Rééducation vestibulaire

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Introduction :

La rééducation vestibulaire s’adresse à des patients souffrant de vertiges et/ou troubles de l’équilibre d’origine centrale ou périphérique.

Rééducation vestibulaireSon préalable est la réalisation d’un bilan otoneurologique soigneux qui a précisé le diagnostic et le niveau de compensation centrale en cas d’atteinte périphérique.

Le rééducateur peut alors effectuer une évaluation des différentes afférences sensorielles : vestibulaire, visuelle et proprioceptive, et déterminer le schéma de l’organisation sensorielle propre du sujet qu’il prend en charge.

Les différentes techniques de rééducation vestibulaire : fauteuil rotatoire, générateur optocinétique, plate-forme dynamique, barre de diodes…ont alors leurs intérêts thérapeutiques respectifs.

Le développement de questionnaires et d’échelles d’évaluation permet de quantifier l’intensité des symptômes et de leur retentissement, et de suivre les effets de la rééducation vestibulaire.

La maladie de Ménière nécessite une mesure très précise du niveau de dysfonctionnement vestibulaire afin de proposer les exercices de rééducation parfaitement adaptés à celui-ci.

Lors des vertiges positionnels paroxystiques bénins, la meilleure connaissance des différentes formes cliniques permet l’identification du canal semicirculaire en cause, et le choix du traitement adapté.

Les troubles de l’équilibre des patients âgés comportent un risque de chute parfois important et source de complications.

La rééducation vestibulaire s’inscrit alors dans le cadre d’une approche multidisciplinaire, prenant en particulier en compte la présence d’un syndrome d’omission vestibulaire.

Ces différentes situations cliniques représentent autant de circonstances où la collaboration entre le praticien ORL et le kinésithérapeute rééducateur vestibulaire permet d’optimiser la thérapeutique.

Bases physiologiques et physiopathologiques de la rééducation vestibulaire :

Les premiers développements de la rééducation vestibulaire ont eu lieu dans les années 1944-1946 : Cawtthorne et Cooksey proposaient aux patients souffrant de handicaps par atteintes neurosensorielles des exercices ayant pour but de mobiliser la tête.

En 1964, l’équipe bordelaise avec Portmann et Boussens met en place des techniques visant à travailler le réflexe vestibulospinal au cours des troubles séquellaires des atteintes vestibulaires.

Les stimulations optocinétiques sont alors utilisées pour la première fois dans le cadre de la rééducation.

Le développement de la chirurgie des neurinomes de l’acoustique, et aussi des maladies de Ménière invalidantes par neurotomie vestibulaire, par Jean Marc Sterkers dans les années 1960, conduira à la mise en place d’une rééducation neurosensorielle spécifique et individualisée en tant que telle : la rééducation vestibulaire.

Depuis, les indications de cette rééducation se sont diversifiées et adaptées à chaque situation clinique.

Les connaissances fondamentales dans les domaines de la physiologie de l’équilibre et des conséquences physiopathologiques lors des atteintes vestibulaires périphériques et centrales permettent de mieux appréhender les mécanismes mis en jeu lors de cette rééducation vestibulaire.

Les travaux de Michel Lacour ont en particulier porté sur la neuroplasticité.

Les conséquences d’une atteinte vestibulaire unilatérale sont l’apparition d’un triple syndrome : posturolocomoteur, oculomoteur et perceptif observé en situation statique (sujet au repos) et en situation dynamique (sujet en mouvement) ; et la mise en jeu d’une compensation vestibulaire permettant une régression de ces déficits.

La compensation des déficits statiques est habituellement obtenue relativement rapidement. Elle correspond à la restauration de l’activité de repos des neurones des noyaux vestibulaires situés du côté lésé.

La compensation des déficits dynamiques s’établit de façon plus lente, et généralement incomplète.

Le rôle de différentes structures du système nerveux central, cervelet, cortex cérébral… est montré, tout comme la mise en jeu de processus de substitutions sensorielles et fonctionnelles d’origine visuelle et somesthésique.

Il s’agit alors de la mise en jeu de stratégies sensorielles ou comportementales venant suppléer le déficit vestibulaire.

Ces mécanismes sont cependant sujet à de grandes variations interindividuelles.

Ainsi, certaines personnes développent des mécanismes de substitution sensorielle de type visuel, d’autre de type proprioceptif, ou encore de nouveaux modes de contrôle.

