Syndromes anatomocliniques des infarctus du territoire de l’artère carotide

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Introduction :

Bien que connue depuis les XVIIe et XVIIIe siècles (Willis, Vicq d’Azyr), la vascularisation du cerveau n’a été étudiée de façon approfondie d’un point de vue pathologique qu’ à la fin du XIXe siècle (Duret, Beevor).

Syndromes anatomocliniques des infarctus du territoire de l’artère carotideDès la première moitié du siècle avec principalement les remarquables travaux de l’école française (Foix, Hillemand), les corrélations anatomocliniques ont permis d’établir les bases de la symptomatologie de ces infarctus.

Ultérieurement, l’apport des techniques angiographiques, tomodensitométriques puis en imagerie par résonance magnétique sont venues compléter les résultats initiaux.

Une nouvelle étape a été franchie grâce à l’apport des registres hospitaliers qui ont permis de confronter, sur de vastes échantillons, les différents aspects cliniques, neuroradiologiques et pronostiques.

L’importance du territoire qui dépend des artères issues de la carotide interne explique la grande fréquence avec laquelle on retrouve les infarctus de cette région dans la pratique clinique (près de 80 % de tous les accidents ischémiques).

Les différents tableaux cliniques rencontrés peuvent paraître au premier abord assez stéréotypés et monomorphes (déficit moteur, sensitif et visuel hémicorporel associés à des perturbations cognitives), mais en fait, la grande variabilité du réseau artériel et de ces suppléances anastomotiques, qui permettent de limiter la taille et la localisation de l’infarctus, rend compte des très importantes nuances séméiologiques observées.

Ainsi, la grande richesse de l’aspect clinique ne permet que rarement de définir avec précision le territoire ischémié avant la réalisation des explorations neuroradiologiques.

Toutefois, une parfaite connaissance de la sémiologie et des variations des différents syndromes est nécessaire pour établir des corrélations pertinentes.

Nous envisagerons successivement, après un rappel anatomique, pour chaque artère, les différents tableaux cliniques décrits dans leur présentation classique et avec les nuances apportées par la très abondante littérature sur le sujet.

Nous nous efforcerons, pour chaque infarctus territorial, d’apporter quelques données concernant la physiopathologie et les étiologies.

Cette démarche nous est apparue nécessaire du fait de l’intrication qui existe parfois entre une symptomatologie spécifique et un mécanisme physiopathologique.

Le pronostic et ses principaux facteurs des infarctus carotidiens sont rapidement présentés.

Enfin, la parfaite connaissance des territoires de vascularisation artérielle, fondée sur une cartographie adaptée à la neuro-imagerie, est indispensable à la réalisation de corrélations anatomo-radio-cliniques pertinentes.

L’artère ophtalmique et sa pathologie ischémique ont été volontairement non traitées car un chapitre complet leur est consacré.

Rappel anatomique :

La vascularisation du cerveau est assurée par les systèmes artériels carotidien et vertébrobasilaire.

SYSTÈME CAROTIDIEN :

Le système carotidien est constitué des branches de l’artère carotide interne (ACI) : artère cérébrale antérieure (ACA), artère cérébrale moyenne (ACM), artère choroïdienne antérieure (AchA) et perforante directe de l’ACI.

Néanmoins, cette structuration est parfois différente comme lorsque l’artère cérébrale postérieure (ACP) naît de l’ACI.

D’une manière générale, la vascularisation cérébrale est sous la dépendance de deux types de branches :

– des artères perforantes (profondes) issues du polygone de Willis ou de la partie proximale de ces branches.

Ces artères pénètrent le cerveau par des points d’entrée constants appelés substance perforée antérieure latérale et postérieure ;

– des artères corticales, leptoméningées ou piales qui constituent un réseau anastomotique à la surface du cerveau.

De ce réseau naissent des artérioles courtes vascularisant le cortex et les fibres en U et des artérioles plus longues (parfois appelées artères perforantes superficielles ou artères médullaires de la substance blanche), participant à la vascularisation du centre ovale.

À la surface du cortex cérébral, les branches des trois artères majeures s’anastomosent dans les régions limitrophes de leurs territoires de vascularisation par leurs arborisations distales.

On distingue plusieurs zones frontières corticales, zone antérieure entre l’ACA et l’ACM, zones postérieures entre ACM et ACP ou ACA et ACP.

À l’inverse du réseau cortical pie-mérien, les artères perforantes profondes et de la substance blanche (superficielles) sont des artères terminales qui pénètrent dans la partie profonde des hémisphères cérébraux, sans établir aucune anastomose, soit avec les artères perforantes voisines, soit entre ces deux réseaux.

1- Branches perforantes directes de l’artère carotide interne :

Les perforantes directes de l’artère carotide interne sont issues de sa portion supraclinoïdienne qui correspond au segment C4.

Ces artères perforantes, au nombre de 2 à 6, sont considérées comme constantes.

Ces artérioles se dirigent vers la partie latérale du chiasma optique, la partie initiale de la bandelette optique, la partie médiale du lobe temporal et la partie postéromédiale de la substance perforée antérieure.

Le territoire de vascularisation de ce groupe artériel comprend le genou de la capsule interne et les parties adjacentes du globus pallidus et du bras postérieur de la capsule interne.

Il comprend également la partie latérale du chiasma optique, la partie initiale de la bandelette optique et l’uncus du lobe temporal.

2- Artère choroïdienne antérieure :

L’artère choroïdienne antérieure naît habituellement du segment C4 de la portion supraclinoïdienne de l’artère carotide interne.

Dans son trajet en direction postérieure, l’artère choroïdienne antérieure croise le bord latéral puis le bord médial du tractus optique.

Elle arrive en regard de l’uncus et pénètre la fissure choroïdienne pour atteindre le plexus choroïde de la corne temporale du ventricule latéral.

L’artère suit ensuite les plexus choroïdes pour atteindre le foramen interventriculaire après s’être divisée en une branche médiale et en une branche latérale.

Le territoire de l’artère choroïdienne antérieure est en équilibre avec les territoires des artères perforantes issues des artères carotide interne, communicante postérieure et cérébrale moyenne.

Il comprend, de manière constante, la partie ventrale des deux tiers postérieurs du bras postérieur de la capsule interne.

Il concerne également une partie du tractus optique et la partie latérale du corps géniculé latéral, la partie inférieure de la queue du noyau caudé, les parties médiale et intermédiaire du globus pallidus, la partie rétrolenticulaire de la capsule interne.

L’artère choroïdienne antérieure vascularise le tiers antérieur de la région temporale médiale qui comprend l’uncus, la tête de l’hippocampe et la partie antérieure du gyrus parahippocampique.

L’artère choroïdienne antérieure participe à la vascularisation du territoire antérolatéral du mésencéphale. L’artère choroïdienne antérieure participe à la vascularisation du thalamus en particulier des noyaux ventraux et antérieurs.

3- Artère cérébrale antérieure :

L’artère cérébrale antérieure correspond à la branche médiale de division de l’artère carotide interne.

Elle passe au-dessus du chiasma optique et du nerf optique pour rejoindre la fissure interhémisphérique.

Elle passe ensuite en avant de la lame terminale pour passer autour du genou du corps calleux et suivre ensuite le trajet du corps calleux dans la citerne péricalleuse.

Elle donne trois types de branches : les artères perforantes centrales, qui comprennent une artère plus volumineuse appelée artère récurrente de Heubner, les artères du corps calleux et les artères corticales.

Le territoire global de vascularisation des artères perforantes de l’artère cérébrale antérieure comprend la partie antéro-inférieure de la tête du noyau caudé, la partie antérieure et inférieure du bras antérieur de la capsule interne, la partie antérieure du globus pallidus et les noyaux hypothalamiques antérieurs.

L’artère péricalleuse assure la vascularisation du genou et du corps calleux.

La terminaison de l’artère péricalleuse est parfois appelée artère péricalleuse postérieure.

Elle s’anastomose avec les branches de l’artère cérébrale postérieure pour assurer la vascularisation du splénium du corps calleux.

L’artère péricalleuse donne naissance aux branches corticales de l’artère cérébrale antérieure.

Il existe, dans la forme habituelle, neuf branches. Deux branches sont destinées à la face inférieure du lobe frontal, les artères orbitofrontale et frontopolaire.

Les artères destinées à la face médiale des lobes frontal et pariétal sont les artères frontales médiales antérieure, moyenne, et postérieure, l’artère du lobule paracentral, les artères pariétales médiales inférieure et supérieure.

