Reflux gastro-oesophagien

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Physiopathologie :

La physiopathologie du reflux gastro-oesophagien (RGO) est multifactorielle ; c’est une maladie motrice dont les symptômes et les lésions sont en rapport avec l’agression acido-peptique de la muqueuse oesophagienne.

Reflux gastro-oesophagienCelle-ci résulte de la « défaillance » de la barrière physiologique qui assure normalement la continence cardiale.

A – Barrière antireflux :

La barrière antireflux est constituée du sphincter inférieur de l’oesophage (SIO) constitué de muscle lisse et du pilier droit du diaphragme qui représente l’équivalent d’un sphincter externe (constitué de muscle strié).

Les facteurs anatomiques (valvule de Gubaroff, angle de His, compression par les fibres musculaires obliques au niveau du dôme gastrique, pince diaphragmatique) et la localisation intra-abdominale d’une partie du sphincter inférieur de l’oesophage contribuent à la continence cardiale.

Le sphincter inférieur de l’oesophage possède normalement un tonus permanent dont l’origine est double, à la fois myogène et neurogène.

La traduction manométrique de ce tonus permanent correspond à la pression de « repos » du sphincter inférieur de l’oesophage.

L’utilisation de techniques permettant un enregistrement prolongé de l’activité du sphincter inférieur de l’oesophage montre, en réalité, de grandes variations de pression tout au long du nycthémère.

Cependant, la pression du sphincter inférieur de l’oesophage chute toujours de façon très importante immédiatement avant un épisode de reflux.

Même si la pression de repos du sphincter inférieur de l’oesophage est, en moyenne, significativement plus faible chez les patients ayant un reflux pathologique (RGO) que chez des sujets sains, il existe un important chevauchement des valeurs individuelles entre ces deux groupes.

En réalité, le mécanisme principal de « l’incontinence cardiale » correspond à des relaxations profondes, non déclenchées par la déglutition, et de durée plus prolongée que les relaxations induites par la déglutition.

Ces relaxations transitoires précèdent la quasitotalité des épisodes de reflux physiologiques et environ les deux tiers des reflux pathologiques.

Leur mécanisme est encore incomplètement connu, mais fait intervenir un réflexe vago-vagal lié à l’activation de mécanorécepteurs principalement localisés dans la région souscardiale et le fundus gastrique.

Les voies nerveuses mises en jeu utilisent une transmission de nature non adrénergique-non cholinergique

– dont le médiateur est le monoxyde d’azote (NO)

– et impliquent des récepteurs à la cholécystokinine (de type CCK-A) et à la sérotonine (de type 5-HT3).

Les autres mécanismes à l’origine des épisodes de reflux chez les malades atteints de reflux gastro-oesophagien sont soit une augmentation de la pression intra-abdominale (qui dépasse la résistance de la barrière anti-reflux), soit une hypotonie permanente du sphincter inférieur de l’oesophage qui est surtout fréquente dans les formes sévères associées à une oesophagite.

Le rôle du sphincter diaphragmatique qui vient renforcer le sphincter inférieur de l’oesophage est aussi important, notamment dans les situations où la pression abdominale est augmentée, en particulier lors des efforts physiques.

L’existence d’une hernie hiatale par glissement (passage d’une partie de l’estomac dans le thorax à travers l’orifice diaphragmatique du cardia) n’est ni une condition nécessaire, ni une condition suffisante pour la survenue d’un reflux gastro-oesophagien ; elle constitue cependant un facteur favorisant et aggravant le reflux.

B – Toxicité du matériel de reflux :

Les éléments agressifs du contenu gastrique pour la muqueuse de l’oesophage sont principalement l’acide chlorhydrique et la pepsine, cette dernière étant elle-même activée en milieu acide.

Le rôle pathogénique majeur joué par l’agression acide est attesté par l’effet thérapeutique spectaculaire d’une réduction de la sécrétion acide de l’estomac par les inhibiteurs de pompe à protons (IPP).

La sécrétion gastrique acide est le plus souvent normale au cours du reflux gastro-oesophagien ; c’est son passage dans l’oesophage et son contact prolongé avec la muqueuse oesophagienne qui sont pathologiques.

Un reflux entérogastrique peut également venir se « mélanger » avec le contenu acide de l’estomac.

Dans ce cas, le reflux est mixte, à la fois acide et riche en sécrétions biliopancréatiques, ce qui en accroît la nocivité vis-à-vis de la muqueuse oesophagienne.

Les oesophagites en rapport avec un reflux purement bilieux sont tout à fait exceptionnelles et ne s’observent guère qu’après gastrectomie totale.