En matière de rééducation vestibulaire, l’application de ces notions passe par le développement de l’utilisation par le patient de ces informations sensorielles qu’il n’utilise pas ou peu.

Ces rééducations doivent être les plus précoces et actives, en sachant que même si la plasticité du système nerveux central diminue avec l’âge, elle n’en demeure pas moins présente à tout âge et peut être utilisée lors de la rééducation vestibulaire.

Méthodes utilisées lors de la rééducation vestibulaire :

A – MATÉRIEL UTILISÉ :

Le rééducateur va utiliser différentes techniques de rééducation : fauteuil rotatoire, générateur optocinétique, barre de diodes, plate-forme…

1- Fauteuil rotatoire :

Ce fauteuil est indispensable à la rééducation vestibulaire. Son axe de rotation passe par l’axe vertical de rotation de la tête.

Les vitesses de rotation varient de 10°/s à 400°/s.

Les frottements doivent être réduits au maximum, pour limiter l’énergie nécessaire et effectuer des rotations les plus douces possibles.

Ce fauteuil doit être confortable et sûr pour éviter tout déplacement du sujet lors des exercices de rééducation.

Il dispose d’un appui-tête, d’une ceinture « de sécurité » et d’un cale-pieds.

Ce type de fauteuil est habituellement monté sur un socle lui assurant une stabilité satisfaisante quels que soient les vitesses de rotation, les impulsions données et les changements de position du patient lors des rotations.

Le but des exercices sur fauteuil rotatoire est de symétriser les réponses.

2- Générateur optocinétique :

Le réflexe optocinétique est largement utilisé en rééducation vestibulaire.

Sa mise en jeu nécessite une stimulation de l’ensemble du champ visuel, le patient étant debout.

Les conditions idéales sont réunies en le plaçant à une distance minimale de 2 m de l’écran, ou du mur, où sont projetées les stimulations lumineuses, la pièce étant par ailleurs dans l’obscurité.

Le générateur de lumière ou planétaire est une sphère métallique, percée de trous distants de 7°.

Le planétaire est fixé sur un système à trois axes qui permet de combiner les déplacements des sources lumineuses dans les trois plans de l’espace.

La vitesse de rotation du planétaire varie de quelques degrés par seconde jusqu’à 120°/s.

La séance ne dépasse pas 15 minutes de durée.

3- Barre de diodes :

Ce matériel est utilisé, lors du bilan diagnostic, pour l’étude de l’oculomotricité.

Il s’agit d’une barre métallique portant une rangée de diodes électroluminescentes.

La commande informatique du déplacement lumineux sur cette barre permet de reproduire différents types de mouvements oculaires : mouvements de poursuite dont la vitesse varie de 10 à 90°/s, saccades dont les temps et amplitude sont déterminés sur un mode aléatoire, et enfin rampes qui sont des demi-poursuites dans un sens ou l’autre, en sinus ou en triangle.

4- Plates-formes de rééducation :

La posturographie est une technique développée depuis de nombreuses années en France, en particulier par Baron et Gagey.

Elle était initialement essentiellement basée sur des exercices effectués sur des plates-formes statiques. Des plates-formes dynamiques ont été ensuite conçues.

Elles permettent une analyse de la posture en situations statiques et dynamiques.

Certaines techniques de biofeedback sont alors possibles lors de la rééducation, le patient pouvant visualiser les déplacements de son centre de pressions podales.

La plate-forme de posturographie dynamique Smartt (de Neurocom), développée par Nashner, est asservie aux mouvements propres du sujet.

Tous ses déplacements sont intégrés par la machine qui les reproduit fidèlement lors de la mobilisation de la plate-forme.

Il est alors possible d’effectuer une véritable évaluation de l’organisation neurosensorielle du sujet.

Les performances des différentes voies impliquées dans la fonction d’équilibration : proprioceptive, vestibulaire et visuelle sont ainsi quantifiées et utilisées pour adapter les techniques de rééducation, cas par cas.

5- Matériel d’observation du nystagmus :

Le rééducateur utilise des signes d’examen pour évaluer le statut de son patient au début de la rééducation, et lors du déroulement de celle-ci.

Parmi les signes objectifs, l’analyse du nystagmus spontané ou provoqué est capitale.

Elle se fait grâce à l’observation sous lunettes de Frenzel, ou plus précisément grâce à des caméras infrarouges de vidéonystagmoscopie, dont plusieurs modèles sont commercialisés.

B – BILAN PRÉTHÉRAPEUTIQUE :

Ce bilan est essentiel.

