Scintigraphie de l’appareil locomoteur

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Introduction :

Les indications de la scintigraphie osseuse sont vastes et diversifiées : cet examen d’imagerie permet suivant les cas d’affirmer un diagnostic, de localiser une lésion, de détecter une anomalie méconnue, de dépister une complication, de suivre l’évolution d’une pathologie.

Scintigraphie de l’appareil locomoteurDans tous les cas, ces renseignements sont fournis par un examen simple, non invasif, parfaitement supporté par le patient.

Traceurs du tissu osseux :

RADIOPHARMACEUTIQUES OSTÉOTROPES :

La matrice osseuse comporte la trame collagène et le dépôt minéral de calcium et de phosphore.

Le fluor 18F a été proposé dès 1962.

Les caractéristiques de l’ion fluor en font un radiopharmaceutique de choix pour l’os où il se fixe avec avidité en s’échangeant avec les ions OH- (50 % de l’activité injectée se fixe sur le squelette).

Cependant, il s’agit d’un émetteur de positons qui n’est correctement détecté qu’avec des caméras spécialisées et sa courte période physique (1,85 heure) en rend la production et l’utilisation difficiles

La résistance à l’hydrolyse de la liaison P-C-P de la structure des (bi)phosphonates a imposé le choix des substances de cette famille comme radiopharmaceutiques ostéotropes dès les années 1970 .

La fixation des biphosphonates dans le tissu osseux est d’environ 30 % de l’activité injectée pour le méthylène diphosphonate (MDP), de 40 à 50 % pour l’hydroxy-méthylène diphosphonate (HMDP) et le 2,3-dicarboxypropane-1,1-diphosphonate (DPD), tandis que le tétraphosphonate éthylène diamine-tétraméthylène-phosphonate (EDTMP) est fixé à près de 65 %.

L’excédent (de 35 à 70 % suivant les radiopharmaceutiques) est éliminé dans les urines en 3 heures environ. Le site de fixation de ces molécules sur le tissu osseux a fait l’objet de nombreuses études : il en ressort que, pour les biphosphonates, la fixation se fait sur la phase minérale, sur les cristaux d’hydroxyapatite en formation, plutôt que sur la trame collagène.

Le radiopharmaceutique étant amené par voie sanguine, la vascularisation joue un rôle important dans l’intensité de la fixation, de même que la perméabilité capillaire, et le produit se fixe sur les zones d’os en formation qui déploient une activité ostéoblastique.

Le technétium 99m (99mTc) est le radio-isotope le plus utilisé en médecine nucléaire car il présente les caractéristiques idéales pour la réalisation d’images diagnostiques : il est produit par un générateur dans les services de médecine nucléaire.

Le 99mTc se désintègre en n’émettant que des rayons c, dont l’énergie est bien adaptée aux détecteurs à scintillation.

Enfin, sa demi-vie (ou période) physique de 6 heures est suffisamment longue pour un enregistrement simple des images et suffisamment courte pour minimiser l’irradiation du patient.

Obtenu à la sortie du générateur sous forme de pertechnétate de sodium (TcO4 -Na+), il est utilisé pour marquer les biphosphonates avec lesquels il forme des complexes stables.

Scintigraphie osseuse. Aspects normaux, variantes et pièges :

L’aspect normal d’une scintigraphie osseuse chez l’adulte : le corps entier est étudié systématiquement en face antérieure et postérieure.

Outre la bonne fixation sur les différentes pièces osseuses du squelette, on remarque une activité persistante dans les tissus mous, qui est faible mais reste cependant visible.

Les reins sont normalement visibles, de même que la vessie lorsqu’elle n’est pas totalement vidée.

A – ASPECTS NORMAUX :

Un certain nombre de critères de normalité doivent être retrouvés sur une scintigraphie osseuse.

1- Principe de symétrie :

Le premier critère de normalité en imagerie ostéoarticulaire correspond au principe de symétrie et la scintigraphie osseuse ne déroge pas à cette règle : les aspects scintigraphiques des hémisquelettes droit et gauche sont les images miroirs l’un de l’autre.

Néanmoins, ce critère n’est pas toujours nécessaire : un ou plusieurs foyers d’hyperfixation asymétriques peuvent être visibles physiologiquement.

Ce critère peut parfois s’avérer insuffisant : c’est le cas de l’aspect dit de « trop belle image » (super bone scan).

2- Principe d’uniformité :

La répartition de la fixation du radiopharmaceutique doit normalement être relativement uniforme sur l’ensemble du squelette.

Ce principe d’uniformité est évidemment modulé selon les pièces osseuses ou les articulations : les régions anatomiques soumises aux plus fortes contraintes font l’objet d’un taux de renouvellement accru, reflété par une fixation localement augmentée.

Il peut s’agir de zones portantes, comme les articulations sacro-iliaques, ou de zones d’attaches de groupes musculaires antagonistes, comme les articulations scapulohumérales.

Enfin, le degré de fixation est grossièrement proportionnel à la masse des éléments osseux (os cortical et trabéculaire confondus).

D’autre part, l’intensité obtenue sur l’image dépend de l’atténuation subie par les photons c, c’est-à-dire qu’elle est plus faible si l’épaisseur de tissu entre l’os et le détecteur augmente.

B – FACTEURS DE VARIATION LIÉS AU PATIENT :

1- Âge du patient :

L’aspect de la scintigraphie osseuse chez l’enfant est très différent car il existe alors une fixation normale et intense sur les cartilages de conjugaison.

Chez le patient âgé, le contraste obtenu est parfois moins bon et des hyperfixations discrètes liées à des lésions arthrosiques très fréquentes peuvent être considérées comme des variantes de la normale.

