Syndromes néphrotiques

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Le syndrome néphrotique traduit une anomalie fonctionnelle ou organique du filtre glomérulaire qui reconnaît un certain nombre d’aspects histologiques et étiologiques différents.

Syndromes néphrotiquesLa néphrose lipoïdique (ou syndrome néphrotique à lésions glomérulaires minimes) ne représente que 15 à 20 % des syndromes néphrotiques de l’adulte mais est souvent prise comme modèle de description de ces affections glomérulaires.

Physiopathologie :

A – Protéinurie :

Le syndrome néphrotique est caractérisé par une protéinurie importante liée à un trouble de la perméabilité capillaire glomérulaire.

Cette protéinurie contient essentiellement de l’albumine ou des protéines de poids moléculaire supérieur à l’albumine.

Elle est responsable d’une perte d’albumine supérieure aux capacités de synthèse hépatique, provoquant ainsi une hypoalbuminémie.

Le syndrome néphrotique répond à une définition strictement biologique et associe : une protéinurie supérieure à 3 g/24 h, une hypoprotidémie inférieure à 60 g/L, une hypoalbuminémie inférieure à 30 g/L.

Il faut noter que dans la littérature anglo-saxonne, le syndrome néphrotique est plus simplement défini par une protéinurie supérieure à 3,5 g/24 h/1m273.

La symptomatologie clinique est dominée par le syndrome oedémateux.

L’aspect qualitatif de la protéinurie permet de distinguer 2 types d’altérations de la membrane basale glomérulaire : soit la protéinurie est constituée essentiellement d’albumine à l’électrophorèse des protéines urinaires et est qualifiée, dans ce cas, de sélective.

Il existe alors une altération biochimique du filtre glomérulaire avec notamment une perte des charges anioniques de la membrane basale glomérulaire sans anomalie morphologique observée en microscopie optique ; soit la protéinurie est dite non sélective et il existe alors, en plus de l’albumine, des protéines de haut poids moléculaire.

Des lésions du filtre glomérulaire sont le plus souvent observées en microscopie optique.

En pratique, la protéinurie est qualifiée de sélective si elle contient plus de 85 % d’albumine ou si le rapport clairance des IgG/clairance de la transferrine est inférieur à 0,1.

B – Complications observées au cours du syndrome néphrotique :

1- OEdèmes :

  • Ils sont mous, blancs et « prennent le godet ». Ils prédominent dans les territoires déclives (chevilles, jambes en position debout, lombes chez un sujet en décubitus dorsal) ou les régions où la pression extravasculaire est faible (orbite de l’oeil).
  • Un épanchement des séreuses (plèvre, péricarde, péritoine) peut être observé réalisant un tableau d’anasarque.

L’oedème pulmonaire est exceptionnel en l’absence d’insuffisance cardiaque.

  • Les oedèmes sont liés à une diminution de la pression oncotique des protéines intravasculaires qui permet la fuite de sel et d’eau vers le liquide interstitiel.
  • Cette fuite d’eau et de sel plasmatiques est responsable d’une hypovolémie efficace qui stimule les systèmes participant à la rétention hydrosodée comme le système rénine-angiotensine-aldostérone et le système sympathique.

2- Hyperlipidémie :

  • Elle est de type mixte le plus souvent, l’hypercholestérolémie peut être très importante (> 10 mmol/L). Elle est liée à une augmentation de la production des lipoprotéines au niveau du foie (VLDL [very low density lipoprotein] et LDL [low density lipoprotein]) et à une diminution de leur catabolisme.
  • Elle est directement corrélée à l’importance de la protéinurie et plus précisément à l’augmentation de la clairance de l’albumine.

3- Anomalies de la coagulation :

  • Les pertes urinaires de certains facteurs de coagulation sont largement compensées par une augmentation de la synthèse hépatique des protéines de la coagulation.

La fuite urinaire d’un anticoagulant naturel, l’antithrombine III est constante.

  • Il existe donc une situation d’hypercoagulabilité responsable d’une augmentation de la fréquence des thromboses vasculaires veineuses périphériques chez les patients néphrotiques avec un risque d’embolie pulmonaire.
  • Une thrombose des veines rénales peut être observée chez les patients ayant un syndrome néphrotique intense (albuminémie < 20 g/L), avec un risque élevé d’embolie pulmonaire.

Cette thrombose est parfois révélée par une hématurie macroscopique et une douleur de la fosse lombaire.

