Tabagisme

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La première cigarette a été fabriquée en 1850. Ce n’est que depuis la Seconde Guerre mondiale que sont apparues les grandes enquêtes épidémiologiques qui ont permis de confirmer scientifiquement la toxicité du tabac et d’en préciser les mécanismes. Avant la Première Guerre mondiale, la vente de tabac représentait moins de 4% de la consommation actuelle.

PHYSIOPATHOLOGIE :

Modes d’action délétères du tabac :

TabagismeL’action néfaste du tabagisme sur l’organisme est liée à l’effet :

– direct de la chaleur.

– direct du tabac sur l’arbre respiratoire.

– des produits du tabac passant dans le sang.

* La chaleur:

– la température de combustion du tabac est de l’ordre de 850°C.

– la fumée est refroidie par le passage a travers la partie de la cigarette non consumée.

– chez les fumeurs de pipe, la fumée reste très chaude.

– le tabac provoque des brûlures chroniques.

– ces brûlures détériorent le goût et favorisent la survenue de cancers.

* L’action directe de la fumée sur les voies respiratoires est liée:

– au contact direct de la fumée avec les muqueuses respiratoires.

– au dépot des particules en suspension qui peuvent y exercer des effets durables.

* Le passage de produits toxiques dans le sang:

– il se fait principalement a travers la membrane alvéolo-capillaire.

– les substances toxiques sont charriées vers tous les organes.

Quelques chiffres :

La consommation de tabac doit être chiffrée:

– une cigarette pèse 1 gramme.

– fumer un paquet de cigarettes par jour durant 1 an équivaut a une consommation d’un paquet-année (7300 cigarettes ou 7,3kg de tabac).

– fumer 2 paquets par jour durant 40 ans équivaut a 80 paquets-année ou 5,8 quintaux de tabac fumé.

– la consommation moyenne des adultes en France est de 1850g par adulte et par an.

Composés de la fumée du tabac :

Les principaux composés de la fumée du tabac parmi les 3000 identifiés sont:

* les goudrons (3-4 benzopyrène, etc.) qui sont cancérogènes et irritants.

* la nicotine qui:

– passe rapidement dans le sang.

– est responsable d’effets cardio-vasculaires et neurologiques.

– est le facteur essentiel de la dépendance.

* le monoxyde de carbone (CO) qui:

– est produit lors de la combustion en déficit d’oxygène.

– passe rapidement dans le sang.

– se fixe vingt fois mieux que l’oxygène sur l’hémoglobine du sang.

– a une demi-vie dans le sang de 6 heures.

– se fixe également sur la myoglobine du muscle.

– peut être utilisé comme marqueur du tabagisme récent par dosage dans le sang ou dans l’air expiré.

* les aldéhydes, l’acroléine et les phénols qui sont des irritants.

Épidémiologie :

ÉPIDÉMIOLOGIE DES MALADIES PULMONAIRES LIEES AU TABAC :

L’épidémiologie est dominée par:

– les bronchopathies chroniques obstructives (plus de 70% sont liées au tabac).

– les cancers bronchiques (90 a 95% sont liés au tabac).

Épidémiologie des  broncho-pneumopathies chroniques obstructives tabagiques

En France, il existe:

– 2 millions de patients atteints de bronchite chronique.

– 40000 malades porteurs d’insuffisances respiratoires graves (PaO2 inférieure a 55mmHg).

– 15000 morts de bronchites chroniques obstructives liées au tabac.

Epidémiologie des cancers du poumon liés au tabac

– Le cancer du poumon tue plus de 20000 Français par an, dont 90 a 95% de fumeurs.

– Il est exceptionnel chez les non-fumeurs (incidence: 7 pour 100000 par an).

– Il est plus fréquent (risque multiplicatif) quand le tabac est associé a une exposition a l’amiante et a certains autres cancérogènes.

L’inhalation de la fumée du tabac:

– multiplie les risques de cancer du poumon par 2 a 10.

– augmente la dépendance car elle élève le taux de nicotinémie.

ÉPIDÉMIOLOGIE DES MALADIES  NON PULMONAIRES LIEES AU TABAC :

* Parmi les maladies cardio-vasculaires, le tabac augmente le risque:

– d’angor et d’infarctus du myocarde, en particulier avant 45 ans (risque multiplié par 3).

