Thérapie génique des glioblastomes

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Introduction :

Le pronostic des glioblastomes reste très péjoratif, en dépit des progrès de la chimiothérapie, de la radiothérapie et de la chirurgie s’associant dans des approches multimodales de moins en moins iatrogènes.

Thérapie génique des glioblastomesCet état des lieux a suscité de nombreuses recherches visant à mettre en évidence les anomalies moléculaires et cellulaires intervenant dans l’oncogenèse gliale afin d’en faire une ou des cibles pour des thérapeutiques nouvelles.

Les 10 dernières années ont permis de mettre en évidence des voies préférentiellement dérégulées dans ces tumeurs, faisant intervenir un excès de prolifération, de vascularisation tumorale (angiogenèse) et au contraire, une neutralisation des mécanismes de mort cellulaire, de différenciation et d’immunogénicité tumorale.

Nous arrivons maintenant au moment où, la description faite de ces anomalies, se présente l’opportunité de les corriger directement au niveau le plus fondamental qui est celui du gène, par l’intermédiaire de la thérapie génique.

Il ne s’agit pas de perspectives futuristes au sens où déjà des protocoles thérapeutiques sont en cours chez les patients.

Les glioblastomes ont constitué une pathologie pionnière pour la thérapie génique, les premiers essais de thérapie génique intratumorale ayant concerné cette affection.

Principes de la thérapie génique :

La thérapie génique consiste à influer au niveau du gène afin d’en modifier l’expression dans un but thérapeutique, ceci en utilisant les éléments moléculaires qui constituent les gènes.

L’information génétique est portée par la séquence des nucléotides de l’acide désoxyribonucléique (ADN).

Chaque molécule d’ADN contient deux brins ribonucléotidiques complémentaires appariés par les liaisons hydrogènes des paires de bases G-C et A-T.

L’expression de cette information génique passe par la transcription de l’ADN en un brin complémentaire d’acide ribonucléique messager (ARNm) qui est ensuite traduit en protéine.

À ce niveau, grâce à la catalyse ribosomale et grâce aux ARN de transfert, la séquence de l’ARNm est lue d’un bout à l’autre par groupe de trois nucléotides, selon un code génétique universel qui permet de passer d’une séquence nucléotidique à une séquence d’acides aminés constitutifs d’une protéine biologiquement active.

Un gène est défini comme une unité codante qui induit la synthèse d’une protéine particulière et porteuse d’une fonction spécifique.

Le but de la thérapie génique est donc d’influer, aux différents niveaux précédant la traduction du matériel génétique en protéine.

On peut neutraliser la transcription par des ARN antisens, ou au contraire introduire des séquences codantes.

Ces séquences codantes viennent remplacer un gène déficitaire ou altéré, ou simplement interagir de façon non spécifique mais thérapeutique avec un processus pathogène particulier.

Ce n’est plus, comme en pharmacologie classique, la substance biologiquement active qui est introduite, mais l’« ADN médicament », responsable de la synthèse de ce produit.

Cette production peut être systémique ou au contraire localisée de façon spécifique.

Elle peut même être régulée de façon quasi physiologique, en utilisant des promoteurs régulés par des hormones ou des antibiotiques, ce qui en définit le niveau d’expression physiologiquement nécessaire au niveau de l’organisme.

Des promoteurs activés par la radiothérapie ont aussi récemment été utilisés.

Les gènes peuvent être introduits ex vivo dans des cellules prélevées auparavant chez les patients ou, au contraire, directement in vivo au sein du tissu pathologique à traiter.

Les difficultés, l’efficacité et la sécurité de l’abord ex vivo, sont bien supérieurs à celui réalisé in vivo à la limite près qu’il faut, dans ce cas, disposer des cellules en culture.

Différents vecteurs pour le transfert de gène :

Le but du transfert de gène est d’introduire dans la cellule une séquence génétique codant pour le produit protéique thérapeutique correspondant.

