Pleurésies à liquide clair

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Les pleurésies à liquide clair constituent la majorité des épanchements pleuraux. Elles posent souvent des problèmes étiologiques.

Diagnostic positif :

FORME TYPIQUE :

Le diagnostic est facile dans la forme typique de la grande cavité.

Circonstances de découverte :

Pleurésies à liquide clair* Radiographie systématique (latence possible).

* Altération de l’état général ou fièvre.

* Signes fonctionnels respiratoires:

– toux sèche aux changements de position.

– point de coté thoracique.

– polypnée superficielle.

Examen clinique :

L’examen clinique doit être comparatif.

* Inspection: défaut d’expansion d’un hémithorax.

* Percussion: matité déclive.

* Palpation: abolition des vibrations vocales.

* Auscultation: diminution ou abolition du murmure vésiculaire, parfois souffle pleurétique (expiratoire).

Radiographie :

La radiographie pulmonaire est toujours faite de face et de profil, le patient en position verticale.

Il s’agit d’une opacité de nature pleurale:

* homogène, déclive, de tonalité hydrique.

* comblant le cul-de-sac costo-diaphragmatique:

– à limite supérieure concave en haut et en dedans, pouvant se prolonger vers le haut par une ligne bordante axillaire.

– à angle aigu de raccordement à la paroi.

– effaçant la coupole diaphragmatique.

Il faut également rechercher:

* un déplacement médiastinal vers l’hémithorax opposé.

* des lésions associées, notamment parenchymateuses.

Ponction pleurale :

La ponction pleurale confirme le diagnostic. Faite en pleine matité, elle ramène un liquide citrin sur lequel on pratique les recherches suivantes.

Biochimie

* Protides:

– l’exsudat est caractérisé par un taux de protides pleuraux supérieur à 30g/l.

– le transsudat comme un liquide dont le taux de protides est inférieur à 30g/l.

* Glycopleurie.

* LDH: un taux de LDH> 280UI/l est un argument en faveur de la nature exsudative.

Cytologie

* Cytologie précisant les proportions et le nombre de lymphocytes, de polynucléaires (qui doivent être non altérés), d’hématies, de cellules mésothéliales.

* La recherche de cellules malignes est systématique.

Bactériologie

Bactériologie, standard et avec recherche de BK à l’examen direct et après culture sur milieu de Lowenstein.

Ponction-biopsie pleurale :

La ponction-biopsie pleurale (PBP) est systématique si la ponction n’a pas permis de préciser d’emblée la cause de la pleurésie. La possibilité devant toute pleurésie à liquide clair d’être amené à pratiquer une PBP impose de ne jamais évacuer totalement une pleurésie dont la cause n’a pas été identifiée.

Elle comprendra plusieurs prélèvements et sa réalisation impose une surveillance clinique et radiologique en raison du risque de complications hémorragiques.

Autres examens :

D’autres examens sont pratiqués:

* exceptionnellement, dans ces formes dont le diagnostic est le plus facile, on sera amené à proposer une thoracoscopie à visée diagnostique.

* on pratique, par contre, systématiquement à titre de bilan:

– examens ORL et stomatologique.

– bilan biologique complet.

– fibroscopie bronchique.

– l’examen tomodensitométrique est utile pour l’étude du poumon sous-jacent et après évacuation de l’épanchement pour l’étude de la plèvre.

DIAGNOSTIC PLUS DIFFICILE :

Certaines pleurésies à liquide clair peuvent être de diagnostic plus difficile.

La thoracoscopie sous anesthésie locale ou générale permettra alors au mieux d’en préciser l’étiologie.

Épanchement de faible abondance :

* Sur le plan clinique, il existe une zone limitée de matité ou le murmure vésiculaire peut n’être qu’atténué. la constatation d’un frottement pleural est évocatrice (bruit sec, superficiel, rythmé par la respiration).

* La radiographie du thorax ne révèle souvent qu’un comblement d’un cul-de-sac: valeur du cliché de profil et, surtout, en décubitus latéral de face du coté atteint.

* La ponction de l’épanchement sera effectuée sous radioscopie ou, mieux, sous échographie, voire scanner thoracique.

Épanchement de topographie particulière :

L’épanchement peut être unilobaire, médiastinal, diaphragmatique ou enkysté.