Elle est le plus souvent asymptomatique et son diagnostic est évoqué devant une détérioration de la fonction rénale et une aggravation du syndrome néphrotique.

4- Réponse immunitaire et risque infectieux :

Elle est diminuée au cours du syndrome néphrotique.

Les taux d’immunoglobulines G et A sont diminués et l’immunité cellulaire est modifiée.

Conséquence directe de la diminution du taux d’IgG chez les patients néphrotiques, le risque d’infection par les bactéries encapsulées (pneumocoque, Hæmophilus, Klebsiella) est particulièrement augmenté.

5- Augmentation de la fraction libre plasmatique des médicaments liés à l’albumine :

  • La baisse de l’albumine sérique est directement responsable de l’augmentation de la fraction libre des médicaments (notamment des antivitamines K, des antiinflammatoires non stéroïdiens…).

Le risque de surdosage et d’effet toxique est augmenté.

  • Un certain nombre d’anomalies métaboliques sont observées chez les patients néphrotiques au long cours.

Elles sont liées à la baisse de métaux éléments (fer, cuivre, zinc), de protéines porteuses (céruloplasmine, transferrine).

La malnutrition protidique est fréquemment observée au cours des syndromes néphrotiques chroniques.

Diagnostic :

Il est en général aisé chez l’adulte et doit être évoqué dans 2 circonstances principales : l’installation explosive ou progressive d’un syndrome oedémateux et la découverte d’une protéinurie abondante lors d’un examen systématique (service militaire, médecine du travail, médecine scolaire).

A – Tableau clinique :

  • L’interrogatoire doit préciser les modalités d’installation et l’ancienneté des oedèmes (quelques jours ou plusieurs semaines), rechercher un ou des facteur(s) déclenchant( s) ou la prise de certains médicaments (vaccination, piqûres d’insecte, syndrome infectieux récent, prise d’anti-inflammatoires non stéroïdiens).
  • Les oedèmes sont dits superficiels « rénaux », blancs, mous, indolores, prenant le godet, déclives, siégeant le matin dans les paupières, sur le dos des mains et aux lombes et le soir aux membres inférieurs.
  • Des épanchements des séreuses de type transsudatif peuvent s’associer.
  • La prise de poids est constante et permet de chiffrer l’importance de la rétention hydrosodée.
  • En cas d’installation aiguë, le syndrome oedémateux peut être associé à une oligurie.
  • L’absence de syndrome oedémateux ne permet pas de récuser le diagnostic de syndrome néphrotique, surtout chez les patients suivant un régime sans sel et (ou) traités par diurétiques au préalable.
  • La pression artérielle est variable et dépend en général du type de néphropathie glomérulaire responsable du syndrome néphrotique et de l’association éventuelle à une insuffisance rénale organique.
  • L’examen clinique doit être minutieux, à la recherche de signes « extrarénaux » : angine, purpura, arthralgies, lésions cutanées, polysérite…
  • Le caractère pur ou impur du syndrome néphrotique doit être établi.

Le syndrome néphrotique est qualifié de pur s’il n’est accompagné, ni d’hématurie microscopique, ni d’hypertension artérielle, ni d’insuffisance rénale organique et si la protéinurie est sélective.

Il est qualifié d’impur s’il est associé à un ou plusieurs des signes précédents.

Un syndrome néphrotique pur traduit un syndrome d’hyperperméabilité capillaire glomérulaire purement fonctionnel sans anomalie visible en microscopie optique.

Le syndrome néphrotique impur traduit une lésion morphologique analysable en microscopie optique.

La présence d’un sédiment urinaire dit « actif », hématurie et (ou) leucocyturie, peut traduire un processus prolifératif, inflammatoire au sein du glomérule.

B – Examens biologiques :

1- Dans les urines :

  • La protéinurie, détectée par l’usage de bandelettes (albustix, multistix) au lit du malade, est confirmée au laboratoire.

La protéinurie est permanente et abondante (>3 g/24 h).

  • L’électrophorèse des protéines urinaires permet d’apprécier la sélectivité.

Une protéinurie est dite sélective si elle est constituée à plus de 85 % d’albumine.

