Polymyosites et dermatomyosites

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Introduction :

On distingue, au sein des myosites (ou myopathies inflammatoires) primitives, trois groupes principaux, selon les aspects cliniques et immuno-histochimiques : les polymyosites (PM), les dermatomyosites (DM) et les myosites à inclusions (IBM).

Polymyosites et dermatomyositesCes trois affections, d’un grand polymorphisme clinique et évolutif, ont en commun une atteinte inflammatoire dysimmunitaire des muscles striés.

Dans les deux dernières décennies, de nombreux travaux ont permis de dégager des caractéristiques cliniques, pathologiques, pathogéniques solides individualisant chacune des affections (PM, DM et IBM).

Dans cet article seront présentées les PM et les DM qui, à l’exception de l’atteinte cutanée propre à la DM, partagent la plupart de leurs manifestations cliniques, mais dont la pathogénie diffère.

Les myosites semblent résulter, comme bon nombre de maladies auto-immunes, d’une activation immunitaire chronique suivant une exposition environnementale, sur un terrain génétique prédisposé.

Des progrès considérables ont été réalisés ces dernières années dans la compréhension et la prise en charge de ces maladies.

Polymyosites :

A – ÉPIDÉMIOLOGIE DES POLYMYOSITES :

Les PM sont des connectivites rares dont l’incidence annuelle est estimée entre cinq et dix cas par million d’habitants et la prévalence de six à sept cas pour 100 000 personnes.

Un caractère saisonnier a été rapporté, notamment dans certains sous-groupes de myosites aux États-Unis.

Les PM touchent préférentiellement la femme avec un sex-ratio de 2 pour 1.

Elles peuvent survenir à n’importe quel âge, mais touchent principalement l’adulte.

Les formes de l’enfant sont exceptionnelles.

B – TERRAIN GÉNÉTIQUE ET FACTEURS FAVORISANTS :

La PM pourrait être liée à une activation immunitaire chronique suivant une exposition environnementale, sur un terrain génétique prédisposé.

De rares observations ont été publiées, relatant des cas de PM ou de DM survenant soit chez des jumeaux homozygotes, soit dans une même fratrie soit à deux générations successives (parent/enfant).

Plus fréquemment, d’autres affections autoimmunes sont retrouvées dans les familles des patients et des associations à certains haplotypes human leucocytes antigens (HLA) ont été décrites.

Les haplotypes B8, DR3 sont plus représentés dans les PM et les DM de race blanche.

D’autres associations avec les antigènes HLA ont été observées : dans le contexte des PM non compliquées avec B7 et DRw6 chez les PM de sujets africains ; dans les PM avec anticorps antisynthétases avec DR3, DRw6, DRw52 et DQa4 ; dans les PM avec anticorps anti-SRP avec DR5, DRw52 et DQa3 et lors des PM induites par la D-pénicillamine avec DR4, B18, B35.

Les principaux facteurs environnementaux sont développés au chapitre « Formes secondaires ».

C – MANIFESTATIONS CLINIQUES :

La faiblesse musculaire se développe habituellement sur plusieurs semaines à plusieurs mois.

Le déficit moteur est typiquement de type myogène, touchant la musculature striée de façon bilatérale, symétrique et non sélective.

Il prédomine sur les muscles proximaux, notamment sur les ceintures scapulaires et surtout pelviennes et sur les muscles cervicaux.

L’intensité de la faiblesse musculaire est variable d’un sujet à un autre allant d’une simple gêne fonctionnelle à une paralysie flasque rendant le sujet grabataire.

Les myalgies, observées dans 25 à 70 % des myosites, sont rarement au premier plan.

Un déficit moteur des muscles distaux, tardif et discret est noté dans 25 à 30 % des cas.

Le déficit des muscles abdominaux, du diaphragme et des muscles intercostaux participe aux manifestations respiratoires.

Les troubles oesopharyngés (25 à 30 % des cas) résultent de l’atteinte de la musculature striée du pharynx et de la partie supérieure de l’oesophage et se traduisent par une dysphonie, une dysphagie, voire des troubles de la déglutition et des fausses routes conditionnant le pronostic vital.

Ils doivent être recherchés de façon systématique et répétée.

La musculature oculaire n’est jamais intéressée.

L’atrophie musculaire, les contractures et l’hyporéflexie sont rares au cours des myosites. Une anomalie des réflexes ostéotendineux (ROT) s’observe principalement dans les formes sévères et tardives de la maladie.

Il n’existe pas, sauf association fortuite, de signe neurologique périphérique ou central.

Leur présence doit faire évoquer soit une myosite à inclusions, soit une myosite au cours d’une connective, notamment au cours d’un syndrome de Gougerot-Sjögren.

La neuromyosite (polymyosite avec neuropathie périphérique) est une entité très discutée par la majorité des auteurs et correspond en règle à l’une des affections sus-jacentes.

Les manifestations articulaires sont notées chez 15 à 30 % des patients atteints de myosite pure.

Il s’agit essentiellement d’arthralgies inflammatoires, oligoarticulaires, intéressant principalement les poignets, genoux, épaules, interphalangiennes proximales et métacarpophalangiennes.

Les arthrites sont exceptionnelles sauf dans le cadre du syndrome des antisynthétases (surtout avec les anticorps anti-PL7 et anti-PL12).

L’atteinte cardiaque est probablement sous-estimée au cours des myosites primitives.

Sa fréquence est diversement appréciée selon les critères retenus : elle concernerait de 30 à 70 % des patients, s’exprimant le plus souvent soit par des anomalies purement électriques (troubles du rythme divers et/ou parfois de la conduction) ; soit, beaucoup plus rarement, par une vascularite coronaire ou intramyocardique, par une myocardite inflammatoire ou une péricardite, ou par un prolapsus de la valve mitrale.

De fait, une symptomatologie clinique cardiaque ne s’observe que dans 10 à 15 % des myosites, mais peut être responsable de morts subites.

Des manifestations pulmonaires surviennent dans 15 à 45 % des myosites et peuvent être sous-tendues par différents mécanismes.

La pneumopathie de déglutition, secondaire à l’atteinte pharyngée, est notée dans 10 à 20 % des cas, et représente la seconde cause de mortalité après les cancers.

Une hypoventilation est notée dans 4 à 8% des cas par faiblesse des muscles respiratoires, mais une atteinte diaphragmatique infraclinique semble très fréquente.

Elle peut être responsable d’images d’atélectasie.

La pneumopathie interstitielle diffuse s’observe chez 10 à 15 % des patients.

Elle est inaugurale dans 50 % des cas, précédant parfois de plusieurs mois les signes musculaires et/ou cutanés.