Le transfert peut s’effectuer directement au sein de l’ADN chromosomique ou rester en dehors du chromosome en position dite épisomale.

Selon les techniques utilisées, le transfert est stable ou au contraire transitoire.

Les vecteurs assurant un transfert en position épisomale permettent en général une expression transitoire.

Le gène est introduit sous forme de séquences codantes.

À côté de celles-ci, on introduit aussi des éléments génétiques qui sont nécessaires à la production du gène avant son utilisation thérapeutique, le plus souvent par amplification dans une bactérie.

Afin de sélectionner et d’amplifier les séquences choisies, il est souvent nécessaire d’utiliser des marqueurs de sélection bactériens et/ou eucaryotes qui sont souvent des gènes de résistance pour les antibiotiques.

Ces éléments sont potentiellement responsables de réactions inflammatoires, et devront dans l’avenir être simplifiés. Les promoteurs ont aussi une importance majeure, puisqu’ils vont intervenir dans le niveau d’expression du gène en apportant une certaine spécificité pour le tissu et le type cellulaire ciblé.

Le promoteur de la protéine fibrillaire gliale acide, par exemple, spécifique des astrocytes, apporte ainsi une spécificité pour ces cellules.

Différentes modalités de transfert de gène sont possibles, en particulier des méthodologies virales, chimiques ou physiques.

A – ADN « NU » :

L’ADN peut être simplement introduit en l’absence de vecteur directement dans les tissus ciblés.

Cette méthode est souvent très peu efficace, sauf pour des tissus particuliers comme les cellules musculaires striées.

Dans ces tissus, une expression prolongée des transgènes a pu être obtenue pendant plusieurs mois, assurant la production de la protéine thérapeutique dans la circulation générale de façon prolongée.

B – MÉTHODES PHYSIQUES DE TRANSFERT DE GÈNE :

Il s’agit des premières méthodes de transfert de gène parmi lesquelles les principales sont l’électroporation ou la précipitation au phosphate de calcium.

Ces procédés sont les moins efficaces et sont principalement utilisables ex vivo.

On cite aussi le pistolet à gène réalisé initialement pour la transfection des plantes et qui utilise une propulsion hyperbare de billes d’or enduites d’ADN.

Ce dispositif a été aussi utilisé pour la transfection in vivo intrahépatique, mais n’a pas encore été testé pour la transfection intracérébrale.

Des données récentes ont montré l’intérêt de l’électroporation intratumorale pour le transfert de gène in vivo.

C – VECTEURS VIRAUX :

L’infection virale est la première modalité de transfert de gène qui nous est enseignée par la pathologie.

Ces méthodologies sont parmi les plus efficaces in vitro. In vivo, cette efficacité est nettement diminuée du fait des dispositifs qui ont été imaginés pour éviter l’infectiosité de ces vecteurs.

1- Vecteurs rétroviraux :

Ils permettent une transfection stable, chromosomique, avec une efficacité importante pouvant atteindre 100 % des cellules ciblées in vitro.

Les limitations sont la nécessité d’une réplication du matériel génique, ce qui impose de transfecter des cellules en division.

Pour utiliser ces vecteurs in vivo, il a fallu imaginer le dispositif des lignées d’encapsidation permettant de ne pas introduire de rétrovirus infectieux dits répliquants.

Il s’agit le plus souvent de fibroblastes immortalisés murins 3T3 dans lesquels le provirus Maloney dépourvu de séquence d’encapsidation est introduit.

Ce virus est donc capable de diriger l’ensemble des constituants du virus sans encapsidation efficace, donc sans infectiosité.

Si on introduit un vecteur comprenant des séquences d’encapsidation, il va pouvoir être encapsidé dans la particule produite par le premier virus par transcomplémentation.

Un rétrovirus recombinant est donc produit, qui ne contient pas de virus dit helper répliquant.

Le virus recombinant ainsi produit est capable d’infecter une cellule et d’y intégrer son génome, sans propagation infectieuse réplicative.