C – Élimination du matériel de reflux (clairance) :

Lorsqu’un épisode de reflux s’est produit, il est important que celui-ci soit évacué de l’oesophage aussi rapidement que possible ; en effet, c’est surtout sa durée de contact avec la muqueuse (exposition à l’acide de l’oesophage) qui est déterminante et conditionne le développement ou non d’une oesophagite.

L’élimination est due principalement à la gravité et au péristaltisme oesophagien (primaire ou secondaire) qui « repousse » le matériel agressif vers l’estomac (clairance volumique).

Le résidu acide en contact avec la muqueuse est neutralisé chimiquement par la salive, riche en bicarbonates.

Dans les formes sévères d’oesophagite, des troubles du péristaltisme oesophagien sont fréquents et peuvent contribuer à prolonger le temps de contact entre le matériel de reflux acide et la muqueuse oesophagienne.

D – Résistance et sensibilité de la muqueuse :

La résistance de la muqueuse à l’agression acido-peptique constitue un facteur déterminant dans le développement ou non d’une oesophagite.

Plusieurs éléments participent à ces mécanismes de défense : la sécrétion de bicarbonates (qui complètent l’effet de la salive) et de mucus, la barrière épithéliale limitant la rétrodiffusion des ions H+, le flux sanguin muqueux, et les facteurs de régénération tissulaire.

Les mécanismes qui déterminent la sensibilité de l’oesophage à différents stimulus, chimiques ou mécaniques, sont encore mal connus.

Au cours du reflux gastrooesophagien, tous les épisodes de reflux ne sont pas perçus et l’on estime à 80 % la proportion de ceux qui sont totalement asymptomatiques.

Même s’il existe une relation statistique entre l’exposition acide de l’oesophage et le grade de l’oesophagite, à l’échelon individuel, symptômes et lésions sont très mal corrélés.

Ainsi, certains malades souffrent de pyrosis sévère alors que l’endoscopie est normale ; en revanche des lésions graves telles qu’une sténose peuvent se révéler d’emblée par une dysphagie.

De même, la sensibilité oesophagienne semble diminuée en cas d’endobrachy-oesophage, cela pouvant sans doute expliquer que cette métaplasie soit le plus souvent asymptomatique.

À l’inverse, certains malades ont un oesophage hypersensible comme le montre une exposition acide oesophagienne normale en dépit d’une concordance temporelle excellente entre la survenue d’épisodes de reflux (repérés sur le tracé de la pH-métrie) et celle de symptômes signalés par le malade.

L’évolution est voisine de celle du reflux gastro-oesophagien, même si un trouble de la viscéro-perception est plus particulièrement en cause.

Diagnostic :

L’anamnèse est suffisante pour affirmer le diagnostic si l’on est en présence d’une symptomatologie typique.

Cependant le reflux gastro-oesophagien est une affection remarquable par la diversité de sa présentation clinique.

Des examens complémentaires peuvent donc être nécessaires dans certains cas.

A – Présentations cliniques :

  • Les symptômes typiques sont le pyrosis et les régurgitations (acides ou alimentaires).

Le pyrosis est une douleur rétrosternale ascendante, à type de brûlure, perçue en période post-prandiale et souvent lors de l’antéflexion du tronc ou en décubitus (syndrome postural).

Des brûlures épigastriques hautes ont une valeur sémiologique voisine.

Lorsqu’il s’agit des symptômes dominants, le pyrosis et les régurgitations ont une grande spécificité et une forte valeur prédictive positive. Malheureusement leur sensibilité est faible et leur absence ne permet pas d’exclure l’existence d’un reflux gastro-oesophagien.

Des symptômes dyspeptiques sont fréquemment associés.

Ainsi, des pesanteurs ou des ballonnements épigastriques, des nausées, une satiété précoce, traditionnellement attribués à une « dyspepsie motrice » peuvent, en fait, révéler un reflux gastro-oesophagien ; ils sont d’ailleurs souvent associés à des symptômes plus ou moins typiques de reflux.

Le reflux gastro-oesophagien peut aussi se révéler par des complications : hémorragies (hématémèse ou méléna, anémie sidéropénique), une dysphagie pouvant témoigner de l’existence d’une sténose peptique.

Cependant, une dysphagie peut aussi traduire un trouble moteur associé à l’oesophagite sans qu’il existe de sténose organique décelable.

  • Les symptômes « d’alarme » doivent être systématiquement recherchés : dysphagie, amaigrissement, anémie, douleurs nocturnes.

Ils ne sont pas obligatoirement en rapport avec le reflux, mais peuvent être le témoin d’une maladie grave telle un cancer de l’oesophage ou de l’estomac.

Ils imposent la pratique d’une endoscopie digestive haute.

  • Les formes extradigestives sont volontiers trompeuses et susceptibles d’orienter le malade vers des consultations spécialisées.