Elle s’observe dans 50 à 70 % des syndromes des antisynthétases, qui associe, au cours d’une PM, pneumopathie interstitielle, arthrite, phénomène de Raynaud et hyperkératose desquamante et fissurée de la pulpe des doigts.

Le tableau peut être particulièrement brutal et bruyant avec dypsnée fébrile, toux sèche, image radiologique diffuse réticulonodulaire.

En règle générale, la présentation est moins parlante avec un tableau de dyspnée progressive, voire totalement infraclinique révélée par la radiographie systématique.

Sa survenue aggrave le pronostic de la myosite.

D’autres complications pulmonaires sont possibles (pneumopathies infectieuses [germes opportunistes] ou pneumopathie iatrogène (méthotrexate).

Les autres manifestations sont exceptionnelles au cours des PM : néphropathies glomérulaires (< 1 %), atteinte des muscles lisses du tube digestif (gastroparésie, atteinte de la motilité du grêle devant faire rechercher une maladie coeliaque associée…), rétinopathie ischémique.

Les signes généraux sont absents ou discrets.

Leur présence doit faire suspecter une forme secondaire de PM.

D – EXAMENS COMPLÉMENTAIRES (HORS BIOPSIE MUSCULAIRE) :

Les examens complémentaires ont plusieurs objectifs :

– confirmer la souffrance musculaire (CPK, électromyogramme [EMG], IRM musculaire) ;

– orienter vers une affection inflammatoire (biologie, IRM musculaire) ;

– rechercher une complication pulmonaire ou cardiaque, souvent silencieuse.

La vitesse de sédimentation est augmentée chez 50 à 60 % des patients, généralement de façon modérée.

L’hyperleucocytose à polynucléaires neutrophiles est également inconstante.

L’élévation des enzymes musculaires ([CK ou CPK], aldolase, lactate déshydrogénase [LDH], transaminases) témoigne de la nécrose musculaire.

La CPK représente l’enzyme la plus spécifique.

Les enzymes musculaires sont élevées dans 75 à 85 % des PM/DM. L’isolement des isoenzymes MM ou MB des CPK ne permet pas de différencier une éventuelle atteinte myocardique (les fibres musculaires en cours de régénération sécrètent l’isoenzyme MB).

Les facteurs rhumatoïdes sont positifs dans 20 % des PM/DM.

Les facteurs antinucléaires et anticytoplasmiques sont présents dans 30 à 50 % des cas.

Il peut s’agir d’anticorps non spécifiques des PM/DM, dirigés contre les protéines musculaires ou d’autres cibles (comme les anticorps anti-RNP, anti-PM-Scl, anti-SSA et anti-SSB, anticorps anti-Ku), également présents dans d’autres affections autoimmunes, et particulièrement dans les syndromes de chevauchement, où ils semblent plus fréquents (77 %), que dans les DM (62 %) ou les PM (40 %).

Il s’agit ensuite d’anticorps beaucoup plus spécifiques de myosite, qui peuvent être divisés en deux groupes majeurs au cours des PM, constituant des entités « clinico-épidémio-immunologiques » :

– des anticorps anticytoplasmiques dirigés contre les enzymes aminoacyl-t-RNA-synthétase qui permettent de fixer chaque acide aminé à son t-RNA lors de la synthèse protidique.

Il s’agit des anticorps anti-JO1 (histidyl-RNA), PL7 (thréonyl t-RNA), PL12 (alanine t-RNA), OJ (isoleucil t-RNA) et EJ (glycyl t-RNA).

Ces anticorps rencontrés dans 10 à 30 % des PM, constituant le syndrome anti-JO1 ou antisynthétase ;

– des anticorps anticytoplasmiques anti-SRP.

Ces anticorps anti- SRP sont notés dans 5 % des myosites, associées à une myocardite.

Ce sous-groupe, peu sensible à la thérapeutique, semble de pronostic plus défavorable (25 % de survie à 5 ans).

L’électromyogramme permet de mettre en évidence des anomalies très évocatrices dans les territoires cliniquement atteints en faveur du caractère myogène du déficit :

– potentiels d’unités motrices de faible amplitude, nombreux, brefs et polyphasiques avec recrutement précoce associés à des potentiels de fibrillation ;

– aspect d’irritabilité membranaire lors de l’insertion de l’aiguille ;

– et enfin, décharges spontanées de haute fréquence pseudomyotonique.

Il objective par ailleurs un signe négatif important : l’absence d’atteinte neurogène associée.

Les radiographies articulaires sont normales sans déformation ou destruction ostéoarticulaire, même en cas d’arthrite réelle, sauf chez les patients ayant un syndrome antisynthétase avec anticorps anti-PL7 et anti-PL12.

L’électrocardiogramme peut mettre en évidence une atteinte cardiaque infraclinique fréquente, avec des anomalies du segment ST, des troubles de conduction auriculoventriculaire, notamment bloc de branche, déviation de l’axe électrique, troubles du rythme, généralement supraventriculaires.

Les troubles de conduction peuvent être responsables de mort subite.

Ils justifient l’exploration du faisceau de His devant la découverte de toute anomalie de conduction à l’électrocardiogramme (ECG) systématique.

L’échocardiographie peut objectiver une valvulopathie, une cardiomyopathie dilatée ou une péricardite.

La radiographie thoracique systématique recherche des complications pulmonaires infracliniques de la myosite.

La découverte d’un syndrome interstitiel justifie des investigations pulmonaires.

Les explorations fonctionnelles respiratoires montrent un syndrome principalement restrictif souvent précédé d’une altération de la DLCO.

Le lavage bronchoalvéolaire montre, dans les formes aiguës évolutives, une hypercellularité faite essentiellement de polynucléaires neutrophiles ou de lymphocytes, alors accessibles à une thérapeutique puis à un stade tardif séquellaire, d’éosinophiles puis de macrophages.

La biopsie pulmonaire peut être utile pour classer la pneumopathie interstitielle.

L’examen tomodensitométrique des masses musculaires objective, sur des coupes musculaires transversales, une disparition de la structure normale avec remplacement du muscle par un signal graisseux et/ou une amyotrophie.

La résonance magnétique nucléaire avec des séquences fat-sat, séquence d’inversionrécupération (STIR) ou injection de gadolinium, permet, en outre, de mettre en évidence les zones inflammatoires musculaires (donc encore actives) très utiles au diagnostic (éventuelle biopsie musculaire guidée) et surtout au suivi de ces patients.

La spectroscopie couplée à l’IRM montre des anomalies des taux de phosphates organiques.

E – HISTO-IMMUNOLOGIE DANS LES POLYMYOSITES :

La biopsie musculaire chirurgicale d’un muscle proximal permet d’affirmer le diagnostic.

