Photo-immunologie

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Introduction :

Les effets des radiations ultraviolettes (UV) sur le système immunitaire sont connus depuis plus de 30 ans et sont impliqués non seulement dans le développement des cancers cutanés mais également dans l’aggravation de certaines maladies infectieuses.

La plupart des travaux sur l’immunosuppression induite par les UV concernent les effets des UVB.

Photo-immunologieEn effet, ils sont beaucoup plus efficaces en termes d’immunosuppression par rapport aux UVA.

La capacité des UV à inhiber le système immunitaire a été pour la première fois observée par Kripke et al lors d’expériences de carcinogenèse induite par les UV chez la souris.

Ces auteurs ont constaté que les tumeurs cutanées induites par les UVB étaient fortement immunogéniques, puisqu’elles étaient rejetées après transplantation chez des animaux syngéniques.

Cependant, ces tumeurs, bien que fortement immunogéniques, étaient tolérées et se développaient progressivement lorsque le receveur syngénique était immunodéprimé à l’aide de chimiothérapie, de radiations ionisantes, de thymectomie, ou par des doses UVB infracarcinogéniques.

Radiations ultraviolettes et réponse immunitaire :

On distingue deux modèles murins d’immunosuppression induite par les UVB : le modèle à faibles doses et le modèle à fortes doses.

Les faibles doses d’UV entraînent une inhibition locale de la sensibilisation des souris à un allergène de contact (haptène), si celui-ci est appliqué directement sur la zone irradiée.

De plus, les souris deviennent tolérantes vis-à-vis de cet haptène car elles ne pourront pas être resensibilisées ultérieurement.

Cette tolérance est liée à l’induction de lymphocytes T suppresseurs spécifiques.

L’immunosuppression locale induite par les UV est génétiquement restreinte puisque seules certaines lignées de souris sont sensibles.

Elle peut être partiellement inhibée par la neutralisation du facteur nécrosant des tumeurs (tumor necrosis factor [TNF]-alpha) et plusieurs études suggèrent le rôle de médiateur du TNF-alpha dans ce modèle d’immunosuppression.

Les fortes doses d’UV empêchent la sensibilisation des souris à des allergènes de contact ou à des alloantigènes appliqués ou injectés à distance des zones irradiées, d’où la notion d’immunosuppression systémique.

Les fortes doses d’UV entraînent également une tolérance spécifique d’haptène qui peut être transférée à l’aide de splénocytes.

L’utilisation d’anticorps anti-interleukine (IL) 10 ou de souris génétiquement déficientes pour le gène de l’IL10 suggère le rôle de ce médiateur dans l’immunosuppression systémique induite par les UV.

Les UVB inhibent de façon préférentielle les réponses immunitaires de type Th1 mises en jeu au cours des réactions d’hypersensibilité de contact (HSC) et d’hypersensibilité retardée (HSR) à des alloantigènes.

La production d’IL10 par les lymphocytes T exposés aux UVB indique que l’immunosuppression induite est liée à une orientation de la réponse immunitaire cellulaire vers un phénotype Th2.

De plus, cette orientation préférentielle de la réponse lymphocytaire est corrigée par l’injection d’IL12 qui favorise le développement d’une réponse immunitaire normale Th1.

Mécanismes cellulaires impliqués dans l’immunosuppression induite par les ultraviolets :

A – CELLULES DE LANGERHANS :

Elles constituent les principales cellules présentant l’antigène au niveau épidermique.

Les UVB entraînent une diminution de l’expression des marqueurs de membranes des cellules de Langerhans (adénosine triphosphatase [ATPase], CD1, human leukocyte antigen [HLA]-DR…), des molécules d’adhérence intercellulaire (ICAM-1), et des molécules de costimulation B7.

Sur le plan morphologique, les UV entraînent une disparition de l’aspect dendritique ainsi qu’une diminution du nombre de granules de Birbeck dans les cellules de Langerhans épidermiques résiduelles.

Ces altérations sont en relation avec des modifications du cytosquelette, évaluées par l’expression de la vimentine.

Enfin, les cellules de Langerhans épidermiques subissent un effet direct des UVB car elles contiennent des dimères de pyrimidine spécifiques des lésions de l’acide désoxyribonucléique (ADN) induites par les UV.