2- Travailleur manuel :

Les travailleurs manuels et, parmi ceux-ci, surtout les travailleurs de force présentent souvent une nette asymétrie des fixations des articulations des membres supérieurs, le côté dominant apparaissant plus hyperfixant.

Cet aspect peut rendre le diagnostic différentiel entre algodystrophie et aspect normal plus difficile.

3- Sportif :

La scintigraphie osseuse peut être prescrite par un médecin du sport en cas de suspicion de fracture de fatigue mais l’exploration peut aussi être indiquée dans un tout autre cadre (bilan d’extension d’un cancer du sein chez une femme jeune, suspicion d’ostéome ostéoïde chez l’adolescent ou l’adulte jeune par exemple).

Parfois, l’aspect scintigraphique observé peut s’apparenter à un super bone scan ou, plus localement, donner une hyperfixation bilatérale des sacroiliaques : ces images ne sont pas pathologiques mais à considérer comme des variantes de la normale (ou « supraphysiologiques ») chez le sportif jeune.

4- Post-partum :

Dans la période du post-partum, il existe physiologiquement une hyperfixation des sacro-iliaques et de la symphyse pubienne.

C – VARIANTES SCINTIGRAPHIQUES :

De nombreuses régions ostéoarticulaires peuvent présenter tout à fait physiologiquement des images le plus fréquemment d’hyperfixation (crâne, rachis cervical, articulation sternoclaviculaire, sternum, gril costal, humérus, sacro-iliaques, genoux) mais aussi parfois d’hypofixation (crâne, sternum).

Il est indispensable de bien connaître ces variantes de la normale afin d’éviter de les rattacher à une lésion (en général métastatique ou traumatique) inexistante.

D – IMAGES PIÈGES EXTRAOSSEUSES :

1- Point d’injection :

Le cas le plus fréquent correspond au foyer d’hyperfixation qui est visible au point d’injection lorsqu’il y a eu extravasation d’un peu de radiopharmaceutique : facilement reconnu lorsqu’il se situe au pli du coude, il peut être plus trompeur et plus gênant pour l’interprétation si l’injection a été faite à la main ou au pied.

2- Reins, vessie, urine :

Les petites rétentions pyélocalicielles du radiopharmaceutique se projettent sur l’arc postérieur des onzième et douzième côtes en incidence postérieure.

Pour les distinguer de foyers costaux, il convient de compléter le balayage du corps entier par des incidences obliques postérieures du gril costal, ou de réaliser une tomographie d’émission monophotonique (TEMP), ou encore de prévoir un cliché très tardif, 24 heures après l’injection.

L’autocontamination du patient par l’urine radioactive est souvent reconnaissable lorsqu’il apparaît plusieurs « flaques » d’hyperfixation manifestement extraosseuses sur le bassin en face antérieure.

Parfois, la souillure urinaire se réduit à un foyer unique se projetant sur une pièce osseuse (par exemple sur une branche ischiopubienne).

En général, cette contamination par l’urine siège sur les vêtements ou sous-vêtements du patient et l’image disparaît lorsque ceux-ci sont retirés.

Les diverticules vésicaux peuvent donner des foyers d’hyperfixation sur la symphyse pubienne ou les cadres obturateurs, simulant, parfois masquant, des métastases ou des fractures de fatigue.

Plusieurs recours techniques sont possibles pour lever le doute : incidences de profil, TEMP, cliché à 24 heures du bassin de face.

Sémiologie générale :

Toute pathologie qui entraîne une modification du métabolisme de l’os apporte une modification de la fixation du radiopharmaceutique.

En règle générale, une augmentation de l’activité ostéoblastique se traduit par une hyperfixation : c’est ce que l’on observe dans la majorité des situations pathologiques.

L’hyperfixation peut être localisée s’il s’agit d’une anomalie focale (fracture, métastase) ou diffuse (ostéopathie métabolique).

Lorsque l’activité ostéoblastique est diminuée et/ou l’activité ostéoclastique accrue, l’aspect scintigraphique consiste en une hypofixation : c’est le cas des ostéonécroses à la phase initiale, des séquelles de radiothérapie, des métastases purement lytiques, des lésions myélomateuses.

Si les anomalies de fixation, en particulier les foyers hyperfixants, sont facilement décelables, l’étiologie est plus difficile à déterminer puisque ces modifications sont non spécifiques.

Pour l’interprétation, on s’appuie donc également sur l’intensité de la fixation, son homogénéité, la topographie, le nombre et la forme des foyers, la cinétique et la vascularisation, appréciée sur la scintigraphie en trois phases, et, bien entendu, tout ceci est analysé en fonction du contexte clinique.

Il est nécessaire de reconnaître les anomalies de fixation qui ne correspondent pas à du tissu osseux : les images urinaires sont un exemple de fixation extraosseuse normale.

Des fixations extraosseuses pathologiques peuvent correspondre à des calcifications des tissus mous, des hématomes, des nécroses tissulaires (infarctus, rhabdomyolyse), des métastases viscérales (hépatiques, pulmonaires) etc.

Pathologie bénigne :

A – FRACTURES :

Les fractures entraînent une augmentation très importante de l’activité ostéoblastique, aboutissant à l’apparition du cal, qui donne toujours des signes scintigraphiques spectaculaires.

1- Fractures de fatigue et périostites du membre inférieur chez le sportif :

La capacité de la scintigraphie osseuse à aboutir à un diagnostic précoce de fracture de fatigue par hypersollicitation chez le sportif a incité plusieurs équipes de médecine du sport à recourir à cette exploration de première intention, la radiographie rétrogradant en deuxième ligne et souvent de façon différée.