La spécificité du ciblage pour les cellules en division est un autre avantage, en particulier quand il s’agit de transfecter une tumeur dans un environnement classiquement non proliférant comme le cerveau.

Cependant, ce ciblage a l’inconvénient de ne pas cibler les cellules quiescentes qui sont souvent responsables de la récidive tumorale.

Les autres difficultés résident dans l’immunogénicité de cellules de rat introduites dans un cerveau humain, ainsi que dans le risque plus ou moins théorique de recombinaison entre des rétrovirus helpers endogènes et le rétrovirus recombinant capable de générer un rétrovirus pathogène se propageant.

L’insertion chromosomique du gène risque enfin d’entraîner des phénomènes de mutagenèse ou d’amplification de proto-oncogènes qui pourraient être potentiellement tumorigènes.

Ces effets secondaires n’ont cependant été rapportés que de façon exceptionnelle.

En raison de leur efficacité transfectionnelle in vitro et aussi probablement de leur initialité, les vecteurs rétroviraux demeurent la première méthode utilisée dans les protocoles thérapeutiques chez l’homme.

2- Adénovirus :

Ils permettent un transfert de gène sans nécessiter, au contraire des rétrovirus, une multiplication des cellules-cibles.

Les adénovirus ont une expression épisomale donc transitoire et non intégrée au niveau chromosomique.

Des adénovirus recombinants ont pu être obtenus qui ne sont plus répliquants, donc utilisables in vivo. Ils peuvent être produits à un haut titre et acceptent l’insertion d’un ADN étranger de 7,5 kb, au plus.

Ce facteur est limitant, puisqu’il empêche d’introduire des gènes importants comme celui de la dystrophine.

Un des problèmes majeurs de l’utilisation des adénovirus est leur imunogénicité qui en limite l’expression dans le temps, tout en entraînant des phénomènes inflammatoires.

Pour éviter ces phénomènes immunologiques, des équipes essayent de mettre au point des adénovirus délétés dans les éléments moléculaires responsables de l’immunogénicité du virus.

Malgré ces difficultés et ces dangers potentiels, les adénovirus motivent déjà de nombreux protocoles cliniques.

3- Herpès virus :

Les virus dérivés de l’Herpès simplex de type 1 ont été utilisés comme vecteurs, en particulier du fait de leur neurotropisme.

Leur expression ne nécessite pas la multiplication cellulaire et reste essentiellement épisomale.

Des gènes de grande taille peuvent être introduits, pouvant atteindre 20 à 30 kb.

Il s’agit d’un vecteur très efficace pour cibler les cellules neuronales, mais aussi les cellules tumorales comme celles constituant les gliomes.

Le problème essentiel est l’extinction tardive de l’expression du transgène, et la cytotoxicité du vecteur.

4- Autres vecteurs viraux :

D’autres virus sont actuellement à l’étude.

Parmi ceux-ci, le plus prometteur est probablement l’adeno-associated virus (AAV) et des vecteurs issus du virus de l’immunodéficience humaine (VIH).

D – VECTEURS SYNTHÉTIQUES :

Ils sont, au contraire des vecteurs viraux, des vecteurs inertes donc dépourvus de risques infectieux.

Ils ont ainsi l’avantage d’être utilisables en milieu non protégé, ce qui diminue considérablement le coût des installations hospitalières nécessaires à leur utilisation.

Leur coût de production est aussi infiniment plus réduit.

La plupart sont non ou peu toxiques et non immunogènes, en particulier du fait d’une biodégradabilité physiologique après leur entrée dans la cellule.

Ils permettent enfin l’introduction de construction génique de grande taille, permettant par exemple d’associer plusieurs gènes sous la dépendance de plusieurs promoteurs afin de réaliser une véritable polythérapie génique.

Parmi ceux-ci, nous citons la polylysine qui est une polycation capable de former des complexes stables avec l’ADN.

Elle peut être facilement couplée à des agents qui vont apporter une spécificité au ciblage.