Il représente le lien entre le médecin prescripteur, le rééducateur et le patient.

Celui-ci se présente avec ses plaintes, ses symptômes et des résultats d’explorations vestibulaires parfois anciens.

Le prérequis à la réalisation de toute rééducation vestibulaire est la réalisation d’un bilan otoneurologique ayant éventuellement comporté une imagerie et établi un diagnostic le plus précis possible de la pathologie en cause.

L’établissement d’un document de liaison entre le médecin prescripteur et le rééducateur a été évoqué par certains.

Son avantage serait de prendre en compte l’évaluation initiale des déficiences constatées, le protocole thérapeutique proposé (actes et techniques avec leur durée) et un bilan évolutif.

1- Interrogatoire :

Il est centré sur le symptôme présenté par le patient, ayant pour but de préciser les caractéristiques du vertige et/ou des troubles de l’équilibre.

Il recherche la présence d’un facteur déclenchant, en particulier certains mouvements de la tête.

Quelle est la durée des crises ?

Quels sont les signes d’accompagnement ?

Existe-t-il des épisodes d’instabilité intercritique ?

Le patient présente-t-il des signes visuels et/ou des oscillopsies associées ?

L’évaluation des symptômes et de leur retentissement est possible grâce à l’utilisation d’échelles d’évaluation.

Cette modalité permet de mieux préciser pour chaque patient quelles sont les caractéristiques de ses troubles et leur retentissement au quotidien.

Parmi ces échelles il existe des questionnaires d’autoévaluation et d’hétéroévaluation. Pour les derniers, le praticien quantifie les symptômes tels que le patient les présente lors de l’interrogatoire.

Les principaux questionnaires ont été développés dans la littérature anglo-saxonne.

Certains portent sur la qualité de vie et le handicap lié aux troubles de l’équilibre, d’autres sont plus centrés sur les symptômes, et enfin certains intègrent les deux types d’informations.

Le questionnaire Dizziness Handicap Inventory (DHI) est l’un des plus utilisés.

Il comporte 25 items évaluant les aspects fonctionnel, émotionnel et physique des troubles de l’équilibre.

Le questionnaire Vestibular Disorders of Daily Living Scale (VADL) a été développé chez des patients pris en charge pour une rééducation vestibulaire et il mesure l’impact des troubles sur les activités de la vie quotidienne.

La crainte de chute chez les personnes âgées est prise en compte dans le questionnaire Activitiesspecific Balance Confidence (ABC).

Ces trois questionnaires explorent le handicap lié aux symptômes.

Deux questionnaires sont centrés sur les symptômes et leur intensité : le Vertigo Symptom Scale (VSS) et l’échelle European Evaluation of Vertigo (EEV).

Cette dernière est une hétéroévaluation de développement récent.

Elle comporte cinq items cotés de 0 à 4 par le praticien vis-à-vis des symptômes suivants présentés par le patient au cours de la semaine précédant l’évaluation : illusion de mouvement, durée de l’illusion, intolérance au mouvement, signes neurovégétatifs et instabilité.

Une représentation graphique permet d’illustrer les résultats.

Enfin, certaines échelles, dites mixtes, incorporent des données concernant à la fois les symptômes et leur retentissement.

Ce sont principalement les échelles Vertigo, Dizziness, Imbalance Questionnaire (VDI) et UCLA Dizziness Questionnaire (UCLA-DQ).

Certains questionnaires sont spécifiques de la maladie de Ménière comme le Ménière’s Disease-Patient Oriented Severity Index (MDPOSI) ou les recommandations de l’American Academy of ORL.

Le choix d’une échelle par rapport à l’autre dépend de ses possibilités d’utilisation : adaptation et validation en français, prise en compte d’un nombre suffisant de dimensions pour la pathologie en cause, utilisation facile et reproductible.

La répétition des évaluations tout au long de la rééducation vestibulaire est l’un des paramètres permettant d’apprécier son efficacité.

2- Bilan kinésithérapique :

Ce bilan évalue la fonction d’équilibration du patient dans sa globalité, en prenant en compte pour chaque patient d’une part la présence de signes vestibulaires spontanés, d’autre part les rôles respectifs des informations proprioceptives, vestibulaires et visuelles ; et enfin une évaluation de l’organisation neurosensorielle globale.

Par ailleurs, le rééducateur apprécie l’influence de pathologies associées : neurologiques, ostéoarticulaires…en particulier chez les patients les plus âgés.