* Critères scintigraphiques de fracture de fatigue et de périostite :

Ils se classent en deux catégories.

+ Critères dynamiques :

La fracture de fatigue se caractérise par une hyperfixation qui apparaît aux temps angiographique et tissulaire, témoignant de l’hyperhémie locale.

Cette hyperfixation se renforce au temps tardif.

La périostite se caractérise par une fixation normale aux temps angiographique et tissulaire.

L’hyperfixation n’apparaît qu’au seul temps tardif. ·

+ Critères morphologiques (temps tardif) :

La fracture de fatigue des os longs (fémur, tibia, péroné) se présente typiquement comme une hyperfixation focale ou fusiforme, localisée à la corticale mais empiétant sur l’endoste.

L’hyperfixation focale est aussi le signe scintigraphique d’une fracture de fatigue des os de la ceinture pelvienne et du pied.

La périostite que l’on observe volontiers au tibia (shin splints) se traduit par une hyperfixation moins intense, linéaire hétérogène postérieure, limitée au périoste de la diaphyse tibiale, assez étendue sur plus du tiers de la longueur du fût diaphysaire, à l’insertion des fibres du muscle soléaire.

* Topographie des fractures et pronostic fonctionnel :

La scintigraphie permet généralement d’identifier avec précision le site de la fracture et l’orientation grossière du trait de fracture (pour les os longs).

* Sensibilité, spécificité :

Tous les auteurs s’accordent sur une sensibilité de la scintigraphie osseuse pratiquement égale à 100 %.

Cette valeur idéale de la sensibilité n’est valide que pour les fractures de fatigue survenant sur un os sain non ostéoporotique (fractures de « surutilisation ») chez un individu jeune et, théoriquement, lorsqu’un délai minimal de 12 heures sépare l’apparition de la douleur de la scintigraphie osseuse.

La spécificité des critères dynamiques et morphologiques pour la fracture de fatigue ou la périostite est supérieure à 80 %.

Parmi les lésions osseuses pouvant donner le change, celles le plus fréquemment rencontrées sont l’ostéonécrose pour les métatarsiens et le talus, l’algodystrophie parcellaire ou l’ostéonécrose pour les plateaux tibiaux, l’ostéome ostéoïde pour le calcanéus et les métatarsiens.

Cette liste n’est évidemment pas limitative.

* Conclusion :

En l’absence de signes radiographiques, ce qui représente 80 % des situations, la scintigraphie osseuse dynamique trois phases doit être prescrite en première intention afin d’établir un diagnostic précoce d’une fracture de fatigue suspectée sur des arguments cliniques chez le sportif.

En cas de doute sur la nature de l’hyperfixation observée, cette imagerie sert de « viseur » à l’imagerie par résonance magnétique (IRM).

2- Fractures de fatigue par insuffisance osseuse du sujet âgé :

La scintigraphie osseuse est l’exploration clé constituant un élément d’orientation majeur dans l’établissement du diagnostic positif des fractures de fatigue par insuffisance osseuse du squelette axial et/ou périphérique.

* Rachis dorsolombaire :

Le protocole d’acquisition des images comporte un cliché de balayage du corps entier, au besoin complété par des incidences obliques postérieures.

Actuellement, la TEMP du rachis dorsolombaire tend à supplanter ces incidences planaires en routine clinique.

Le mode tomographique détecte des foyers de plus petite taille qu’en mode planaire et en précise la forme et la localisation.

Le tassement vertébral porotique fournit une image anormale symétrique de face, tant sur le cliché radiographique que sur la scintigraphie osseuse.

Le motif scintigraphique typique est l’hyperfixation linéaire horizontale.

Cette hyperfixation intéresse soit le plateau supérieur ou inférieur (le plus souvent un seul des deux), soit le corps vertébral en totalité, qui apparaît de hauteur diminuée par rapport aux vertèbres voisines isofixantes.

Ryan et Fogelman constatent que pratiquement 95 % des hyperfixations modérées ou intenses de type linéaire correspondent à des fractures occasionnant des tassements mesurés de -2 à -3 écarts-types audessous de la hauteur moyenne du corps vertébral. Cette hyperfixation se manifeste dès la 48e heure suivant la survenue de la fracture et s’éteint progressivement entre 6 et 18 mois.

Le plus souvent, les tassements sont disséminés aux dépens du rachis lombaire.

Un tassement vertébral au-dessus de la septième vertèbre dorsale doit faire suspecter une origine maligne, surtout s’il est unique.

Un tassement vertébral porotique se traduit par une hyperfixation diffuse du corps vertébral deux fois plus fréquemment qu’une localisation métastatique ; une topographie apophysaire ou interapophysaire postérieure suggère une atteinte arthrosique ; une atteinte du corps et du pédicule fait suspecter une métastase.

Le cliché systématique du corps entier permet éventuellement de repérer d’autres fractures ostéoporotiques paucisymptomatiques (exemple : ceinture pelvienne) ou de détecter d’éventuelles hyperfixations ou hypofixations extrarachidiennes en faveur de métastases ou de localisations myélomateuses.

Le dossier radiologique est indispensable au médecin nucléaire pour le choix des incidences mais surtout lors de l’interprétation, afin de comparer la topographie des tassements vertébraux suspectés sur les images scintigraphiques à celle des tassements évoqués sur les clichés radiographiques.

Il est également obligatoire de s’enquérir si le patient suit un traitement par corticostéroïdes au long cours ou par biphosphonates, médicaments susceptibles de modifier l’image scintigraphique.