  • L’analyse du sédiment urinaire permet de rechercher l’association à une hématurie et (ou) une leucocyturie microscopique (> 10 H et/ou L/mm3).
  • L’examen du culot urinaire recherche des cylindres hématiques, évocateurs de l’origine glomérulaire de l’hématurie ; une infection urinaire confirmée par une uroculture.
  • L’ionogramme urinaire montre une diminution de la natriurèse (< 20 mEq/24 h), associée à une kaliurèse adaptée aux apports, témoignant d’un hyperaldostéronisme secondaire.

2- Dans le sang :

  • Il existe une hypoprotidémie à 60 g/L, associée à une hypoalbuminémie inférieure à 30 g/L.
  • L’analyse de l’électrophorèse des protéines montre une modification de la répartition des globulines avec une élévation des alpha-2-bêtaglobulines et du fibrinogène ; une diminution des gammaglobulines.
  • L’hyperlipidémie est fréquente avec une élévation des taux de cholestérol et de triglycérides.
  • L’hypoprotidémie est associée à une augmentation de la vitesse de sédimentation, une hypocalcémie (par diminution de la fraction liée du calcium aux protéines).
  • Les concentrations d’urée et de créatinine plasmatiques varient en fonction de l’étiologie du syndrome néphrotique et de l’association à une insuffisance rénale organique ou fonctionnelle.

C – Diagnostic différentiel :

On évoque une fausse protéinurie à la bandelette réactive (bandelettes trop anciennes, urines alcalines), une protéinurie intermittente ou orthostatique.

Surtout, seront discutées les autres causes d’oedèmes généralisés (cirrhose, insuffisance cardiaque, péricardite constrictive) qui peuvent également s’accompagner d’une protéinurie ; ou d’hypoprotidémie (malabsorption, dénutrition…).

D – Diagnostic étiologique :

De façon schématique, on distingue les syndromes néphrotiques primitifs et secondaires.

1- Syndrome néphrotique primitif ou idiopathique :

Ce diagnostic est posé si l’enquête étiologique s’avère négative, en pratique, en l’absence de signes extrarénaux. Les néphropathies glomérulaires primitives sont alors définies selon leur type histologique.

2- Syndrome néphrotique secondaire :

Ce diagnostic est établi si la néphropathie glomérulaire s’intègre dans le cadre d’une maladie générale ou si une cause précise (infectieuse, toxique, tumorale) est mise en évidence.

Les causes d’un syndrome néphrotique secondaire sont nombreuses :

– maladie générale tel le diabète ;

– maladie systémique comme le lupus, la vascularite nécrosante, le purpura rhumatoïde, l’amylose AL au cours d’un myélome ou AA secondaire à des maladies inflammatoires chroniques ;

– infections telles que la glomérulonéphrite aiguë post-infectieuse (streptocoque, pneumocoque), la glomérulopathie secondaire à une infection d’un shunt atrioventriculaire, à une infection par le virus de l’hépatite B ou de l’hépatite C, le paludisme, la syphilis ;

– cancer avec tumeur solide, hémopathie, gammapathie monoclonale, cryoglobulinémie ;

– médicaments comme les sels d’or, la D-pénicillamine, les anti-inflammatoires non stéroïdiens ;

– autres causes telles qu’une transplantation rénale ou une prééclampsie.

  • L’enquête étiologique doit donc être dictée par l’orientation donnée par les antécédents, l’anamnèse et l’examen clinique.

Un certain nombre d’examens biologiques de débrouillage peuvent être demandés en fonction de l’orientation : étude du complément et de ses composants, anticorps anti-nucléaires, recherche d’une protéine monoclonale dans le sang et dans les urines, sérologies des hépatites B et C ainsi que du virus de l’immunodéficience humaine.

  • L’examen de référence reste la biopsie rénale qui est de pratique systématique chez l’adulte après ou au cours d’un repérage échographique.

Les contre-indications de cet examen sont liées à une hypertension artérielle sévère non contrôlée, des troubles de la coagulation, la présence d’un rein unique fonctionnel, des conditions anatomiques particulières (splénomégalie, hépatomégalie, rein en fer à cheval).

  • La distinction entre le caractère primitif ou secondaire du syndrome néphrotique a toutefois ses limites car la négativité de l’enquête étiologique dépend de son exhaustivité, le caractère idiopathique ou primitif d’une glomérulopathie est directement lié à la limite des connaissances médicales et scientifiques, une néphropathie glomérulaire, considérée comme primitive sur son aspect, peut en fait précéder le diagnostic d’une maladie générale, d’un cancer ou d’une infection.

Néphropathies glomérulaires dites primitives :

Le syndrome néphrotique est révélateur de la plupart des glomérulopathies primitives.