Ce bilan kinésithérapique utilise des tests qui dérivent de ceux employés lors du bilan diagnostique otoneurologique des troubles de l’équilibre.

Leur spécificité est d’effectuer des stimulations vestibulaires à des vitesses supérieures, pouvant atteindre 600°/s pour les mouvements de la tête.

* Recherche de signes vestibulaires spontanés :

Le nystagmus spontané est recherché sous lunettes de Frenzel, ou vidéonystagmoscopie.

Cette recherche est effectuée pour le regard de face, puis dans toutes les positions du regard.

Un délai d’observation minimal est nécessaire pour ne pas prendre en compte un nystagmus physiologique en réponse à un mouvement de tête, ou au simple fait de s’asseoir sur le fauteuil d’examen.

La manoeuvre de head shaking test, qui consiste à secouer passivement la tête du patient les yeux fermés, permet parfois de révéler un nystagmus latent à l’ouverture des yeux.

L’exploration de la fonction otolithique est réalisée par étude de la contre-rotation oculaire lors de l’inclinaison de la tête.

L’examinateur demande au patient d’incliner latéralement la tête vers une des épaules, à une vitesse inférieure à 30°/s. Un mouvement de contrerotation oculaire est alors observé, en particulier en vidéonystagmoscopie.

Grâce à cette technique, il est d’ailleurs possible de vérifier, à la fin de l’inclinaison de la tête, au repos, le maintien de la position de l’oeil en contre-rotation.

Cette composante statique de la contre-rotation est d’origine otolithique « pure ».

Au retour à la position verticale, un mouvement de compensation ramène le globe oculaire à sa position de repos.

Le test est effectué de l’autre côté, par inclinaison latérale vers l’autre épaule, permettant de rechercher une asymétrie, d’origine otolithique potentielle.

* Évaluation des informations vestibulaires :

Les épreuves sur fauteuil rotatoire à vitesse élevée (400°/s) permettent de mesurer les réponses initiales, variables d’un individu à l’autre et en fonction de la pathologie en cause, et leur évolution dans le temps.

Les rotations du fauteuil sont effectuées à vitesse identique dans les deux sens.

L’accélération et l’arrêt brusque du fauteuil doivent être identiques dans un sens et dans l’autre.

Le patient ferme les yeux durant ces rotations.

Trois types de mesures sont possibles à l’arrêt de la rotation :

– en demandant au patient d’ouvrir les yeux et de fixer une cible, droit devant lui, à l’arrêt de la rotation du fauteuil.

Il est possible de mesurer le temps nécessaire pour qu’il la voit immobile.

Cette mesure est subjective mais correspond à la perception du patient.

C’est le temps de fixation qui est mesuré, pour des rotations horaire et antihoraire ;

– en demandant au patient de conserver les yeux fermés à l’arrêt du fauteuil, il va alors avoir une impression de mouvement en sens inverse.

On chronomètre alors la durée de cette sensation de vection circulaire postrotatoire ;

– enfin, il est possible à l’arrêt du fauteuil, de demander au patient d’ouvrir les yeux et de mesurer sous lunettes de Frenzel, ou vidéonystagmoscopie, le nombre de secousses nystagmiques postrotatoires.

Ces trois tests sont effectués successivement pour des rotations horaire et antihoraire.

L’épreuve impulsionnelle constitue un moyen d’évaluation et de suivi de la fonction canalaire.

Le sujet étant assis sur le fauteuil rotatoire, conservant les yeux ouverts, l’observateur mesure le nombre de secousses nystagmiques lors de quatre phases successives :

– rotation horaire d’une amplitude de 180° à vitesse constante de 20°/s ;

– observation postrotatoire durant 10 secondes ;

– rotation antihoraire dans les mêmes conditions que la rotation horaire ;

– période postrotatoire de 10 secondes.

Cette épreuve développée par certains auteurs, dont Sémont et Courtat, est proposée en particulier pour le suivi de la compensation centrale de certaines atteintes vestibulaires périphériques.

* Évaluation des informations visuelles :

L’étude des mouvements oculaires horizontaux et verticaux effectués par le patient permet de vérifier la normalité de la motricité oculaire.

Le rééducateur peut s’aider en demandant d’une part au patient de suivre les déplacements sinusoïdaux d’une cible sur la barre à diodes, et d’autre part en utilisant une baguette périmétrique pour évaluer les mouvements de vergence.

La baguette est alors déplacée à une vitesse de l’ordre de 40°/s, et avec une amplitude pour l’oeil de 40° par rapport à la position centrale.