Elle est indispensable, avant tout traitement, pour :

– poser le diagnostic de myosite et éliminer une autre affection musculaire ;

– la classer dans le groupe des myopathies inflammatoires.

Certaines anomalies histologiques sont communes aux PM et DM, d’autres sont plus spécifiques et permettent désormais de les distinguer histologiquement.

Les anomalies musculaires communes associent typiquement :

– des foyers de nécroses focales des fibres musculaires ;

– des foyers de régénération des fibres musculaires, à différents stades de régénération ;

– des infiltrats inflammatoires à cellules mononucléées.

Le siège des nécroses cellulaires et des infiltrats inflammatoires, la présence éventuelle de lésions endothéliales et le type de cellules mononucléées varient selon le type de myosite.

Dans la PM, les infiltrats inflammatoires prédominent dans les régions endomysiales périnécrotiques, sans topographie vasculaire, avec rareté des cellules B et CD4+, mais prédominance de cellules cytotoxiques T CD8+ et de macrophages.

Les lymphocytes CD8+ entourent et détruisent focalement les fibres musculaires dans les zones non nécrotiques, avec un aspect de tunnellisation centromyocytaire.

Les myocytes expriment de manière diffuse le complexe majeur d’histocompatibilité (CMH) de classe I, ce qui semble, en expérimentation animale, le mécanisme initiateur principal du déclenchement de la maladie.

Il n’existe pas de microangiopathie, de dépôts d’immunoglobulines, de complexes immuns, ni de lésions ischémiques myocytaires comme dans la DM.

La destruction des myocytes serait liée au phénomène d’exocytose granulaire et à la libération de perforine par les lymphocytes cytotoxiques CD8 situés au contact des myocytes.

Ces constatations ont fait évoquer une atteinte primitive des fibres musculaires, médiée par un mécanisme cellulaire cytotoxique, électivement dirigé contre les myofibrilles, dans les PM de l’adulte.

F – PHYSIOPATHOGÉNIE :

Le répertoire des cellules T CD8+ diffère dans la PM et la DM. Dans le cas de la PM seulement, seules certaines familles de récepteurs antigéniques (TCR) a et b sont recrutées dans le muscle à partir du pool circulant.

Ce caractère oligoclonal du répertoire TCD8+ indique une sélection spécifique et une expansion clonale in situ sous l’action d’autoantigènes spécifiques du muscle.

L’anomalie du répertoire T est également détectée dans le sang circulant. Un cas de PM médiée par des cellules T exprimant les récepteurs c/d à activité cytotoxique a été rapporté.

L’expression membranaire du complexe HLA de classe I (absent dans le muscle normal), est déterminante.

Dans le modèle murin, l’hyperexpression des molécules HLA de classe I, induite par manipulation génétique, est suffisante pour induire une myopathie inflammatoire avec anticorps anti-tRNA synthétase.

Dans le cas des myopathies inflammatoires humaines, l’expression HLA I ne suffit pas pour entraîner un processus destructif musculaire : la présence de l’infiltrat inflammatoire est indispensable.

Ainsi, dans des PM/DM chroniques traitées et devenues inactives, les infiltrats inflammatoires ont disparu, mais les antigènes de classe I sont toujours exprimés.

Les cytokines, facteurs solubles produits par les cellules inflammatoires de l’infiltrat, ont un rôle pathogène très important.

Certains auteurs ont souligné le rôle cytotoxique synergique in vitro sur les cellules musculaires humaines de l’interféron c et du tumour necrosis factor (TNF)-alpha libérés par les cellules mononucléées de l’infiltrat inflammatoire.

Ces deux molécules induisent par ailleurs l’expression du MHC de classe I et de classe II de type DR, qui permettrait la présentation de l’antigène aux cellules immunocompétentes par les macrophages, mais également par les cellules musculaires elle-mêmes, ainsi que l’expression de certaines molécules d’adhésion (integrin cellular adhesion molecule 1 [ICAM-1] et lymphocyte function-associated antigen 1 [LFA-1]) par ces myocytes.

L’expression de molécules d’adhésion à la surface des cellules musculaires permettrait leur interaction avec les ligands lymphocytaires et donc l’adhésion des lymphocytes T aux fibres musculaires.

L’apoptose n’est pas en cause dans la mort cellulaire des myosites : des molécules anti-apoptotiques BcL2, hILP et FLIP sont même hyperexprimées dans le muscle de PM.

L’identification des peptides antigéniques reconnus par les lymphocytes T et la nature des facteurs responsables de la rupture de tolérance et l’autosensibilisation des T demeurent à ce jour inconnus.

G – FORMES SECONDAIRES OU ASSOCIÉES :

1- Cancer :

Une association entre PM et pathologie tumorale est retrouvée dans 15 à 20 % des myosites.

Elle est plus fréquente après 40 ans.

Cette association ne vaut que pour les PM aiguës et isolées, car elle n’est pas retrouvée pour les syndromes de chevauchement et les PM chroniques.

La PM précède l’apparition du cancer dans 70 % des cas. Le délai moyen entre la survenue des deux affections est le plus souvent inférieur à 1 an, mais peut dépasser les 2 ans.

Il s’agit surtout de cancers mammaires, utérins et ovariens chez la femme et de lymphomes non hodgkiniens, tumeurs épithéliales bronchiques, prostatiques et digestives chez l’homme.

L’absence fréquente de parallélisme évolutif entre les pathologies musculaires et tumorales ne permet pas de considérer les myosites comme des syndromes paranéoplasiques.

Aussi, toute myosite chez un adulte de plus de 40 ans impose un bilan carcinologique répété à 6, 12 et 18 mois, incluant systématiquement radiographie de thorax, échographie prostatique ou endovaginale, mammographie, prostat specific antigen (PSA) ou Ca-125 et colonoscopie.

D’autres investigations peuvent se discuter en fonction de points d’appel éventuels.

L’existence d’une dysphagie doit nécessairement faire pratiquer une fibroscopie oesogastrique avant d’attribuer ce symptôme à la myosite.

2- Connectivité associée :

L’association à une connectivité caractérise les syndromes de chevauchement qui représentent 10 à 20 % de l’ensemble des myosites.

Sclérodermie, syndrome de Goujerot-Sjögren, lupus érythémateux systémique (LES), polyarthrite rhumatoïde, thyroïdites et cirrhose biliaire primitive sont, dans l’ordre, les principales affections rencontrées.

Les caractéristiques histologiques de la myosite lupique sont indiscernables de celles d’une DM primaire.

Dans la série de Bohan, ces syndromes de chevauchement, individualisés dans un groupe séparé, représentaient 21 % des cas de myopathies inflammatoires et se singularisaient par une prédominance féminine (9/10), un âge de survenue plus bas (35 ans), la fréquence élevée des arthralgies, de la sclérodactylie, du syndrome de Raynaud et des myalgies.