* Gril costal :

Les fractures de côtes sont à rapprocher des fractures de côtes posttraumatiques que l’on observe chez le sujet non ostéoporotique du fait de la même difficulté à en faire le diagnostic radiographique et de la même sémiologie scintigraphique.

Les fractures de côtes donnent des foyers hyperfixants localisés sur le gril costal : ceux-ci apparaissent nettement sur les incidences antérieure ou postérieure du balayage corps entier si les fractures siègent sur les arcs antérieurs ou postérieurs.

Si elles siègent sur l’arc moyen, elles sont plus difficiles à voir sur les incidences standards et il faut compléter l’examen par des clichés de profil.

Les deux caractéristiques des fractures de côte sont les suivantes :

– d’une part, le foyer élémentaire est bien localisé, à bord net, intense si la fracture est récente ;

– d’autre part, la fracture est rarement isolée et il existe plusieurs foyers d’intensité équivalente qui sont alignés sur les côtes successives, donnant un aspect en « pointillé » ; cet aspect reflète la ligne d’application sur la paroi thoracique de la force qui a créé la fracture, comme par exemple la position de la ceinture de sécurité lors d’un accident de voiture, et il est pratiquement pathognomonique.

Ces deux signes permettent de faire le diagnostic différentiel avec les autres causes de foyers costaux :

– les métastases donnent des foyers plus étendus, volontiers fusiformes et qui ne sont pas alignés sur les côtes adjacentes ;

– les pseudofractures de l’ostéomalacie intéressent souvent plusieurs côtes, mais l’hyperfixation est moins intense et les foyers ne sont pas aussi régulièrement alignés.

* Sacrum :

Les fractures du sacrum se traduisent par une hyperfixation intense et globale des régions sacro-iliaques ; lorsqu’il existe un trait de refend sacré, les foyers sacro-iliaques sont reliés par une hyperfixation linéaire également intense barrant horizontalement le plan sacré.

Lorsque le tableau scintigraphique est complet et pur, il réalise l’image dite en « H » ou en « ailes de papillon », ou encore en « signe de Honda ».

Finiels et al assignent à ce signe une spécificité et une sensibilité (> 97 %) élevées et, en tout cas, supérieures ou égales à celles tirées du scanner et de l’IRM.

Le diagnostic de fracture de fatigue par insuffisance osseuse du sacrum est acquis de façon certaine lorsque l’image en « H » est présente et il n’y a pas lieu de procéder à d’autres modalités d’imagerie.

* Branches ischio- et iliopubiennes :

La scintigraphie montre le trait de fracture sous la forme d’une hyperfixation très nette et bien localisée.

Lorsque l’on observe un foyer sur la branche iliopubienne et un foyer en regard sur la branche ischiopubienne de l’autre côté du trou obturateur, l’aspect est pratiquement pathognomonique.

Les fractures qui siègent dans la région parasymphysaire donnent souvent des signes radiologiques inquiétants par l’aspect flou du trait de fracture alors que les localisations secondaires à cet endroit sont très rares.

Elles apparaissent sous forme de foyers d’hyperfixation très nets sur la scintigraphie pour peu que l’on arrive à supprimer la superposition du foyer intense de la vessie.

* Extrémité supérieure du fémur :

Sur la scintigraphie, le trait de fracture se traduit par une hyperfixation intense, linéaire ou fusiforme, parcourant transversalement le col fémoral ou traversant selon une obliquité variable le grand trochanter seul (fracture pertrochantérienne) ou encore le grand et le petit trochanters (fracture transtrochantérienne).

Lorsque le diagnostic est fondé sur ces critères, la scintigraphie osseuse est créditée d’une sensibilité et d’une spécificité proches de 95 %.

* Autres localisations :

+ Plateaux tibiaux :

L’aspect caractéristique de la fracture de fatigue est représenté par une hyperfixation intense intéressant généralement un des deux plateaux tibiaux, débordant la région sous-chondrale, à la différence de l’ostéonécrose.

Dans les formes sévères, l’hyperfixation englobe parfois les deux plateaux tibiaux en débordant sur la tubérosité tibiale antérieure, mais les condyles fémoraux restent normofixants ou faiblement hyperfixants, à la différence de l’image de la gonarthrose.

+ Diaphyse tibiale :

L’hyperfixation dessine le trait de fracture : elle est soit longitudinale, engainant le fût diaphysaire selon une localisation et une hauteur variables, soit transversale, dessinant une bande hyperfixante d’épaisseur variable.

Cette hyperfixation est très intense mais souvent hétérogène.

Le cliché de balayage du corps entier montre que cette hyperfixation osseuse est en règle isolée, rendant très improbable l’hypothèse de métastase osseuse.

+ Talus :

Les fractures de fatigue surviennent généralement sur le dôme ou le col du talus. Les images objectivent typiquement une hyperfixation intense focalisée au dôme talien.

Les diagnostics différentiels comprennent surtout l’ostéonécrose du talus, l’arthrose sous-talienne.

Si l’ostéonécrose ne fait guère de doute lorsque la scintigraphie trouve une hypofixation du dôme talien, il faut admettre que, dans la majorité des cas, c’est une hyperfixation assez diffuse, du dôme ou du col, qui est observée.

Il est également nécessaire de signaler qu’une fracture méconnue du dôme peut se compliquer d’ostéonécrose aseptique ou d’algodystrophie.

Plus rarement, c’est l’algodystrophie de la tibiotarsienne qui se complique de fracture ostéochondrale du dôme talien.