Devant un syndrome néphrotique intense chez l’adulte, d’apparition brutale, ne comportant initialement ni hypertension, ni insuffisance rénale, ni hématurie, 4 diagnostics peuvent être évoqués : un syndrome néphrotique à lésions glomérulaires minimes (15 à 20 % des cas), une hyalinose segmentaire et focale (15 à 20 %), une glomérulonéphrite extramembraneuse (40 % des cas).

A – Glomérulonéphrite à lésions glomérulaires minimes (néphrose lipoïdique) :

1- Clinique et histologie :

Elles représentent 75 % des syndromes néphrotiques de l’enfant et seulement 15 à 20 % des syndromes néphrotiques de l’adulte. Le début est volontiers brutal.

Le syndrome oedémateux est en général franc et le syndrome néphrotique est pur.

À l’examen histologique, il n’existe aucune lésion en microscopie optique et aucun dépôt en immunofluorescence.

L’étude en microscopie électronique, si elle est réalisée, révèle une fusion des pieds des podocytes (pédicelles).

Cette affection glomérulaire est dénommée chez l’adulte « syndrome néphrotique à lésions glomérulaires minimes » et correspond à l’ancienne dénomination de « néphrose lipoïdique ».

2- Évolution et traitement :

La rémission spontanée peut être observée dans 20 à 40% des cas.

Toutefois, le traitement est indiqué au moment du diagnostic afin d’assurer les meilleures chances de mise en rémission rapide et d’éviter les complications liées au syndrome néphrotique.

Il fait appel à la corticothérapie (1 mg/kg/j chez l’adulte, 2 mg/kg/j chez l’enfant).

Cette posologie élevée est poursuivie pendant 4 à 16 semaines en fonction de la réponse et diminuée de façon très progressive sur une période de 6 mois.

Un traitement anticoagulant est institué dans certains cas à risque de thrombose (hypoalbuminémie sévère, antécédents de thrombose).

  • Les éléments de surveillance comportent la mesure de la pression artérielle et la recherche des effets secondaires liés à la corticothérapie (prise de poids, faciès cushingoïde, acné, hypertension, hypokaliémie…) qui sont indispensables ; les dosages de la créatininémie, de la protéinurie des 24 h, de l’albuminémie et de la kaliémie doivent être pratiqués régulièrement tous les 15 j au début du traitement.

Après mise en rémission, la simple utilisation de bandelettes urinaires peut être suffisante pour détecter une rechute.

  • La rémission est définie par la disparition de la protéinurie.

La correction de l’hypoalbuminémie est observée parallèlement.

  • La corticorésistance est définie par l’absence de réponse sur la protéinurie (> 3 g/j) après 3 à 4 mois de traitement par corticoïdes à fortes doses.
  • La corticodépendance correspond chez un malade corticosensible à la nécessité de maintenir une corticothérapie à posologie plus ou moins élevée pour éviter les rechutes.

La rémission survient dans 90 % des cas chez l’enfant dans les 4 premières semaines et chez 80 % des adultes en 4 à 8 semaines.

  • La guérison n’est obtenue que dans 30 % des cas chez l’adulte car des rechutes sont possibles avec possibilité de guérison après 2 à 3 poussées.

Les rechutes peuvent être fréquentes, voire corticodépendantes dans 40 % des cas.

Dans 10 % des cas, il existe une corticorésistance.

3- Autres traitements de la néphrose lipoïdique :

Ils sont proposés en cas de corticorésistance ou de corticodépendance.

  • Le cyclophosphamide (Endoxan) peut être utilisé pendant une période de 2 à 6 mois à une posologie de 1,5 à 2 mg/kg. Outre ses effets immunosuppresseurs, il présente l’inconvénient d’une gonadotoxicité, notamment chez la femme.
  • La ciclosporine A (Néoral) est utilisée en cas de corticodépendance afin d’obtenir un effet d’épargne en stéroïdes.

Les patients deviennent souvent dépendants de la ciclosporine.

Le principal effet secondaire de la ciclosporine est lié à sa néphrotoxicité (surveillance de la créatininémie indispensable).

Il existe des formes histologiques proches du syndrome néphrotique à lésions glomérulaires minimes : la forme associée à une prolifération mésangiale, la forme avec dépôts mésangiaux d’IgM et de complément, la forme avec dépôts mésangiaux de la fraction C1q du complément.