Les branches corticales vascularisent les deux tiers médiaux de la face inférieure du lobe frontal, les faces médiale des lobes frontal et pariétal et la partie supéromédiale, qui déborde sur la face latérale des gyrus frontal supérieur, précentral, central et postcentral.

La disposition moyenne la plus fréquente comprend le gyrus orbitaire médial, la face médiale des lobes frontal et pariétal jusqu’à la fissure pariéto-occipitale et s’étend jusqu’au sillon frontal supérieur sur la partie haute de la face latérale de l’hémisphère.

L’extension la plus importante fait déborder le territoire jusqu’au sillon frontal inférieur sur la face latérale et en arrière de la fissure pariéto-occipitale.

L’extension minimale arrête le territoire à la partie antérieure du lobe frontal en avant du sillon précentral.

4- Artère cérébrale moyenne :

L’artère cérébrale moyenne est la branche de division la plus volumineuse de l’artère carotide interne.

Son trajet la dirige horizontalement en dehors sous la face inférieure du cerveau en direction de l’insula.

Elle pénètre la vallée sylvienne après un changement de direction de 90° appelé genou.

Son trajet la conduit au contact de l’insula puis elle se termine à la partie postérieure de la fissure latérale.

L’artère cérébrale moyenne donne naissance à des artères perforantes et à des artères corticales.

Le tronc principal de l’artère cérébrale moyenne se divise dans près de 75 % des cas en deux troncs secondaires, un supérieur et un inférieur.

Mais le tronc principal peut également ne pas se diviser, ou se diviser en trois ou quatre troncs secondaires.

L’artère cérébrale moyenne est divisée en quatre segments. Le segment M1 ou sphénoïdal, horizontal, s’étend de la naissance de l’artère cérébrale moyenne à l’entrée dans la vallée sylvienne.

Le segment M2 ou insulaire débute à l’entrée de l’insula et se termine au niveau du sillon circulaire de l’insula.

Il regroupe le tronc principal de l’artère et de nombreuses branches corticales.

Le segment M3 ou operculaire débute au sillon circulaire de l’insula et se termine à la surface de la fissure latérale.

Le segment M4 ou cortical correspond aux branches corticales de l’artère qui s’épanouissent depuis la partie postérieure de la fissure latérale.

Les artères perforantes de l’artère cérébrale moyenne sont également appelées artères lenticulostriées ou artères striées latérales.

Elles se dirigent vers la substance perforée antérieure pour pénétrer le tissu nerveux et vasculariser les noyaux de la base.

Une classification proposant une distinction entre un groupe médial et un groupe latéral des artères perforantes de l’artère cérébrale moyenne est souvent proposée.

Cependant, une distinction claire entre un groupe médial et latéral de perforantes ne semble possible que dans 40 % des cas.

Il n’est donc pas concevable de délimiter pour l’instant des « sous-territoires » dans le territoire global des artères perforantes de l’artère cérébrale moyenne.

Le territoire de vascularisation des artères perforantes de l’artère cérébrale moyenne comprend la partie supérieure de la tête et le corps du noyau caudé, le putamen, la partie latérale du globus pallidus, la partie supérieure des bras antérieur, du genou et du bras postérieur de la capsule interne et le tiers latéral de la commissure antérieure.

Ce territoire est en équilibre avec les territoires des autres artères perforantes issues des artères carotide interne, cérébrale antérieure et choroïdienne antérieure.

La classification des branches corticales comporte habituellement 12 branches : les artères orbitofrontale, préfrontale, précentrale, centrale, pariétales antérieure et postérieure, angulaire, temporooccipitale, temporales antérieure, moyenne et postérieure et temporopolaire.

Le territoire de vascularisation des artères corticales comprend la partie latérale de la face inférieure du lobe frontal, la totalité de la face latérale des lobes frontal et pariétal, l’insula, les opercules et la face latérale du lobe temporal.

Le territoire moyen le plus fréquent est compris, sur la face latérale, entre le pôle frontal, le sillon temporal inférieur et le sillon frontal supérieur.

L’extension maximale couvre la totalité de la face latérale de l’hémisphère jusqu’à la fissure interhémisphérique.

Le développement minimal réduit le territoire dans la zone comprise entre les sillons frontal inférieur et temporal supérieur.

Aspects cliniques :

Le tableau clinique de l’atteinte du territoire carotidien semble a priori stéréotypé : l’ensemble de la symptomatologie concerne un hémicorps associant des perturbations de la motricité, de la sensibilité, du champ visuel à des troubles des fonctions cognitives.

Mais les combinaisons de ces signes sont très nombreuses et variées de même que les différents signes généraux contemporains de l’installation de l’infarctus (céphalées, chutes, comitialité inaugurale, accident ischémique transitoire, etc) ou les modalités de début des troubles (survenue soudaine, évolution progressive ou fluctuante).

Si, en théorie, il est possible de prédire la topographie lésionnelle précise à partir d’une association de signes observés, en pratique, la variabilité des territoires de vascularisation, rend aléatoire tout diagnostic de localisation avant le bilan neuroradiologique.

Les signes généraux accompagnant la constitution d’un infarctus cérébral ne sont pas caractéristiques du territoire artériel atteint (carotidien ou vertébrobasilaire) mais dépendent plutôt du mécanisme étiologique, par exemple, les accidents ischémiques transitoires (AIT) sont plus fréquents en cas de pathologie carotidienne (10 % de tous les accidents vasculaires cérébraux sont des AIT carotidiens et près de 75 % d’entre eux sont en relation avec une sténose carotidienne athéromateuse) ; l’évolution en deux temps, avec aggravation secondaire, survient fréquemment lors de la migration ou de la fragmentation tardive d’un embole d’origine cardiaque.

Les données des registres hospitaliers apportent régulièrement de nouvelles corrélations anatomocliniques.

Pour des raisons didactiques, nous exposerons les différents tableaux cliniques rencontrés selon les localisations des infarctus.

Cela ne représente pas exactement la démarche pratique effectuée en clinique où l’aspect sémiologique oriente vers une topographie avant la confirmation par l’imagerie.

A – INFARCTUS DE L’ARTÈRE CÉRÉBRALE MOYENNE :

Les infarctus dans le territoire de l’ACM sont les plus fréquents et représentent près de 70 % des infarctus carotidiens.

Nous avons distingué deux catégories d’infarctus de l’ACM, selon le volume lésionnel qui en résulte.

Le premier groupe représente les infarctus limités de l’ACM ; qui eux-mêmes comprennent d’une part les infarctus du territoire profond de l’ACM, et d’autre part les infarctus corticaux secondaires le plus fréquemment à des oblitérations distales et localisées des branches terminales de l’ACM.

Ces derniers infarctus peuvent être limités à un seul gyrus ou s’étendre sur plusieurs gyrus contigus.

Cette extension correspond alors soit à l’oblitération de plusieurs branches corticales, soit à l’occlusion d’un des troncs de division de l’ACM.

Le deuxième groupe représente les infarctus étendus de l’ACM avec l’infarctus total du territoire de l’ACM, l’infarctus total du territoire superficiel de l’ACM (ou infarctus cortical total), et les infarctus du territoire profond associé aux infarctus partiels du territoire superficiel.

Ces différents types d’infarctus ont, pour caractéristiques communes, un tableau clinique sévère, un pronostic fonctionnel péjoratif et un pronostic vital rapidement engagé.

Cette dichotomie repose plus sur des notions pragmatiques nécessaires au clinicien que sur des notions topographiques dans la mesure où la présentation clinique initiale et le pronostic vital ou fonctionnel de ces deux catégories d’infarctus de l’ACM sont distincts, voire opposés.

1- Infarctus limités de l’artère cérébrale moyenne :

* Infarctus du territoire profond de l’artère cérébrale moyenne :

Il s’agit de l’atteinte du territoire des branches perforantes responsable d’une ischémie de la capsule interne et des noyaux de la base.

Ce tableau clinique a été particulièrement étudié et parfois dénommé à tort, sous le terme de « lacune géante » profonde ou infarctus striatocapsulaire.

Le déficit moteur est constant, souvent complet, atteignant presque toujours la totalité de l’hémicorps (86 % des cas).

Le membre supérieur, la face et le membre inférieur sont atteints de façon égale et la racine des membres n’est pas épargnée. Parfois, l’atteinte de la motricité est incomplète avec au minimum une négligence motrice.