+ Calcanéus :

Passé les 72 premières heures suivant la fracture, l’hyperfixation devient hyperintense ; elle implique la totalité du corps de l’os et se propage en « dégradé » vers l’avant du calcanéus.

L’intensité et l’étendue de l’hyperfixation apparaissent disproportionnées par rapport au trait de fracture mais il faut se rappeler que cette hyperfixation reflète globalement l’oedème périfracturaire, la néovascularisation et l’accroissement local du taux de renouvellement (turnover) du remodelage osseux.

Les diagnostics différentiels sont classiquement l’ostéome ostéoïde, l’ostéomyélite à forme ostéosclérosante (de Garré), l’ostéosarcome et l’ostéonécrose aseptique.

Néanmoins, Marcelli estime que l’hyperfixation calcanéenne est pathognomonique d’une fracture de fatigue lorsque l’anomalie scintigraphique est confrontée à l’histoire clinique et à des radiographies normales.

+ Métatarsiens :

La fracture par insuffisance osseuse peut affecter n’importe quel métatarsien mais ce sont les deuxièmes et troisièmes métatarsiens qui sont le plus fréquemment atteints au tiers moyen ou distal de leur diaphyse.

Chez le sujet âgé, il n’est pas rare non plus que la fracture de fatigue du métatarsien se bilatéralise secondairement par appui préférentiel sur le pied initialement indemne.

Cet appui monopodal est d’autant plus prolongé que le diagnostic est porté tardivement.

Pour le même motif, la fracture de fatigue peut se compliquer d’algodystrophie dans ses formes locorégionale ou radiale.

L’anomalie, constamment visible, se définit par une hyperfixation intense focalisée à la diaphyse d’un métatarsien, plus rarement à la base, au col ou à la tête de l’os.

En cas d’algodystrophie à forme radiale, c’est le rayon du pied qui apparaît hyperfixant sur toute sa longueur ; il est capital de reconnaître le foyer fracturaire se détachant par son intensité de cette hyperfixation radiale.

De la même façon, en cas d’algodystrophie panrégionale du pied, il importe de reconnaître un ou plusieurs foyers fracturaires ; ces foyers sont aisément repérables en cas de fracture de la diaphyse ou du col d’un métatarsien, l’identification devient beaucoup plus difficile en cas de fracture de la base ou de la tête.

B – MALADIES INFLAMMATOIRES, DÉGÉNÉRATIVES ET MÉTABOLIQUES :

1- Algoneurodystrophie :

* Position du problème :

En cas de suspicion d’algodystrophie, le recours à la scintigraphie peut correspondre à plusieurs objectifs.

Il peut s’agir de valider une impression incomplètement affirmée ou d’apprécier la sévérité et l’extension de l’algodystrophie.

La scintigraphie peut aussi déceler une cause sous-jacente cliniquement passée inaperçue et participer au diagnostic différentiel.

Enfin, elle a parfois pour but de disposer d’une image objective devant la plainte d’un patient dans un cadre médicolégal.

* Formes cliniques :

+ Forme classique « chaude » (pseudo-inflammatoire) locorégionale :

L’hyperfixation apparaît dès le temps précoce tissulaire, bien visible sur les clichés comparant les côtés droit et gauche.

La sémiologie scintigraphique du temps osseux tardif diffère selon qu’il s’agit d’une articulation des extrémités (main, pied) ou d’une articulation intermédiaire (épaule, coude, hanche, genou).

Ainsi, dans l’algodystrophie du pied pris comme exemple-type d’une articulation distale, les deux signes fondamentaux sont :

– l’hyperfixation diffuse du tarse postérieur, du tarse antérieur, des métatarsiens et des phalanges ;

– le renforcement de l’hyperfixation périarticulaire des petites articulations : tarsométatarsiennes, métatarsophalangiennes, interphalangiennes proximales et distales. Les signes d’appoint inconstants sont :

– la propagation de l’hyperfixation en dégradé sur la région épiphysométaphysaire, voire diaphysaire ;

– l’hyperfixation d’articulations sus-jacentes (genou, hanche) asymptomatiques.

En choisissant la hanche comme modèle d’articulation intermédiaire, la sémiologie scintigraphique du temps tardif est constituée par une hyperfixation intense centrée sur la tête fémorale, diffusant en dégradé sur l’ensemble de l’articulation coxofémorale, se propageant en bas jusqu’au massif trochantérien, souvent jusqu’à déborder sur la diaphyse fémorale.

La richesse de la sémiologie pour les articulations distales, conditionnant la spécificité, s’oppose donc à la pauvreté des données scintigraphiques pour les articulations intermédiaires.

En conséquence, le diagnostic positif est en règle acquis pour les articulations distales.

En revanche, les caractéristiques de l’hyperfixation de l’algodystrophie de hanche sont insuffisantes pour discriminer une algodystrophie et une ostéonécrose aseptique de la tête fémorale.

Le diagnostic différentiel scintigraphique est également parfois délicat, souvent impossible, avec une coxopathie évoluée (coxite, coxarthrose), en sachant que l’algodystrophie peut succéder à une coxopathie aiguë ou cohabiter avec une coxopathie chronique.

+ Forme « froide » d’emblée :

Elle se caractérise par une hypofixation au temps tardif. Rare chez l’adulte (moins de 10 % des cas), elle devient majoritaire chez l’enfant (plus de 70 %).

Pour le membre inférieur, elle ne doit pas être confondue avec un syndrome alterne (limping syndrome) lié à un appui préférentiel prolongé sur le membre inférieur indemne et/ou à l’utilisation de béquilles.