Ces mouvements volontaires de poursuite sont étudiés en vision monoculaire puis binoculaire.

Cette dernière est la plus importante : est-elle harmonieuse ?

Existe-t-il des saccades ?

La poursuite est-elle altérée par la présence d’un nystagmus spontané ?

L’étude de la poursuite monoculaire apporte des informations sur la qualité de l’acuité visuelle de chaque oeil.

* Évaluation des informations somatosensorielles :

Les épreuves vestibulospinales permettent de rechercher une déviation segmentaire : épreuves des index, de Romberg, de Fukuda, et de marche en « étoile ».

Leur interprétation doit tenir compte d’éventuelles atteintes associées de l’appareil locomoteur (gonarthrose, trouble de la statique d’origine neuromusculaire…).

* Évaluation de l’organisation neurosensorielle du patient :

Elle prend en compte les résultats des tests précédents.

La plateforme de posturographie dynamique Smartt (de Neurocom) asservie permet une mesure précise des différentes afférences.

Son application est la réalisation de protocoles de rééducation neuromotrice : déplacements de cibles que le patient doit situer à l’aide d’un curseur, tout en déplaçant son corps dans différentes directions ; ou rééducation neurosensorielle : patient conservant les yeux fermés alors que la plate-forme se déplace.

Cette rééducation neurosensorielle peut aussi être effectuée en créant des situations de conflit sensoriel : mouvements aléatoires synchrones et/ou dissociés de la plate-forme et de l’environnement visuel. Prise en compte des atteintes associées.

Dans sa démarche thérapeutique, le rééducateur vestibulaire intègre les différentes pathologies éventuellement associées aux troubles de l’équilibre : troubles visuels, affections cardiovasculaires, neurologiques, ostéoarticulaires.

Elles constituent parfois une limitation à l’exécution de certains exercices de rééducation.

Indications de la rééducation vestibulaire :

Les indications de la rééducation vestibulaire se sont élargies progressivement.

En dehors du vertige positionnel paroxystique bénin qui relève d’une manoeuvre libératoire, le principe du traitement par rééducation vestibulaire est d’agir sur la réponse vestibulaire pour obtenir une réponse symétrique.

Dans tous les cas, le rééducateur prend en compte le caractère potentiellement évolutif et fluctuant des atteintes vestibulaires, pouvant conduire à adapter les mesures thérapeutiques.

A – ATTEINTE VESTIBULAIRE UNILATÉRALE :

Il s’agit des atteintes unilatérales brutales, telles que les névrites vestibulaires ou fractures du rocher, ou progressives : neurinome de l’acoustique et autres tumeurs de l’angle pontocérébelleux, en préou postopératoire.

L’objectif de la rééducation vestibulaire est alors de permettre une compensation centrale satisfaisante de cette atteinte unilatérale.

Il peut aussi s’agir de décompensations secondaires d’une atteinte vestibulaire parfois ancienne et jusqu’ici compensée.

L’élément de référence au début du traitement est la réponse en fixation sur le fauteuil rotatoire.

La durée du nystagmus battant du côté malade est en effet plus courte que celle battant du côté sain.

Le but de la rééducation va donc être de faire baisser la réponse la plus importante, du côté sain, tout en détectant une possible récupération du côté atteint, par exemple au cours des névrites vestibulaires.

1- Utilisation du fauteuil rotatoire :

La technique utilisée par le rééducateur est alors la réalisation de rotations répétées du fauteuil à 400°/s, dans le même sens, par séries de trois tours.

La tolérance de ce type d’exercice est variable d’une personne à l’autre.

D’autre part la réponse au traitement, c’est-àdire la réduction du nystagmus lors de la fixation postrotatoire, est variable.

Il faut prendre en compte les éventuels troubles que le patient peut présenter entre deux séances de rééducation de ce type : sensations de malaise mal défini, de lourdeur de la tête, qui, si elles sont intenses, peuvent conduire à modifier le type d’exercice de rééducation.

Au fur et à mesure des séances, le nystagmus spontané va disparaître, voire s’inverser.

Au moment où les réponses sont symétriques et très nettement inférieures à 5 secondes sur des séries de dix tours, le traitement par fauteuil rotatoire est arrêté. L’observation des réponses en vection est à prendre en compte.

Elle aussi doit être symétrique pour interrompre le traitement. Si tel est le cas, le patient est revu à distance de 1 semaine, puis de 1 mois pour vérifier l’absence de symptôme.