4- Diagnostic étiologique :

Chez l’adulte, un syndrome néphrotique à lésions glomérulaires minimes, avant d’être qualifié de primitif, doit faire évoquer soit la prise d’un toxique (antiinflammatoires non stéroïdiens, lithium), soit une hémopathie (en particulier une maladie de Hodgkin).

B – Hyalinose segmentaire et focale :

La hyalinose segmentaire et focale représente 10 à 15% des syndromes néphrotiques de l’enfant et 15 à 20 % des syndromes néphrotiques de l’adulte notamment chez l’homme.

1- Clinique :

La protéinurie est massive, non sélective, le syndrome néphrotique peut être absent.

Il peut dans certains cas être associé à une hématurie microscopique, une hypertension artérielle, voire une insuffisance rénale.

2- Histologie :

  • En microscopie optique, il existe des dépôts hyalins et de sclérose focale (sur certains glomérules) et segmentaire (seulement une partie du glomérule est touchée) prédominant au début sur les glomérules du cortex profond.
  • En immunofluorescence, on note la présence de dépôts d’IgM et de C3 mésangiaux.
  • La microscopie électronique montre des lésions comparables au syndrome néphrotique à lésions glomérulaires minimes.

3- Évolution :

L’évolution est péjorative avec survenue d’une insuffisance rénale chronique progressive chez 25 % des enfants et 70 % des adultes ; l’évolution vers l’insuffisance rénale terminale se fait en 5 à 20 ans.

La présence d’un syndrome néphrotique constitue un élément de mauvais pronostic.

Le risque de récidive de la maladie sur le transplant rénal est élevé (environ 40 %).

4- Diagnostic étiologique :

Cette néphropathie peut être secondaire à un sida, une hémopathie ou un traitement chronique par le lithium.

C – Glomérulonéphrite extramembraneuse :

La glomérulonéphrite extramembraneuse est la forme la plus fréquente de glomérulopathie responsable de syndrome néphrotique chez l’adulte.

Elle est observée dans moins de 5% des cas chez l’enfant et dans 25 à 40 % des syndromes néphrotiques de l’adulte.

Sa fréquence augmente avec l’âge.

1- Clinique :

Il s’agit le plus souvent d’un syndrome néphrotique avec protéinurie non sélective.

Il peut s’associer à une hématurie microscopique.

Au début, la pression artérielle et la fonction rénale sont le plus souvent encore normales.

2- Histologie :

  • En microscopie optique, on note des parois des capillaires glomérulaires épaissies sans prolifération cellulaire.

Les colorations à l’argent permettent de souligner la membrane basale glomérulaire et mettent en évidence des dépôts extramembraneux situés sur le versant épithélial de la membrane basale glomérulaire.

  • En immunofluorescence, ces dépôts contiennent de l’IgG, éventuellement du C3.

3- Évolution :

Les formes idiopathiques sont les plus fréquentes et leur évolution est imprévisible.

Schématiquement, un tiers des malades évolue vers la guérison, un tiers conserve une protéinurie sans évolution vers l’insuffisance rénale et le dernier tiers évolue vers l’insuffisance rénale chronique terminale en 10 à 20 ans.

Les facteurs de mauvais pronostic sont l’existence d’un syndrome néphrotique, d’une hypertension artérielle et d’une insuffisance rénale débutant au moment du diagnostic.

4- Étiologie :

Les glomérulonéphrites extramembraneuses ont souvent une cause et sont alors qualifiées de secondaires à celle-ci.

  • Des médicaments tels que les sels d’or (Allochrysine), la D-pénicillamine (Trolovol, Acadione), la phénindione (Pindione), le fluindione (Préviscan), les anti-inflammatoires non stéroïdiens peuvent être en cause.

 Parmi les néoplasies, les plus fréquentes sont le cancer du côlon et les cancers digestifs.

Un bilan de ces appareils s’impose chez tout sujet adulte ayant notamment des antécédents de tabagisme et chez lequel un diagnostic de glomérulonéphrite extramembraneuse est porté.

  • Les infections en cause sont les hépatites B ou C, la syphilis, le paludisme, la lèpre, la filariose, la schistosomiase et la leishmaniose.
  • Des maladies systémiques peuvent aussi être incriminées : en premier lieu le lupus, mais aussi la sarcoïdose, le syndrome de Sjögren, la thyroïdite auto-immune ou la polyarthrite rhumatoïde.
  • D’autres causes diverses telles que les transplantations rénales (glomérulonéphrite extramembraneuse de novo), la drépanocytose ou le diabète peuvent être incriminées.