Ainsi, le reflux peut provoquer ou aggraver des manifestations respiratoires ou ORL, selon deux mécanismes différents : un phénomène de micro-aspiration du contenu gastrique vers les voies respiratoires et un mécanisme de bronchoconstriction réflexe à point de départ oesophagien et à médiation vagale.

Cependant, s’il est facile de démontrer l’existence d’un reflux acide pathologique chez un patient souffrant de symptômes respiratoires ou ORL mal expliqués, il est beaucoup plus difficile d’établir la responsabilité du reflux gastro-oesophagien dans la survenue de ces troubles.

Certains patients ont des douleurs thoraciques en tous points semblables à un angor dont l’origine oesophagienne peut être démontrée (ou fortement suspectée) grâce à des examens complémentaires (tests de provocation, enregistrements du pH et des pressions oesophagiens), ou en raison de l’efficacité d’un traitement par des inhibiteurs de la pompe à protons (IPP) à fortes doses.

Ces douleurs thoraciques d’origine oesophagienne peuvent être en rapport avec de multiples affections, mais le reflux gastro-oesophagien est la cause la plus fréquente et la plus facile à traiter efficacement.

Un reflux gastro-oesophagien peut également induire une ischémie myocardique chez certains patients coronariens, aggravant ainsi un angor initialement d’origine cardiaque ; là encore, un traitement efficace du reflux gastro-oesophagien est susceptible d’améliorer l’état du malade.

B – Examens complémentaires :

  • L’endoscopie digestive haute suffit à affirmer le diagnostic de reflux gastro-oesophagien lorsqu’il existe des érosions ou des ulcérations de la muqueuse oesophagienne.

Elle permet d’évaluer le grade de l’oesophagite et de rechercher des complications telles qu’une sténose ou un endobrachy-oesophage.

Le grade de l’oesophagite est un élément pronostique car la cicatrisation est plus lente et plus difficile à obtenir en cas d’oesophagite sévère (ulcérations circonférentielles) que d’érosions isolées.

Le risque ultérieur de récidive dépend également de la sévérité initiale des lésions.

En cas de doute quant à une lésion néoplasique, des biopsies dirigées doivent être effectuées, mais l’examen histologique est inutile au diagnostic de reflux gastrooesophagien lui-même.

En pratique, il convient de souligner que chez plus de la moitié des patients qui consultent pour des symptômes suspects de reflux, la muqueuse oesophagienne est normale à l’examen endoscopique.

L’endobrachy-oesophage est présent chez 5 à 10 % des patients subissant une endoscopie pour reflux gastrooesophagien.

Sa fréquence, plus élevée dans le sexe masculin, augmente avec l’âge, surtout après 40 ans.

Le diagnostic d’endobrachy-oesophage nécessite des biopsies et un examen histologique rigoureux.

Il est défini par le remplacement de l’épithélium malpighien de l’oesophage distal par un épithélium métaplasique cylindrique de type fundique (gastrique), cardial (jonctionnel) ou intestinal (spécialisé).

En endoscopie, la forme classique de la muqueuse de Barrett, reconnaissable par sa couleur rouge orangé, se présente sous la forme d’un manchon circulaire qui remonte sur au moins 3 cm au-dessus du pôle supérieur de la jonction oesogastrique ; des formes plus limitées (endobrachyoesophage « court ») sont fréquentes.

L’endobrachyoesophage est fréquemment associé à des lésions d’oesophagite peptique.

  • La pH-métrie de 24 heures, réalisée de préférence dans des conditions ambulatoires, permet de mesurer l’exposition acide de l’oesophage (temps passé au-dessous de pH4) et de préciser la responsabilité du reflux dans les symptômes.

Elle est donc indiquée en présence de symptômes atypiques lorsque l’endoscopie est normale.

Il faut accorder une grande importance à l’utilisation du marqueur d’événements permettant le calcul d’un indice de concordance ou d’une probabilité pour établir l’association des symptômes et des épisodes de reflux.

La pH-métrie permet alors de démontrer, non seulement l’existence d’une exposition acide anormale, mais aussi la responsabilité du reflux dans la survenue des symptômes.

La pH-métrie est également nécessaire avant toute intervention chirurgicale et en cas de résistance au traitement médical ou de récidive postopératoire.

En cas de résistance à un médicament antisécrétoire, il peut être intéressant d’effectuer le test sous traitement.

  • Les autres examens complémentaires ont peu d’indications :

– la manométrie oesophagienne est indiquée dans les formes sévères où elle peut révéler une hypotonie du sphincter inférieur de l’oesophage et (ou) des troubles du péristaltisme.