La persistance, ou la récidive, de doléances après une série de séances de rééducation vestibulaire sur fauteuil rotatoire va faire réaliser des séances de stimulations optocinétiques.

2- Stimulations optocinétiques :

Leur objectif est de réduire l’influence de l’entrée visuelle et de la transférer vers l’entrée somatosensorielle.

Le fauteuil rotatoire utilisant principalement les stimulations visuelles, il faut bien séparer dans le temps les deux procédures, pour éviter des « conflits sensoriels ».

Le protocole de rééducation comporte alors des stimulations optocinétiques initialement horizontales à 40°/s.

Le rééducateur demande au patient de regarder le défilement des points lumineux sur le mur devant lui, de manière passive.

Il apparaît alors, avec un délai plus ou moins rapide, une déviation posturale ipsilatérale à la direction du stimulus.

L’examen des yeux confirme la mise en jeu du réflexe optocinétique. L’inversion du sens du stimulus ramène le sujet à la position verticale.

L’étude des réactions provoquées par des stimuli dans différentes directions, horizontales puis verticales, confirme le côté où la déviation posturale est la plus marquée.

La séance se déroule ensuite par répétition des stimuli, de façon à obtenir une diminution de la déviation posturale.

Le traitement optocinétique est terminé lorsque le sujet est totalement indifférent au stimulus, quelles que soient sa vitesse et sa direction.

Si des symptômes persistent, ce qui peut être le cas dans les atteintes vestibulaires unilatérales anciennes, une rééducation basée sur la proprioception est proposée, au mieux avec une plate-forme asservie de type Smartt.

B – CAS PARTICULIER : MALADIE DE MÉNIÈRE

La place de la rééducation vestibulaire lors de la maladie de Ménière est à la base de nombreuses interrogations.

En effet, il s’agit d’une affection fluctuante, avec des profils évolutifs variables d’un patient à l’autre. Plus qu’une rééducation au sens propre du terme, on préfère proposer des mesures thérapeutiques sur les symptômes présentés par le patient : vertiges ou instabilité.

Les patients concernés présentent des troubles de l’équilibre invalidants, malgré un traitement médical bien conduit. Les observations effectuées lors du bilan préthérapeutique montrent habituellement une hypovalence à fixation lors de la rotation du côté atteint et d’autre part une réponse en vection circulaire supérieure du côté de l’oreille atteinte par rapport à l’oreille saine.

Le travail de rééducation va viser à réduire la réponse de l’oreille saine pour l’amener à une valeur proche, voire même inférieure à celle de l’oreille malade.

Les rotations sont augmentées progressivement de trois à cinq puis sept, voire dix tours, les yeux fermés avec fixation à l’arrêt du fauteuil.

L’attention doit être portée sur l’évolution et la fluctuation des symptômes tout au long de la rééducation.

À proximité d’une crise, les rotations à grande vitesse sont déconseillées.

Au terme de 10 à 12 séances, il est habituellement possible d’obtenir des réponses inférieures à 5 secondes des deux côtés pour des rotations pouvant atteindre dix tours.

Cette diminution des réponses au fauteuil rotatoire est un témoin de l’effet produit par les séances de rééducation, en sachant qu’il faut tenir compte d’autres paramètres : évolution naturelle de la maladie, effet psychologique potentiellement favorable de la rééducation vestibulaire par l’établissement d’une relation entre le patient et son thérapeute.

Grâce à une collaboration étroite entre le praticien ORL et le rééducateur et à une analyse soigneuse du déroulement des symptômes et du nystagmus spontané, il est possible de proposer une rééducation vestibulaire adaptée aux patients souffrant de maladie de Ménière.

C – ATTEINTE VESTIBULAIRE BILATÉRALE :

Les atteintes avec aréflexie bilatérale, qu’elles soient d’origine toxique, tumorale (neurinome de l’acoustique bilatéral au cours de la neurofibromatose de type 2), ou traumatique, justifient de stimulations optocinétiques, les exercices sur fauteuil rotatoire étant sans intérêt.

Le stimulus utilisé est complexe, de type rotatoire.

La procédure est adaptée cas par cas, en débutant par des stimulations latérales à 60°/s, jusqu’à obtenir celle qui s’accompagne du maximum de perturbation pour le patient (vection et déviation posturale).

Le sens de la stimulation est alors inversé, permettant le réajustement postural, et ainsi de suite jusqu’à obtenir une immobilité du patient lors du stimulus.

