Sclérodermie systémique et CREST syndrome

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La sclérodermie systémique est une maladie primitivement microcirculatoire qui s’accompagne d’une accumulation de collagène et qui touche avec prédilection la peau, le tube digestif, le poumon.

La conséquence en est la sclérose qui, au niveau de la peau, a donné son nom à la maladie.

Sclérodermie systémique et CREST syndrome
Épidémiologie :

La sclérodermie systémique atteint la femme plus de deux fois sur trois.

L’âge de début se situe entre 40 et 50 ans, l’incidence annuelle varie, selon les pays et les méthodes diagnostiques employées, de 2 à plus de 100 pour 100 000 habitants.

S’il semble parfois exister une certaine prédisposition génétique, certains toxiques sont incriminés comme l’exposition à la silice, à certains solvants, à l’utilisation de silicone.

La sclérodermie induite par la silice est actuellement reconnue comme une maladie professionnelle, qu’elle soit ou non associée à une silicose pulmonaire (syndrome d’Erasmus).

Manifestations cliniques :

Le phénomène de Raynaud, les mégacapillaires, la sclérodactylie sont les signes révélateurs dans la majorité des cas.

Éléments du diagnostic :

1- Capillaroscopie périunguéale :

La microangiopathie caractérise la sclérodermie, elle est observée précocement au lit de l’ongle.

Les capillaires sont diminués en nombre, les hémorragies sont fréquentes, le plus caractéristique est la présence de mégacapillaires qui ne sont pourtant pas pathognomoniques, observés parfois dans le syndrome de Sharp ou la dermatomyosite.

2- Manométrie oesophagienne :

C’est un examen très utile au diagnostic, l’atonie du tiers inférieur de l’oesophage et la diminution de la pression du sphincter du bas oesophage sont observées dans plus de 90% des cas et peuvent précéder les signes cutanés.

3- Biologie :

Les sclérodermies systémiques s’accompagnent dans deux tiers des cas environ d’anticorps antinucléaires à taux significatif (supérieur ou égal à 1/160).

Il peut s’agir d’anticorps antinucléolaires, d’anticorps anticentromères ou d’anticorps anti-Scl 70 (antitopo-isomérase 1).

4- Explorations pulmonaires :

Elles sont parfois une aide au diagnostic, toujours un argument pronostique :

– les épreuves fonctionnelles respiratoires (EFR) à l’effort sont utiles pour quantifier l’importance du syndrome restrictif lié à une pneumopathie interstitielle.

Elles permettent surtout chez le sujet asymptomatique d’évaluer la capacité de diffusion de monoxyde de carbone (DL/CO) précocement altérée dans les pathologies interstitielles ou en cas d’hypertension artérielle pulmonaire primitive ;

– le scanner thoracique en coupe fine permet très précocement avant les premiers signes cliniques de dépister les atteintes interstitielles (aspects de « verre dépoli », aspects en « nid d’abeilles » plus tardifs témoin d’une évolution fibrosante) ;

– le lavage bronchoalvéolaire peut montrer une alvéolite latente, mais il n’a pas vraiment d’intérêt pronostique et n’est plus pratiqué de manière systématique.

Classification des sclérodermies :

Le collège des rhumatologues américains a proposé en 1981 des critères de classification des sclérodermies systémiques.

Il existe des sclérodermies limitées dénommées CREST syndrome (calcinose sous-cutanée -C-, syndrome de Raynaud -R-, dysfonction de l’oesophage -E-, sclérodactylie -S-, télangectasie -T-).

Il s’agit d’une forme dite bénigne dont le pronostic est surtout conditionné par la sclérose des doigts et le risque de trouble trophique. Les cas d’hypertension artérielle pulmonaire primitive sont rares mais de sombre pronostic.

On retrouve presque de façon constante les anticorps anticentromères.

Formes cliniques ou association :

Les sclérodermies à début aigu peuvent être oedémateuses et sont volontiers corticosensibles.

Des associations existent avec le syndrome de Gougerot-Sjögren, la cirrhose biliaire primitive (syndrome de Reynolds), la thyroïdite de Hashimoto, la polyarthrite rhumatoïde.

Les sclérodermies liées à l’exposition à la silice donnent lieu à indemnisation.

Des états sclérodermiques ont été rapportés après exposition aux résines époxy, au trichloréthylène, aux solvants organiques, au benzène, au perchloréthylène et à la métaphénylènediamine.

Évolution et pronostic :

Les formes de début aigu ont un pronostic plus sombre et une évolution viscérale plus rapide.

La survie est corrélée à la gravité des atteintes viscérales corrélées elles-mêmes à l’atteinte cutanée.

La survie à 5 ans est ainsi de 85%lorsque la sclérodactylie est isolée, de 75% si la sclérose cutanée déborde les articulations métacarpophalangiennes et de 50% si la sclérose cutanée touche le tronc.

Diagnostic différentiel :

Les états sclérodermiformes peuvent s’observer en cas de réaction de greffon contre l’hôte, dans la fasciite à éosinophiles (syndrome de Shulman), le syndrome éosinophilie-myalgie lié à l’intoxication au L-tryptophane que l’on retrouve encore en France dans les produits diététiques utilisés par les adeptes de la musculation.

Le syndrome de Werner (forme particulière du syndrome de vieillissement précoce) et la chéiroarthropathie diabétique peuvent donner une sclérodactylie parfois piégeante.

Traitement :

Il n’y a pas de thérapeutique spécifique actuellement connue mais certains médicaments doivent être évités.