Ces modifications s’accompagnent de perturbations fonctionnelles importantes puisque, in vitro, les cellules de Langerhans exposées aux UV perdent leur capacité de stimulation des clones lymphocytaires Th1, alors qu’elles sont toujours capables de stimuler les clones Th2.

La déplétion épidermique en cellules de Langerhans est encore mal expliquée.

Elle est probablement due à la migration d’une partie des cellules de Langerhans, mais d’autres mécanismes pourraient être impliqués, comme l’apoptose des cellules de Langerhans résiduelles.

B – MACROPHAGES :

Cooper et al ont montré que l’irradiation par de fortes doses d’UV entraînait la migration de macrophages CD11b+ du derme vers l’épiderme.

Ces macrophages jouent un rôle dans l’immunosuppression induite par les UV.

De plus, la molécule de surface CD11b est utilisée comme récepteur par le fragment de la fraction C3 du complément activé, i C3b.

L’activation du complément apparaît requise dans l’immunosuppression induite par les UV, car l’inhibition de l’activation du C3 empêche partiellement l’infiltration épidermique par les macrophages CD11b.

Ces résultats ont été confirmés par des études chez la souris présentant un déficit génétique pour le gène C3.

C – MASTOCYTES :

L’irradiation UV entraîne également la dégranulation des mastocytes dermiques et l’intensité de l’immunosuppression induite par les UV sur différentes lignées de souris est corrélée avec la densité dermique en mastocytes.

L’histamine libérée par les mastocytes après irradiation UV exerce un effet inhibiteur systémique uniquement sur les réactions d’HSC.

L’activation des mastocytes peut être directe ou induite par la formation d’acide cisurocanique au niveau épidermique ou par des neuropeptides dermiques.

Médiateurs de l’immunosuppression induite par les ultraviolets :

Les kératinocytes, par leur prédominance au niveau épidermique, représentent la cible cellulaire principale des UV.

Après irradiation UV, les kératinocytes sécrètent de multiples médiateurs solubles incluant des eicosanoïdes et des cytokines dont certaines possèdent des propriétés inflammatoires ou immunosuppressives.

L’injection intraveineuse de surnageant provenant de kératinocytes murins exposés aux UV avant l’application d’haptène entraîne une suppression de l’induction des réactions d’HSC, suggérant un mécanisme d’action systémique.

A – EICOSANOÏDES :

Ils interviennent essentiellement dans la réaction inflammatoire primaire induite par les UV. Cependant, différents travaux ont montré le rôle régulateur des prostaglandines (PG) E2 sur la production de cytokines immunosuppressives telles que l’IL10 et le TNF-alpha.

B – « TUMOR NECROSIS FACTOR-alpha » :

Yoshikawa et Streilein ont montré qu’il existait une susceptibilité génétique pour la photo-immunosuppression liée au locus codant le TNF-alpha.

Un polymorphisme du gène du TNF-alpha inhiberait la synthèse de celui-ci en réponse aux UV et empêcherait l’immunosuppression induite par les UV.

Plusieurs études ont suggéré le rôle de médiateur du TNF-alpha dans le modèle d’immunosuppression des réactions d’HSC par les UV.

Cependant, ces résultats ont été récemment remis en question par l’utilisation de souris génétiquement déficientes en récepteurs pour le TNF-alpha.

C – INTERLEUKINES :

Les UV sont capables d’induire la production de multiples interleukines kératinocytaires (IL1, 3, 6, 8, 10 et 15).

L’implication de l’IL10 a été particulièrement bien démontrée.

Ainsi, les kératinocytes irradiés par les UV produisent et libèrent de l’IL10 qui inhibe les réactions d’HSR vis-à-vis d’un alloantigène, mais pas vis-à-vis d’un haptène.

En fait, l’IL10 serait nécessaire mais pas suffisante pour induire une suppression de la réaction d’HSC chez des souris irradiées par les UV, et d’autres cytokines telles que le TNF-alpha ou les PGE2 interviendraient.

Au niveau épidermique, l’IL10 est essentiellement produite par les kératinocytes ou les macrophages dermiques qui ont migré dans l’épiderme après irradiation UV.

La production d’IL10 par les kératinocytes irradiés par les UV s’accompagne de la génération de lymphocytes T CD4+, CD8- dont le phénotype est comparable à la sous-classe Th2 (production d’IL4 et d’IL10).

D – NEUROPEPTIDES :

Les fibres nerveuses sous-cutanées libèrent du monoxyde d’azote et du calcitonine gene-related peptide (CGRP) après irradiation UVB.