Le même protocole est effectué ensuite pour des stimulations verticales, qui sont parfois plus déstabilisantes, en particulier en mode ascendant.

En cas de persistance des symptômes, l’utilisation de la plate-forme dynamique (Smartt) peut être utile, ou des exercices avec la barre à diodes si le patient se plaint d’oscillopsies.

D – ATTEINTES CENTRALES :

Elles sont caractérisées par la présence de réponses excessives avec, habituellement, une hyperréflexie aux épreuves calorique et rotatoire.

Le fauteuil rotatoire à grande vitesse ne peut donc pas être utilisé.

Des rotations à petite vitesse (de 45° à 90° d’amplitude à une vitesse de 60°/s) sont effectuées en demandant au patient de fixer une baguette périmétrique.

La vitesse de rotation du fauteuil est adaptée aux réponses observées : secousses nystagmiques postrotatoires.

À ces mouvements de rotation du fauteuil, on peut associer d’autres exercices de rééducation : mouvements de flexion/extension et d’inclinaisons latérales de la tête, tout en fixant la baguette périmétrique, et stimulations optocinétiques, voire, si les troubles persistent, rééducation sur plate-forme asservie (Smartt).

E – TROUBLES DE L’ÉQUILIBRE DES SUJETS ÂGÉS :

Chez les sujets âgés, la rééducation vestibulaire s’inscrit dans le cadre plus général de la prise en charge des troubles de l’équilibre.

Ceux-ci comportent, avec les risques de chutes, des implications importantes à type de prévention des complications traumatiques parfois importantes en termes de pronostic vital, fracture du col du fémur par exemple.

Chez les patients présentant une atteinte vestibulaire, le risque de chute augmente avec l’âge.

Le bilan initial comporte un bilan fonctionnel quantifié (Tinetti test, timed « get up and go » test…), un bilan de la vision, de la proprioception, des épreuves vestibulaires, une évaluation du système moteur postural et neurologique, ainsi qu’un bilan nutritionnel.

Le syndrome d’omission vestibulaire décrit par Freyss correspond à une « non-utilisation » du système vestibulaire par des personnes âgées, s’accompagnant de troubles de l’équilibre majorés dans certaines circonstances, en particulier où la vision et la proprioception, dont les performances sont diminuées, sont sollicitées.

Ce syndrome a été identifié chez des patients présentant des troubles de l’équilibre avec un bilan otoneurologique « conventionnel » (épreuves caloriques, étude de l’oculomotricité, potentiels évoqués auditifs) normal, mais chez lesquels l’Equitest retrouvait un score vestibulaire effondré.

La rééducation vestibulaire utilisant des stimulations optocinétiques a montré son efficacité, avec des stimuli horizontaux, verticaux ou complexes. Le patient est alors installé au centre de la pièce, dans l’obscurité, les stimulations optocinétiques se déroulant sur le sol, le plafond et les murs.

Certains auteurs proposent un entraînement progressif et adapté au sujet, comportant différents types d’exercices à domicile (apprendre à se relever après une chute, exercices de marche et d’amélioration de la motricité et de la stabilité oculaires) et en salle de réadaptation (marche sur des mousses, trampoline, escalier, posturographie…).

F – VERTIGE POSITIONNEL PAROXYSTIQUE BÉNIN (VPPB) :

Le VPPB est, pour la plupart des auteurs, la cause la plus fréquente de vertiges.

Sa définition est clinique : vertige de durée brève (quelques secondes), déclenché pour un même patient par un mouvement stéréotypé, comportant en général une mise en décubitus dorsal ou latéral avec tête en hyperextension.

Il s’accompagne d’un nystagmus apparaissant avec une latence de durée variable, habituellement de l’ordre de quelques secondes.

Le diagnostic est clinique : données de l’interrogatoire, absence de signe associé, déclenchement par les manoeuvres de provocation (répétition du mouvement déclenchant par le patient, manoeuvre de Dix et Hallpike).

Le traitement du VPPB ne fait pas partie à proprement parler de la rééducation vestibulaire : il s’agit habituellement d’un geste thérapeutique unique.

La forme habituelle est celle du canal semi-circulaire postérieur.

La manoeuvre de provocation déclenche un nystagmus géotropique, battant vers l’oreille la plus basse et indiquant le côté atteint.

Il existe une possible discordance entre l’intensité des symptômes ressentis par le patient et celle du nystagmus constaté par l’examinateur.

