une apophyse épineuse ;

– la fracture des synchondroses neurocentrales ;

– la fracture-enfoncement d’un plateau vertébral avec réduction de l’espace intervertébral.

B – Traumatismes obstétricaux :

Il s’agit généralement de lésions cervicales basses et thoraciques hautes.

Lors de présentation céphalique, il s’agit plutôt de lésions cervicales hautes secondaires à un mécanisme de rotation.

Les lésions médullaires ou radiculaires sont alors fréquentes par avulsion.

Lors de présentation transversale, il peut s’agir de lésions thoraciques au cours desquelles les sections médullaires sont fréquentes.

Le pronostic est alors péjoratif, associant à la paraplégie des troubles majeurs du développement du thorax.

Ce diagnostic peut passer inaperçu pendant la période néonatale.

C – Traumatismes survenant sur anomalies préexistantes :

Il s’agit généralement d’anomalies du rachis cervical avec un risque important d’atteinte médullaire par hyperlaxité.

C’est le cas de la trisomie 21 avec risque de luxation atloïdoaxoïdienne, l’achondroplasie ou les mucopolysaccharidoses avec risque de compression bulbomédullaire.

Les malformations congénitales à type de blocs vertébraux partiels peuvent, elles aussi, poser des problèmes diagnostiques et médicolégaux.

Séquelles :

On peut distinguer, avec Penneçot, trois ordres de séquelles.

A – Conséquences de l’instabilité :

Il faut distinguer :

– les instabilités précoces : elles peuvent être liées à une lésion ligamentaire postérieure passée initialement inaperçue, provoquant une cyphose progressive.

Il peut s’agir d’une instabilité osseuse telle qu’une fracture de l’odontoïde instable méconnue.

L’instabilité précoce peut être aussi postchirurgicale.

C’est le cas des laminectomies isolées, telles qu’elles ont pu être effectuées par le passé à visée de traitement des lésions neurologiques et qui ne s’accompagnaient alors pas de fixation chirurgicale ;

– les instabilités tardives : elles sont généralement en rapport avec une perturbation de la croissance vertébrale résiduelle.

Il s’agit d’une éventualité rare survenant essentiellement dans les fractures-luxations du rachis cervical ou les fractures de Chance du rachis lombaire.

L’atteinte d’un potentiel de croissance résiduel antérieur provoque une évolution en cyphose.

B – Conséquences de l’acte chirurgical :

Mis à part les laminectomies isolées qui ne sont pratiquement plus pratiquées, il s’agit des abords chirurgicaux trop extensifs par voie postérieure qui vont, en raison d’un dépériostage excessif, provoquer des arthrodèses beaucoup plus étendues, tout particulièrement chez le petit enfant.

Il existe d’autre part un risque de déstabilisation au-dessus et au-dessous d’une arthrodèse.

Celle-ci survient soit parce que l’abord est plus étendu que l’arthrodèse et que les segments laissés mobiles se déstabilisent rapidement, soit plus probablement parce qu’il s’agit de lésions étagées du rachis et que le niveau de l’arthrodèse a été mal calculé.

Ceci impose un examen IRM très prudent avant tout geste chirurgical afin de déterminer les étages lésés et les niveaux d’arthrodèse à effectuer.

C – Conséquences de la lésion neurologique :

Elles sont peu différentes de celles de l’adulte si ce n’est un risque potentiel plus important de voir se développer une scoliose neurologique souslésionnelle, notamment au moment de la poussée pubertaire.

Bien que rares, les traumatismes du rachis de l’enfant imposent une démarche diagnostique très soigneuse.

Il est important de connaître la sémiologie radiologique et ses pièges aux différentes périodes de la croissance de l’enfant.

Dans la grande majorité des cas, des clichés standards doivent suffire à faire un diagnostic.

En cas de doute, l’IRM est certainement un excellent examen permettant de rechercher des lésions discoligamentaires ou des lésions étagées.

L’IRM et la TDM sont systématiquement indiquées devant toute lésion neurologique ou osseuse.

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