Ces fibres sont intimement associées avec les cellules de Langerhans épidermiques et le CGRP va inhiber la présentation antigénique.

De plus, l’irradiation UVB entraîne la production kératinocytaire de melanocyte stimulating hormone (MSH) et de pro-opiomélanocortine, qui vont également exercer des effets immunosuppressifs sur les réactions d’HSC.

Voie effectrice de l’immunosuppression induite par les ultraviolets :

A – LYMPHOCYTES :

Les cellules présentatrices d’antigènes des ganglions d’animaux exposés aux UV ne sont plus capables de présenter l’antigène aux lymphocytes Th1 et d’induire une réaction d’HSR normale, mais vont présenter l’antigène aux lymphocytes Th2.

Les mécanismes à l’origine de la distinction Th1/Th2 par les cellules présentatrices d’antigènes sont encore mal compris.

Les différents mécanismes cellulaires et humoraux précédents sont capables d’activer une voie effectrice à orientation immunosuppressive.

Les études de transfert ont mis en évidence la présence de lymphocytes T suppresseurs d’origine splénique spécifiques de l’allergène ayant servi à la sensibilisation.

Le phénotype de ces cellules reste encore débattu et diffère selon le modèle expérimental utilisé.

De plus, Moodycliffe et al ont récemment montré que les cellules natural killers (NK) T pouvaient être également NKT impliquées dans l’immunosuppression induite par les UV par des mécanismes encore mal connus.

B – APOPTOSE :

Si le rôle inhibiteur de l’IL10 semble bien démontré dans la suppression des réactions locales et systémiques d’HSR et dans l’induction de la tolérance induite par les UV, son importance est variable selon la réaction immunologique testée.

D’autres mécanismes suppresseurs sont donc suggérés, comme l’apoptose des cellules présentatrices d’antigènes ou des lymphocytes T suppresseurs.

Cibles moléculaires de l’immunosuppression induite par les ultraviolets :

Au cours des dernières années, plusieurs travaux ont étudié les cibles moléculaires des UV à l’origine des phénomènes immunosuppressifs.

Le spectre d’action des longueurs d’onde responsables de la photo-immunosuppression recouvre celui de l’ADN et de l’acide urocanique.

A – ACIDE UROCANIQUE :

L’acide urocanique est un chromophore épidermique qui s’accumule dans l’épiderme puisque les kératinocytes ne possèdent pas les enzymes nécessaires à son catabolisme.

Deux formes isomères de l’acide urocanique coexistent : la forme trans- et la forme cisurocanique.

L’acide trans-urocanique est l’isoforme initialement présente dans l’épiderme.

Après absorption des UVB, l’acide transurocanique subit une photo-isomérisation en acide cis-urocanique.

L’activité immunosuppressive de l’acide trans-urocanique pourrait être médiée par la stimulation de la dégranulation des mastocytes dermiques, mais d’autres chromophores jouent un rôle non négligeable, voire prédominant.

B – ACIDE DÉSOXYRIBONUCLÉIQUE :

L’ADN est le principal chromophore absorbant les UVB dans la peau.

Les photoproduits le plus fréquemment induits par les UV sont les dimères de pyrimidine et les photoproduits 6-4.

La réparation spécifique des dimères de pyrimidine induits par les UVB restaure les réactions d’HSR inhibées par les UVB, tandis que les dimères de pyrimidine stimulent la libération de cytokines immunosuppressives et inhibent les réactions d’HSC.

C – CIBLES MEMBRANAIRES :

Les UV sont capables d’interagir avec les phospholipides membranaires, entraînant des réactions de peroxydation lipidique avec production d’oxygène singulet et de radicaux libres au niveau cutané.

L’implication des espèces oxygénées réactives dans l’immunosuppression induite par les UV est suggérée par les effets protecteurs d’antioxydants, telles les vitamines E et C.

De plus, les UV sont capables d’activer directement des récepteurs de surface, soit par phosphorylation, soit par oligomérisation.

D – SIGNAUX DE TRANSDUCTION INTRACELLULAIRE :

La protéine kinase C ou la tyrosine kinase peuvent être activées par l’exposition aux UV et jouer le rôle de second messager intracytoplasmique.

Elles activent à leur tour différents facteurs transcriptionnels (NF [nuclear factor]-kappa, AP-1, STAT [signal transducer and activator of transcription]) par des mécanismes de phosphorylation, entraînant une modification du phénotype biologique des différentes cellules soumises aux UV.