Ces quatre symptômes sont trouvés dans l’association sclérodermiemyosite qui peut également comporter une calcinose et une atteinte myocardique.

Des auteurs ont insisté sur la bénignité de certaines observations et leur bonne réponse au traitement.

La présence de quelques infiltrats interstitiels, sans nécrose et/ou régénération chez un patient atteint de collagénose, mais ne présentant pas de signes déficitaires n’autorise pas à parler de syndrome de chevauchement.

3- Virus :

L’intervention de certains entérovirus, notamment coxsackie B ou A9, ou virus Echo dans le déclenchement des myosites a été évoquée, principalement chez des sujets atteints d’hypogammaglobulinémie.

Cependant, la recherche par polymerase chain reaction (PCR) du génome d’entérovirus n’a jamais permis de confirmer cette hypothèse.

De façon plus significative, des PM peuvent être observées au cours d’infections par les rétrovirus virus de l’immunodéficience humaine (VIH) et/ou le virus human T-cell lymphoma virus 1 (HTLV-1).

L’infection par le virus VIH peut induire une polymyosite ayant les mêmes critères cliniques (déficit proximal, myalgies) et histologiques (infiltration CD8, expression des antigènes du complexe HLA de classe I) que ceux de la PM idiopathique.

La chronologie entre l’infection par le virus VIH et la survenue de la PM est très variable, cette dernière pouvant se manifester tardivement, comme, à l’inverse, révéler l’infection VIH.

Cette PM est de mécanisme plus immunologique que directement viral car on ne décèle pas, en microscopie électronique, de particules virales dans les fibres musculaires ou les cellules lymphoïdes, et seulement de manière occasionnelle des antigènes viraux, par diverses techniques d’immunohistochimie, tandis que les recherches en PCR du virus VIH ne se révèlent positives que dans les cellules lymphoïdes ou dans les septa endomysiaux, non dans le muscle.

L’affection répond aux corticoïdes et aux perfusions d’immunoglobulines.

La PM associée à l’infection VIH doit être distinguée des autres atteintes musculaires du sida :

– myosites infectieuses ;

– myopathie mitochondriale due aux analogues nucléosidiques (AZT) ;

– myopathie à bâtonnets ;

– diffuse infiltrative lymphocytosis syndrome, associant adénopathies, splénomégalie, hypertrophie des glandes salivaires, hyperlymphocytose CD8 circulante et myosite dans un quart des cas ;

– cachexie du sida ;

– exceptionnels lymphomes musculaires. Toutefois la PM associée au VIH et la myopathie à l’AZT sont souvent associées.

Le virus HTLV1 induit une PM, également médiée par les lymphocytes cytotoxiques.

Elle affecte préférentiellement la population des Caraïbes où la présence du virus est endémique.

L’association à une myélite est fréquente et caractéristique.

La toxoplasmose survient préférentiellement chez le sujet immunodéprimé et peut affecter le muscle sous forme d’une PM.

La présence de kystes toxoplasmiques dans le muscle est très évocatrice, mais inconstante. De rares observations de PM ont été rapportées aux virus B ou C de l’hépatite, dans la maladie de Lyme, les légionelloses.

4- Toxiques :

De nombreuses observations de PM déclenchées par certains médicaments, principalement D-pénicillamine et cimétidine, des antalgiques (pentazocine), des statines, des implants dermiques de silicone ou de collagène, ainsi que certains facteurs toxiques (colles au cyanoacrylate, exposition à la silice) ont été rapportées.

Toutefois la D-pénicillamine semble constituer le principal médicament inducteur de PM.

5- Autres :

* Polymyosite avec déficience en cytochrome-oxydase (complexe IV de la chaîne respiratoire) :

Cette forme de PM s’individualise par les caractères suivants : âge de survenue tardif (autour de 60 ans), évolution lente, déficit quadricipital avec amyotrophie au premier plan, présence d’un pourcentage élevé (jusqu’à près de 30 %) de fibres dépourvues de cytochrome oxydase, délétions de l’acide désoxyribonucléique (ADN) mitochondrial en PCR, réponse au traitement immunosuppresseur mauvaise pour certains, relativement favorable pour d’autres.

L’infiltrat inflammatoire est celui de toute PM.

Le tableau est ainsi plus proche d’une myosite à inclusions, mais il n’y a pas de vacuoles bordées.

* Polymyosite à éosinophiles :

Cette forme, rare, se traduit par un déficit musculaire douloureux, proximal ou diffus, un érythème cutané parfois photosensible et une altération sévère de l’état général.

Elle s’intègre généralement dans le cadre d’un syndrome hyperéosinophilique avec atteinte pluriviscérale : cardiaque (souvent prédominante), pulmonaire, cutanée, hématologique (anémie).

La biopsie montre une nécrose des fibres avec infiltrats inflammatoires riches en éosinophiles.

Le pronostic est sévère avec une mortalité élevée.

* Myosite de la « graft versus host » :

Il s’agit d’une polymyosite due à l’agression par les lymphocytes du donneur des muscles du receveur, survenant à la phase chronique de la graft versus host (GVH), 3 mois à plus de 4 années après une transplantation de moelle osseuse.

D’autres manifestations sont associées (cutanées, digestives, syndrome sec).

La survenue de myosite après greffe autologue a été exceptionnellement rapportée.

Sur le plan immunohistologique, l’expression musculaire d’antigènes HLA de classe II est particulière à cette myosite.

H – DIAGNOSTIC DIFFÉRENTIEL DES POLYMYOSITES :

La myosite à inclusions est une myopathie chronique indolore, sans atteinte cutanée, corticorésistante.

Le tableau associe typiquement un déficit et une atrophie musculaire d’installation progressive, voire insidieuse, bilatérale, souvent asymétrique, avec un déficit à la fois proximal et distal d’emblée, alors que le déficit distal est généralement tardif au cours des PM.

Le caractère asymétrique de la distribution et l’atteinte sélective de certains muscles sont parfois évocateurs : atteinte du tibial antérieur et du quadriceps aux membres inférieurs, fléchisseurs du poignet et des doigts, palmaires, biceps et triceps aux membres supérieurs.

Une neuropathie périphérique clinique et/ou électrique est souvent présente.

Elle doit être systématiquement évoquée devant toute « PM » survenant chez un sujet âgé, ou résistante au traitement entrepris.

Le diagnostic repose sur la biopsie musculaire qui met en évidence, en microscopie optique, des vacuoles bordées de 3 à 30 µm de diamètre au sein de fibres musculaires normales ou atrophiques.

La microscopie électronique met en évidence des structures tubulofilamentaires à l’intérieur de ces vacuoles, correspondant aux granulations éosinophiles.