La tomodensitométrie thoracique est très utile dans le diagnostic et le repérage de ces épanchements.

Diagnostic différentiel :

La pleurésie à liquide clair fait discuter cliniquement:

* un processus parenchymateux: atélectasie plus que condensation pneumonique, mais un épanchement réactionnel est possible.

* des séquelles pleurales sans épanchement collecté.

La ponction élimine une pleurésie purulente, un chylothorax, un hémothorax.

Diagnostic étiologique :

TRANSSUDATS :

Les transsudats se définissent comme des épanchements dont le taux de protides ne dépasse pas 30g/l. Ils sont la conséquence d’une augmentation du gradient de pression entre le compartiment vasculaire et pleural.

Les caractéristiques biochimiques de ces épanchements s’opposent aux exsudats.

Il s’agit, sur le plan étiologique:

* le plus souvent, d’une insuffisance cardiaque gauche.

* d’une cirrhose hépatique (par transfert diaphragmatique d’un transsudat péritonéal): l’épanchement est souvent droit.

* d’un syndrome néphrotique.

* à part, le syndrome de Meigs (association d’un transsudat souvent droit, d’une ascite et d’une tumeur ovarienne).

EXSUDATS :

L’enquete étiologique est de difficulté variable, mais devra être suffisante pour établir la nature de l’épanchement le plus précocement possible.

Chez le sujet jeune :

Tuberculose pleurale

Le diagnostic à évoquer au premier chef est la tuberculose pleurale.

* Sur le plan clinique les faits suivants sont évocateurs:

– notion de contage, d’immigration récente.

– phase prodromique avec altération de l’état général, fièvre.

– positivité des réactions cutanées à la tuberculine, parfois lésions associées parenchymateuses.

* Les examens complémentaires montrent:

– un syndrome inflammatoire inconstant.

– à la ponction: typiquement un liquide riche en lymphocytes (mais non spécifique).

– une intradermoréaction de plus de 10mm chez un sujet non vacciné ou phlycténulaire oriente le diagnostic.

* Le diagnostic est confirmé:

– rarement par la découverte de BK aux tubages ou dans le liquide pleural.

– en règle par la PBP, dont le rendement est bon.

Pleurésie secondaire à un infarctus pulmonaire

* Le diagnostic de pleurésie secondaire à un infarctus pulmonaire au décours d’une embolie pulmonaire est à évoquer systématiquement, meme devant un épanchement de faible abondance.

* En sa faveur:

– la notion de conditions prédisposant à une maladie thrombo-embolique: phase postopératoire, accouchement, alitement.

– liquide de formule panachée, souvent séro-hématique et riche en éosinophiles.

* La phlébite sera recherchée, au moindre doute, par les examens complémentaires adéquats.

Pleurésies d’origine infectieuse

* Pleurésies bactériennes:

– leur contexte clinique et radiologique est souvent évocateur, cependant une antibiothérapie aveugle peut abâtardir le tableau et les données biologiques.

– la ponction montre des polynucléaires non altérés.

– l’isolement du germe et son traitement adapté éviteront le passage à la purulence.

* les pleurésies virales sont rares:

– le contexte clinique est peu spécifique. habituellement de faible abondance, la pleurésie peut s’associer à des opacités parenchymateuses non systématisées, à une péricardite.

– la ponction montre un liquide inflammatoire (exsudat de formule panachée), non spécifique.

– l’évolution est favorable en 8 à 15 jours sans séquelles. si un doute subsiste, une tuberculose devra être recherchée par PBP si l’épanchement est assez abondant.

– les virus en cause sont: Myxovirus influenzae, le virus respiratoire syncitial, les virus de la mononucléose infectieuse, de l’hépatite, etc..

– citons enfin dans le cadre d’un SIDA, les infections opportunistes (cryptococcoses notamment) pouvant être révélées par une pleurésie.

Pleurésies de cause tumorale

* La maladie de Hodgkin domine, chez le sujet jeune:

– son contexte peut être d’emblée évocateur et le diagnostic confirmé par l’atteinte d’autres organes.

– cependant la pleurésie peut être isolée. la PBP confirmera le diagnostic en mettant en évidence des cellules de Sternberg.