Chez l’enfant, le tableau scintigraphique d’une algodystrophie du membre inférieur varie d’une atténuation de l’hyperfixation physiologique des cartilages de croissance à l’« amputation du membre », équivalent scintigraphique de l’image radiographique d’« articulation fantôme ».

+ Forme partielle, décrite par Lequesne :

Elle revêt deux aspects.

– L’algodystrophie obéit à une topographie métamérique, intéressant un ou deux rayons carpo-métacarpo-phalangiens d’une main ou tarso-métatarso-phalangiens d’un pied : c’est la forme radiale.

La scintigraphie objective en ce cas typiquement une hyperfixation diffuse du rayon atteint et, très souvent, une hyperfixation focale surimposée, traduction d’une fracture de fatigue occulte d’un métatarsien.

L’hyperfixation diffuse « algodystrophique » est à distinguer de l’hyperfixation diffuse postfracturaire purement réactionnelle apparaissant au cours des 10 premiers jours suivant la fracture.

L’hypothèse de fracture à l’origine de la réaction algodystrophique locale est plus souvent retenue que la filiation inverse des lésions.

– Lorsque l’algodystrophie est confinée à une portion para-articulaire d’un os plus volumineux, par exemple une partie d’un condyle ou de la tête fémorale, on évoque la forme zonale.

Au début, la scintigraphie ne montre qu’une hyperfixation très intense localisée, évidemment dépourvue de valeur d’orientation étiologique puisque l’ostéonécrose, l’arthrose et la fracture de fatigue se présentent fréquemment sous cet aspect.

* Analyse semi-quantitative des données de la scintigraphie osseuse dynamique :

À partir de la série d’images englobant l’articulation douloureuse et l’articulation controlatérale, supposée saine, constituant la scintigraphie osseuse dynamique dite « en trois phases », les programmes informatiques de traitement des données permettent de construire deux courbes d’évolution de l’activité en fonction du temps.

Ces courbes sont déduites du premier segment temporel correspondant à l’arrivée vasculaire.

La comparaison d’indices extraits de ces courbes définit l’analyse semi-quantitative des données de la scintigraphie osseuse.

Celle-ci a comme objectifs :

– de préciser la phase « chaude » ou « froide » de l’algodystrophie ;

– de contribuer au diagnostic, notamment des formes cliniques atypiques comme l’algodystrophie « froide » d’emblée ;

– éventuellement d’orienter ou d’apprécier l’effet de la thérapeutique.

2- Ostéonécrose :

* Tête fémorale :

+ Hyperfixation de l’extrémité supérieure du fémur :

C’est l’anomalie le plus fréquemment trouvée au cours de l’ostéonécrose de la tête fémorale.

Cette hyperfixation peut apparaître confinée au pôle supéroexterne de la tête fémorale.

Dans cette configuration, elle est très suggestive, à condition de ne pas la confondre avec l’hyperfixation liée à une coxarthrose polaire supérieure agressive radiographiquement encore normale.

Au stade suivant, l’hyperfixation recouvre de façon homogène la tête fémorale dans son intégralité : le diagnostic différentiel est celui de l’algodystrophie partielle de la hanche.

Ce dilemme diagnostique est généralement insoluble, sauf s’il existe une anomalie de fixation en regard de la tête fémorale controlatérale puisqu’il est admis que les formes bilatérales d’ostéonécrose de la tête fémorale dépassent 50 % et qu’au contraire l’algodystrophie bilatérale simultanée de la hanche n’existe pas.

De rares équipes complètent l’imagerie planaire par une TEMP dans le but de déceler une zone hypofixante centrocapitale, souvent dissimulée par l’hyperfixation périlésionnelle en mode planaire, signant pratiquement l’existence d’une ostéonécrose.

La sensibilité se trouverait alors hissée entre 85 % et 90 %.

Au stade ultérieur, l’hyperfixation poursuit son extension vers le col fémoral et la zone intertrochantérienne.

Staudenherz et al suggèrent que la présence d’une hyperfixation intertrochantérienne oriente plus volontiers vers l’algodystrophie.

Néanmoins, ces auteurs reconnaissent qu’elle peut apparaître au cours des ostéonécroses associées à un important oedème médullaire.

Il peut s’y associer une perte de la géométrie normale de la coxofémorale.

+ Hypofixation :

Elle peut apparaître « pure », mais elle est alors difficile à distinguer d’images obtenues chez le sujet normal, chez qui la tête fémorale peut apparaître faussement hypofixante.

L’hypofixation peut être soulignée par une hyperfixation dite en « croissant », mais l’aspect le plus caractéristique est la lacune de fixation centrée sur la tête fémorale complètement entourée d’un halo hyperfixant (« signe de la cocarde » ou cold-in-hot).

L’étude de la littérature concernant l’efficacité diagnostique de la scintigraphie osseuse pour l’ostéonécrose de la hanche en comparaison avec l’IRM donne des résultats variables suivant les équipes.

Cependant, la sensibilité de l’IRM est en général supérieure (de 83 à 100 % versus 60 à 90 % pour la scintigraphie). Pour la spécificité, les valeurs sont plus proches pour les deux techniques (de 80 à 100 %).

* Autres localisations :

+ Condyles fémoraux et plateaux tibiaux :

La scintigraphie osseuse en trois temps se révèle une explorationpivot dans cette indication.

Les phases angiographique et tissulaire révèlent une hyperhémie et une hypercaptation du condyle, témoignant du caractère aigu de la nécrose.

L’image scintigraphique typique consiste en un foyer d’hyperfixation très intense du condyle fémoral interne à la phase tardive osseuse.

Cette hyperfixation appartient bien au condyle fémoral interne comme en atteste le cliché systématique en profil interne, genou fléchi à 30°, chaque fois que la douleur et l’impotence fonctionnelle l’autorisent.