Ces inclusions filamentaires intracytoplasmiques et/ou intranucléaires permettent de confirmer le diagnostic.

La myosite granulomateuse s’observe principalement au cours de la sarcoïdose, exceptionnellement dans la maladie de Crohn et la myasthénie avec thymome.

On peut en rapprocher les myosites au cours d’autres maladies dysimmunitaires (lupus érythémateux systémique, maladie de Goujerot-Sjögren, sclérodermie…).

La myosite nodulaire focale est caractérisée par des collections miliaires de cellules inflammatoires périvasculaires au début localisées puis disséminées.

Elle se traduit par des masses musculaires douloureuses, en règle du mollet ou de la cuisse, d’extension rapide.

Elle s’observe au cours de PM ou de diverses connectivites.

Certains médicaments, notamment hypocholestérolémiants (fibrates et inhibiteurs de l’hydroxy-3-méthyl-glutaryl coenzyme A [HMG CoA] reductase), la colchicine, la zidovudine, les antimalariques, les stéroïdes, peuvent être responsables de myopathies médicamenteuses.

La myofasciite à macrophages est une nouvelle entité de description récente.

Le tableau clinique est peu spécifique associant arthromyalgies d’extension progressive et asthénie chronique très invalidantes.

Le diagnostic repose avant tout sur la biopsie musculaire deltoïdienne chirurgicale objectivant une infiltration épi-, péri- et endomysiale par des macrophages cohésifs CD68+, non épithélioïdes, PAS+, exprimant le MHC de classe II, associés à une souffrance myocytaire minime ou absente.

Ces anomalies sont focales.

S’y associent quelques discrets infiltrats lymphocytaires de type T CD8+ .

Une origine toxique (hydroxyde d’aluminium des vaccins aluminiques) est suspectée.

Enfin, le diagnostic peut parfois hésiter dans les formes précoces avec certaines dystrophies musculaires, ou une myopathie thyroïdienne.

I – PRONOSTIC :

Avant l’ère de la corticothérapie, les myosites constituaient un groupe d’affections particulièrement graves, dont les taux de survie spontanée étaient inférieurs à 40 %.

Les deux principales causes de mortalité sont le cancer et le sepsis.

En l’absence de pathologie tumorale sous-jacente, les myosites de l’adulte constituent désormais des affections de pronostic relativement favorable, avec des taux actuels de survie à 5 ans de l’ordre de 90 %.

Les facteurs de pronostic défavorable sont l’existence d’une pathologie tumorale associée, l’âge élevé, la race noire, une dysphagie, une atteinte cardiaque, une pneumopathie interstitielle ou une faiblesse des muscles respiratoires accessoires, un début brutal et très fébrile, la présence d’anticorps antisynthétases ou anti-SRP, une thérapeutique initiale inadéquate.

Une récupération complète n’est cependant observée que chez 30 à 50 % des patients, avec évolution fréquente vers la chronicité et/ou persistance d’un déficit fonctionnel variable.

L’absence de réponse thérapeutique doit conduire à remettre en doute le diagnostic.

Si les traitements ont transformé le pronostic, la morbidité qu’ils entraînent est élevée.

La survenue d’une grossesse au cours d’une myosite évolutive peut être à l’origine d’une exacerbation de la maladie, et de complications maternofoetales à type d’avortement spontané, de mortalité néonatale et d’accouchement prématuré.

À l’opposé, une myosite peut se révéler au début d’une grossesse et évoluer alors sur un mode suraigu.

J – TRAITEMENT :

1- Corticoïdes :

La corticothérapie à forte dose (1 mg/kg/j de prednisone) associée aux mesures hygiénodiététiques usuelles (notamment prévention de l’ostéoporose par les biphosphonates), constitue le traitement de première intention, actif dans plus de 70 % des PM.

L’efficacité clinique est lente (3 à 6 semaines), l’amélioration pouvant mettre jusqu’à 3 mois pour se présenter. Une augmentation de la posologie à 1,5, voire 2 mg/kg/j semble inutile dans les PM de l’adulte.

Ces fortes doses doivent être maintenues jusqu’à la régression de l’ensemble des signes cliniques et la nette diminution (voire pour certains auteurs la normalisation) du taux des enzymes musculaires.

Une décroissance lente de la corticothérapie peut alors être entreprise, en limitant au maximum celle-ci à 10 % de la dose prescrite tous les 15 jours, guidée par la récupération motrice et le taux des enzymes musculaires.

Cette décroissance est poursuivie jusqu’à la dose minimale efficace, qui doit être maintenue plusieurs mois.

La survenue d’une rechute clinique aux testings musculaires répétés justifie la réascension des doses de prednisone, sachant qu’il faut toujours se poser la question d’une rechute de l’affection initiale ou de l’existence d’une autre myopathie, notamment cortisonique.

En revanche, de simples fluctuations des taux des CPK ne justifient pas systématiquement une modification de la thérapeutique en cours.

Les bolus de méthylprednisolone, précédant la corticothérapie orale, même s’ils sont fréquemment utilisés en pratique clinique, n’ont jamais fait la preuve absolue de leur intérêt.

En cas de résistance primitive ou secondaire, d’intolérance ou de dépendance aux corticoïdes, différentes alternatives thérapeutiques peuvent être proposées.

2- Immunosuppresseurs :

Les immunosuppresseurs sont actuellement les plus employés en seconde intention, notamment azathioprine et méthotrexate, dont l’efficacité n’a été rapportée dans la littérature qu’au cours d’études ouvertes non comparatives.

Le recours à l’azathioprine pour traiter des PM corticorésistantes semble parfois utile au vu des améliorations rapportées dans environ 50 % des cas dans certaines études ouvertes.

Les doses utilisées sont généralement de 2 à 3 mg/kg/j per os.

La tolérance est bonne, sous réserve d’une surveillance attentive, notamment hématologique, digestive, hépatique et infectieuse.

Le méthotrexate a également été crédité d’une efficacité dans 50 à 70 % des cas dans des études ouvertes, l’amélioration ne survenant souvent qu’au bout de 6 à 12 semaines, mais pouvant être supérieure à celle induite par l’azathioprine, dans certains sous-groupes de myosites associées aux antisynthétases.

L’administration s’effectue par injection hebdomadaire intramusculaire ou intraveineuse ou éventuellement per os à la posologie moyenne de 0,3 à 0,4 mg/kg/semaine, soit de l’ordre de 15 à 40 mg/semaine selon la corpulence du sujet.

Le bien-fondé de la coprescription systématique de folates doses pour doses dans les jours qui suivent la prise de méthotrexate n’a pas été validé, mais semble probable.