– d’artérite, d’anévrisme de l’aorte.

– globalement, le risque de surmortalité cardio-vasculaire lié au tabac est de 1,3.

* Parmi les cancers des voies respiratoires hautes, le tabac augmente le risque de cancer du larynx et du pharynx (effet additif avec l’alcool).

* Un tiers des 4500 décès par cancer de la vessie en France est attribuable au tabac.

INFLUENCE DU TABAGISME  SUR L’ESPÉRANCE DE VIE :

Le tabagisme réduit la durée de la vie.

L’incidence de la mortalité globale est très liée au tabagisme.

Un fumeur d’un paquet de cigarettes par jour a une chance sur deux de mourir d’une maladie liée au tabac.

Un gros fumeur perd en moyenne 15 années de vie.

Effets du tabac :

EFFETS DU TABAC SUR L’APPAREIL RESPIRATOIRE :

Action du tabac sur le revêtement bronchique :

Irritation de la muqueuse bronchique

L’irritation par le tabac de la muqueuse bronchique agit sur:

* les cellules ciliées de la muqueuse bronchique qui:

– se paralysent dès les premières bouffées de tabac.

– ne remplissent plus leur fonction d’épuration par l’escalator muco-ciliaire.

– disparaissent progressivement.

* les cellules glandulaires et les glandes bronchiques qui sécrètent de plus en plus de mucus, de viscosité élevée.

Conséquence

En conséquence de cette altération de la muqueuse:

* la stagnation des sécrétions durant la nuit oblige le fumeur a tousser durant quelque temps pour une toilette bronchique matinale.

* la toux devient le seul recours pour épurer mucus et particules.

* quand la toux et l’expectoration durent au moins 3 mois par an depuis plus de 2 ans, le fumeur est atteint de « bronchite chronique ».

* dès ce stade, il faut informer un malade qu’il n’est pas seulement atteint d’une « toux du fumeur » mais d’une « bronchite chronique », maladie grave tuant deux fois plus que les accidents de la route.

Transformation métaplasique de la muqueuse

Une transformation métaplasique de la muqueuse:

– va survenir avec la poursuite de l’irritation tabagique.

– fait le lit des cancers du poumon.

– met plusieurs années pour disparaître après l’arrêt total du tabac.

– les rétinoïdes a fortes doses pourraient accélérer cette réparation.

Action du tabac sur la fonction respiratoire :

Premières années de tabagisme

Les 10 ou 15 premières années du tabagisme:

* la fonction respiratoire reste proche de la normale.

* seuls des tests fins, comme l’étude de la partie terminale de la courbe débit/volume, peuvent déceler les premières anomalies.

* l’arrêt du tabagisme même pour une période courte de 48 heures:

– diminue parfois très rapidement et de façon importante ces sécrétions.

– laisse une fonction respiratoire normale.

* cette diminution des sécrétions est facilement observable en endoscopie bronchique, même après 24 heures seulement de sevrage en tabac.

* cette hypersécrétion traduit une atteinte des grosses bronches.

Bronchite chronique obstructive

La bronchite chronique obstructive:

– s’installe après une dizaine d’années de tabagisme.

– traduit une atteinte plus importante des petites bronches.

– peut être décelée par simple spiromètre (baisse du VEMS).

– provoque une dyspnée perçue par le fumeur a l’effort.

* L’atteinte des petites bronches:

– est responsable de la perte de la fonction respiratoire.

– est parfois non parallèle a l’atteinte des grosses bronches responsable de la bronchorrhée.

– est ainsi souvent révélatrice.

– est responsable d’une perte non réversible de la fonction respiratoire.

– n’est pas réversible mais l’arret du tabagisme la stabilise.

* L’emphysème centrolobulaire:

– traduit un stade de plus de la broncho-pneumopathie chronique obstructive.

– les centres des lobules pulmonaires sont soufflés.

– les parois des alvéoles disparaissent, diminuant d’autant la capacité vitale au profit d’une augmentation du volume résiduel.

– la dyspnée va devenir de plus en plus intense, gênant le moindre effort.

– puis vont apparaître les signes du coeur pulmonaire chronique.