D – Glomérulonéphrite membranoproliférative (GNMP) :

Elle est devenue rare en France (5 % des syndromes néphrotiques).

1- Clinique :

Elle se révèle par un syndrome néphrotique impur voire un syndrome néphritique aigu associé à des signes de consommation du complément (voie alterne, présence d’un facteur néphritique C3 nef dans le type II).

2- Histologie :

  • Le type I est caractérisé par des dépôts sous-endothéliaux et mésangiaux d’IgG et de complément, ayant un aspect de double contour de la membrane basale glomérulaire.
  • Le type II est caractérisé par des dépôts denses au sein de la membrane basale glomérulaire.

3- Évolution :

Trente à 50 % des malades évoluent vers l’insuffisance rénale chronique terminale en 5 à 10 ans, avec un risque élevé de récidive après transplantation.

4- Étiologie :

Les formes idiopathiques sont fréquentes.

Les causes identifiées de la glomérulonéphrite membrano-proliférative sont :

– les maladies systémiques (cryoglobulinémies, déficit en complément) ;

– les infections bactériennes avec suppuration profonde, néphrite de shunt, endocardites ;

– les infections virales comme le virus de l’hépatite B (VHB), de l’hépatite C (VHC), de l’immunodéficience humaine (VIH), les hémopathies malignes telles que les lymphomes ou la leucémie lymphoïde chronique.

Le type II peut être associé à une lipodystrophie. Plus rarement, le syndrome néphrotique peut révéler ou compliquer l’évolution d’une glomérulonéphrite à dépôts mésangiaux d’IgA ou d’une glomérulonéphrite extracapillaire.

Néphropathies glomérulaires secondaires :

A – Diabète :

La glomérulosclérose diabétique peut survenir quel que soit le type de diabète.

1- Diabète de type 1 :

  • La néphropathie du diabète de type 1 survient après 5 à 15 ans d’évolution d’un diabète en général mal équilibré. Le syndrome néphrotique est précédé par une phase plus ou moins longue de « micro-albuminurie » puis par une période où la protéinurie est qualifiée de macroprotéinurie (300 mg/j).

L’atteinte rénale est en général associée à d’autres lésions dégénératives du diabète notamment oculaires (rétinopathie) rendant la biopsie rénale souvent inutile.

  • Les lésions rénales sont caractéristiques avec une glomérulosclérose nodulaire de type Kimmelstiel et Wilson.
  • L’évolution se fait en quelques mois à quelques années vers l’insuffisance rénale terminale.
  • Le traitement fait appel au contrôle rigoureux de l’hypertension artérielle associée à l’administration d’inhibiteurs de l’enzyme de conversion dont l’effet antiprotéinurique et bénéfique sur la progression des lésions rénales a été démontré dans la néphropathie diabétique.

2- Diabète de type 2 :

Il est actuellement le plus grand pourvoyeur de néphropathies glomérulaires et d’insuffisance rénale chronique terminale.

Le syndrome néphrotique est inconstant et survient tardivement alors que d’autres lésions secondaires à la macroangiopathie diabétique sont présentes (artérite, coronaropathie, accident vasculaire cérébral).

Les lésions rénales peuvent être similaires à celle du diabète de type 1.

Les lésions vasculaires rénales associées sont particulièrement fréquentes.

B – Lupus :

Le lupus érythémateux disséminé est une affection de la femme jeune.

L’atteinte rénale est fréquente parfois inaugurale.

En cas de syndrome néphrotique, le diagnostic est évoqué devant l’association à des signes « extra-rénaux »: érythème cutané « en loup » du visage, arthralgies, pleuropéricardite, altération de l’état général, leucopénie, anémie hémolytique, thrombopénie et surtout anticorps anti-nucléaires et anti-DNA natifs.

La biopsie rénale est indispensable.

Elle permet de préciser le diagnostic et d’orienter les indications thérapeutiques.

Cinq types de lésions sont décrits selon la classification de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) :

– type I : lésions glomérulaires minimes ;

– type II : prolifération mésangiale discrète ;

– type III : glomérulonéphrite proliférative focale ;

– type IV: glomérulonéphrite proliférative diffuse ;

– type V: glomérulonéphrite extramembraneuse.