Le diagnostic étant établi cliniquement, les thérapeutiques possibles sont :

– réalisation de la manoeuvre libératoire de Sémont ;

– techniques d’habituation : elles sont proposées par certains auteurs et peuvent être utilisées en cas d’échec de la manoeuvre libératoire.

Elles sont aussi utilisées dans les vertiges positionnels autres que le VPPB.

Leur principe est de répéter des stimulations et de reproduire les situations qui déclenchent le vertige.

Différents protocoles thérapeutiques ont été décrits par Norré, Brandt et Daroff en particulier.

Ils comportent différents mouvements de flexion et d’extension, de répétition des positions déclenchantes du VPPB, permettant d’obtenir l’habituation ;

– la manoeuvre décrite par Epley comporte différentes séries de mouvements avec des hyperextensions du rachis cervical.

Les formes cliniques de VPPB sont :

– VPPB du canal horizontal : il a été décrit depuis les années 1985 et pourrait se révéler dans certains cas après le traitement d’un VPPB du canal postérieur.

Le diagnostic est évoqué lors de la manoeuvre de Dix et Hallpike qui déclenche un vertige souvent violent et un nystagmus de type horizontal, géotropique ou agéotropique. Différents protocoles thérapeutiques ont été proposés ;

– VPPB bilatéraux : leur fréquence est variable selon les auteurs, pouvant atteindre 25 % des cas et souvent d’origine traumatique.

La prise en charge diagnostique et thérapeutique des VPPB nécessite une connaissance de ces formes cliniques et la constatation d’une sémiologie typique.

Les différentes modalités thérapeutiques sont adaptées à l’âge du patient et aux pathologies associées.

Résultats de la rééducation vestibulaire :

Les résultats de la rééducation vestibulaire dépendent directement de trois éléments : un diagnostic initial précis étayé par un bilan fonctionnel concordant, une technique de rééducation adaptée et l’évolution de la pathologie en cause qui peut varier d’un individu à l’autre.

Au cours des séances, le rééducateur apprécie la réponse au traitement, tant sur le plan des symptômes rapportés par le patient que par les signes observés.

En l’absence de réponse au traitement, le diagnostic initial est parfois remis en cause et le bilan otoneurologique renouvelé. L’appréciation des résultats repose sur des paramètres subjectifs et objectifs.

Dans une analyse récente des données sur ce sujet, Withney et Rossi rapportent un nombre important d’études publiées. Les méthodes d’évaluation des résultats varient selon les publications.

Pour certaines, il s’agit des symptômes rapportés, pour d’autres des signes observés, en particulier la persistance d’un nystagmus spontané, et enfin dans d’autres cas des scores aux questionnaires d’évaluation présentés cidessus.

Lors des atteintes vestibulaires unilatérales récentes : névrite vestibulaire, neurinome de l’acoustique opéré, maladie de Ménière…, les résultats montrent une amélioration fonctionnelle dans 85 % des cas pris en charge par les rééducateurs vestibulaires.

Dans le cas des atteintes vestibulaires unilatérales anciennes, pouvant dater de plusieurs années et sujettes à des décompensations secondaires, des résultats identiques sont obtenus.

Chez les patients souffrant d’une atteinte bilatérale avec ataxie, instabilité posturale…, les résultats obtenus montrent une amélioration de leur stabilité et de leur locomotion. Les atteintes centrales sont parfois moins systématisées.

Qu’il s’agisse de troubles de l’équilibre après un traumatisme crânien, un accident vasculaire ou même une sclérose en plaques, la rééducation vestibulaire permet une amélioration fonctionnelle.

Elle est cependant plus lente à s’établir, et moins importante que lors des atteintes périphériques.

Enfin, chez les patients âgés, la rééducation vestibulaire s’inscrit dans le cadre d’une prise en charge « multisensorielle » visant en particulier à améliorer les performances de la proprioception.

Un des marqueurs cliniques de son efficacité est la réduction du nombre de chutes.

Conclusion :

La rééducation vestibulaire est une thérapeutique utilisée régulièrement lors des atteintes vestibulaires périphériques et centrales.

La meilleure connaissance des mécanismes de compensation de ces atteintes confirme l’intérêt du développement de nouvelles stratégies d’équilibration, favorisées par une rééducation adaptée.

Les données cliniques, fournies par l’observation des signes d’examen et les résultats des différentes épreuves, ainsi que l’évaluation de leur intensité et de leur retentissement grâce à des questionnaires et échelles d’évaluation, permettent d’apprécier l’efficacité des thérapeutiques entreprises.

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