Au déficit moteur s’associe le plus souvent une hypotonie massive, plus rarement une hypertonie en flexion orientant faussement vers un hématome profond.

L’atteinte sensitive et les troubles du champ visuel sont plus inconstants, et dépendraient de l’extension de l’infarctus vers l’arrière et en latéral.

En revanche, un déficit cognitif est assez fréquent (68 %) sous la forme d’une aphasie motrice en cas d’atteinte gauche ou d’une anosognosie dans les lésions droites.

Il s’explique généralement par un phénomène de dysconnexion.

Un syndrome plus rare a été observé sous la forme d’un comportement alimentaire pathologique et d’un intérêt anormal pour la nourriture, « syndrome du Gourmand ».

La localisation précise et les aires déconnectées restent toutefois à préciser.

Bien qu’imparfaitement connu, le principal mécanisme de ce type d’infarctus semble être une embolie d’origine cardiaque ou artérielle.

Lors de l’occlusion proximale de l’artère carotide interne, un mécanisme hémodynamique est tout aussi fréquent (18-35 %) qu’une embolie distale.

Enfin le rôle de l’athérome localisé à l’ostium des artères perforantes est probablement sous-estimé.

* Infarctus corticaux partiels de l’artère cérébrale moyenne :

L’aspect clinique est assez stéréotypé et évocateur, du fait de l’organisation des aires motrices et sensitives suivant le schéma classique de l’homonculus (la face latérale de l’hémisphère comportant de bas en haut, la représentation du membre supérieur, de la main et du visage, la représentation du membre inférieur se localisant sur la face médiale vascularisée par l’ACA).

+ Infarctus limités du territoire cortical de l’artère cérébrale moyenne :

Différents tableaux selon le niveau atteint peuvent être décrits, les infarctus limités à un seul sont rares contrairement aux infarctus atteignant plusieurs gyrus.

Ils ont permis de mieux connaître et de rattacher des aspects cliniques spécifiques à certaines régions du cortex.

Ainsi, on distingue les infarctus suivants :

– gyrus orbitofrontaux : responsables de troubles du comportement et de l’humeur, d’un syndrome frontal (moria, grasping reflex), et d’une déviation conjuguée transitoire de la tête et des yeux ;

– gyrus précentral : le tableau est principalement celui d’un syndrome operculaire.

Le déficit moteur au début est important avec une atteinte brachiofaciale qui régresse rapidement.

La paralysie faciale simule parfois une lésion périphérique, tant l’atteinte du facial supérieur est massive.

Une déviation de la langue, des troubles de la déglutition et une atteinte masticatrice complètent le syndrome operculaire antérieur.

D’autre signes peuvent s’observer comme une hypoesthésie de l’hémiface et des troubles du langage.

Ces derniers peuvent prendre plusieurs aspects selon l’extension de l’infarctus : aphasie motrice ou de Broca, anarthrie pure (lésion limitée à la circonvolution frontale inférieure), aphasie transcorticale motrice, aphémie pure ou agraphie.

Initialement, une suspension complète du langage est fréquemment observée ;

– gyrus central : rarement rencontré car cette région comporte une abondante vascularisation (artère centrale souvent double).

Les signes moteurs sont au premier plan avec un déficit brachial d’intensité variable.

Les troubles de la sensibilité discriminative ont la même répartition ;

– gyrus pariétal antérieur : également rare, l’atteinte motrice se manifeste par une négligence motrice et les troubles sensitifs sont au premier plan.

Ils réalisent parfois un syndrome pseudothalamique : atteinte sensitive touchant toutes les modalités, main instable, astérixis, douleurs et asymbolie à la douleur.

Un trouble moteur limité à la main et sans atteinte corticospinale a été décrit.

Les troubles du champ visuel sont inconstants (hémianopsie ou quadranopsie inférieure). Une aphasie transcorticale sensorielle (importance du manque du mot avec bonne répétition) peut être observée ;

– gyrus pariétal postérieur : l’infarctus touche le cortex du gyrus angulaire (pli courbe).

Le tableau clinique associe constamment une hémianopsie latérale et des troubles cognitifs (aphasie de Wernicke ou négligence de l’hémi-espace et de l’hémicorps réalisant le syndrome d’Anton-Babinski).

Par ailleurs, d’autres atteintes des fonctions symboliques peuvent être rencontrées, apraxie idéomotrice, syndrome de Gerstmann (agnosie digitale, indistinction droite-gauche, agraphie, acalculie) ;

– gyrus temporaux : du côté gauche, il existe le plus souvent une aphasie sensorielle et une hémianopsie latérale.

À droite, cette atteinte visuelle est associée à un syndrome confusionnel.

Il s’agit d’un état d’agitation avec hyperactivité psychomotrice, délire et troubles du comportement.

Cette confusion est expliquée par des troubles attentionnels ou émotionnels secondaires à une probable dysconnexion limbique et frontale.

De même, un cas particulier a été rapporté avec une désorientation temporelle inhabituelle avec avance constante de 3 jours et surdité corticale.

Un trouble de la prosodie peut aussi être observé principalement en cas d’ischémie droite.

Il existe alors une altération des inflexions émotionnelles de la voix et un respect de la mélodie du discours spontané, réalisant l’aprosodie sensorielle.

D’autres perturbations du langage ont été rapportées avec un mutisme ou d’autres troubles ont été décrits pouvant réaliser une aphasie croisée, une apraxie des paupières, un mutisme, une graphomimie anorganique voire des hallucinations de membres fantômes surnuméraires.

Ces tableaux sont extrêmement variables, dépendant en fait de la localisation et du volume de l’ischémie ; mais ils ne sont ni sensibles, ni spécifiques du territoire de l’ACM : un aspect clinique « typique » d’infarctus cortical de l’ACM peut se rencontrer au cours d’infarctus d’autres territoires.

De même, une symptomatologie hémicorpelle motrice ou sensitive pure, qui suggère a priori une ischémie profonde, peut se rencontrer au cours d’un infarctus cortical de l’ACM.

Mohr et al ont montré que si le volume de la lésion est bien corrélé à l’intensité du déficit moteur, aucune corrélation fiable ne peut être établie entre une localisation précise et un déficit moteur particulier du fait de la grande variabilité interindividuelle de la représentation motrice corticale.

Il semble de plus exister une variation interhémisphérique de cette représentation, qui paraît plutôt centrée sur la région pariétale inférieure du côté gauche et frontale moyenne à droite.

Les travaux de corrélations en imagerie par résonance magnétique (IRM) aiguë viendront préciser ces constatations.

+ Infarctus périsylvien :

Lors de l’occlusion proximale de l’ACM mais en aval de l’origine des artères perforantes et au maximum de la compensation circulatoire corticale par le réseau pie-mérien, l’ischémie est limitée à la région périsylvienne.

Les lésions touchent à la fois le cortex insulaire et la région sous-corticale (capsule extrême, claustrum et capsule externe).

Il est peu fréquent, retrouvé dans environ 14 % des cas.

Le tableau clinique est caractérisé par la présence d’un déficit moteur de type supranucléaire de topographie faciale, pharyngée et linguale, et réalise un syndrome operculaire antérieur avec dysarthrie, dysphonie, dysphagie, paralysie masticatoire, trismus, paralysie de la langue (déviation controlatérale), et paralysie faciale dénommée « pseudo-périphérique » du fait de l’importance du déficit moteur sur le territoire du facial supérieur.

L’atteinte du membre supérieur et du membre inférieur est partielle et transitoire.

Il faut aussi signaler la possibilité de troubles dysautonomiques avec, en particulier, des troubles du rythme cardiaque, voire plus exceptionnellement une hyperhydrose.

Récemment, des sensations vertigineuses ont été rapportées sous la forme d’impression visuelle d’inclinaison verticale de durée fugace qui nécessite en pratique d’interroger spécifiquement les patients sur ces sensations.

+ Infarctus du territoire du tronc supérieur de l’artère cérébrale moyenne :

Le syndrome moteur se présente sous la forme d’un déficit brachiofacial avec une atteinte privilégiée de la main et de l’hémiface inférieure.

Le déficit sensitif porte principalement sur les modalités discriminatives et est de même topographie que le déficit moteur.

Le trouble phasique est dominé par une atteinte de l’expression (aphasie de Broca).

Les lésions droites sont responsables de troubles de l’humeur (dépression).

+ Infarctus du territoire du tronc inférieur de l’artère cérébrale moyenne :

Les signes moteurs sont le plus souvent absents ou s’expriment par un déficit facial/brachiofacial peu intense.

