Prostatite aiguë

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Étiologie :

A – Mécanismes en cause :

Prostatite aiguëLa prostatite aiguë peut survenir par voie ascendante ou urogène ou par voie sanguine, c’est-à-dire hématogène.

Dans le premier cas, l’anatomie commune des voies génitales et urinaires chez l’homme permet d’expliquer la contagion de la prostate à partir des voies urinaires.

Les germes remontent de l’urètre vers les canaux éjaculateurs jusqu’aux acinus glandulaires de la prostate.

À l’origine de cette infection il est possible de retrouver un rétrécissement urétral, une manoeuvre endoscopique (cystoscopie, sondage vésical intermittent ou à demeure…), une chirurgie du carrefour uro-génital (incision du vol vésical, résection de prostate, vasectomie…), une orchite ou une épididymite, ou plus généralement une infection urinaire banale négligée.

Il peut exister également une contamination canalaire ascendante par transmission sexuelle : le méat urétral peut en effet être contaminé par un germe vaginal ou anorectal et, par contiguïté, l’infection peut remonter jusqu’à la prostate.

La contamination par voie hématogène ou « métastases septiques » est beaucoup plus rare, le point de départ peut être une infection ORL, cutanée, digestive…

On retrouve souvent un terrain favorisant comme le diabète ou tout état immunitaire déficient (syndrôme d’immunodéficience acquise, chimiothérapie…).

Enfin, citons la rare diffusion lymphatique qui permet la contamination de la prostate par des germes du rectum.

B – Germes en cause :

Au début du siècle le gonocoque et le staphylocoque étaient les germes les plus fréquemment en cause ; actuellement les prostatites à germes urinaires sont de loin les plus fréquentes.

Il s’agit le plus souvent de l’Escherichia coli, mais il n’est pas rare de rencontrer d’autres germes comme Proteus, Klebsiella, Enterobacter voire parfois Pseudomonas.

La plupart du temps, la prostatite est causée par un seul de ces germes, mais leur association est possible.

Plus spécifiques mais aussi plus rares sont les prostatites à Ureaplasma urealyticum, à Chlamydiæ et à Mycoplasma, dont l’entité est discutée ; elles sont en général torpides et ne donnent pas d’infection réellement aiguë.

Les prostatites tuberculeuses isolées ou le plus souvent associées à une tuberculose uro-génitale plus diffuse peuvent être séquellaires d’une miliaire ancienne et se développent par voie hématogène, se manifestant rarement par des signes aigus. Exceptionnellement elles peuvent faire suite à un traitement par BCG d’une tumeur de vessie superficielle.

Les prostatites parasitaires ou mycotiques sont rares dans nos régions, il peut s’agir d’une atteinte par bilharziose pour les premières ou par cryptococcose, candidose, blastomycose pour les deuxièmes, atteignant essentiellement les sujets ayant un déficit immunitaire.

Les prostatites granulomateuses, à éosinophile ou non, se manifestant par un tableau aigu sévère (fièvre, pollakiurie) et parfois associées à une vascularite.

Les prostatites virales, qui sont probablement plus fréquentes qu’on ne l’imagine mais dont la preuve de l’existence est difficile à établir.

Diagnostic :

Nous décrivons ici la prostatite bactérienne aiguë.

Le diagnostic ne pose guère de problème dans cette forme typique, il est essentiellement clinique.

A – Clinique :

On distingue les signes généraux, les signes urinaires et l’examen clinique.

L’adage : « toute fièvre (> 38°C) associée à une infection urinaire signe la prostatite ou la pyélonéphrite » doit rester présent à l’esprit du praticien, même s’il ne s’agit en rien d’un dogme.

1- Signes généraux :

Ils peuvent être très marqués, de survenue brutale et sont aspécifiques : la fièvre supérieure à 38,5°C avoisine souvent les 40°C ; elle est associée à des frissons, des arthralgies, des courbatures et des myalgies. Une asthénie intense est souvent présente.