Il faut pratiquer une manométrie avant toute intervention chirurgicale, afin d’éliminer un trouble moteur primitif de l’oesophage, en particulier une achalasie ;

– le transit baryté oesogastrique conserve un intérêt lorsque l’oesophage est le siège d’une sténose infranchissable par l’endoscope. L’examen radiologique permet aussi de juger de la rétraction oesophagienne, et il est souvent demandé par le chirurgien avant une intervention antireflux ;

– le test de perfusion acide (test de Bernstein) n’est pas un examen diagnostique du reflux gastro-oesophagien, et il ne peut remplacer la pH-métrie oesophagienne ; il permet parfois, en présence de douleurs thoraciques sans cause cardiaque, de préciser l’origine oesophagienne des symptômes lorsque la perfusion reproduit la douleur spontanée du malade ;

– la mesure de la vidange gastrique par scintigraphie n’a pas d’indications en dehors de symptômes évocateurs d’une gastroparésie ; en effet, la simple constatation d’un retard de vidange gastrique, présent dans près de 1 cas sur 3 au cours du reflux gastro-oesophagien, n’a pas d’incidence sur la prise en charge du malade.

De même, la recherche d’une hypersécrétion acide gastrique ne mérite d’être effectuée qu’en cas de suspicion de syndrome de Zollinger-Ellison, affection rare mais qui s’accompagne fréquemment d’oesophagite.

C – Test diagnostique par inhibiteurs de la pompe à protons :

Ce test consiste à administrer, dans un but diagnostique, un inhibiteur de la pompe à protons à forte dose pendant une courte période.

Il doit être distingué d’un traitement empirique (traitement du reflux gastro-oesophagien mis en route sans explorations complémentaires préalables). Ce test a pour avantage théorique sa simplicité et son coût relativement faible.

Cependant, les modalités optimales de sa réalisation et de son interprétation, sa sensibilité et sa spécificité (importance de l’effet placebo, confusion avec d’autres affections liées à l’acide), sa place par rapport à la pH-métrie oesophagienne et son intérêt médico-économique restent à préciser.

Dans ces conditions, l’utilisation de ce test diagnostique n’est pas recommandée actuellement.

Toutefois, sa place éventuelle pour le diagnostic des manifestations atypiques, notamment pseudo-angineuses, respiratoires ou ORL mérite d’être clarifiée à l’avenir car il pourrait représenter une autre solution intéressante.

D – Stratégie diagnostique :

Schématiquement, 3 situations cliniques doivent être individualisées selon la présence de symptômes :

– typiques sans signes d’alarme chez un sujet de moins de 50 ans : un traitement médical est prescrit d’emblée, sans recours systématique à des explorations complémentaires ;

– typiques, avec symptômes d’alarme ou âge > 50 ans : une endoscopie digestive haute est requise.

La résistance au traitement médical ou la récidive rapide des symptômes après son arrêt imposent également une endoscopie ;

– atypiques digestifs ou extradigestifs : une endoscopie digestive haute est indiquée en première intention.

En l’absence de lésions d’oesophagite (circonstance la plus fréquente), une pH-métrie oesophagienne est recommandée.

Évolution :

A – Histoire naturelle du reflux gastro-oesophagien :

Elle est encore mal connue.

L’oesophagite a longtemps été le critère principal d’évaluation de la sévérité du reflux gastro-oesophagien et de la réponse thérapeutique.

Or, dans la grande majorité des cas, le reflux gastro- oesophagien est une pathologie fonctionnelle n’entraînant pas de lésions. Il se manifeste avant tout par des symptômes susceptibles de détériorer la qualité de vie.

L’évolution du reflux gastro-oesophagien est volontiers chronique.

Environ deux tiers des patients doivent poursuivre un traitement intermittent ou continu après plusieurs années de suivi.

À l’échelon individuel, aucun facteur ne permet de prédire la persistance des symptômes.

Dans la majorité des cas, les lésions d’oesophagite ne sont pas sévères et s’aggravent rarement au cours de leur évolution.

Dans l’état actuel des connaissances, il ne paraît pas utile de contrôler la cicatrisation des lésions non sévères d’oesophagite, ni de les surveiller par des endoscopies répétées.

Dans une minorité des cas, une oesophagite sévère est présente.

Cette éventualité est plus fréquente chez les patients de plus de 60 ans.

Ces lésions sévères constituent un facteur prédictif de difficultés de cicatrisation, de rechutes et de complications. Un contrôle endoscopique de leur cicatrisation s’impose donc.

Bien qu’aucune surmortalité liée au reflux gastro-oesophagien n’ait été démontrée par rapport à une population générale, une étude épidémiologique récente montre que la présence d’un pyrosis (surtout s’il est ancien et sévère) augmente de façon très significative le risque d’adénocarcinome oesophagien, une tumeur dont l’incidence croît de façon très importante dans de nombreux pays occidentaux.