En cas de résistance au méthotrexate en utilisation usuelle, certains auteurs ont montré l’intérêt, dans des petites études ouvertes, de l’association méthotrexate et azathioprine faible dose, ou du méthotrexate intraveineux forte dose associé à la leucovorine.

Le cyclophosphamide a été crédité de quelques succès, notamment en association avec la prednisone dans le traitement des myosites compliquées de pneumopathies interstitielles.

Plusieurs études ouvertes sur de faibles effectifs ont conclu que la ciclosporine pourrait aussi être efficace dans 50 à 70 % des myosites corticorésistantes.

Certains auteurs suggèrent même de l’utiliser en première intention, ce qui ne serait pas illogique compte tenu des hypothèses physiopathogéniques.

3- Immunoglobulines intraveineuses :

L’intérêt des immunoglobulines intraveineuses (IgIV) dans les myosites corticorésistantes a récemment été rapporté, ces perfusions ayant été créditées d’une efficacité dans 60 à 70 % des PM.

Les IgIV sont utilisées à la dose de 2 g/kg/cure mensuelle pendant au moins 6 cures, puis de manière dégressive.

Les IgIV sont actuellement proposées en alternative aux immunosuppresseurs, ou en cas d’échec de ceux-ci.

Leur tolérance est excellente, mais leur prescription doit être réfléchie compte tenu de l’origine biologique humaine des IgIV et de leur coût. Leur efficacité en première intention semble moindre.

4- Autres thérapeutiques :

Après les premiers résultats encourageants de quelques études ouvertes sur l’intérêt éventuel des plasmaphérèses, une étude comparative randomisée concluait à l’inefficacité des échanges plasmatiques dans les myosites chroniques.

Les plasmaphérèses peuvent cependant être indiquées dans les myosites aiguës et graves, après échec des thérapeutiques classiques.

Si on y a recours, et du fait du risque de rebond des PM à leur arrêt, il est conseillé de leur adjoindre systématiquement un traitement immunosuppresseur ou des perfusions d’IgIV.

L’irradiation corporelle totale a été utilisée dans des myosites sévères et rebelles.

La survenue possible d’effets indésirables graves (voire mortels) de ces irradiations en restreint toutefois fortement les indications.

Les nouveaux immunosuppresseurs (mycophénolate myofétil, tacrolimus, fludarabine…), et les inhibiteurs du TNF-alpha (anticorps monoclonaux anti-TNF-alpha et agonistes des récepteurs solubles du TNF-alpha) ont été tentés avec succès dans quelques observations, incitant à la réalisation d’études contrôlées.

La survenue de troubles de déglutition impose l’arrêt de l’alimentation par voie orale, une alimentation entérale ou parentérale et une surveillance dans une unité disposant de moyens de réanimation.

La prévention des pneumopathies d’inhalation, la kinésithérapie (passive et douce lors des poussées inflammatoires, puis active) et l’ergothérapie sont indispensables dans ce contexte.

Dermatomyosites :

A – ÉPIDÉMIOLOGIE :

Les DM sont des connectivites rares dont l’incidence annuelle est estimée entre cinq et dix cas par million d’habitants et la prévalence de six à sept cas pour 100 000 personnes.

Un caractère saisonnier a été rapporté, notamment dans certains sous-groupes de myosites aux États-Unis.

Les DM touchent préférentiellement la femme avec un sex-ratio de 2 pour 1.

Elles peuvent survenir à n’importe quel âge avec deux discrets pics de fréquence : l’enfant entre 5 et 14 ans et l’adulte dans la 5e ou 6e décennie.

La DM semble plus fréquente que la PM.

B – TERRAIN GÉNÉTIQUE ET FACTEURS FAVORISANTS :

La DM pourrait résulter d’une activation chronique du système immunitaire induite, sur un terrain génétique prédisposé, par un stimulus environnemental (ou endogène dans le cas des DM associées à des cancers).

En effet, plusieurs études ont mis en évidence une fréquence significativement accrue d’antigènes HLA dans les DM, notamment DR3 et B8, ainsi que les antigènes DR7, DQA1*0201, DRw53 en cas de DM avec anticorps anti-Mi2.

Les principaux facteurs environnementaux sont développés au chapitre : « Formes secondaires ».

C – MANIFESTATIONS CLINIQUES :

La survenue de manifestations cutanées caractérise la DM.

Elles peuvent précéder parfois de plusieurs mois ou années la myosite.

Il s’agit essentiellement d’un érythro-oedème, photosensible et prédominant sur les zones découvertes (visage, face antérieure du cou, épaules, face d’extension des membres).

L’érythème orbitaire en lunettes (coloration lilacée prédominant sur les paupières supérieures) est quasi pathognomonique.

Les papules de Gottron sont présentes dans 30 % des cas, sous forme de plaques érythémateuses ou violacées, de la face dorsale des articulations interphalangiennes et métacarpophalangiennes, plus rarement aux coudes et genoux.

Ces papules de Gottron peuvent persister après une poussée évolutive de la maladie.

Enfin, l’érythème péri-unguéal, douloureux à la pression (signe de la manucure) est très évocateur de DM.

L’oedème cutané, qui peut parfois prédominer, peut masquer une éventuelle amyotrophie à l’origine d’un aspect pseudomyxoedémateux.

Cet oedème ne prend pas le godet.

D’autres manifestations cutanées sont possibles : vascularite (surtout dans les formes infantiles, pouvant aboutir à des ulcérations et nécroses cutanées) et papules leucocytoclasiques, photosensibilisation, hémorragies en flammèches, érythème lichénoïde du dos et des épaules, atteinte muqueuse.

Un syndrome de Raynaud, en règle modéré, est présent dans 10 à 15 % des PM/DM et peut parfois précéder la maladie de plusieurs années.

Il peut s’accompagner d’un aspect sclérodermiforme des doigts au cours des DM associées à une sclérodermie (scléro-DM).

La calcinose universelle est une complication redoutable qui s’observe quasi exclusivement chez l’enfant, où elle serait notée dans 30 à 50 % des cas.

Elle peut survenir chez les enfants guéris de leur maladie musculaire.

Il s’agit de calcifications sous-cutanées, siégeant soit au sein des muscles, soit au voisinage des articulations (notamment coude et genoux), se traduisant par des dépôts crayeux, fermes et indurés à la palpation.

Ces calcifications apparaissent en moyenne 6 mois à 7 ans après le début de la maladie musculaire.

Ces calcifications siègent dans les tissus conjonctifs et graisseux, dans les tissus interstitiels aponévrotiques, dans les tendons et les fascias, plus exceptionnellement dans les fibres musculaires elles-mêmes.

Il s’agit de dépôts granuleux de calcium (cristaux d’apatite ou d’hydroxyapatite), entourés d’une réaction inflammatoire chronique à corps étranger et d’une fibrose.