De plus, une étude récente a montré que les effets nucléaires et membranaires induits par les UV ne s’excluaient pas mutuellement, mais étaient complémentaires pour obtenir un effet biologique optimal.

Protection vis-à-vis de l’immunosuppression induite par les ultraviolets :

Les produits solaires ont été initialement développés afin de prévenir les effets aigus des UV, en particulier l’induction de l’érythème.

La capacité des filtres solaires à protéger les animaux et les hommes contre les effets immunosuppressifs des UV fait toujours l’objet de controverses.

En effet, l’interprétation des différentes études est difficile du fait de la diversité des modèles expérimentaux, des tests immunologiques et des filtres utilisés.

Récemment, plusieurs auteurs ont comparé les capacités immunoprotectrices des filtres solaires et leur capacité à protéger de l’inflammation dans des études dose-réponse.

Ils ont ainsi introduit le concept de facteur immunoprotecteur (FIP) par analogie au facteur de protection solaire (FPS). Le FIP serait égal à la dose d’UV minimale immunosuppressive (ou entraînant 50 % d’immunosuppression) avec photoprotecteur, rapportée à la dose d’UV immunosuppressive minimale (ou entraînant 50 % d’immunusuppression) sans photoprotecteur.

Selon les filtres solaires testés et le modèle expérimental utilisé, les FIP peuvent être supérieurs, inférieurs ou corrélés aux FPS.

De plus, Moyal et al et Serre et al ont montré, chez l’homme, que pour deux produits ayant le même FPS, celui qui n’absorbe que dans les UVB ne protège pas de la suppression de la réaction à des antigènes de rappel, alors que celui qui protège sur l’ensemble du spectre UVB et UVA est immunoprotecteur.

Damian et al ont confirmé l’importance d’une filtration UV à large spectre (UVB + UVA) pour obtenir un meilleur FIP sur des réactions d’HSC au nickel chez des sujets déjà sensibilisés.

De plus, pour une dose d’UV donnée, un filtre solaire peut présenter un meilleur effet protecteur contre l’érythème que contre les perturbations immunologiques induites.

En effet, l’immunosuppression induite par les UV peut survenir en l’absence d’érythème après application d’un filtre solaire.

Enfin, l’addition d’antioxydant ou d’enzyme de réparation de l’ADN pourrait augmenter les capacités immunoprotectrices des photoprotecteurs.

Ceci a été démontré chez la souris, tandis que chez l’homme, l’application d’une enzyme de réparation des dimères de pyrimidine, l’endonucléase bactérienne T4, chez des patients atteints de xeroderma pigmentosum exerce un effet préventif sur la survenue de lésions prénéoplasiques ou néoplasiques (carcinomes basocellulaires) par comparaison à l’application d’un placebo.

L’efficacité de cette enzyme de réparation des dimères de pyrimidine reste à tester sur les réactions d’HSC chez l’homme.

Conséquences cliniques de la photo-immunologie :

Les effets immunosuppressifs des UVB s’expriment également chez l’homme.

Ainsi, les doses infraérythémales d’UVB empêchent la sensibilisation vis-à-vis d’un haptène appliqué en zone irradiée.

Cependant, seuls certains individus développent une tolérance spécifique d’haptène.

En 1990, Yoshikawa et al suggéraient la notion d’immunosusceptibilité aux effets immunosuppressifs des UV. En effet, ces auteurs montraient une inégalité interindividuelle, puisque environ 40 à 50 % des volontaires sains exposés aux UVB développaient une inhibition de l’induction des réactions d’HSC.

Les autres sujets testés demeuraient résistants aux effets immunosuppressifs des UVB et exprimaient une réaction d’HSC normale en zone irradiée.

A – MALADIES INFECTIEUSES :

Dès le début du XXe siècle, les médecins avaient constaté que l’exposition à la « lumière » pouvait être utilisée de façon bénéfique pour la guérison de la tuberculose cutanée mais pas pour les lésions de varicelle ou de tuberculose pulmonaire.

Actuellement, l’exposition solaire est reconnue comme jouant un rôle important chez l’homme dans les interactions de deux virus, l’herpes simplex virus (HSV) et les papillomavirus humains (HPV), avec leurs hôtes.