B – Complications :

  • L’endobrachy-oesophage : seule la métaplasie intestinale expose au risque de transformation maligne en multipliant par 30 à 40 le risque d’adénocarcinome de l’oesophage par rapport à la population générale. La dégénérescence maligne survient selon une séquence métaplasie-dysplasie-cancer.

L’endobrachy-oesophage avec métaplasie intestinale doit être surveillé tous les 2 ans chez les patients dont l’espérance de vie et l’état général sont compatibles avec la prise en charge thérapeutique d’une éventuelle dysplasie sévère ou d’un cancer.

Les données actuelles ne permettent pas de recommander un dépistage et une surveillance systématique des formes courtes d’endobrachy-oesophage qui doivent faire l’objet d’études prospectives précisant leur risque de transformation maligne ; il n’y a pas lieu de rechercher par des biopsies systématiques du cardia une métaplasie intestinale en l’absence de lésion endoscopique.

  • Les autres complications (sténose, ulcère, hémorragie) sont rares (1 à 3 % des cas d’oesophagite).

Dans un quart des cas, ces complications ne sont pas précédées de symptômes de reflux et révèlent l’affection.

Certains facteurs favorisent leur survenue : âge > 60 ans, et surtout, sévérité initiale de l’oesophagite.

La dysphagie dépend du diamètre de la sténose mais aussi de l’existence d’une oesophagite associée.

Les oesophagites représentent une cause importante d’hémorragie digestive chez les sujets très âgés et (ou) atteints de tares viscérales graves (dénutrition, insuffisance hépatique, alcoolisme).

Traitement :

Les inhibiteurs de la pompe à protons ont révolutionné le traitement du reflux gastro-oesophagien durant la dernière décennie.

La chirurgie a également bénéficié d’un regain d’intérêt avec le développement de la coeliochirurgie.

A – Parmi les objectifs du traitement :

Le soulagement des symptômes, permettant un retour à une qualité de vie normale est l’objectif majeur et le plus souvent suffisant du traitement.

La cicatrisation des lésions d’oesophagite ne s’impose que dans les rares formes sévères d’oesophagite, qui seules exposent à un risque significatif de complications.

La prévention des récidives ne concerne que les formes symptomatiques à rechutes fréquentes et les oesophagites sévères ou compliquées.

B – Mesures hygiéno-diététiques :

Parmi les mesures habituellement recommandées, seule la surélévation de la tête du lit a une efficacité démontrée bien que modeste.

Cette mesure est contraignante et difficile à appliquer, ce qui compromet souvent son observance à long terme.

Les autres mesures (arrêt de l’alcool et du tabac, perte de poids, régime pauvre en graisses, interdiction du chocolat, de la menthe, du café…) sont issues principalement de données physiopathologiques ou pharmacologiques.

Leur indication relève donc davantage de recommandations générales destinées à améliorer la santé du patient que du traitement spécifique du reflux gastro-oesophagien.

Les médicaments accusés, sur des arguments essentiellement pharmacologiques, de favoriser le reflux ont peu d’impact sur les symptômes du reflux gastro-oesophagien. Ils peuvent donc être administrés si leur indication est justifiée.

Cette recommandation s’applique, en particulier, aux bronchodilatateurs (théophyllines et b2-mimétiques) et à la contraception orale.

C – Médicaments :

Les médicaments disponibles appartiennent à plusieurs classes thérapeutiques dont l’efficacité a été, le plus souvent, bien documentée.

Certains d’entre eux sont très efficaces, mais aucun n’est capable de guérir définitivement la maladie et donc de prévenir les récidives après l’arrêt du traitement.

1- Topiques :

Les antiacides sont très souvent utilisés par les malades eux-mêmes, et le reflux gastro-oesophagien est probablement la cause la plus fréquente d’automédication à l’aide de ce type de médicaments.

Les alginates (Gaviscon) sont à distinguer des antiacides, même si certaines formulations contiennent aussi des antiacides. Ils forment un gel visqueux qui surnage au niveau du contenu gastrique, et protège la muqueuse oesophagienne lors des épisodes de reflux.

Les antiacides, les alginates et l’association alginate-antiacide ont une efficacité symptomatique démontrée par des études contrôlées.

Cette efficacité ne concerne que les formes modérées de reflux gastro-oesophagien (formes intermittentes et sans lésions sévères d’oesophagite) et ne se maintient que chez les sujets ayant bien répondu initialement.

Du fait de leur durée d’action brève, les antiacides et les alginates sont surtout utiles en prescription « à la demande » (au moment des douleurs) ou après les repas (en cas de symptômes post-prandiaux). Ces médicaments n’ont pas d’action curative, ni préventive sur les lésions d’oesophagite.