Les lipides, les lipopolyamines réalisent une autre alternative. Le terme de « liposomes » est souvent employé pour ces vecteurs, en fait à tort car il ne s’agit pas des liposomes classiques de première génération constitués de bicouches lipidiques.

Les mécanismes d’action de ces vecteurs sont le compactage de l’ADN et son enrobage dans un environnement qui favorise la pénétration dans la cellule.

En effet, l’ADN est en fait une très longue molécule qui pénétrerait difficilement la cellule.

De même, il est chargé négativement, ce qui l’empêche de pénétrer la cellule dont les phospholipides sont de même charge.

Ces lipides cationiques permettent au contraire son enrobage dans un environnement cationique et lipidique qui favorise le passage transmembranaire.

L’équipe de JP Behr, à Strasbourg, a mis au point une stratégie très originale consistant à coupler ces vecteurs à des polyamines, ce qui permet de cibler encore mieux le noyau dont les constituants ont une forte affinité pour les polyamines.

Plus récemment encore, ce groupe a développé un nouveau vecteur, le polyéthylène-inine (PEI), véritable éponge à protons dont les propriétés sont essentiellement de neutraliser l’acidité du compartiment lysosomiale après l’entrée du vecteur dans la cellule.

Les lipides cationiques ont longtemps souffert du préjugé d’efficacité des virus.

Ces arguments indiscutables in vitro sont loin d’être confirmés in vivo.

De nombreux travaux expérimentaux en ont montré l’intérêt thérapeutique in vivo.

Ces vecteurs ont été utilisés avec succès pour la transfection intracérébrale dans le cerveau normal ou tumoral.

Les premiers résultats du groupe pionnier de Nabel montrent déjà leur efficacité thérapeutique chez l’homme dans le cadre des mélanomes.

Parmi ces vecteurs, nous citons aussi la lipofectine, le DOTAPt, le transfectam, et le DC-cholt utilisé par le groupe de Nabel.

E – VIRUS SYNTHÉTIQUES :

Les vecteurs hybrides réalisent des vecteurs synthétiques associés aux éléments moléculaires qui expliquent l’efficacité des vecteurs viraux.

Des vecteurs ont ainsi été obtenus, qui associent la polylysine à la protéine de fusion des adénovirus.

Ces vecteurs restent cependant à tester in vivo.

Différentes stratégies géniques pour la thérapie génique des gliomes :

Ces stratégies reposent sur les mécanismes physiopathologiques mis en évidence dans l’oncogenèse gliale.

A – MODULER L’IMMUNOGÉNICITÉ :

Un des éléments clés de l’oncogenèse gliale est probablement la perte ou l’absence d’imunogénicité des cellules gliales transformées.

L’introduction des gènes des cytokines activatrices de la réponse immunitaire a été réalisée avec succès.

L’avantage est d’entraîner une forte production locale de ces cytokines dont on sait la forte toxicité systémique. Un protocole est en cours, qui consiste à injecter dans la tumeur des cellules endothéliales productrices d’interleukine 2.

Le but est d’utiliser ces cellules comme un vecteur qui migre dans les zones stratégiques de la tumeur que sont les zones d’angiogenèse, pour y sécréter des quantités massives et continues d’interleukine 2.

Une autre stratégie est d’introduire des gènes étrangers qui vont stimuler la réponse immunitaire.

Le gène B7 a ainsi été introduit dans les cellules tumorales dans différents modèles expérimentaux et testés chez l’homme dans le cadre des mélanomes.

Les premiers résultats semblent très prometteurs.

La fréquence et la croissance des métastases cérébrales de mélanome en font probablement une stratégie à retenir en neuro-oncologie.

Moduler l’immunogénicité, c’est aussi envisager l’utilisation de vaccin antitumoraux.

Cette voie a été utilisée, au début par hasard, par la neutralisation de la voie du récepteur à l’insulin-like growth factor (IGF) à l’aide de l’ADN cyclique (ADNc) codant pour un antisens de l’IGF-1.