A – Traitement immunosuppresseur :

La corticothérapie par voie générale est utile dans les formes aiguës oedémateuses mais a été incriminée dans le déclenchement des crises aiguës sclérodermiques.

Elle peut être efficace sur les atteintes musculaires ou articulaires invalidantes.

Les immunosuppresseurs donnent des résultats décevants mais le cyclophosphamide semble pouvoir freiner l’évolution des atteintes pulmonaires interstitielles évolutives.

La cyclosporine et l’interféron gamma ont amélioré les signes cutanés dans certains cas mais au prix d’une tolérance souvent médiocre et d’un effet viscéral non évalué.

La photochimiothérapie corporelle (prélèvement de leucocytes par leucaphérèse et réinjection après irradiation par les UVA) améliore l’état cutané mais n’a pas d’effet démontré sur les atteintes viscérales. L’autogreffe de moelle doit être évaluée dans les formes graves.

B – Médicaments agissant sur le métabolisme du collagène :

La colchicine bloque partiellement la sécrétion de collagène par les fibroblastes mais elle ne paraît pas avoir d’impact sur l’évolution de la maladie.

Le facteur XIII de la coagulation était auparavant utilisé par voie parentérale pour ses propriétés chélatrices du collagène ; son effet est controversé et la législation interdit actuellement son utilisation.

La D-pénicillamine (Trolovolt) freine la formation du collagène.

Beaucoup d’auteurs s’accordent à lui reconnaître un effet sur la sclérose cutanée et les atteintes viscérales seraient moins fréquentes chez les patients traités.

Son emploi nécessite une surveillance attentive de la numération formule sanguine (NFS), de la fonction hépatique et de la bandelette urinaire.

Elle peut induire certaines maladies auto-immunes (lupus, pemphigus, dermatomyosite, thyroïdite, anémie auto-immune).

C – Traitement symptomatique :

1- Phénomène de Raynaud et ulcérations digitales :

Vasodilatateurs : Praxilènet 1 à 2 fois/j, Torentalt 1cp 2 à 3 fois/j, Fonzylanet 150 ou 300mg 2 à 3 fois/j, Bitildiemt 90mg à 120mg 1 à 2 fois/j, Monotildiemt 200mg 1 fois/j.

L’apparition d’ulcérations digitales nécessite des soins locaux avec pansements vaselinés, parfois traitement antibiotique antistaphylococcique et utilisation de vasodilatateurs par voie veineuse tel le Fonzylanet 400 mg en perfusettes matin et soir.

L’Ilomédinet (iloprost) est employée en perfusion sur 6 heures dans les formes plus sévères.

On l’utilise en cures de 5 à 20jours.

Son usage est hospitalier.

La neurostimulation médullaire a un effet antalgique et cicatrisant dans les formes graves réfractaires. Les antalgiques sont utiles et nécessaires en cas de douleurs.

La sympathectomie cervicale simple n’est plus souvent proposée car son effet est temporaire.

2- Sclérose cutanée :

La kinésithérapie doit être largement prescrite pour éviter les enraidissements articulaires et lutter contre la rétraction des doigts.

3- Calcinose sous-cutanée :

Les inhibiteurs calciques à forte dose ont montré leur efficacité pour limiter l’évolution voire favoriser la diminution de la taille des calcifications sous-cutanées : Bitildiemt 120 mg 2 fois/j, voire à dose supérieure selon la tolérance clinique.

4- Hypertension artérielle pulmonaire :

En cas d’hypertension artérielle pulmonaire primitive, un traitement AVK (antivitamines K) doit être prescrit pour limiter les thromboses in situ. Les inhibiteurs calciques à forte dose n’ont malheureusement qu’un effet modeste.

Les prostacyclines de synthèse par cure intraveineuse sont proposés par certains auteurs ; la forme orale n’est actuellement pas encore commercialisée. Son utilisation par voie aérosol semble prometteuse.

5- Atteinte rénale :

En cas de crises rénales aiguës sclérodermiques, l’urgence est à l’hémodialyse et à l’administration d’inhibiteurs d’enzyme de conversion.

6- Atteinte oesophagienne :

Le Prépulsidt 1 cp 3 fois/j, augmente la pression du sphincter du bas oesophage, favorise la vidange gastrique et la motricité digestive en général.

En cas d’oesophagite, il peut être associé aux inhibiteurs de la pompe à protons que l’on conseille souvent au long cours à plus faible posologie (exemple : Ogastt 15 mg/j au long cours).

Conclusion :

Le phénomène de Raynaud constitue souvent le premier symptôme des sclérodermies systémiques.

En dehors de la forme aiguë, souvent oedémateuse, d’évolution rapide en quelques semaines ou quelques mois, la sclérodermie systémique s’installe progressivement en plusieurs années.

La sclérodactylie ou les ulcérations pulpaires sont souvent les premiers signes pathologiques.

Les mégacapillaires souvent visibles à l’oeil nu doivent être confirmés par capillaroscopie.

Les anticorps anti-Scl 70 ou anticentromères sont très fréquents et renforcent le diagnostic.

Le CREST syndrome est une forme plutôt bénigne de sclérodermie systémique, l’atteinte se limite aux doigts et à l’oesophage, mais l’hypertension artérielle pulmonaire en est une complication rare et redoutable.

Le traitement est symptomatique utilisant en premier lieu les vasodilatateurs, les prokinétiques et la D-pénicillamine qui semble pouvoir freiner l’évolutivité cutanée et viscérale.

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