En revanche, le tableau est dominé par les atteintes cognitives : aphasie sensorielle (Wernicke) en cas de lésion gauche, négligence hémicorporelle et de l’espace gauche en cas de lésion droite.

Les troubles sensitifs sont toujours présents avec principalement des troubles de la sensibilité discriminative de type astéréognosie (asymbolie tactile, extinction sensitive en stimulations bilatérale ou unilatérale), ils sont difficiles à distinguer du fait de l’importance des troubles cognitifs associés.

Les troubles du champ visuel sont constants (hémianopsie latérale ou quadranopsie), leur mise en évidence est tout aussi difficile.

D’autres troubles des fonctions symboliques peuvent être observés (apraxie idéomotrice, constructive, etc).

L’évolution est assez péjorative du fait de la persistance des troubles intellectuels empêchant une intégration sociale correcte.

Par ailleurs, des troubles psychiatriques (agitation, délire paranoïde) ne sont pas rares en cas de lésions gauches.

Malgré tout, il faut retenir, pour la pratique, quelques syndromes plus fréquemment caractéristiques de certains infarctus corticaux de l’ACM :

– aphasie de conduction associée à un déficit hémicorporel sensitif droit à prédominance faciobrachiale, évoquant une atteinte du gyrus pariétal antérieur gauche ;

– aphasie de Wernicke avec ou sans hémianopsie latérale en faveur d’un infarctus des gyrus temporaux gauches ;

– aphasie transcorticale motrice avec déficit proximal du membre inférieur droit et difficulté à l’enchaînement des séries motrices témoignant d’un infarctus du gyrus précentral gauche ;

– aphasie de Broca avec syndrome operculaire par infarctus du gyrus central gauche ;

– état confusionnel avec déficit visuel de l’hémichamp gauche ou négligence visuelle par infarctus des gyrus temporaux droits.

Les causes principales de ces infarctus sont les embolies d’origine artérielle (athérome sténosant de l’origine de l’artère carotide interne) dans plus de 30 % des cas ou d’origine cardiaque dans 25 %.

On a constaté la plus grande fréquence du point de départ cardioembolique des infarctus du tronc inférieur de l’ACM.

2- Infarctus étendus de l’artère cérébrale moyenne

* Infarctus total du territoire de l’artère cérébrale moyenne :

Il représente environ 20 à 34 % des cas des infarctus carotidiens.

L’infarctus atteint l’ensemble des régions corticales et souscorticales de la face latérale de l’hémisphère et des noyaux de la base.

Le tableau clinique associe un déficit moteur hémicorporel complet proportionnel, une hypotonie, une hémianesthésie, une hémianopsie latérale et une déviation conjuguée de la tête et des yeux en direction de l’hémisphère lésé.

Les troubles cognitifs sont toujours importants sous forme d’une aphasie globale ou d’un trouble massif du schéma corporel (hémiasomatognosie, anosognosie et négligence de l’espace gauche).

Initialement absents, des troubles de la vigilance et de la respiration ainsi qu’un signe de Babinski bilatéral traduisent l’augmentation de pression intracrânienne par infarctus oedémateux qui se produit dans un tiers des cas au cours de la première semaine.

De façon non exceptionnelle, un signe de Claude Bernard-Horner ipsilatéral à l’infarctus peut être mis en évidence.

En l’absence d’atteinte carotidienne directe, il est expliqué par une souffrance hypothalamique.

Selon l’efficacité de suppléance du réseau leptoméningé, quelques variantes à ce tableau clinique ont été décrites.

Ainsi le déficit moteur et sensitif peut être incomplet et non proportionnel avec prédominance d’atteinte faciale et brachiale.

Le trouble phasique peut se limiter à une aphasie de Broca.

Le déficit du champ visuel est toujours présent et la déviation conjuguée peut se résumer à une simple limitation du regard.

* Autres types d’infarctus étendus du territoire de l’artère cérébrale moyenne :

La distinction purement clinique de ces types est impossible.

Leur identification repose sur les données de l’imagerie qui permettent d’établir un cadre radioclinique plus précis pour chacun de ces types.

Ce cadre permet de leur rattacher des mécanismes étiologiques et surtout d’établir leurs pronostics particuliers.

+ Infarctus complet du territoire cortical de l’artère cérébrale moyenne :

Les signes cliniques rencontrés associent un syndrome hémicorporel moteur à prédominance faciobrachiale, une atteinte sensitive de même topographie touchant principalement les modalités tactiles et discriminatives (astéréognosie et extinction sensitive) et une hémianopsie latérale.

Selon le côté, une aphasie touchant à la fois l’expression et la compréhension, écrite comme parlée (hémisphère gauche le plus souvent), ou un syndrome d’Anton Babinski (hémisphère droit) complètent le tableau.

+ Infarctus associant le territoire profond et partiellement le territoire superficiel de l’artère cérébrale moyenne :

Outre les caractéristiques cliniques relatives à l’atteinte des troncs de division supérieur ou inférieur de l’ACM, on observe un déficit moteur plus intense et plus étendu, des troubles de la conscience, une amputation du champ visuel.

B – INFARCTUS DU TERRITOIRE DE L’ARTÈRE CÉRÉBRALE ANTÉRIEURE :

Les infarctus de ce territoire sont entre 20 et 30 fois moins fréquents que ceux du territoire de l’ACM, représentant 2 à 3% environ des infarctus hémisphériques.

1- Infarctus complet du territoire de l’artère cérébrale antérieure :

Le tableau clinique associe classiquement une hémiparésie à prédominance crurale, un trouble sensitif de même topographie, une hypertonie oppositionnelle, une incontinence, un syndrome frontal manuel (grasp reflex) et psychométrique, des troubles du langage (mutisme initial suivi d’une aphasie transcorticale motrice), des troubles de l’humeur (apathie, moria) et plus rarement un syndrome de dysconnexion calleux (apraxie unilatérale gauche).

Les éléments d’inattention et de négligence peuvent simuler une atteinte du champ visuel de type hémianopsie latérale. Le déficit moteur est le signe le plus constant, atteignant habituellement la totalité du membre inférieur mais avec une prédominance pour sa partie proximale.

Dans près de 30 % des cas, le déficit moteur peut prendre un aspect moins caractéristique avec une atteinte facio-brachio-crurale ou faciobrachiale lorsque l’infarctus s’étend sur la face latérale de l’hémisphère (selon son territoire de variabilité) et/ou en profondeur dans le centre ovale.

Ce tableau est trompeur, mimant un infarctus de l’ACM. Beaucoup plus rarement, la présentation est celle d’une paralysie crurale avec ataxie homolatérale mimant un syndrome lacunaire.

Une hypertonie se développe assez vite après l’infarctus.

Parfois même, elle peut toucher le membre controlatéral.

Elle est corrélée avec l’étendue de l’infarctus.

Les troubles sensitifs ne sont pas dissociés, leur topographie est superposable au déficit moteur et corrélée à une atteinte de la face médiale du gyrus postcentral.

L’incontinence est très fréquemment observée même en cas de lésion unilatérale ; le plus souvent, elle est transitoire.

Il n’existe pas de corrélation topographique spécifique pour expliquer ce signe, mais il serait lié à la taille de l’infarctus.

Les phénomènes de préhension pathologique (préhension forcée, grasp reflex, comportement de préhension ou d’aimantation) sont rarement isolés et s’observent lors d’atteinte du cortex orbitofrontal.

L’aphasie transcorticale motrice et la réduction de fluence sont liées à une atteinte de l’aire motrice supplémentaire.

Une aphasie transcorticale mixte (aphasie transcorticale motrice avec des troubles de la compréhension et une écholalie) est plus rarement observée, la lésion s’étend alors à l’aire sensitive supplémentaire ou à la région sous-corticale.

Une héminégligence, un état confusionnel ou une désorientation aiguë peuvent se rencontrer dans environ 30 % des cas d’infarctus droit mimant un tableau d’infarctus de l’ACM.

D’autres troubles des fonctions mentales sont très fréquemment associés lors des atteintes du cortex préfrontal (syndrome frontal avec persévérations, anomalies aux tests d’interférence et apraxie mélocinétique).

Un syndrome de dysconnexion calleux (apraxie unilatérale gauche) est rare, du fait de la richesse du réseau anastomotique du corps calleux.

Le mutisme initial en cas d’infarctus unilatéral gauche est probablement expliqué par la dysconnexion calleuse antérieure.