L’exposition solaire brutale est un stimulus retrouvé dans environ un tiers des cas à l’origine des récurrences herpétiques.

Les mécanismes impliqués dans l’effet stimulant des UV ne sont pas connus, mais on peut supposer une réactivation de l’HSV dans le ganglion par l’activation dans le génome viral d’éléments régulateurs sensibles aux UV.

Le virus migre alors le long de l’axone et se réplique à sa périphérie.

Cet événement peut être contrôlé par la réponse immunitaire de l’hôte et il existe des résultats montrant que l’exposition aux UV peut supprimer temporairement cette phase régulatrice par un effet sur la présentation locale de l’antigène, permettant la réplication virale et l’induction d’une lésion clinique.

En ce qui concerne les HPV, la plupart sont associés au développement de carcinomes spinocellulaires chez des patients immunodéprimés, en particulier chez les transplantés rénaux et chez les patients porteurs d’une maladie génétique rare, l’épidermodysplasie verruciforme, qui s’accompagne également d’un déficit de l’immunité cellulaire.

Dans ces deux situations, les tumeurs cutanées se développent presque toujours sur les zones corporelles les plus exposées à l’irradiation solaire, telles que le visage et le dos des mains.

Les interactions entre les HPV, l’hôte, et les UV dans le processus oncogénique ne sont pas bien connues en raison de leur complexité.

Les HPV permettraient aux cellules épithéliales de poursuivre leur cycle cellulaire malgré les altérations mutagènes induites par les UV, via l’inhibition de l’apoptose par les oncoprotéines virales E6.

Les mécanismes moléculaires de l’inhibition de l’apoptose par les HPV impliqueraient, soit une voie directe, indépendante de la p53, soit une voie indirecte, dépendante de p53.

De plus, la réponse immunitaire antivirale Th1 de l’hôte à proximité du site infecté par l’HPV peut être inhibée par les UV, y compris chez les patients déjà immunodéprimés par la prise de chimiothérapie dans le cas des transplantés d’organes ou génétiquement, dans le cas de l’épidermodysplasie verruciforme.

Il a été suggéré qu’un troisième type de virus, le virus de l’immunodéficience humaine (VIH), pourrait être influencé par l’exposition aux radiations UV.

En effet, la peau est impliquée au cours de tous les stades de la maladie liée au VIH.

Le VIH est également activé par les UV dans des modèles d’animaux transgéniques ou dans des systèmes de culture in vitro. De plus, les cellules de Langerhans ou les cellules dendritiques infectées par le VIH migrent vers les ganglions satellites sous l’influence de l’irradiation UV.

Au niveau ganglionnaire, ces cellules pourraient entraîner l’infection des lymphocytes T.

Enfin, l’irradiation UV amplifie le profil cytokinique Th2 qui est déjà présent au stade symptomatique du syndrome de l’immunodéficience acquise (sida).

Cependant, il n’a jamais été montré de façon convaincante que l’exposition au soleil pouvait aggraver l’infection latente par le VIH, ou l’évolution du sida, ou encore augmenter le risque d’infection microbienne chez les patients porteurs du VIH.

Les UV peuvent également supprimer les réactions d’HSR aux agents microbiens tels que la lépromine (Mycobacterium leprae), le bacille de Calmette-Guérin (Mycobacterium tuberculosis) et Candida albicans.

Les conséquences de l’irradiation UV sur la résistance, la réinfection ou la réactivation de micro-organismes latents demeurent actuellement inconnues.

Si un nombre limité d’infections humaines sont modifiées par l’exposition aux UV, plusieurs modèles animaux ont été développés permettant d’apporter des précisions sur l’influence des UV au cours des phénomènes infectieux.

La plupart impliquent des souris ou des rats et les agents infectieux sont, soient viraux (HSV, virus leucémique murin, cytomégalovirus du rat et réovirus), soient bactériens (Mycobacterium bovis, Mycobacterium leapraemurium, Listeria monocytogenes et Borrelia burgdorferi), soient des levures (Candida albicans), soient des protozoaires (Leishmania major et Schistosoma mansoni), soient des vers (Trichinella spiralis), et les radiations UV entraînent la suppression de la résistance de l’hôte au micro-organisme infectant.

Il est cependant difficile actuellement d’extrapoler à l’homme les résultats immunologiques obtenus à partir de modèles animaux d’infection.