Selon la sévérité des lésions définies par un index d’activité, un traitement par corticostéroïdes et éventuellement immunosuppresseurs est entrepris.

Des lésions de sclérose cicatricielle peuvent persister après le traitement et être responsable de l’évolution vers l’insuffisance rénale terminale.

C – Amyloses :

Les amyloses sont un ensemble de maladies caractérisées par le dépôt localisé au rein ou le plus souvent diffus, d’une substance amorphe constituée de protéines insolubles ayant une conformation fibrillaire.

Elles sont fréquemment révélées par un syndrome néphrotique intense, sans hématurie ni hypertension artérielle, persistant malgré l’insuffisance rénale, avec présence de 2 gros reins et d’une acidose tubulaire, associé à d’autres localisations de la maladie (hépatomégalie, macroglossie, multinévrite, diarrhée).

  • On distingue :

– les amyloses AA (dérivées de la protéine A), compliquant des phénomènes inflammatoires chroniques tels que la polyarthrite rhumatoïde, la maladie de Crohn, la rectocolite hémorragique, le cancer (rein), les infections prolongées (ostéomyélite) ;

– les amyloses AL (dérivées de chaînes légères d’immunoglobulines, principalement lambda) ;

– les amyloses héréditaires, en particulier la maladie périodique ou fièvre méditerranéenne familiale et les neuropathies amyloïdes.

  • Le diagnostic est confirmé par l’étude histologique qui met en évidence des dépôts amyloïdes extracellulaires par la coloration au rouge Congo (biopsie digestive ou rénale).

L’étude en immunohistochimie permet de préciser la nature de l’amylose (AA ou AL).

D – Dyscrasies lympho-plasmocytaires et maladie de Hodgkin :

Un syndrome néphrotique peut être observé au cours des proliférations monoclonales des lymphocytes B (lymphomes B, leucémies lymphoïdes chroniques B) ou des plasmocytes (myélome, gammapathie monoclonale « bénigne ») et révéler des atteintes rénales diverses : maladie de dépôts de fragments d’immunoglobulines, rein de cryoglobuline, glomérulopathie à dépôts organisés monotypiques, fibrillaires.

Le diagnostic est suspecté sur la microscopie optique et confirmé par l’étude immunohistochimique et l’étude ultrastructurale (microscopie électronique).

La maladie de Hodgkin peut être révélée par un syndrome néphrotique à lésions glomérulaires minimes.

E – Affections malignes :

Les cancers épithéliaux (bronchiques et digestifs) peuvent être responsables de véritables syndromes paranéoplasiques avec un syndrome néphrotique (glomérulopathie extramembraneuse) évoluant parallèlement au cancer.

Un bilan à la recherche d’un cancer (notamment du poumon) doit être effectué devant tout syndrome néphrotique de l’adulte révélant une glomérulonéphrite extramembraneuse.

F – Infections :

Les infections peuvent être à l’origine d’atteintes glomérulaires : infections bactériennes à pyogènes (endocardites [abaissement du complément sérique], suppurations profondes chroniques, virales) (virus des hépatites B et C, de l’immunodéficience humaine) ou parasitaires (schistosomiase, paludisme, filariose).

G – Médicaments :

Le syndrome néphrotique est en général isolé, sans insuffisance rénale.

Les formes histologiques correspondent le plus souvent à une glomérulopathie extramembraneuse ou à un syndrome néphrotique à lésions glomérulaires minimes. De nombreux médicaments ont été incriminés : sels d’or, D-pénicillamine, anti-inflammatoires non stéroïdiens, lithium…

H – Autres syndromes néphrotiques :

Au cours de la grossesse, les formes graves de prééclampsie peuvent se compliquer de syndrome néphrotique.

Le pronostic foetal est en général péjoratif.

Chez le transplanté cardiaque, un syndrome néphrotique évoque la récidive de la maladie initiale, une glomérulopathie de novo ou un rejet chronique.

Les vascularites rénales sont traitées dans des questions spécifiques.

Traitement :

A – Complications du syndrome néphrotique :

1- Syndrome oedémateux :

Le traitement du syndrome oedémateux est basé sur la restriction sodée (< 3g de NaCl/j soit 50 mEq de sodium), un repos relatif au lit (pour éviter la stimulation du système rénine-angiotensine-aldostérone) et la prescription éventuelle de diurétiques de l’anse comme le furosémide (Lasilix) ou le bumétanide (Burinex).