La paralysie faciale avec dissociation automatico-volontaire inverse et la déviation conjuguée de la tête et des yeux, bien que classiques, sont rarement observées.

Un infarctus de l’ACA bilatéral simultanément peut se produire du fait des variations anatomiques fréquentes.

Le tableau clinique est alors celui d’un mutisme akinétique, une incontinence et un grasp reflex bilatéral.

2- Infarctus du territoire profond de l’artère cérébrale antérieure (territoire des perforantes et de l’artère récurrente de Heubner) :

Il est rarement isolé et concerne la tête du noyau caudé et le bras antérieur de la capsule interne.

Le tableau clinique associe, au maximum, un trouble de la motricité, une dysarthrie et des troubles cognitifs.

Le trouble moteur est particulier du fait de l’absence des signes corticospinaux ; le déficit est le plus souvent modéré, non proportionnel (face inconstamment touchée) ; les troubles du contrôle du mouvement prédominent avec une akinésie, une sousutilisation motrice, une diminution des mouvements automatiques (ballant des bras, grandeur des pas) et des gestes fins limités par l’interruption des connections cortico-striato-pallido-thalamocorticales.

Plus rarement, des mouvements anormaux ont été décrits.

L’hypertonie est plutôt de type extrapyramidal.

L’atteinte du bras antérieur de la capsule interrompt dans ce cas les connections frontopontines, thalamocorticales et striatocorticales.

Les troubles de l’articulation (dysarthrie) se manifestent principalement lors des lésions droites et s’expliquent par l’interruption dans le bras antérieur de la capsule intérieure, du faisceau cérébello-thalamocortical.

Divers troubles cognitifs peuvent se rencontrer avec une aboulie, un syndrome d’agitation et d’hyperactivité, une héminégligence gauche, une aphasie de type sous-cortical et d’autres troubles du comportement (troubles mnésiques, écholalie, dépression).

Les différentes étiologies sont les même que celles rencontrées au cours des infarctus de l’ACM avec une prédominance de causes emboliques à point de départ cardiaque ou artériel deux fois sur trois.

Un athérome sténosant intracrânien est plus fréquent chez les Asiatiques et les Africains.

Enfin, un anévrisme de l’ACA est rarement la cause de l’infarctus (moins de 5 % des cas).

Pour les infarctus profonds de l’ACA, la principale étiologie est représentée par une microangiopathie.

L’association d’un infarctus de l’ACA et de l’ACM est évocatrice d’une occlusion de la carotide interne.

C – INFARCTUS DU TERRITOIRE DE L’ARTÈRE CHOROÏDIENNE ANTÉRIEURE :

De reconnaissance récente, sa description a été rendue possible par la neuro-imagerie.

Malgré tout, des controverses subsistent sur l’extension de son territoire de vascularisation.

Ainsi, une symptomatologie typique et de multiples variantes selon l’étendue de l’ischémie ont été décrites :

– un déficit moteur : c’est l’élément le plus constant représentant 60 à 100 % des cas selon les séries.

Il est directement rattaché à l’interruption du faisceau pyramidal au sein du bras postérieur de la capsule interne (ou au niveau du pied du pédoncule cérébral).

Ce symptôme est inconstant et peut être d’intensité très variable, déficit moteur complet ou parésie. Il peut même être absent.

Le déficit hémicorporel peut être ou non proportionnel.

Ces différences peuvent s’expliquer par le fait que le faisceau pyramidal décrit, au sein du bras postérieur de la capsule interne, un mouvement oblique d’avant en arrière et de haut en bas.

Ainsi, selon la localisation en hauteur de l’infarctus choroïdien, il entraînera des conséquences cliniques nuancées sur la motricité ;

– un déficit sensitif : il réalise classiquement une véritable hémianesthésie.

Toutes les modalités sensitives sont habituellement touchées, mais l’atteinte peut prédominer sur la sensibilité profonde, voire être limitée à l’extinction sensitive ou plus exceptionnellement sous la forme d’hypoesthésie douloureuse « pseudothalamique » (à type de brûlure).

Cette symptomatologie est directement liée à l’atteinte des radiations thalamiques supérieures dans le bras postérieur de la capsule interne ou à l’atteinte directe des noyaux thalamiques ventroantérieur et ventrolatéral ;

– une atteinte du champ visuel : l’hémianopsie latérale homonyme, ou plus rarement sectoranopsie ou quadranopsie supérieure homonyme, est le troisième symptôme de la triade classique.

L’atteinte concerne la bandelette optique et du segment rétrolenticulaire du bras postérieur de la capsule interne (fibres de projection du corps genouillé externe) ou directement le corps genouillé externe ;

– des troubles oculomoteurs : ainsi, une paralysie de la verticalité, vraisemblablement en rapport avec une atteinte partielle des fibres radiculaires destinées au muscle droit supérieur, dans le pied du pédoncule cérébral, a été décrite, comme une paralysie de la latéralité du regard (concernant les saccades volontaires et la poursuite mais avec conservation de la motricité réflexe).

L’atteinte de la voie oculogyre antérieure lors de son passage dans la capsule interne ou dans le pied du pédoncule cérébral serait responsable de cette symptomatologie.

Ainsi qu’un ptosis isolé controlatéral au déficit moteur (bras postérieur de la capsule interne, pied du pédoncule et noyau du III).

La déviation conjuguée de la tête et des yeux est souvent notée ;

– des troubles du langage : les troubles phasiques, lors de lésions gauches ou bilatérales, sont inconstants (25 à 60 % des cas).

Il s’agit le plus souvent d’une réduction de la fluence verbale, pouvant aller jusqu’à l’aspontanéité, accompagnée de paraphasies sémantiques, de quelques persévérations, de troubles de la compréhension, parfois associée à une véritable agraphie, plus rarement aphasie de Wernicke isolée.

Cette symptomatologie peut s’expliquer par la désafférentation entre le thalamus et les aires de traitement du langage.

On peut aussi rencontrer une dysarthrie.

À l’extrême, il peut survenir un mutisme aigu par paralysie pseudobulbaire lors de lésions bilatérales ; – des troubles neuropsychologiques : ils sont assez fréquemment rencontrés (75 % des cas).

En cas de lésion droite, un véritable syndrome majeur de l’hémisphère mineur peut survenir, associant une négligence visuelle, une apraxie constructive, des troubles de la stratégie visuospatiale de lecture, une anosognosie, une hémiasomatognosie, une impersistance motrice, voire un véritable délire spatial.

Ce comportement de négligence se manifeste principalement dans les activités visuospatiales, mais peut être surmonté sur ordre.

La négligence est habituellement moins intense que ce que l’on observe dans les lésions pariétales ou thalamiques droites.

Cette symptomatologie est en rapport avec une interruption, au niveau du bras postérieur de la capsule interne, des connexions du thalamus avec les aires sensorielles primaires et le cortex associatif rétrorolandique.

Un syndrome amnésique antérograde avec fabulation, régressif ou persistant est expliqué par l’atteinte de l’uncus de l’hippocampe ;

– une hémiataxie (ou incoordination de type cérébelleux) : ce symptôme, relativement rare (13 à 40 % des cas suivant les séries), est sous-estimé en raison de l’existence fréquente d’un déficit moteur pouvant masquer les signes cérébelleux.

L’atteinte du faisceau temporo-pariéto-pontin de Türck dans la portion rétro- ou souslenticulaire de la capsule interne l’explique.

De même, il pourrait exister une interruption des voies de retour, joignant le cervelet à la corona radiata, en passant par le noyau rouge et le noyau ventrolatéral du thalamus ;

– un syndrome pseudobulbaire aigu avec une paralysie linguopharyngo- laryngée, associée ou non à des troubles du langage (jusqu’au mutisme) ou de l’oculomotricité, en cas d’atteinte bilatérale.

Il est expliqué par l’interruption bilatérale de la voie corticospinale, sans pouvoir exclure la révélation d’une lésion ancienne par une lésion controlatérale plus récente ;

– autres symptômes : des signes plus anecdotiques ont été décrits, modifications électrocardiographiques (troubles repolarisation, bradycardie et rythme nodal).

Enfin, plusieurs cas asymptomatiques ont été rapportés après ligature chirurgicale de l’AchA, dans un but thérapeutique, chez des patients parkinsoniens.

Le tableau classique d’infarctus choroïdien antérieur associe une hémiplégie, une hémianesthésie et une hémianopsie.

Cette triade classique est rarement complète et isolée, retrouvée seulement dans environ 19 % des cas.