Action du tabac sur les macrophages alvéolaires pulmonaires :

Les macrophages alvéolaires pulmonaires assurent normalement l’épuration des particules de petite taille (1 micron) qui arrivent jusqu’aux alvéoles pulmonaires.

Chez les fumeurs, il existe:

– une augmentation du nombre de macrophages alvéolaires.

– une diminution de leur pourcentage sur la formule du lavage alvéolaire (inférieur a 90%).

– les tests d’adhérence et de phagocytose sont perturbés.

La fumée du tabac:

– est toxique pour les macrophages alvéolaires.

– rend de ce fait le poumon plus sensible a d’autres agents polluants.

– car les macrophages ne peuvent pas jouer leur rôle normal dans l’épuration.

Action du tabac sur le transport d’oxygène :

La fumée du tabac contient en pourcentage plus d’oxyde de carbone que le pot d’échappement des automobiles (plus de 4% contre moins de 2%).

L’oxyde de carbone:

– occupe de façon peu réversible 2 a 15% de l’hémoglobine du sang des fumeurs.

– rend cette hémoglobine impropre au transport d’oxygène.

– entraîne un déficit de transport de l’oxygène.

– conduit a une synthèse excessive de globules rouges (polyglobulie).

ACTION DU TABAC SUR LES AUTRES ORGANES :

Action du tabac sur le coeur et les vaisseaux :

Le tabac agit par trois mécanismes sur les vaisseaux:

– par facilitation de l’atteinte de la paroi artérielle par athérosclérose.

– par facilitation des spasmes artériels.

– par facilitation des phénomènes de thrombose.

Action du tabac

* Le tabac accélère le rythme cardiaque:

– cet effet est mesurable.

– un fumeur peut constater une accélération du pouls au repos après avoir fumé 2 cigarettes le matin.

* Le tabac augmente la pression artérielle systémique:

– par l’intermédiaire d’une libération de catécholamines.

– mais également par action directe sur les parois des artères (l’athérosclérose favorise également l’HTA et les cardiopathies hypertensives).

* Le tabac agit sur les artères coronaires:

– par dépôt d’athérome.

– par action sur la musculature artérielle coronaire.

– les spasmes coronaires sont bien visibles sur une coronarographie lors de la consommation d’une cigarette ou de l’absorption de nicotine (test de détection).

Risques liés au tabagisme

* Risques cardiaques:

– le tabac est un des plus importants facteurs de risque cardiaque.

– le tabac est le facteur de risque le plus évitable.

– il est exceptionnel d’observer un infarctus du myocarde avant 45 ans chez un non-fumeur.

– la multiplication du risque a cet age va de 1 a 8.

– chez le vieillard, a l’inverse, le rôle du tabac est proportionnellement moins important.

* Risques d’accidents vasculaires cérébraux:

– les accidents vasculaires cérébraux sont plus fréquents chez les fumeurs.

– la multiplication du risque atteint 7 pour les gros fumeurs.

– il existe des interactions bien connues avec d’autres facteurs.

– les estroprogestatifs multiplient les risques d’accident vasculaire cérébral liés au tabac.

* L’artérite des membres inférieurs est aussi très liée au tabagisme:

– en cas de sevrage, l’artérite s’arrête d’évoluer.

– en cas de poursuite de l’intoxication, la maladie continue d’évoluer, conduisant a des pontages ou des amputations successives.

Action du tabac sur les voies aéro-digestives supérieures :

La combustion du tabac produit des effets toxiques maximaux sur les organes les plus proches de l’origine de la fumée, c’est-a-dire:

– les lèvres.

– la bouche.

– la langue.

– le pharynx.

– le larynx.

* Les lèvres et la langue, surtout chez le fumeur de pipe:

– sont soumises a des températures très élevées.

– souffrent de brûlures chroniques.

* La chaleur participe également a l’altération des muqueuses qui entraine:

– une destruction des papilles gustatives.

– une altération des lobules olfactifs contribuant a diminuer le gout.

– une moindre possibilité de défense contre les infections microbiennes.

– une altération des cordes vocales: la voix devient rauque et désagréable.

– une toux d’irritation chronique.

– des lésions précancéreuses et cancéreuses.