La prolifération des cellules du gliome murin chimio-induit C6 est stimulée par la boucle autocrine et/ou paracrine de l’IGF. La stratégie initiale du groupe de Ilian était de neutraliser cette boucle autocrine par un anti-sens de l’IGF-1.

In vitro, cette stratégie est efficace en entraînant la neutralisation de la boucle de l’IGF-1 et donc un ralentissement significatif de la cinétique tumorale.

La même stratégie a été effectuée in vivo, où les auteurs ont observé, en plus de l’effet antiprolifératif observé in vitro, un important infiltrat inflammatoire, comme si la neutralisation de l’IGF augmentait l’immunogénicité de la tumeur C6.

D’où l’idée d’une stratégie vaccinale consistant à introduire en sous-cutané la tumeur C6 transfectée avec l’anti-sens de l’IGF-1 chez un rat déjà porteur d’une tumeur C6 non manipulée.

On observe alors un puissant rejet immunitaire de la tumeur non transfectée au niveau cérébral. Un protocole humain est actuellement en cours, qui consiste à prélever les cellules tumorales chez le patient, à les transfecter in vitro avec le même antisens, puis, après irradiation, à les introduire chez le patient par voie sous-cutanée.

Une augmentation de l’immunogénicité tumorale a aussi pu être obtenue avec des cellules tumorales transfectées ex vivo comme précédemment avec le gène de diverses cytokines comme le granulocyte macrophage colony stimulating factor (GM-CSF), les interleukines 2, 4 et 10 ou le transforming growth factor (TGF)-b, ce qui motive déjà des protocoles thérapeutiques humains.

B – UTILISATION DU GÈNE DE LA P53, APOPTOSE ET ANTIONCOGÈNES :

Moduler l’expression d’un oncogène ou d’un gène suppresseur de tumeur en particulier ne fournit souvent qu’une solution particulière non applicable à l’ensemble des patients.

La place de la p53 est un peu particulière au sens où ce gène joue un rôle pivot dans les dispositifs de protection du cancer qui dépasse largement celui d’un simple gène suppresseur de tumeur.

La p53 s’oppose en effet à la prolifération cellulaire comme les autres gènes suppresseurs de tumeur, mais elle protège aussi des dommages de l’ADN, et en cas d’échec des mécanismes protecteurs, elle induit la mort de la cellule afin d’éviter l’expansion d’un clone tumoral.

Les travaux de Sidransky ont montré que la progression tumorale des gliomes chez l’homme se caractérisait par l’expansion d’un clone tumoral déficient en p53.

Ce clone donnerait ensuite des cellules tumorales très polymorphes du fait de l’expansion de clones cellulaires secondaires mutant plus facilement en l’absence de la p53.

La p53 se présente donc comme un candidat intéressant parmi les gènes utilisables pour la thérapie génique des cancers.

Quelques travaux expérimentaux ont montré l’efficacité de cette approche dans des gliomes chez l’animal et des protocoles sont en cours chez l’homme.

Parmi les autres gènes proapoptotiques, Fas, Bax sont d’autres candidats efficaces dans les modèles animaux.

La toxicité de ces gènes sur les tissus normaux restera probablement une limitation.

C – INHIBER L’ANGIOGENÈSE :

Le développement tumoral d’une tumeur maligne devient possible au-delà d’un certain volume grâce à la mise en place d’une vascularisation augmentée qui fait intervenir l’angiogenèse.

La prolifération des cellules endothéliales et leur migration indispensable à la mise en place de néovaisseaux et régulée par des molécules activatrices, proangiogéniques, et par des molécules inhibitrices dites antiangiogéniques.

Parmi les premières, nous citons le vascular endothelium growth factor (VEGF), le fibroblast growth factor (FGF)-2 par exemple, alors que les suivantes comportent l’angiostatine, l’endostatine ou la thrombospondine.

De façon logique, l’inhibition de la voie du VEGF inhibe la progression tumorale comme la transfection du gène de l’endostatine.