Il en existe des variantes : déficit sensitivomoteur et paralysie de la verticalité ipsilatérale ou hémisyndrome sensitivomoteur avec paralysie de la latéralité et syndrome amnésique.

La présentation clinique mime un infarctus sylvien lorsqu’à la triade classique s’ajoutent des troubles neuropsychologiques (négligence ou troubles du langage), mais, rarement accompagnés de troubles de conscience, et d’une déviation conjuguée de la tête et des yeux.

Les syndromes lacunaires sont aussi rencontrés : hémiparésie motrice pure (« pure motor stroke » ou PMS), déficit sensitif isolé (« pure sensory stroke »ou PSS), et une variante à type d’hémihypoesthésie avec hémiataxie, le déficit sensitivomoteur (« sensory-motor stroke » ou SMS), et l’hémiparésie ataxique.

Enfin, la survenue d’une hémiparésie ataxique hypesthésique (ou HAH), associant une incoordination de type cérébelleux à un déficit sensitivomoteur incomplet, n’est pas rare et serait plus spécifique d’un infarctus de l’AchA.

Le mécanisme étiopathogénique le plus fréquemment rencontré est une lipohyalinose, chez des sujets hypertendus ou diabétiques.

Une origine embolique cardiaque ou carotidienne est possible mais rare (15 %).

Ces mécanismes supposés ont justifié la limitation des investigations étiologiques, cette conception ne peut plus être acceptée actuellement. Enfin, dans un nombre non négligeable de cas, jusqu’à 43,7 %, l’étiologie de l’ischémie reste incertaine.

D – INFARCTUS DU TERRITOIRE DES ARTÈRES PERFORANTES DE LA CAROTIDE INTERNE :

Ils sont responsables d’une ischémie du genou de la capsule interne.

Le tableau clinique associe une paralysie faciale, une paralysie de la langue, une dysarthrie et plus rarement une paralysie laryngopharyngée, de la mastication et de la corde vocale.

Il peut également exister des troubles neuropsychologiques à type de confusion, de troubles mnésiques, ou de dysfonctionnement frontal comme une aboulie pure.

Leur pronostic reste favorable à long terme.

E – AUTRES INFARCTUS SOUS-CORTICAUX : INFARCTUS PROFONDS ET INFARCTUS LACUNAIRES

Une certaine confusion existe lorsque l’on aborde ce type d’infarctus et de nombreux problèmes se sont accumulés en pratique neurologique courante, du fait de l’absence de définitions communes strictes, de différentes classifications utilisées et d’abus de langage.

Ainsi doit-on placer, par définition et exclusivement dans ce groupe, les infarctus qui ont comme dénominateur commun d’être de topographie strictement sous-corticale, et de volume faible.

En fait, on devrait parler dans ce cas, en l’absence de connaissance exacte de leur mécanisme étiologique, d’infarctus profond de faible volume (« small deep infarct »).

La classification anatomique des infarctus sous-corticaux repose sur la connaissance préalable des différents territoires de vascularisation comme il a été décrit précédemment.

Si les territoires des artères perforantes sont bien identifiés : carotide interne, ACM (artères lenticulostriées), AchA, ACA (artère de Heubner et lenticulostriées antérieures) ou de l’artère communicante postérieure (ce dernier groupe ne sera pas discuté puisqu’il appartient classiquement au territoire vertébrobasilaire), la principale difficulté demeure la vascularisation précise du centre ovale.

Ainsi, les artères perforantes médullaires de la substance blanche, provenant principalement des artères corticales, participent à la vascularisation du centre ovale.

Leur origine (ACM) reste hypothétique ainsi que l’existence de territoire de jonction entre les perforantes profondes et corticales.

Ces inconnues ont autorisé l’utilisation de différentes classifications fondées sur d’autres critères que l’anatomie vasculaire.

Une classification de ces infarctus profonds a été proposée selon leur volume (grande ou petite taille).

Son utilité est discutable car elle interfère avec la précédente sans donner de précisions particulières, et deux groupes sont distingués.

Ces deux groupes sont différenciés selon leur situation anatomique :

– les infarctus de grande taille (diamètre supérieur à 15 mm) : ils correspondent, en fait, à ceux décrits précédemment dans l’étude des infarctus profonds des artères terminales de la carotide interne, et parfois abusivement nommés « lacune géante » ; ou à ceux strictement localisés au centre ovale (artères perforantes de la substance blanche).

Ces derniers sont décrits classiquement en « carte de géographie » où l’infarctus s’étend du centre ovale jusqu’au bord interne du cortex en épargnant les fibres en U.

Leur tableau clinique est souvent assez trompeur du fait de l’association de signes moteurs, sensitifs, visuels et cognitifs qui ne permettent pas de les différencier d’un infarctus pial.

Leurs mécanismes de constitution ne sont pas encore clairement démontrés ; l’hypothèse d’une origine hémodynamique paraît toutefois peu probable du fait de l’atteinte étendue et non strictement limitée à un territoire frontière (entre les territoires superficiel et profond de l’ACM) ; l’origine embolique (artérielle ou cardiaque) est possible, rencontrée dans 35 % des cas pour Bogousslavsky et Regli ;

– les infarctus sous-corticaux de petite taille se définissent par un faible volume (diamètre inférieur à l5 mm).

Leur localisation peut intéresser soit les territoires perforants des artères basales, soit celui des artères perforantes de la substance blanche (centre ovale) en provoquant alors des infarctus dits « ovalaire », qui restent toujours à distance du corps ventriculaire.

Leur présentation clinique associe de nombreux signes : moteurs, sensitifs, cognitifs et plus rarement hémiataxie, mouvements involontaires, syndrome extrapyramidal, hémianopsie, déviation conjuguée ou syndrome operculaire.

Fréquemment, un « syndrome clinique lacunaire » est retrouvé ; déficit moteur pur dans 55 % des cas, déficit sensitivomoteur dans un tiers des cas, hémiparésie ataxique une fois sur cinq et absence de troubles cognitifs.

Une autre classification utilise le terme de « lacunes » ou « d’infarctus lacunaires ».

Il faut rappeler que les « lacunes » peuvent être provoquées également par des petites hémorragies ou seulement par des dilatations des espaces périartériolaires de Virchow-Robin.

Depuis les travaux de Fisher, on admet que les lacunes ischémiques sont le plus souvent dues à une occlusion in situ d’une artériole, secondaire à un mécanisme de dégénérescence de la paroi artérielle spécifiquement lié à l’hypertension artérielle chronique : la lipohyalinose.

Cela apparaît vraisemblable pour les infarctus très petits (inférieurs à 5 mm), qui sont toujours associés à une occlusion d’une seule perforante. Dans ce cas, malheureusement, ils sont le plus souvent asymptomatiques du fait même de leur très faible volume.

À l’inverse, les infarctus plus larges (diamètre compris entre 5 et 15 mm) sont, eux, symptomatiques et plusieurs perforantes sont occluses.

Si l’étiologie dans ce cas est effectivement le plus souvent une microangiopathie hypertensive, dans près d’un cas sur trois, d’autres causes sont mises en évidence : embolie à point de départ cardiaque ou artériel à partir d’un athérome sténosant.

Cependant, est encore débattu le fait de savoir si la découverte d’une cardiopathie emboligène ou d’un athérome sténosant, n’est pas seulement fortuite et si l’origine de ces infarctus, n’est pas en fait un athérome ostial des artères perforantes.

En outre, l’hypertension n’est pas le seul facteur favorisant cette microangiopathie, le diabète étant un facteur tout aussi important dans la constitution de ces lésions artérielles.

Enfin il ne faut pas négliger d’autres causes lésionnelles telles que les vascularites systémiques ou infectieuses (syphilis…).

Le problème s’est encore plus compliqué avec l’utilisation de critères cliniques pour définir à la fois le type anatomique de l’ischémie et aussi l’étiologie de ces petits infarctus profonds.

Les syndromes lacunaires cliniques classiques (hémiplégie motrice pure, syndrome hémicorporel sensitif pur, hémiparésie ataxique et déficit sensitivomoteur) ne sont réellement évocateurs d’infarctus par microangiopathie hypertensive que sous certaines restrictions.

Ainsi, dans le cas de l’hémiplégie motrice pure, cette relation n’est exacte que si le déficit est strictement proportionnel et, inversement, un déficit moteur isolé localisé à un seul segment est très rarement causé par un infarctus sous-cortical.