* Autres causes, plus rares: lymphomes non hodgkiniens, leucémies.

Chez le sujet de plus de 40 ans :

Chez le sujet de plus de 40 ans, les pleurésies peuvent avoir les memes causes que chez les jeunes.

Pleurésies malignes

Les pleurésies malignes dominent.

* Sur le plan clinique:

– la pleurésie peut survenir dans un contexte de néoplasie connue ou anciennement traitée.

– ailleurs, la pleurésie est révélatrice, caractéristique par sa survenue insidieuse, associée à une dégradation de l’état général. l’abondance de l’épanchement responsable à plus ou moins brève échéance de douleur et de dyspnée. son caractère rapidement récidivant.

* Il faut pratiquer une échographie et, surtout, un scanner thoracique qui permettent de visualiser l’étendue de l’épanchement, voire de guider la ponction.

* La ponction révèle une formule panachée. la cytologie systématique peut mettre en évidence des cellules malignes.

* La PBP doit systématiquement être tentée, malgré son caractère aveugle. La thoracoscopie permet de faire un diagnostic précoce lorsque ces méthodes ont échoué.

* Sur le plan étiologique il peut s’agir en règle de la dissémination d’un carcinome extra-pleural primitif, qui ont pour siège, par ordre de fréquence:

– les bronches.

– le sein.

– les hémopathies (lymphome ou leucémie).

– l’ovaire.

– un mélanome.

– souvent le cancer primitif n’est pas mis en évidence, on recherchera systématiquement des images parenchymateuses associées: lymphangite carcinomateuse, lacher de ballons ou lyse costale.

* Sur le plan étiologique, il peut s’agir d’une tumeur primitivement pleurale, le mésothéliome:

– sur le plan clinique, il faut rechercher systématiquement une notion de contact avec l’amiante, en règle générale ancienne.

– la recherche de corps asbestosiques dans l’expectoration doit être systématique.

– liquide très abondant, épais, parfois hémorragique, riche en acide hyaluronique.

– intéret de la radiographie, au mieux après évacuation du liquide: bosselures pleurales, recherche systématique de calcifications pleurales ou diaphragmatiques.

– le diagnostic repose sur la PBP et, en cas d’échec, sur la thoracoscopie ou l’exploration chirurgicale de la plèvre.

– la recherche d’une diffusion à d’autres séreuses (péritoine) est nécessaire.

Pleurésies bénignes

Les tumeurs bénignes de la plèvre sont rares.

* Pleurésies asbestosiques bénignes à liquide exsudatif, parfois récidivantes.

* Parmi les autres pleurésies en rapport avec une tumeur bénigne, citons le fibrome pleural, parfois très volumineux, pouvant s’associer à une hypoglycémie.

Pleurésies en rapport avec des maladies de système

* Lupus érythémateux aigu disséminé: bilan immunologique (anticorps anti-DNA natif), recherche de cellules LE dans le liquide pleural.

* Périartérite noueuse.

* Sclérodermie, polyarthrite rhumatoide (glycopleurie effondrée, possibilité de dosage de la sérologie rhumatoide dans le liquide pleural).

Pleurésies survenant au cours d’affections sous-diaphragmatiques

* Pancréatite: le contexte clinique est parfois évocateur. intéret d’une amylopleurie élevée par rapport au taux sanguin.

* Cirrhose.

* Infections: abcès sous-phrénique, amibiase hépatique, kyste hydatique.

Causes rares

* Asthme: forte éosinophilie sanguine et pleurale souvent.

* Parasitoses: ascaridiose, distomatose, hydatidose. le diagnostic repose sur l’anamnèse, l’éosinophilie sanguine et pleurale, les réactions sérologiques et les recherches parasitologiques.

* Pleurésies post-traumatiques, en règle générale responsables d’épanchements sérohémorragiques ou hémorragiques.

* Pleurésies iatrogéniques (hydralazine, isoniazide, méthylsergide) dont on rapproche les pleurésies dues à la radiothérapie.

Traitement :

Le traitement des pleurésies à liquide clair fait appel au traitement de la maladie causale (voir question) et à l’évacuation du liquide par ponction ou drainage.

La thoracoscopie ou la chirurgie peuvent être indiquées en cas de récidives multiples pour symphyser la plèvre.

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