2- Signes urinaires :

Le début est souvent brutal : dysurie, pollakiurie et impériosité dominent le tableau clinique.

Les brûlures mictionnelles, les douleurs périnéales et les mictions rapprochées (tous les quarts d’heure parfois) sont invalidantes pour le patient qui consulte en urgence.

Il peut exister une hématurie, un ténesme rectal.

Parfois la dysurie s’aggrave et conduit à une incontinence par regorgement ou à une rétention aiguë d’urine.

3- Examen clinique :

Au stade de prostatite aiguë, le toucher rectal permet de palper une prostate harmonieusement augmentée de volume, très douloureuse, oedématiée, de consistance typiquement « succulente ».

Il peut mettre en évidence une fluctuation faisant suspecter un abcès prostatique.

Le toucher rectal peut parfois provoquer un écoulement purulent par le méat urétral.

Rappelons qu’après cet examen il est conseillé de réaliser sur les premières urines un examen cytobactériologique (ECBU).

Le reste de l’examen clinique est le plus souvent sans particularité, les urines peuvent être troubles et malodorantes, on peut parfois noter un globe urinaire en cas de rétention ou une orchi-épididymite.

B – Anatomopathologie :

La prostatite aiguë par voie ascendante évolue classiquement en 3 stades : atteinte des acinus, signant la prostatite folliculaire ou catharrale, c’est le premier stade de la réaction inflammatoire ; puis la prostatite devient parenchymateuse, la congestion et l’oedème sont à leur comble, des micro-abcès se constituent et les canaux excréteurs s’obstruent ; la confluence des microabcès aboutit à la formation d’un véritable abcès prostatique.

Une fois la glande atteinte par l’infection, les sécrétions exocrines entraînent une contamination des voies séminales : vésicules, déférents, épididymes et testicules.

C – Examens complémentaires :

Si le diagnostic de prostatite est essentiellement clinique, il peut être conforté par les examens complémentaires : essentiellement les examens biologiques, mais aussi parfois les examens radiologiques qui sont utiles pour la recherche d’un abcès et de la cause.

1- Examen cytobactériologique des urines :

C’est le seul examen vraiment indispensable. Il doit être réalisé dès que possible.

S’il est négatif, un nouvel échantillon d’urines peut être réalisé après massage prostatique.

Ce massage ne doit pas être réalisé en cas de prostatite aiguë fébrile sévère car il peut favoriser la diffusion bactérienne avec décharge systémique.

Classiquement, il met en évidence une infection urinaire (plus de 105 leucocytes et 105 germes) pouvant être associée à une hématurie.

Un examen cytobactériologique des urines négatif n’écarte pas le diagnostic de prostatite.

Dès les urines prélevées, le traitement antibiotique peut être institué.

2- Examens biologiques :

La numération formule sanguine montre une hyperleucocytose aspécifique, les hémocultures peuvent être positives au germe d’origine urinaire et la spermoculture, si elle était pratiquée, retrouverait ce même germe.

3- Examens radiologiques :

Aucun examen d’imagerie n’est systématique pour le diagnostic de prostatite.

Seule l’échographie transrectale peut être utile pour visualiser un éventuel abcès prostatique, mais elle n’est d’aucun concours pour le diagnostic d’inflammation de la glande.

En effet, elle ne permet pas de distinguer le parenchyme sain du parenchyme pathologique.

De plus, cet examen est douloureux en phase aiguë et comporte un risque de diffusion bactérienne par pression sur la glande.

L’urographie intraveineuse et l’échographie abdominale peuvent avoir un intérêt pour rechercher la cause de la prostatite. Elles seront éventuellement réalisées à distance de l’épisode aigu.

Évolution :

1- Favorable :

La guérison est obtenue sous traitement antibiotique adapté.

La température et les signes généraux s’atténuent en 2 à 3 jours et les signes fonctionnels urinaires en 4 à 7 jours.

La guérison complète intervient sans séquelle à condition que le traitement soit continué suffisamment longtemps (3 semaines).