Dans le cas d’un déficit sensitif pur, le caractère proportionnel est assez évocateur de l’origine thalamique mais les phénomènes douloureux peuvent aussi se rencontrer lors d’atteintes corticales pariétales.

De plus, un infarctus thalamique est causé dans deux tiers des cas par une embolie cardiaque ou artérielle.

L’hémiparésie ataxique est le moins caractéristique de ces syndromes cliniques aussi bien en ce qui concerne le diagnostic topographique qu’étiologique.

Le tableau le plus caricatural, associant déficit moteur crural et ataxie du membre supérieur, ne semble se rencontrer que lors des infarctus du territoire de l’ACA.

Face à un déficit sensitivomoteur isolé, un infarctus profond sous-cortical n’est trouvé que dans 35 % des cas.

Mais, le caractère proportionnel de l’atteinte motrice ou sensitive (déficit portant fréquemment sur toutes les modalités de la sensibilité) est très évocateur de l’origine profonde de l’infarctus, alors qu’une atteinte de type brachiofacial doit faire chercher une lésion corticale.

Enfin, aucun de ces quatre syndromes n’est corrélé avec la taille de l’infarctus profond.

Si l’on considère les mécanismes étiologiques de ces tableaux cliniques, on trouve une prévalence élevée de l’hypertension et du diabète (60 à 94 %), mais une origine potentiellement embolique (cardiaque ou artérielle) est retrouvée dans plus d’un cas sur trois.

On peut admettre que si l’on prend en compte les restrictions cliniques énoncées ci-dessus, ces syndromes cliniques chez des patients âgés hypertendus ou diabétiques sont suggestifs d’infarctus lacunaire.

Il apparaît donc, qu’au sein de ces infarctus profonds de faible volume, il existe une grande variabilité des tableaux cliniques, de la localisation des lésions et enfin même des étiologies possibles.

Leur détermination précise ne devrait prendre en compte que des données radioanatomiques correctes et une enquête étiologique approfondie.

Au total, le terme d’infarctus lacunaire doit être réservé uniquement aux infarctus profonds de faible volume et dont le mécanisme de constitution est préférentiellement une microangiopathie hypertensive (ou diabétique).

Les infarctus sous-corticaux montrent combien ont été nombreux les problèmes : variabilité dans les territoires atteints et dans la taille des infarctus observés, étiologies multiples qui peuvent être trouvées concomitamment chez un même sujet sans corrélation toujours précise entre ces différents éléments qui ne sont, en eux-mêmes, pas toujours spécifiques.

L’ensemble de ces constatations explique les données discordantes anatomocliniques.

Il apparaît nécessaire, pour réaliser une étude de ce type d’infarctus, de tenir compte d’une analyse clinique précise et d’une classification topographique rigoureuse.

F – INFARCTUS FRONTIÈRES :

Les infarctus frontières cérébraux ou « borderzone infarct » sont définis comme des lésions ischémiques situées à la charnière des différents territoires vasculaires ; on distingue d’un point de vue strictement descriptif :

– des infarctus qui siègent entre deux territoires artériolaires reliés par un réseau anastomotique qui sont les infarctus proprement dits jonctionnels ou des derniers près (« watershed infarct ») dont le principal type est l’infarctus jonctionnel pial ;

– des infarctus situés entre les territoires vasculaires dépendant d’artères de type terminoterminal, l’ischémie se trouve alors dans une zone de transition dépourvue de réseau anastomotique, sans suppléance collatérale possible comme par exemple entre les perforantes profondes et de la substance blanche de l’ACM.

Ces deux types de lésions ischémiques siègent aux confins des principaux territoires artériels cérébraux hémisphériques corticaux et profonds (artères cérébrales antérieure, moyenne et postérieure).

Leur fréquence est globalement sous-estimée, représentant environ 3 % des patients avec une ischémie cérébrale.

Le diagnostic d’infarctus jonctionnel cérébral cortical pourrait être défini au scanner ou en IRM devant une hypodensité ischémique dont le siège est à cheval sur deux territoires vasculaires artériels contigus sur un ensemble de coupe, et lorsqu’un tiers au moins de son volume siège dans l’un des deux territoires ; pour les infarctus frontières profonds, la topographie est moins précise.

Le problème reste la prise en compte de la variabilité anatomique des territoires de vascularisation.

De plus, l’aspect fonctionnel de ces infarctus ne peut être déduit aisément de ces mêmes constatations anatomiques sans substratum physiologique.

Avant d’envisager les aspects cliniques particuliers de ce type d’infarctus, certains éléments sont retrouvés fréquemment, quel que soit le territoire ischémié : céphalées rares (8 % des cas), perte de connaissance initiale de quelques minutes (37 %), AIT précessifs déclenchés par un phénomène hémodynamique, soit orthostatique, soit chute tensionnelle iatrogène (27 %), souffrance simultanée rétinienne et cérébrale, réalisant le syndrome opticocérébral par lésion carotidienne sténosante avec retentissement hémodynamique d’aval, modalités évolutives initiales s’installant sur quelques heures ou fluctuantes (35 % des cas), activité anormale à type de myoclonies focales ou secousses musculaires répétitives sans activité épileptique à l’électroencéphalogramme (EEG) initié lors de l’orthostatisme ou de l’hyperextension du cou (12 % des cas).

Les différents tableaux cliniques rencontrés sont extrêmement variables selon la topographie des lésions.

1- Infarctus frontière hémisphérique unilatéral antérieur :

Le tableau classique est représenté le plus souvent par un déficit moteur prédominant sur le membre inférieur et respectant la face (la zone de représentation faciale est épargnée car le territoire de jonction ne s’étend pas latéralement sur la convexité).

Ce déficit moteur est habituellement d’intensité modérée.

Il est associé, dans la moitié des cas, à un déficit sensitif discret de type sous-cortical, atteignant les sensibilités élémentaires et de même topographie.

Parfois même, il peut être absent. Une aphasie d’expression est rencontrée dans les lésions gauches.

Il s’agit alors d’une aphasie transcorticale motrice, avec une réduction de la fluence verbale et du langage spontané qui se limite à la production de phrases courtes sans paraphasies phonémiques ou d’agrammatisme ; la compréhension et la répétition sont normales.

D’autres tableaux sont décrits plus rarement avec déficit brachiofacial ou prédominant sur la racine du membre supérieur, parfois uniquement un déficit du membre inférieur en cas d’atteinte de la région sous-corticale frontale.

Dans les lésions droites, ce tableau est associé à des troubles de l’humeur (apathie, euphorie).

Plus rarement, il existe des troubles oculaires (déviation conjuguée partielle).

2- Infarctus frontière hémisphérique unilatéral postérieur :

Les atteintes du champ visuel sont constantes, sous la forme d’une hémianopsie latérale homonyme toujours non congruente, respectant la vision maculaire, et prédominant volontiers sur le cadre inférieur.

En cas de lésion gauche, les perturbations du langage sont presque toujours constantes avec, soit le plus souvent une aphasie dite transcorticale sensorielle qui associe un langage fluent, une production de nombreuses paraphasies verbales, une bonne répétition et des troubles de la compréhension (aphasie dite du « perroquet »), soit une aphasie de Wernicke avec un jargon formé de nombreuses paraphasies littérales et d’importants troubles de la compréhension.

Une alexie sans agraphie n’a jamais été signalée. Ces troubles du langage ne sont pas précédés d’un mutisme comme au cours des lésions antérieures.

Une fois sur deux, on peut retrouver, associés à ces aphasies, des troubles de l’humeur avec une dépression marquée.

De façon plus rare, un tableau spécifique a été signalé au cours des occlusions de la carotide interne, avec un aphasie transcorticale mixte associant un langage spontané non fluent, une mauvaise dénomination et compréhension mais une bonne répétition et qui témoigne toujours d’une désactivation des aires du langage par une double lésion atteignant à la fois la jonction pariéto-occipitale et la région antérieure de la zone de Broca.

Au cours des lésions droites, une négligence spatiale unilatérale gauche et une anosognosie sont habituelles.

Le déficit moteur est plus rarement observé, il atteint plutôt le segment brachiofacial et il est associé très fréquemment à un déficit sensitif de même topographie.

Le trouble sensitif est plutôt de type central avec une atteinte portant sur la sensibilité discriminative (topoesthésie, stéréognosie et discrimination de deux stimulus).

3- Infarctus frontières sous-corticaux :

L’expression clinique la plus fréquente est une atteinte de la motricité. Le déficit moteur est alors volontiers brachiofacial avec une atteinte sensitive modérée de même topographie et dont le déficit porte sur les modalités élémentaires de la sensibilité.