De façon très intéressante, la neutralisation de l’angiogenèse qui cible les cellules endothéliales non tumorales ne met pas en jeu, quand elle est répétée, de mécanisme de résistance comme les autres thérapeutiques.

On a pu récemment démontrer que la transfection intramusculaire de l’ADN de l’endostatine permettait de sécréter une quantité suffisante de cette protéine antiangiogénique dans la circulation pour permettre un effet thérapeutique sur des tumeurs expérimentales.

D – GÈNES SUICIDES :

L’intérêt des gènes suicides est de pallier l’absence d’anomalie moléculaire universelle pour les gliomes.

Ces gènes codent pour des enzymes, modifiant des prodrogues inoffensives en des drogues hautement toxiques au niveau des cellules tumorales.

Deux stratégies principales ont été testées, qui utilisent les gènes de la thymine kinase herpétique et de l’adénosine désaminase.

Le premier transforme le ganciclovir en ganciclovir triphosphorylé, hautement toxique pour les cellules tumorales.

Le second transforme la fluorocytosine en 5-FU qui est une drogue cytotoxique classiquement utilisée en chimiothérapie.

Nous ne détaillons que l’utilisation de la première stratégie qui fait déjà l’objet de protocoles cliniques.

Les travaux de Moolten ont montré qu’une cellule exprimant le gène de la thymidine kinase herpétique transformait le ganciclovir en un produit phosphorylé qui, en s’intercalant dans l’ADN, interrompait sa synthèse.

La cellule devient ainsi au moins 1 000 plus sensible au ganciclovir.

Deux phénomènes participent à l’effet antitumoral observé in vitro comme in vivo.

Le premier est dû à la cytotoxicité directe du ganciclovir phosphorylé produit dans les cellules exprimant le gène TK.

Cependant, il suffit de transfecter 10 % des cellules tumorales pour avoir un effet antitumoral sur l’ensemble des cellules tumorales.

Un phénomène de toxicité de voisinage est donc responsable de la mort de la plupart des cellules tumorales.

Plusieurs mécanismes ont été proposés dont la diffusion des métabolites phosphorylés du ganciclovir par l’intermédiaire des jonctions intercellulaires, l’intervention de phénomènes d’immunité antitumorale, ou la lyse de la néoangiogenèse tumorale.

La mort cellulaire observée serait de type apoptotique.

La diffusion des vésicules apoptotiques serait un autre facteur intervenant dans l’effet de voisinage.

Cette stratégie a donc été utilisée dans la thérapeutique de modèles expérimentaux de gliomes et a motivé les premiers essais de thérapie génique intratumorale in vivo chez l’homme.

E – VIRUS ONCOLYTIQUES :

Des virus ayant un tropisme spécifique pour les cellules tumorales et doués à ce niveau de propriétés lytiques ont été découverts, en particulier un mutant de l’adénovirus classique porteur du gène de la p53 ou des herpèsvirus cytolitiques.

Pour les deux, des essais cliniques sont en cours.

Passage au lit du malade : essais cliniques

A – USAGE COMPASSIONNEL :

L’émergence de la médecine moléculaire, dont la thérapie génique est un des représentants, impose des modifications majeures de notre pratique médicale quotidienne.

La première difficulté est de savoir quand passer des approches précliniques réalisées au laboratoire aux applications humaines.

La thérapie génique des tumeurs cérébrales a été motivée, après un débat assez vif, par les justifications de l’« usage compassionnel ».

À côté de ce débat éthique, émerge aussi l’importance des connexions entre les laboratoires de recherche et les cliniciens qui connaissent la pathologie, afin de discuter les modèles et de remettre en cause des résultats thérapeutiques précliniques sans réelle portée thérapeutique humaine.

B – IMPLICATIONS LOGISTIQUES :

Selon les approches envisagées, plus particulièrement virales ou non virales, les implications techniques sont fondamentalement différentes.

Il faut au minimum implanter l’équipement permettant de réaliser l’implantation stéréotaxique d’ADN médicament, véhiculé par des vecteurs synthétiques.