Dans tous les cas, l’obtention d’une réponse natriurétique doit être progressive pour éviter l’aggravation de l’hypovolémie et les risques de thromboses veineuses (dues à l’hémoconcentration).

2- Hyperlipidémie du syndrome néphrotique :

Celle-ci n’est envisagée que dans le cas de syndromes néphrotiques résistant à toute thérapeutique (par exemple : hyalinose segmentaire et focale, glomérulopathie extra-membraneuse).

L’hyperlipidémie sévère du syndrome néphrotique aggrave le risque cardiovasculaire et peut participer à la progression des lésions rénales. Son traitement reste mal codifié et fait appel au régime et à l’utilisation des statines sous contrôle strict des créatines phosphokinases (CPK) [risque de rhabdomyolyse].

3- Anomalies de la coagulation :

  • Un traitement par héparine de bas poids moléculaire est recommandé chez les patients ayant un syndrome néphrotique sévère

– en pratique lorsque l’albuminémie est inférieure à 20 g/L voire 25 g/L en cas d’antécédents de thrombose ou de facteurs de risque associés.

  • Un relais de l’héparine par les antivitamines K est entrepris dès que possible en tenant compte de l’hypoalbuminémie qui modifie leur pharmacocinétique (médicaments liés à l’albumine).

B – Réduction symptomatique de la protéinurie :

Une protéinurie abondante et persistante constitue le principal signe annonciateur d’une progression rapide vers l’insuffisance rénale terminale.

Le passage des protéines de haut poids moléculaire à travers le filtre glomérulaire et leur réabsorption tubulaire aggravent les lésions rénales.

La réduction de la protéinurie constitue donc en soi un objectif thérapeutique.

  • Les inhibiteurs de l’enzyme de conversion permettent de réduire la protéinurie et sont indiqués même chez des patients normotendus.

Il existe une dissociation chronologique entre les effets hémodynamiques et antiprotéinuriques des inhibiteurs de l’enzyme de conversion.

L’effet antiprotéinurique peut mettre plusieurs semaines à se manifester et il est donc plus tardif que l’effet hypotenseur.

Surtout, l’effet antiprotéinurique dépend de la balance sodée et peut être augmenté par un régime sans sel ou un traitement diurétique et, semble-t-il, par un régime modérément restreint en protéines.

  • Les anti-inflammatoires non stéroïdiens permettent de réduire la protéinurie de façon proportionnellement plus importante qu’ils n’abaissent la filtration glomérulaire.

En raison des effets indésirables considérables sur l’aggravation de la fonction rénale et la tolérance gastro-intestinale, cette approche n’est pas recommandée.

  • Les régimes restreints en protéines ne permettent pas d’obtenir une réduction importante et constante de la protéinurie par opposition aux inhibiteurs de l’enzyme de conversion.

La dénutrition est le risque principal de ces régimes restreints en protéines.

Elle représente l’un des prédicteurs de risque les plus importants de mortalité au cours de l’insuffisance rénale terminale.

Ces régimes restrictifs sont peu utilisés et ne peuvent se faire qu’en milieu spécialisé sous surveillance nutritionnelle rigoureuse.

C – Interventions spécifiques :

Dans certains cas, des interventions thérapeutiques spécifiques permettent de guérir la glomérulonéphrite parallèlement à la maladie causale :

– traitement d’une infection bactérienne (endocardite, suppuration profonde, néphrite de shunt) ;

– traitement d’une infection virale : interféron a pour le syndrome néphrotique associé à l’hépatite B, la glomérulonéphrite membrano-proliférative associée à l’hépatite C et la cryoglobulinémie associée à l’hépatite C ;

– arrêt du médicament (anti-inflammatoires non stéroïdiens, lithium…) responsable de syndrome néphrotique ;

– chimiothérapie ou exérèse de tumeur au cours de syndrome néphrotique associé aux cancers ou aux lymphomes ;

– traitement par corticostéroïdes et (ou) immunosuppresseurs au cours du lupus ;

– traitement par la colchicine pour prévenir la progression de l’atteinte rénale amyloïde des patients ayant une fièvre familiale méditerranéenne.

Dans tous les autres cas un traitement immunosuppresseur non spécifique reste la seule option disponible sauf si la fonction rénale est sévèrement altérée (clairance de la créatinine inférieure à 30 mL/min) auquel cas le traitement immunosuppresseur comporte un risque de toxicité trop important.

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