Cette hyperfixation est de taille variable, qu’il faut indiquer en raison de l’impact sur le pronostic fonctionnel : elle peut être ponctuelle, confinée à la zone sous-chondrale du condyle, ou étendue, épousant les contours du condyle.

Ce foyer peut apparaître entouré d’une zone d’hyperfixation en dégradé qui signe l’oedème périnécrotique.

L’ostéonécrose du plateau tibial interne présente des traits épidémiologiques, physiopathologiques, radiographiques et scintigraphiques largement analogues à ceux décrits pour le condyle fémoral interne.

+ Talus :

Les ostéonécroses du talus se partagent en deux catégories : posttraumatiques et atraumatiques.

Comme pour celle de la tête fémorale, l’ostéonécrose atraumatique du talus est bilatérale dans plus de 50 % des cas et il existe d’autres ostéonécroses associées, que la scintigraphie osseuse peut localiser, dans près de 65 % des cas.

La scintigraphie osseuse dynamique révèle une hyperfixation plus ou moins focalisée, siégeant, en règle, au dôme talien.

+ Calcanéus :

En raison de la disposition intraosseuse et extraosseuse de l’irrigation artérielle, l’ostéonécrose post-traumatique implique plus fréquemment le corps que le col ou la tête du calcanéus.

Les mêmes facteurs favorisants que ceux incriminés dans l’ostéonécrose de la tête fémorale et de la tête humérale ont été retrouvés dans l’ostéonécrose atraumatique du calcanéus.

+ Clavicule :

La rare ostéonécrose de l’extrémité interne de la clavicule se traduit par un foyer d’autant moins spécifique qu’il se confond souvent avec l’articulation sternoclaviculaire.

+ Semi-lunaire :

La scintigraphie osseuse s’avère très utile pour identifier l’origine d’une douleur pseudo-inflammatoire chronique du carpe à radiographies normales.

Compte tenu des dimensions réduites des os du carpe, de la fréquence de lésions du carpe préexistantes (exemple : rhizarthrose bilatérale du pouce) ou réactionnelles à l’ostéonécrose (exemple : synovite, algodystrophie), il est impératif d’obtenir des images d’une qualité irréprochable : enregistrement d’un nombre de coupes suffisant, incidences spéciales supplémentaires, si possible image au pin-hole.

3- Arthrose :

Les lésions arthrosiques, par leur fréquence, sont probablement responsables des signes le plus souvent rencontrés en scintigraphie osseuse.

Si l’arthrose est rarement le motif de l’indication de la scintigraphie osseuse, elle doit donc être prise en compte dans l’interprétation des images.

Les difficultés d’interprétation éventuelles sont le plus souvent surmontées par l’étude des renseignements cliniques et la consultation des radiographies simples.

D’une façon générale, les lésions arthrosiques se manifestent par une hyperfixation le plus souvent modérée mais qui, à l’occasion de poussées inflammatoires, peut devenir plus marquée.

Les ostéophytes de l’arthrose peuvent fixer assez intensément le radiopharmaceutique mais à plus long terme deviennent isofixants et ne sont apparents que par leur situation débordant l’image osseuse habituelle.

* Arthrose rachidienne :

Le rachis cervical est très souvent le siège de lésions arthrosiques qui se reconnaissent aisément sur la scintigraphie osseuse par la situation latérale des hyperfixations observées (uncarthrose).

Sur le rachis dorsal, les lésions d’arthrose se manifestent par un aspect hétérogène de la fixation plus que par de véritables foyers. Une hyperfixation modérée est assez souvent retrouvée aux articulations costovertébrales.

Le rachis lombaire et particulièrement la charnière lombosacrée sont très souvent remaniés par des lésions arthrosiques : l’hyperfixation de certaines zones peut être assez intense.

Le diagnostic différentiel repose sur la confrontation avec les radiographies pour voir si ces foyers correspondent à des zones d’arthrose exubérante.

On pratique volontiers dans ces cas des images tomographiques (TEMP) qui, en précisant la localisation de l’hyperfixation sur la vertèbre, permettent d’orienter par exemple vers une arthrose interapophysaire postérieure, vers une hyperfixation intéressant un ostéophyte antérieur ou, si au contraire l’hyperfixation siège sur un pédicule, vers une image beaucoup plus suspecte de localisation secondaire.

* Coxarthrose :

Le diagnostic scintigraphique ne prête à confusion que dans le cas où l’arthrose n’est pas encore éloquente radiologiquement, notamment dans les formes agressives polaires supérieures qui peuvent être difficiles à distinguer d’une ostéonécrose.

Une TEMP du bassin est utile en ce cas pour discriminer ces deux affections.

* Gonarthrose :

L’aspect d’hyperfixation modérée, répartie de façon hétérogène, est en général facilement reconnu.

En cas d’hyperfixation plus intense, prédominant sur un compartiment, l’atteinte simultanée du condyle et du plateau tibial plaide en faveur de l’arthrose dans le diagnostic différentiel avec les fractures ou les ostéonécroses.

* Autres sites :

La rhizarthrose, l’arthrose interphalangienne, l’arthrose acromioclaviculaire, sternoclaviculaire, l’arthrose omohumérale sont fréquemment repérées sur les scintigraphies mais ne posent pas habituellement de problème d’interprétation.

4- Arthrites inflammatoires et enthésopathies :

Les arthrites inflammatoires, quelle que soit leur étiologie, se manifestent par une hyperfixation des articulations atteintes qui, au moment des poussées, peut être très intense.