B – MALADIES AUTO-IMMUNES :

De nombreuses maladies auto-immunes sont déclenchées ou aggravées par l’exposition aux UV, en particulier le lupus, les dermatoses bulleuses auto-immunes et la dermatopolymyosite. Bien que les mécanismes étiopathogéniques de ces maladies soient souvent mal connus, il est paradoxal de constater que les UV sont capables d’exacerber ces maladies malgré leur activité immunosuppressive.

Différentes hypothèses ont été suggérées.

Ainsi, les UV stimuleraient directement la synthèse des antigènes de la pemphigoïde bulleuse.

Dans la peau de patients atteints de pemphigus foliacé, les UVB stimulent l’adhésion intraépidermique des autoanticorps spécifiques et le recrutement épidermique de polynucléaires neutrophiles favorisant ainsi l’acantholyse.

Dans le lupus, les manifestations cutanées de photosensibilité sont associées à la présence d’autoanticorps dirigés contre les ribonucléoprotéines SS-A/Ro et SS-B/La.

Ces autoanticorps sont dirigés contre des antigènes qui sont des polypeptides de poids moléculaire de 46 à 60 kDa, aptes à se lier à des acides ribonucléiques (ARN) cytoplasmiques de petite taille riches en uridine.

Ces antigènes sont exprimés à la surface des kératinocytes humains en culture irradiés par des UV, l’irradiation UV entraînant le transfert de ces antigènes du noyau et/ou du cytoplasme vers la surface de la cellule.

La liaison antigène-anticorps est susceptible d’être internalisée sous l’effet des UV et induirait des réactions de cytotoxicité dirigées contre les cellules épidermiques.

Un des mécanismes suggérés pour cette auto-immunisation vis-àvis des protéines SS-A/Ro impliquerait l’homologie avec des protéines étrangères, de nature virale par exemple.

De plus, l’irradiation UV induit l’expression, à la surface des kératinocytes, de molécules d’adhérence (ICAM-1) dont le ligand privilégié est une autre molécule d’adhérence, leucocytaire cette fois, le LFA-1 (lymphocyte-function-associated antigen).

Son rôle dans les phénomènes de reconnaissance antigénique, dans la migration leucocytaire ou dans les phénomènes de cytotoxicité est établi.

Enfin, les UV induisent la libération par les kératinocytes de cytokines comme l’IL1 ou le TNF-alpha, qui jouent un rôle pro-inflammatoire dans les lésions lupiques photodéclenchées.

Les phénomènes immunosuppressifs des UV interviendraient uniquement pour moduler l’intensité de la réaction immunologique.

Ainsi, chez les modèles murins de lupus, l’irradiation des animaux par les UVB diminue les symptômes d’auto-immunité et prolonge leur survie.

C’est pourquoi certaines équipes ont utilisé les UV (photochimiothérapie extracorporelle ou UVA1) pour traiter de façon efficace les manifestations extracutanées des patients lupiques.

C – CARCINOGENÈSE CUTANÉE :

L’importance de l’immunosuppression induite par les UV sur la croissance de clones tumoraux a été bien démontrée, en particulier pour le mélanome.

L’effet stimulant des UV ne s’exerce que sur des animaux immunocompétents et pour des tumeurs immunogéniques suggérant l’implication de mécanismes immunologiques dans l’échappement des cellules tumorales à la surveillance immunitaire.

En revanche, l’effet stimulant des UV sur le développement des mélanocytes tumoraux n’est pas lié à une altération des cellules de Langerhans épidermiques ou à une inhibition des réactions locales d’HSR à un haptène, mais est transmissible par des médiateurs solubles produits par les kératinocytes irradiés.

Si l’effet stimulant des UV n’est pas lié à un blocage de la voie afférente de la réponse immunitaire antimélanocytaire, une altération de la voie lymphocytaire efférente pourrait être impliquée.

La population lymphocytaire T suppressive induite par les UV et responsable de l’inhibition des réactions d’HSR reste encore mal caractérisée et semble différente selon les modèles expérimentaux.

Donawho et al ont montré que l’effet stimulant des UV sur la croissance des mélanocytes tumoraux était associé à une inhibition de la voie lymphocytaire efférente et à des perturbations fonctionnelles et quantitatives des lymphocytes T infiltrant la tumeur implantée dans l’oreille des souris après irradiation UV.