2- Antagonistes des récepteurs H2 de l’histamine (anti-H2) :

Dans la plupart des études contrôlées, les anti-H2 permettent d’obtenir une amélioration significative des symptômes et des lésions d’oesophagite en traitement d’attaque.

Cependant, le gain symptomatique par rapport au placebo est le plus souvent inférieur à 20 % et le taux de cicatrisation des lésions d’environ 50 %.

Les résultats sont plus décevants en cas de lésions sévères d’oesophagite ou de formes compliquées.

Les anti-H2 trouvent donc leur meilleure indication dans le traitement symptomatique du reflux gastro-oesophagien et dans les oesophagites non sévères.

La ranitidine, la famotidine et la nizatidine doivent être préférées à la cimétidine, en raison principalement d’interactions médicamenteuses moins fréquentes.

La posologie journalière est celle habituellement utilisée dans le traitement de l’ulcère gastro-duodénal (300 mg/j pour la ranitidine, par exemple), mais doit être fractionnée en 2 prises quotidiennes.

Une durée de traitement de 4 à 6 semaines semble raisonnable. L’augmentation de la posologie renforce l’efficacité de ce traitement, mais réduit le rapport coût sur efficacité et l’observance au traitement.

L’efficacité des anti-H2 en prévention des récidives est mal démontrée.

Cela s’explique probablement par l’apparition d’une « accoutumance pharmacodynamique », aboutissant à une réduction de l’inhibition de la sécrétion acide.

La place des anti-H2 dans le traitement du reflux gastrooesophagien s’est considérablement réduite malgré leur bonne sécurité d’emploi, du fait de l’efficacité des inhibiteurs de la pompe à protons.

Cependant, de nouvelles modalités thérapeutiques (automédication, traitement à la demande), développées ces dernières années, semblent intéressantes.

Les anti-H2 faiblement dosés (cimétidine 200 mg, ranitidine 75 mg, famotidine 10 mg) ont fait la preuve de leur efficacité dans le traitement symptomatique du reflux.

Les anti-H2 à action rapide (comprimés effervescents, formes sublinguales, gommes à mâcher) semblent bien adaptés au traitement à la demande des symptômes.

3- Prokinétiques :

Les antidopaminergiques (métoclopramide et dompéridone) possèdent une action sur les symptômes de reflux au prix d’effets indésirables, tels que somnolence, manifestations extrapyramidales, ou galactorrhée.

Leur place dans le traitement du reflux gastro-oesophagien est nulle depuis la mise à disposition du cisapride.

Le cisapride stimule la motricité gastro-intestinale grâce à la libération d’acétylcholine au niveau des plexus myentériques.

C’est un agoniste de la sérotonine qui agit sur les récepteurs 5HT-4 et un antagoniste anti-5HT-3.

Le cisapride augmente le tonus de repos du sphincter inférieur de l’oesophage et l’amplitude des contractions péristaltiques oesophagiennes, et accélère la vidange gastrique des liquides et des solides.

En traitement initial, l’efficacité du cisapride est voisine de celle des antiH2, aussi bien sur les symptômes que sur les lésions d’oesophagite.

En traitement d’entretien des formes modérées de reflux gastro-oesophagien (sans oesophagite ou avec oesophagite non sévère), son efficacité a été démontrée dans certaines études, mais elle est inférieure à celle des inhibiteurs de la pompe à protons.

La posologie optimale, tant pour le traitement initial que d’entretien, est de 20 mg 2 fois par jour.

L’efficacité du cisapride est renforcée par l’administration conjointe d’un anti-H2.

Cependant, pour des raisons de coût-efficacité et d’observance, la monothérapie par inhibiteurs de la pompe à protons est préférable à l’association cisapride-anti-H2.

De façon générale, le cisapride est bien toléré et il est rare d’avoir à interrompre le traitement à cause d’effets indésirables.

Cependant, une diarrhée, des coliques abdominales ou des céphalées sont parfois rapportées. Récemment, l’attention a été attirée sur des allongements de l’espace QT à l’électrocardiogramme, susceptibles d’entraîner des torsades de pointes.

Le cisapride est formellement contre-indiqué en cas de risque de troubles du rythme ou de la conduction cardiaque ; il est contre-indiqué d’associer le cisapride aux macrolides (sauf la spiramycine) et aux dérivés antifongiques azolés (fluconazole, kétoconazole, miconazole, itraconazole).

4- Inhibiteurs de la pompe à protons :

Ils agissent spécifiquement sur la sécrétion acide en bloquant le fonctionnement de l’ATPase H+/K+, enzyme responsable de la sécrétion de l’ion H+ par les cellules pariétales gastriques.