* Les cancers du larynx comme tous les autres cancers de la gorge et de la bouche sont fréquents. La liaison du tabac a ce type de cancer est forte et existe même en l’absence d’intoxication alcoolique pourtant souvent associée chez ces malades.

Action du tabac sur le système digestif :

* L’oesophage:

– est en première ligne de l’atteinte par les goudrons lourds et les autres produits de la combustion du tabac.

– est soumis par le tabac a un risque accru de cancer.

– les fumeurs de pipe sont plus exposés que les fumeurs de cigarettes au cancer de l’oesophage alors que, dans l’ensemble, le fait de fumer la pipe a quantité égale de tabac provoque un risque pour la santé moins important que la cigarette.

* L’ulcère gastrique est plus fréquent et plus tenace chez les fumeurs.

* La recto-colite ulcérohémorragique est, a l’inverse, soulagée par la cigarette. les patchs de nicotine ont le même effet de sédation des troubles.

Action du tabac sur le cerveau :

Un certain nombre de substances présentes ou produites secondairement par la combustion du tabac sont capables de passer a travers la membrane séparant le sang du liquide céphalo-rachidien, celui-ci baignant le cerveau.

Action a court terme

A court terme, le tabac provoque:

– une certaine excitation et parfois des céphalées.

– coupe partiellement l’appétit. Cet effet anorexigène du tabac explique en partie la prise de poids qui survient fréquemment quand on cesse l’intoxication tabagique. L’appétit redevenant normal, la tendance est de manger plus.

– des nausées (en particulier en début de tabagisme).

Action a long terme

A long terme, ce sont les artères du cerveau qui s’altèrent et s’obstruent progressivement. Ces altérations sont source d’accidents vasculaires cérébraux.

Ces accidents se caractérisent par:

– des troubles de conscience.

– des vertiges.

– des troubles de la parole.

– des troubles des sens.

– des paralysies diverses.

Ils peuvent ou non régresser en quelques jours ou quelques mois.

Action du tabac sur la vessie :

Les produits toxiques du tabac qui passent dans le sang sont en grande partie filtrés et concentrés par le rein.

L’urine chargée de produits toxiques concentrés stagne dans la vessie entre deux mictions et a le temps d’y exercer ses effets toxiques.

Action du tabac sur la peau et les phanères :

Le tabac joue un rôle néfaste sur:

– la peau, par effet externe de la fumée et interne sur la vascularisation de la peau. il altère les fibres élastiques de la peau.

– les phanères.

Tabagisme involontaire ou passif :

Les effets sur la santé du tabagisme passif sont:

* moins bien établis que les effets du tabagisme actif.

* d’autant plus importants que l’exposition se fait dans un lieu clos:

– les plus forts taux de cotinine urinaire sont retrouvés après exposition dans une automobile ou dans un avion.

– dans les maisons, les volumes d’airs sont en général supérieurs, permettant un meilleur renouvellement de l’air.

* mais le tabac est infiniment plus toxique pour le fumeur lui-même que pour son entourage.

Au cours de la grossesse

* Le poumon de la mère, puis le placenta, filtrent une partie des produits toxiques du tabac, protégeant partiellement le foetus.

* Le foetus réagit cependant au tabagisme de sa mère en diminuant ses mouvements et en accélérant son coeur.

Les événements graves pour le foetus liés au tabagisme de la mère sont en fait statistiquement peu nombreux:

– le poids de naissance est inférieur de 180g (par rapport au poids moyen d’un nourrisson d’une mère non fumeuse).

– il existe plus de problèmes lors de l’accouchement.

A la naissance

Dès la naissance, le foetus n’est plus protégé par sa mère de la fumée du tabac et les risques pour sa santé sont plus importants. S’il ne faut pas fumer enceinte, c’est principalement durant les premières années de la vie que les effets toxiques d’une exposition passive au tabac de l’enfant sont bien établis.

Chez l’adulte

Chez l’adulte, l’exposition passive a la fumée du tabac:

* est cause d’inconfort chez plus de la moitié des non-fumeurs.

* est cause d’une augmentation du risque de cancer bronchique et de maladies cardio-vasculaires chez les non-fumeurs exposés au tabagisme de leur conjoint fumeur.

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