Dans ce cas, il suffit d’implanter une hotte à flux laminaire qui permet d’effectuer une préparation des produits dans des conditions de stérilité parfaite, ainsi que le petit matériel nécessaire à son utilisation.

Pour les stratégies virales, il faut, selon les cas, dans l’attente d’une réelle définition des risques viraux, disposer d’environnements confinés dont la lourdeur est bien supérieure.

C – PREMIERS ESSAIS ET PREMIERS RÉSULTATS :

La stratégie des gènes suicides a été la première approche consistant essentiellement dans l’introduction du gène de la thymidine herpétique à l’aide de vecteurs rétroviraux.

L’introduction des gènes thérapeutiques se fait donc par l’intermédiaire de lignées murines d’encapsidation, qui ont été introduites soit par injection intratumorale stéréotaxique, soit par injection au niveau des berges d’exérèse en peropératoire.

Il s’agissait d’essais de phase I qu’il est difficile de discuter en termes d’efficacité.

Cependant, certaines notions majeures émergent, qui pourront guider les prochains essais. Le premier résultat est l’absence d’effets secondaires graves ; seules des réactions de type méningite lymphocytaire ou remaniements hémorragiques ont été observées chez quelques patients.

Le deuxième enseignement est l’efficacité très limitée du transfert de gène observée chez les patients réopérés ou autopsiés après l’injection, ce qui explique l’absence d’effet thérapeutique majeur dans ces premières séries.

Il est important, pour comprendre ces résultats décevants, de revenir aux données précliniques.

La plupart des études expérimentales ont utilisé les modèles C6 ou L9 chez le rat, qui consistent dans l’introduction des cellules tumorales au niveau du noyau caudé.

La cinétique tumorale observée est ensuite très rapide, et entraîne la mort du rat en 20 à 30 jours selon les études. Les vecteurs testés dans la littérature sont les vecteurs herpétiques, adénoviraux et les vecteurs rétroviraux.

Selon les protocoles, dix à 50 fois plus de lignées d’encapsidation sont utilisées, comparées au nombre de cellules tumorales initiales.

L’efficacité a été documentée essentiellement en termes d’efficacité à court terme, avec, selon le nombre de lignées d’encapsidation introduites dans la tumeur, 30 à 84 % de régression macroscopique complète.

Les résultats à long terme sont beaucoup plus décevants.

Conclusion :

La thérapie génique des glioblastomes est une perspective majeure de traitement pour une affection qui reste actuellement incurable, et cela justifie probablement un passage rapide des approches expérimentales à la thérapeutique humaine.

Dans le domaine des gliomes, l’écueil majeur de l’étape préclinique réside dans l’absence de modèle animal permettant de reproduire de façon idéale la situation pathologique chez l’homme.

La recherche de nouveaux modèles, passée de mode, devrait donc être encouragée.

Dans l’état actuel des modèles disponibles, il est indispensable de prendre en compte de façon critique les différences fondamentales entre les modèles animaux et les gliomes humains, pour mettre en place des essais thérapeutiques chez l’homme.

La place des cliniciens est déterminante à ce niveau.

Le problème de la délivrance thérapeutique, l’introduction de nouvelles modalités d’administration, comme par exemple l’injection intra-artérielle, doivent être développées.

La thérapie génique a probablement été « vendue » de façon abusive, au risque maintenant d’assister à une importante déconvenue. Des brevets ont été pris, des entreprises de biotechnologies créées et vendues, des bénéfices importants envisagés, pour une thérapeutique qui reste expérimentale avant tout.

Ce mélange explosif, financier et médiatique, confronté à la détresse des familles et des patients atteints d’une maladie incurable, ne doit pas faire oublier l’essentiel.

Au plan fondamental et même au plan clinique, pour certains des premiers protocoles publiés, un espoir est là pour envisager une thérapeutique curative des gliomes. Un important et sérieux travail fondamental et clinique reste à entreprendre, qu’il faut continuer et encourager.

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