Ils ont une efficacité supérieure à celle de toutes les autres classes thérapeutiques sur les symptômes et les lésions d’oesophagite, quelle qu’en soit la sévérité.

Une méta-analyse des principaux essais rapporte des taux de cicatrisation des lésions oesophagiennes après 4 à 8 semaines de traitement de 84 %, très supérieurs à ceux obtenus avec un anti-H2 (52 %) ou un placebo (28 %).

Des chiffres voisins ont été obtenus en ce qui concerne la disparition des symptômes. Ces résultats se maintiennent lors du traitement d’entretien.

Cette supériorité est particulièrement nette dans les oesophagites sévères.

Une majoration de la posologie standard (avec répartition en 2 prises journalières) peut être envisagée dans les formes rebelles.

Dans ces cas, le contrôle insuffisant de la sécrétion acide doit être suspecté ou, mieux, prouvé par la persistance de lésions d’oesophagite ou, en leur absence, par une pH-métrie oesophagienne effectuée sous inhibiteurs de la pompe à protons.

Dans les cas de sténose peptique, ces derniers représentent la seule classe thérapeutique ayant fait la preuve d’une efficacité sur les symptômes, la cicatrisation des lésions et la fréquence des dilatations endoscopiques.

L’efficacité symptomatique des demi-doses a été démontrée dans les formes modérées de reflux gastro-oesophagien (oesophagite absente ou non sévère), aussi bien en traitement d’attaque que d’entretien. Dans l’ensemble, les inhibiteurs de la pompe à protons sont bien tolérés et dépourvus d’effets secondaires significatifs.

5- Conséquences de l’achlorhydrie et de l’infection par Helicobacter pylori :

La survenue de pullulations bactériennes intraluminales de l’intestin grêle, de diarrhées infectieuses ou de malabsorption de la vitamine B12 est possible au cours des traitements antisécrétoires prolongés.

Ces perturbations n’ont, le plus souvent, pas de conséquences cliniques significatives et ne doivent donc pas être prises en compte dans les indications ou la surveillance de ces traitements.

Une hypergastrinémie et une hyperplasie des cellules endocrines fundiques peuvent être induites par des traitements antisécrétoires puissants et prolongés.

Elles n’ont pas de conséquences cliniques avec le recul d’environ 10 ans dont nous disposons.

Il n’y a donc pas lieu de surveiller la gastrinémie et l’histologie gastrique chez les malades traités au long cours par des inhibiteurs de la pompe à protons.

L’implication d’Helicobacter pylori dans la survenue d’une gastrite atrophique sous inhibiteurs de la pompe à protons n’est pas clairement établie.

En revanche, l’éradication de ce germe est susceptible de diminuer leur efficacité. Dans l’état actuel des connaissances, le niveau de preuve n’est pas suffisant pour recommander la recherche systématique et l’éradication de ce germe en cas de traitement antisécrétoire prolongé.

6- Chirurgie :

Le traitement chirurgical a pour objectif de reconstituer une barrière antireflux.

C’est le seul traitement susceptible d’agir sur l’histoire naturelle du reflux gastro-oesophagien.

Il a bénéficié, ces dernières années, du développement de l’abord coelioscopique.

Les principes de la chirurgie restent cependant inchangés : réduction d’une éventuelle hernie hiatale et « manchonnage » du bas oesophage par la grosse tubérosité de l’estomac réalisant une valve antireflux.

Les fundoplicatures partielles (Toupet) ou totale (Nissen) constituent, en effet, actuellement les interventions de référence dans le traitement chirurgical de première intention d’un reflux gastrooesophagien.

La meilleure efficacité à long terme des fundoplicatures totales est à mettre en balance avec la plus faible morbidité des fundoplicatures partielles.

La diversion duodénale totale ne se justifie plus qu’en cas de réintervention.

Un contrôle satisfaisant des symptômes du reflux gastrooesophagien et des anomalies endoscopiques et pHmétriques est rapporté dans 80 à 90 % des cas, avec un recul de 5 à 20 ans.

La fréquence de la dysphagie persistante varie de 1 à 8 % ; celle des troubles dyspeptiques, dont la nature est souvent mal précisée, est très variable d’une série à l’autre.

La mortalité postopératoire est nulle dans les études contrôlées et varie de 0,1 à 0,8 % dans les études de cohortes.

En dépit d’un recul encore insuffisant, la coelioscopie peut être considérée aujourd’hui comme la voie d’abord de référence pour le traitement chirurgical du reflux gastro-oesophagien non compliqué.

Les études randomisées disponibles ayant comparé laparotomie et coelioscopie font état d’une morbidité pariétale très faible et d’une durée d’hospitalisation plus courte pour la coelioscopie avec des résultats fonctionnels identiques.