Une fois celle-ci obtenue, une exploration complète de l’appareil urogénital doit être conduite afin de rechercher une cause à cette prostatite et traiter celle-ci afin d’éviter la récidive.

2- Rechute :

La rechute peut survenir soit immédiatement à l’arrêt du traitement ou secondairement à distance.

Dans le premier cas il s’agit souvent d’un arrêt prématuré des antibiotiques (souvent du propre chef du patient qui n’a plus de symptôme), dans le second, d’une cause non traitée (persistance d’un résidu post-mictionnel qui, par la stase, favorise l’infection bactérienne).

3- Diffusion :

La diffusion bactérienne peut être contemporaine ou secondaire à la prostatite.

Il peut s’agir d’épididymite, d’orchite ou même de pyélonéphrite.

4- Abcédation :

L’évolution est devenue beaucoup plus rare mais peut survenir lors de retard diagnostique, de négligence dans l’observance du traitement ou le plus souvent chez les patients immunodéprimés [infection par le virus d’immunodéficience humaine (VIH)].

Typiquement, le tableau de prostatite s’enflamme : la fièvre devient oscillante avec frissons, l’état général s’altère et surtout les douleurs périnéales et pelviennes se majorent fortement avec défécation algique.

Le toucher rectal objective une fluctuation pathognomonique de l’abcès.

L’échographie transrectale, réalisée prudemment, visualise la collection hypoéchogène.

La diffusion, la récidive précoce ou l’évolution vers l’abcès peuvent être provoquées par une manoeuvre endo-urétrale.

Il est indispensable de se rappeler qu’en cas de prostatite, le sondage vésical transurétral (et a fortiori tout acte endoscopique) est formellement contre-indiqué.

5- Prostatite chronique :

L’infection chronique de la prostate est une affection mal connue, mal définie et probablement surestimée.

Elle est le fruit d’infections génito-urinaires récidivantes.

Elle est souvent la conséquence d’une absence de traitement de la cause de la prostatite aiguë initiale : adénome de la prostate, sténose de l’urètre, vessie neurologique, sondage à demeure…

En fait, les germes persistent dans les sécrétions prostatiques malgré la stérilisation des urines et entretiennent alors des phénomènes inflammatoires.

Traitement :

A – Prostatite :

Le traitement de la prostatite aiguë repose sur l’antibiothérapie, les anti-inflammatoires et le repos.

Il nécessite le plus souvent une hospitalisation.

1- Antibiothérapie :

Les fluoroquinolones par voie parentérale doivent être débutées dès que les prélèvements bactériologiques ont été effectués jusqu’à 48 heures après l’obtention de l’apyrexie parfaite.

Un relais per os est ensuite nécessaire pendant 5 semaines au minimum.

Une association avec un aminoside peut se discuter en cas de prostatite sévère.

En cas d’allergie aux fluoroquinolones, les bêtalactamines peuvent être utilisées.

2- Anti-inflammatoires :

Ils ne sont pas systématiques mais fonction de la symptomatologie.

Ils sont en général prescrits pour une durée d’une dizaine de jours.

3- Repos :

Il fait partie intégrante du traitement.

Il comprend une abstinence sexuelle et une diminution nette des activités physiques pour 6 semaines.

Les lavements chauds, très prescrits il y a encore quelques années, sont maintenant de moins en moins utilisés.

B – Complications :

  • En cas d’abcès prostatique, un drainage chirurgical est nécessaire.

Il peut être effectué par voie endoscopique par incision cervico-prostatique.

Un flot de pus est alors drainé et évacué par l’urètre.

  • En cas de rétention aiguë d’urine, le sondage par l’urètre est rigoureusement interdit, il est obligatoire d’avoir recours au cathéter sus-pubien.

C – Traitement de la cause :

Il doit être envisagé après une exploration complète des voies urinaires inférieures.

Il consiste le plus souvent à éradiquer la cause de l’infection urinaire qui est fréquemment due à une mauvaise vidange vésicale en rapport avec un obstacle (adénome de prostate, sténose…) responsable d’une stase urinaire.

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