La physiopathologie est méconnue.

Cette calcinose diffuse respecte les viscères et est indépendante du squelette, ce qui permet de la distinguer des myosites ossifiantes et des calcifications métastatiques.

Initialement asymptomatique, elle est uniquement visible sur les radiographies (image ovalaire allongée en « os de seiche »).

Cette calcinose peut devenir rapidement invalidante, réalisant un blindage sous-cutané pierreux des membres.

Ces nodules peuvent s’ulcérer, se fistuliser à la peau, entraînant l’extériorisation d’un liquide crayeux blanchâtre.

Le déficit moteur touche la musculature striée de façon bilatérale, symétrique et non sélective.

Il est comparable à celui des PM : déficit de type myogène, prédominant sur les muscles proximaux (ceintures scapulaires, pelviennes et muscles cervicaux).

Le début est souvent plus aigu que dans les PM et parfois très rapide sous forme de rhabdomyolyse.

L’existence de manifestations neurologiques associées, sauf circonstances fortuites, doit faire évoquer, soit une vascularite compliquant la DM, soit une connectivite associée. Les troubles oesopharyngés, les manifestations articulaires, cardiaques, pulmonaires, etc sont superposables à ceux observés dans la PM.

D – EXAMENS COMPLÉMENTAIRES :

La vitesse de sédimentation est augmentée chez 50 à 60 % des patients, généralement de façon modérée.

L’élévation des enzymes musculaires ([CK ou CPK] surtout, mais aussi aldolase, lactate déshydrogénase [LDH], transaminases) témoignant de la nécrose musculaire, est notée dans 75 à 85 % des DM.

Les facteurs rhumatoïdes sont positifs dans 20 % des DM.

Les facteurs antinucléaires et anticytoplasmiques sont présents dans 30 à 50 % des cas.

Il peut s’agir d’anticorps non spécifiques des PM/DM, dirigés contre les protéines musculaires ou d’autres cibles (comme les anticorps anti-RNP, anti-PM-Scl, anti-SSA et anti-SSB, anticorps anti-Ku), également présents dans d’autres affections auto-immunes.

Il peut aussi s’agir d’anticorps antinucléaires beaucoup plus spécifiques des DM appelés anti-Mi-1 et anti-Mi-2, dirigés contre une protéine de 220 kD du complexe nucléaire.

Ces anticorps s’observeraient dans 5 à 10% de DMclassiques très corticosensibles et d’un excellent pronostic.

Les anticorps antisynthétases sont rares au cours des DM (5 à 10 %).

Les autres examens complémentaires peuvent mettre en évidence diverses anomalies déjà décrites.

E – HISTO-IMMUNOLOGIE DANS LES DERMATOMYOSITES :

La biopsie musculaire chirurgicale proximale permet d’affirmer le diagnostic.

En dehors des anomalies musculaires communes aux PM/DM (foyers de nécroses focales des fibres musculaires ; foyers de régénération ; infiltrats inflammatoires mononucléés), les anomalies histologiques musculaires des DM constituent typiquement des zones de myolyse d’origine ischémique avec atrophie périfasciculaire, micro-infarctus et vacuoles ischémiques à l’emporte-pièce.

Les lésions et les infiltrats inflammatoires se situent essentiellement dans les régions périvasculaires avec nette prédominance des lymphocytes B et des lymphocytes CD4+ par rapport aux cellules CD8+.

Dans les zones d’infiltrats périvasculaires à prédominance B et T CD4+, on observe de façon caractéristique des lésions des cellules endothéliales capillaires avec destruction capillaire endomysiale, raréfaction de la trame vasculaire, aboutissant à une diminution du nombre de capillaires, artérioles et veinules.

Il existe par ailleurs des microthrombus des petits vaisseaux intramusculaires, avec dépôts intravasculaires d’immuns-complexes immunoglobuline (Ig)G/IgM et/ou C3 et surtout du complexe d’attaque membranaire du complément C5b-9 (MAC).

Les myocytes sont le siège de lésions ischémiques avec atrophie myocytaire périfasciculaire, de micro-infarctus et de vacuoles ischémiques à l’emporte-pièce, témoignant d’une atteinte primitive des capillaires médiée par un mécanisme humoral et responsable d’une ischémie musculaire à prédominance périfasciculaire où l’expression du CMH de classe I est prédominante.

D’autres tissus que le muscle sont concernés : peau, rein, poumon, coeur, appareil digestif.

F – PHYSIOPATHOGÉNIE :

La dermatomyosite juvénile est une vasculopathie caractérisée par une atteinte primitive des capillaires musculaires, médiée principalement par un mécanisme humoral (lymphocytes B et TCD4+) et une attaque du complément (fragment lytique terminal C5bC9). Cette vasculopathie est responsable d’occlusions capillaires puis d’une ischémie et d’une nécrose musculaire.

Plusieurs auteurs avaient montré un rôle prépondérant de certaines cytokines proinflammatoires dans le déclenchement de l’affection, notamment interleukine (IL)-1-alpha et IL-1-bêta, TNF-alpha, macrophage inflammatory proteins (MIP)-1alpha, interferon (IFN)-gamma ainsi que des inhibiteurs cytokiniques : transforming growth factor (TGF)-b. Parmi ces cytokines, le TNF-alpha semble jouer un rôle déterminant dans la pathogénie de la DM.

La combinaison de TNF-alpha et d’IFN-gamma libérés par les cellules mononucléées de l’infiltrat inflammatoire a un effet cytotoxique (synergique) in vitro sur les cellules musculaires humaines.

L’IFN-gamma et le TNF-alpha induiraient également l’expression des molécules d’adhésion ICAM-1 à la surface des cellules musculaires et augmenteraient l’expression de leurs ligands lymphocytaires (notamment leukocyte function associated antigen 1 [LFA-1]) à la surface des leucocytes permettant l’adhésion des lymphocytes T aux fibres musculaires.

Des publications récentes ont permis d’apporter un éclairage nouveau sur le rôle central du TNF-alpha, notamment dans la DM juvénile.

Certains auteurs ont en effet mis en évidence un polymorphisme du locus du TNF-alpha dans la région promotrice 308 (G -> A) chez certains patients atteints de DM juvéniles, par étude des allèles du TNF-alpha par PCR chez 37 DM juvéniles et 29 sujets témoins.

L’allèle TNF-alpha-308A a été mis en évidence chez 18 des 37 DM et seulement cinq des 29 témoins (p < 0,009).

La présence de l’allèle TNF-alpha-308A était significativement associée à des occlusions capillaires plus sévères dans les tissus musculaires, une production accrue de TNF-alpha intramusculaire, une durée prolongée de la maladie et l’existence d’une calcinose sous-cutanée, surtout chez les homozygotes TNF-alpha- 308AA par rapport aux DM TNF-alpha-308AG ou TNF-alpha-308GG.