Cette hyperfixation intéresse les deux versants de l’articulation et peut s’étendre jusqu’à la métaphyse.

Dans ces affections, la scintigraphie est parfois pratiquée pour rechercher une pathologie supplémentaire (fracture de contrainte, ostéonécrose).

* Spondylarthrite ankylosante :

Elle conduit parfois à pratiquer une scintigraphie pour objectiver une sacro-iliite.

La quantification de la fixation des articulations sacro-iliaques a donné lieu à de nombreux travaux mais les résultats restent discutables.

En raison de la symétrie habituelle de l’atteinte, la scintigraphie ne donne un résultat fiable que lorsque l’hyperfixation des sacro-iliaques est très marquée, se manifestant notamment par une visualisation inhabituelle de ces articulations en incidence antérieure.

Dans cette affection, la scintigraphie peut montrer en outre les autres atteintes d’arthrite ou d’enthésopathie.

* SAPHO :

Ce syndrome d’étiologie inconnue associe synovite, acné, pustulose, hyperostose, ostéite.

Les atteintes squelettiques les plus fréquentes sont la région sternoclaviculaire, la zone manubriosternale, l’extrémité antérieure des côtes.

Plus rarement, d’autres lésions osseuses peuvent être rencontrées dans des localisations très variées.

À la scintigraphie, tous ces foyers osseux qui correspondent à des foyers d’ostéite aseptique fixent fortement le radiopharmaceutique.

La scintigraphie peut orienter le diagnostic lorsqu’elle découvre des foyers claviculaires et du sternum mais elle est surtout précieuse pour faire le bilan des atteintes et apprécier leur évolutivité.

5- Maladie de Paget :

* Sémiologie scintigraphique :

La maladie de Paget se manifeste par une hyperfixation très intense et homogène qui atteint l’os ou la portion de l’os concerné de façon globale : cette hyperfixation est parfois telle que le reste du squelette apparaît en comparaison « éteint ».

La seule exception à cet aspect est l’ostéoporose circonscrite du crâne où l’hyperfixation n’est notable qu’à la périphérie de la lésion.

L’un des signes les plus caractéristiques de la maladie de Paget est l’élargissement localisé ou global de l’os.

Ce phénomène n’est jamais observé dans les autres affections ostéosclérotiques (ostéoblastiques), telles que les métastases osseuses du carcinome de la prostate.

Lorsque l’augmentation de taille s’accompagne d’une déformation (déformation en « cimeterre » des tibias, aspect de leontiasis ossea du massif facial), le diagnostic est déjà radiographiquement évident.

L’atteinte d’une vertèbre se traduit par une hyperfixation qui, en face antérieure, montre bien l’élargissement du corps vertébral et, en face postérieure, se traduit par une image triangulaire (apophyses transverses et épineuse) décrite comme le signe de « Mickey Mouse ».

Le crâne peut être atteint en totalité en respectant la mandibule ou, au contraire, l’ensemble de la mandibule peut être atteint isolément donnant l’aspect de « barbe noire ».

L’atteinte de l’os iliaque peut parfois prêter à confusion avec des métastases d’un cancer prostatique, mais le fait qu’elle intéresse l’ensemble de l’os ou une grande portion de celui-ci de façon homogène et surtout l’agrandissement de l’image osseuse permettent en règle d’affirmer le diagnostic.

* Indications de la scintigraphie osseuse :

Les indications de la scintigraphie osseuse sont multiples.

La maladie est connue : la scintigraphie osseuse est le moyen le plus fiable d’identifier les lésions pagétiques et d’en déterminer l’extension.

Douleurs osseuses inexpliquées : la douleur ostéoarticulaire est le symptôme le plus fréquent.

Toutefois, plus de 50 % des sites douloureux consignés à l’étape du diagnostic sont la conséquence d’une atteinte articulaire liée à la maladie de Paget.

L’hypertrophie de l’os pagétique dans les zones sous-chondrales aboutit à une altération du cartilage et à une arthrose.

Des fissures (c’est-à-dire des fractures incomplètes) sont souvent notées et des fractures complètes peuvent survenir après des traumatismes, même mineurs.

Les douleurs peuvent aussi être dues à un syndrome de compression radiculaire ou médullaire lié à l’hypertrophie d’une vertèbre.

La dégénérescence maligne de la maladie de Paget à type d’ostéosarcome survient dans moins de 1 % des cas.

Cette dégénérescence atteint le plus fréquemment le bassin, le fémur et l’humérus.

La greffe sarcomateuse complique en règle une maladie de Paget au long cours chez des patients d’âge compris entre 50 et 80 ans.

La scintigraphie osseuse objective une hyperfixation intense mais peut montrer une hypofixation focale associée à une déformation également focale de l’os hôte.

Ces caractéristiques se démarquent des anomalies de fixation environnantes exprimées par l’atteinte pagétique.

La maladie de Paget peut être une découverte fortuite de la scintigraphie osseuse puisque seulement 15 % des sujets porteurs sont symptomatiques.

Modifications sous traitement : sous l’effet de la thérapeutique, et particulièrement des biphosphonates, la fixation de l’os pagétique à la scintigraphie peut être considérablement diminuée et même pratiquement revenir à un aspect normal.

Un os qui, initialement, présentait une hyperfixation globale peut aussi, sous l’effet du traitement, ne laisser apparaître que des zones d’hyperfixation plus localisées et hétérogènes qui risquent d’être confondues avec des métastases.

Cet aspect doit être connu et le traitement du patient doit être consigné avant d’interpréter les images.

La scintigraphie est d’ailleurs parfois utilisée pour apprécier l’effet du traitement.

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