Les troubles du langage peuvent être absents ou sous forme, en cas de lésions gauches, d’une aphasie de type sous-cortical.

4- Infarctus jonctionnels bilatéraux :

Ils simulent parfois une symptomatologie du tronc cérébral avec déficit moteur ou sensitif bilatéral avec épargne faciale, parfois dans un contexte de vertige, particulièrement lors de l’orthostatisme, mais il n’y a jamais d’atteinte oculomotrice, de dysphagie ou de dysarthrie.

Paradoxalement, un tableau est assez évocateur réalisant le syndrome de « l’homme dans un baril » décrit pour la première fois par Mohr, avec une diplégie brachiale sans atteinte des membres inférieurs et sans troubles sensitifs. L’absence d’anomalies des réflexes du tronc cérébral est alors évocatrice.

Ce type de tableau survient souvent au décours d’un coma initial.

Leur fréquence est assez élevée (32 %) au cours des hypotension et/ou coma ; leur pronostic est alors défavorable avec seulement 9 % de survie.

Par ailleurs, ils peuvent aboutir à un syndrome démentiel de type démence sous-corticale.

D’autres aspects sont signalés en particulier en cas d’atteintes bilatérales postérieures avec des tableaux de cécité corticale avec abolition du nystagmus optocinétique, hallucinations visuelles, distorsions visuelles et enfin, plus rarement, un syndrome de Balint complet, qui, s’il est rare, est assez caractéristique de ce type d’infarctus.

Au cours des atteintes bilatérales antérieures sous-corticales, on observe un tableau de type pseudomyélopathique avec déficit bilatéral des membres inférieurs.

On doit distinguer trois grands groupes étiologiques : les accidents hémodynamiques sur bas débit cérébral secondaires à un collapsus (hémodynamique, hypovolémique, septique, cardiogénique), les infarctus sur occlusions multiples des artères à destination encéphalique et enfin les microembolies (maladies hématologiques, embolies, cholestérol, gazeuses).

Les plus fréquentes sont les occlusions ou sténoses serrées de la carotide interne et les hypotensions systémiques.

Le mécanisme alors supposé est, dans la majorité des cas, un mécanisme hémodynamique à l’origine de l’infarcissement, à l’inverse, du mécanisme embolique (occlusif) du troisième groupe.

Les infarctus frontières apparaissent comme un indicateur de risque de décès cardiaque et ils imposent un dépistage et une prise en charge thérapeutique cardiaque spécifique chez les patients avec une pathologie sténosante carotidienne.

G – INFARCTUS MULTIPLES DANS UN MÊME TERRITOIRE CAROTIDIEN :

Ils concernent 2 % de l’ensemble des infarctus, survenant dans des territoires de l’ACM superficielle dans trois quarts des cas, ou dans des territoires distaux dans un tiers des cas (limites ACM-ACA et l’ACM-ACP).

Le tableau clinique est volontiers massif associant déficit moteur et sensitif controlatéral, une amputation du champ visuel et une atteinte intellectuelle ; aphasie de conduction ; ou encore aphasie transcorticale mixte.

Plus d’une fois sur deux, le mécanisme est une sténose ou une occlusion de l’artère carotide interne ipsilatérale.

Éléments pronostiques des infarctus du territoire carotidien :

Ils doivent être évalués dès la phase aiguë en utilisant les critères cliniques, biologiques et de neuro-imagerie.

Ainsi, les modèles statistiques ayant permis de définir les éléments pertinents et leurs risque relatifs ont mis en lumière l’intérêt combiné de score clinique (type NIHSS) et les résultats de l’IRM de diffusion-perfusion qui permet d’identifier le volume lésionnel et les zones de pénombre.

Les données provenant des registres hospitaliers doivent permettre d’établir clairement les différents profils évolutifs par sous-type précis d’infarctus et ainsi de pouvoir comparer les résultats entre les différentes équipes.

Cette étape étant le préalable à l’établissement de fourchette acceptable de mortalité-morbidité par localisation d’infarctus.

A – INFARCTUS DU TERRITOIRE DE L’ARTÈRE CÉRÉBRALE MOYENNE ET DE L’ARTÈRE CÉRÉBRALE ANTÉRIEURE :

La meilleure approche du pronostic des infarctus de l’ACM repose moins sur le mécanisme étiologique de l’ischémie que sur le siège de l’occlusion artérielle et par là sur le volume lésionnel.

En ce sens, nous devons bien distinguer deux catégories d’infarctus.

1- Infarctus limités à une artère distale superficielle ou profonde :

La mortalité immédiate des infarctus du territoire profond de l’ACM est faible (10-20 %).

En revanche, à plus long terme, la récupération reste médiocre avec persistance, environ deux fois sur trois, d’un déficit moteur ou intellectuel séquellaire.

Ainsi, quelques critères de pronostic défavorable ont été définis pour l’ACM profond ; un âge avancé, la présence de troubles neuropsychologiques et d’anomalie visible sur l’artériographie.

Le pronostic des infarctus corticaux de l’ACM dépend en fait de la localisation et l’extension de l’ischémie, comme en témoignent les données des registres.

Ainsi la mortalité précoce semble assez faible (entre 1 et 5 %).

La récupération permet une autonomie satisfaisante avec reprise des activités antérieures dans plus de la moitié des cas, dans un quart des cas, les séquelles sont invalidantes.

Il apparaît que les infarctus des troncs postérieurs de l’ACM sont associés à une sévérité plus marquée que les infarctus des troncs supérieurs (l’importance des troubles cognitifs rendant difficile l’intégration sociale ultérieure).

2- Infarctus étendus de l’artère cérébrale moyenne :

Le pronostic vital y est péjoratif avec un taux de mortalité élevé (7 à 30 %), atteignant jusqu’à 67 % des cas, s’il apparaît un coma dans les 24 premières heures de l’ischémie.

Les survivants gardent un handicap sévère et seuls 10 % d’entre eux retrouvent une autonomie satisfaisante.

Les facteurs prédictifs de décès précoce sont l’apparition d’un coma et une déviation oculaire.

Les facteurs prédictifs de perte d’autonomie ou de décès sont l’existence d’une amputation du champ visuel, l’apparition de troubles de la conscience modérés et l’occlusion de l’ACM total.

En cas d’infarctus oedémateux, l’évolution est presque constamment défavorable malgré les traitements antioedémateux, avec une mortalité précoce (< 15 jours), atteignant près de 80 %.

L’engagement survient dans les 5 premiers jours, et concernerait 78 % des infarctus de l’ACM totale.

Lorsqu’ils sont étendus, les infarctus du territoire de l’ACA ont un pronostic comparable aux infarctus de l’ACM.

B – INFARCTUS DU TERRITOIRE DE L’ARTÈRE CHOROÏDIENNE ANTÉRIEURE :

Malgré un nombre conséquent de cas publiés d’infarctus de l’AchA, l’évolution et le pronostic ont été peu étudiés et mal quantifiés.

En cas d’infarctus unilatéral, l’évolution est globalement favorable tant du point de vue vital que fonctionnel. Les troubles du langage et visuels sont de régression rapide.

Le syndrome de négligence rencontré lors d’une lésion droite est en revanche plus persistant, peut-être du fait d’une moindre coopération des patients à leur rééducation.

L’évolution de la symptomatologie déficitaire motrice et/ou sensitive est diversement estimée, surtout en raison d’une grande hétérogénéité dans la présentation clinique initiale.

En cas d’infarctus bilatéral (d’emblée ou non), le pronostic, vital ou fonctionnel, est beaucoup plus péjoratif.

En effet, de nombreuses complications accompagnent rapidement la survenue d’un syndrome pseudobulbaire aigu.

Il s’agit le plus souvent de bronchopneumopathies de déglutition ou d’arrêts cardiorespiratoires.

Les patients survivants sont sévèrement handicapés : nutrition par gastrostomie, grabatisation, communication nulle ou très limitée….

C – INFARCTUS SOUS-CORTICAUX OU DU CENTRE OVALE :

Quel que soit le type de ces infarctus profonds et leurs expressions cliniques, ils ont un pronostic favorable avec une mortalité initiale très faible (5 %) et peu de séquelles invalidantes (20 %).

Toutefois, la fréquence de récidive est importante, pouvant conduire à un état de détérioration intellectuelle progressif (démence multi-infarctus).

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