7- Indications thérapeutiques :

Le reflux gastro-oesophagien est une maladie dont la présentation clinique et l’évolution sont extrêmement variables d’un malade à l’autre, nécessitant une approche diagnostique et thérapeutique individuelle.

Il est important de contrôler la maladie, non seulement à court terme mais surtout à long terme ce qui peut justifier dans certains cas un traitement d’entretien ou une intervention chirurgicale.

8- Stratégie initiale :

Les symptômes typiques et espacés sont, en l’absence de symptômes d’alarme, traités à la demande.

Les antiacides, les alginates ou les anti-H2 faiblement dosés peuvent être utilisés.

Cette prescription doit s’accompagner d’une information sur les mesures hygiéno-diététiques et posturales.

Cette situation est compatible avec les pratiques d’automédication largement répandues.

Des symptômes typiques rapprochés (une fois par semaine ou plus) chez des patients de moins de 50 ans, sans symptômes d’alarme, nécessitent un traitement continu pendant environ 4 semaines. Un inhibiteur de la pompe à protons à demi-dose, un anti-H2 à dose standard, ou le cisapride (en l’absence de contre-indications) peuvent être utilisés.

En cas de succès, le traitement doit être arrêté.

En cas d’inefficacité ou de récidive précoce, une endoscopie doit être réalisée, de même si le sujet est âgé de plus de 50 ans ou en cas de symptômes d’alarme.

En l’absence d’oesophagite ou en cas d’oesophagite non sévère, un traitement de 4 semaines par antisécrétoire, de préférence par un inhibiteur de la pompe à protons, doit être envisagé.

Si l’endoscopie était justifiée par un échec thérapeutique, un inhibiteur de la pompe à protons à pleine dose doit être utilisé.

En cas d’oesophagite sévère ou de complications, un traitement par inhibiteur de la pompe à protons à pleine dose pendant 8 semaines doit être entrepris et suivi d’un contrôle endoscopique.

En l’absence de cicatrisation ou de rémission symptomatique, une majoration des doses doit être envisagée.

En cas de manifestations extradigestives, un traitement par inhibiteur de la pompe à protons à dose standard ou à double dose pendant 4 à 8 semaines peut être prescrit, sous réserve que le diagnostic de reflux gastro-oesophagien soit établi et que la responsabilité du reflux sur les symptômes soit prouvée ou fortement suspectée.

9- Stratégie à long terme en dehors des complications :

Le traitement initial doit être arrêté lorsqu’il permet la disparition des symptômes, sauf en cas d’oesophagite sévère ou compliquée.

Dans les cas, fréquents, de récidives très espacées des symptômes (sans oesophagite ou avec une oesophagite non sévère), le patient peut être traité de façon intermittente et selon des modalités identiques à celles ayant permis la rémission initiale.

En revanche, des rechutes fréquentes ou précoces à l’arrêt du traitement, retentissant sur la qualité de vie, imposent un traitement d’entretien par un inhibiteur de la pompe à protons à doses adaptées.

C’est dans ces cas de dépendance au traitement médical que la chirurgie peut être envisagée. 10.

Complications

Une sténose doit être traitée en continu par inhibiteur de la pompe à protons, le plus souvent à forte dose.

En cas de dysphagie, une dilatation endoscopique doit être associée au traitement médical. Le traitement chirurgical se discute en cas d’échec de la stratégie médicale.

L’endobrachy-oesophage asymptomatique et sans oesophagite ne nécessite pas de traitement.

Lorsqu’il existe des symptômes, ceux-ci sont liés au reflux, et les inhibiteur de la pompe à protons sont très efficaces.

En revanche, la prise au long cours, même à fortes doses, ne permet pas d’obtenir une régression complète des lésions métaplasiques. Il existe, actuellement, de nouvelles approches thérapeutiques consistant en la destruction physique de la muqueuse glandulaire par laser ou électrocoagulation.

Lorsque cette technique est associée à la prise d’un traitement antisécrétoire, la régénération épithéliale peut se faire sous la forme d’un épithélium malpighien.

En cas de dégénérescence maligne (dysplasie de haut grade ou petit cancer invasif), l’utilisation d’agents photosensibilisants (hématoporphyrine ou acide delta-amino-lévulinique) peut également permettre une destruction sélective des lésions et de la muqueuse glandulaire environnante.

Toutefois, toutes ces techniques sont encore en cours d’évaluation, et devraient être appliquées idéalement dans le cadre de protocoles prospectifs randomisés.

Ces différents traitements ne devraient pas modifier les indications et les modalités de la surveillance endoscopique et histologique habituellement préconisée chez ces malades (une endoscopie tous les 2 ans en l’absence de lésions dysplasiques, et de façon beaucoup plus rapprochée si des lésions dysplasiques apparaissent).

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