La thrombospondine-1 (TSP-1) est une glycoprotéine responsable de thromboses et d’hyperplasie des cellules musculaires lisses vasculaires.

Certains auteurs ont montré que les taux de TSP-1 étaient six fois plus élevés chez les DM juvéniles comparés aux témoins, et que les taux les plus élevés étaient observés chez les patients porteurs de l’allèle TNF-alpha 308A, témoignant du rôle du polymorphisme du TNF-alpha dans la genèse des DM juvéniles.

Ces résultats argumentent en faveur d’une prédisposition génétique déjà fortement suspectée dans les myosites, et d’un mécanisme physiopathogénique particulier mettant en jeu le TNF-alpha dans les DM juvéniles.

G – FORMES SECONDAIRES OU ASSOCIÉES DE DERMATOMYOSITES :

1- Association entre dermatomyosite et pathologie tumorale :

Elle est retrouvée dans 20 à 30 % des cas.

Elle est plus fréquente après 40 ans.

Il n’a pas été démontré que les syndromes de chevauchement et les DM de l’enfant aient une signification néoplasique (même si quelques observations de DM avec cancer chez l’adolescent ont été publiées).

La DM précède l’apparition du cancer dans 70 % des cas.

Le délai moyen entre la survenue des deux affections est le plus souvent inférieur à 1 an.

Les cancers mammaires, utérins et ovariens chez la femme, et les tumeurs épithéliales bronchiques, prostatiques et digestives chez l’homme prédominent.

L’absence fréquente de parallélisme évolutif entre les pathologies musculaire et tumorale ne permet pas de considérer les myosites comme des syndromes paranéoplasiques.

Le cancer représente la première cause de décès des DM de l’adulte, imposant une enquête étiologique exhaustive devant la découverte d’une myosite après 40 ans.

Ce bilan comporte dans tous les cas un examen clinique complet comprenant un examen gynécologique et un toucher rectal, les examens biologiques et hématologiques habituels, une radiographie thoracique, associée à une mammographie et une échographie abdominopelvienne (et endovaginale) chez la femme de plus de 40 ans.

Le dosage de certains marqueurs sérologiques tumoraux, notamment Ca125, peut être utile.

D’autres investigations peuvent se discuter en fonction de points d’appel éventuels.

L’existence d’une dysphagie doit nécessairement faire pratiquer une fibroscopie oesogastrique avant d’attribuer ce symptôme à la myosite.

2- Association à une connectivite :

Elle est observée de manière analogue aux PM. Un facteur déclenchant médicamenteux ou rétroviral semble plus rarement observé dans les DM.

Un certain nombre de patients ne développent jamais de manifestations musculaires, malgré l’existence de lésions cutanées typiques de DM caractérisant la DM amyopathique (DMA), ou DM sans myosite.

D’individualisation récente, la DMA est définie par l’existence de lésions cutanées caractéristiques associées à une histologie typique, évoluant depuis au moins 2 ans sans myosite clinique associée.

La DMA peut être associée à une pathologie tumorale avec, pour certains auteurs, une fréquence des néoplasies associées comparable à celle des DM classiques.

Le traitement de la DMA repose principalement sur l’hydroxychloroquine et les traitements locaux.

H – DIAGNOSTIC DIFFÉRENTIEL :

La myosite granulomateuse s’observe principalement au cours de la sarcoïdose, exceptionnellement dans la maladie de Crohn et la myasthénie avec thymome.

La PM à éosinophiles se traduit par un déficit musculaire douloureux, proximal ou diffus, un érythème cutané parfois photosensible et une altération sévère de l’état général.

Elle s’intègre généralement dans le cadre d’un syndrome hyperéosinophilique avec atteinte cardiaque prédominante.

La biopsie montre une nécrose des fibres avec infiltrats inflammatoires riches en éosinophiles.

Le lupus érythémateux systémique peut poser quelques problèmes diagnostiques du fait de nombreuses similarités concernant l’atteinte cutanée ou musculaire.

I – PRONOSTIC DES DERMATOMYOSITES :

Avant l’ère de la corticothérapie, les myosites constituaient un groupe d’affections particulièrement graves, dont les taux de survie spontanée étaient inférieurs à 40 %.

En l’absence de pathologie tumorale sous-jacente, les myosites de l’adulte constituent désormais des affections de pronostic relativement favorable, avec des taux de survie à 5 ans actuels de l’ordre de 90 %.

Les facteurs pronostiques sont similaires à ceux de la PM.

Là aussi, les séquelles fonctionnelles à type de déficit résiduel sont observées chez 30 à 50 % des patients.

Chez l’enfant, les vascularites de la DM peuvent être responsables de complications gravissimes à type de perforations ou d’hémorragies.

L’évolution des calcinoses étendues est généralement péjorative.

L’évolution se fait, dans la majorité des cas, vers l’aggravation progressive ou, au mieux, la stabilisation malgré les différentes thérapeutiques, responsable d’une invalidité résiduelle.

J – TRAITEMENT DES DERMATOMYOSITES :

Le traitement des dermatomyosites et l’utilisation de la corticothérapie, des immunosuppresseurs et des immunoglobulines intraveineuses (IgIV) est identique à la prise en charge de la PM.

Concernant les IgIV dans les DM corticorésistantes,. leur efficacité est estimée à 60-70 % des cas.

Les IgIV sont utilisées à la dose de 2 g/kg/cure mensuelle.

Les IgIV sont actuellement proposées en alternative aux immunosuppresseurs, ou en cas d’échec de ceux-ci.

Leur tolérance est excellente, mais leur prescription doit être réfléchie compte tenu de l’origine biologique humaine des IgIV et du coût.

L’amélioration clinique des DM sous IgIV s’accompagne d’une réduction des dépôts intravasculaires du C5bC9, de l’expression du CMH I par les myocytes et d’une augmentation de la densité vasculaire aux biopsies réalisées après IgIV.

L’efficacité des IgIV semble moindre en première intention.

Les plasmaphérèses peuvent être indiquées dans les myosites aiguës, graves et rebelles, en association systématique à un agent immunosuppresseur ou à des IgIV pour éviter tout rebond à l’arrêt.

L’hydroxychloroquine peut être utile dans les lésions cutanées de DM, mais ne possède aucune action sur les manifestations musculaires.

De multiples traitements ont été tentés sans succès dans les calcinoses de l’enfant.

Parfois, les poussées inflammatoires peuvent être en partie contrôlées par les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS), la colchicine et certains biphosphonates.

En fait, seule la chirurgie plastique peut être utile dans les formes ulcérées ou volumineuses.

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