Toutefois, les caractéristiques phénotypiques de la population lymphocytaire T impliquée dans l’effet stimulant des UV n’ont pas encore été déterminées, alors que les lymphocytes CD4+ et CD8+ semblent participer au rejet des cellules mélanocytaires tumorales chez les animaux non irradiés.

Le rôle suppressif des UV sur l’élimination des clones cellulaires néoplasiques est également suggéré chez l’homme par la plus grande fréquence des cancers cutanés en zone exposée chez les patients présentant une immunosuppression génétique (xeroderma pigmentosum) ou acquise (greffés d’organes).

De plus, plus de 90 % des patients présentant un carcinome cutané en zone photoexposée seraient sensibles aux effets immunosuppressifs des UVB sur la réaction d’HSC.

Utilisation thérapeutique de la photo-immunosuppression :

L’immunosuppression induite par les UV permet d’expliquer les effets thérapeutiques de la photothérapie classique dans le traitement de nombreuses dermatoses à médiation lymphocytaires T (dermatite atopique, pelade, maladie du greffon contre l’hôte, lymphome cutané, psoriasis…).

La photochimiothérapie extracorporelle est un procédé thérapeutique original qui combine une leucaphérèse et une PUVAthérapie (association psoralène et radiation UVA) ex vivo.

Il s’agit donc d’une manipulation de cellules humaines, puisque les cellules mononucléées du malade sont prélevées, traitées ex vivo par un photosensibilisant, le 8-méthoxypsoralène (8-MOP), et une irradiation UVA, avant d’être réinjectées.

Le but de cette thérapie cellulaire est d’induire une modulation de la réponse immunitaire cellulaire comparable à celle observée après photothérapie in vivo.

Les mécanismes d’action de la photochimiothérapie extracorporelle ne sont pas encore éclaircis et font l’objet d’hypothèses.

Les cibles moléculaires de la photochimiothérapie extracorporelle se situent au niveau membranaire, cytoplasmique et nucléaire.

L’effet thérapeutique semble reposer sur la conjonction de plusieurs effets biologiques et deux hypothèses principales ont été proposées.

Le 8-MOP, après pénétration dans les lymphocytes et activation par les UVA, inhibe la réplication et la transcription génique, puis entraîne l’arrêt de la prolifération des cellules traitées.

Les cellules traitées sont alors rapidement éliminées de l’organisme par ce processus de photodestruction qui induit une apoptose lymphocytaire.

Mais ce processus de photo-inactivation cellulaire ne représente probablement qu’un mode d’action mineur de la photochimiothérapie extracorporelle.

En effet, la photochimiothérapie extracorporelle s’accompagne d’une augmentation de l’expression des antigènes d’histocompatibilité de classe I et II (qui interviennent dans la présentation de l’antigène), et de la production de lymphocytes T suppresseurs spécifiques CD8+.

De plus, les corps apoptotiques libérés par la destruction des lymphocytes traités seraient phagocytés par les macrophages du patient et différents antigènes lymphocytaires modifiés seraient ainsi présentés au système immunitaire qui déclencherait une réponse spécifique.

L’immunogénicité lymphocytaire pourrait être également modifiée suite à des altérations physicochimiques induites par la photochimiothérapie extracorporelle.

Ces perturbations immunologiques seraient à l’origine de l’élimination des clones lymphocytaires pathologiques par une réaction anti-idiotypique (autovaccination).

En effet, la partie idiotypique du récepteur des lymphocytes T pathogènes modifiée sous l’effet des altérations physicochimiques induites par la photochimiothérapie extracorporelle deviendrait immunogène et déclencherait une réponse immunitaire par des cellules portant des récepteurs antiidiotypiques du clone pathogène.

Plusieurs modèles expérimentaux chez l’animal ont confirmé l’immunomodulation induite in vivo par la photochimiothérapie extracorporelle et ont motivé son utilisation chez l’homme pour le traitement de diverses affections caractérisées par une prolifération anarchique de certains clones lymphocytaires T bénins ou malins (lymphomes cutanés T, maladies auto-immunes, transplantation d’organe, maladie du greffon contre l’hôte).

Si toutes les données de la littérature s’accordent sur le fait que la photochimiothérapie extracorporelle est très bien tolérée et n’entraîne que peu d’effets secondaires, sa place en thérapeutique humaine n’est pas encore définie et l’efficacité thérapeutique de cette technique reste encore à démontrer par des études contrôlées.

Conclusion :

Les radiations UV, composante majeure de l’environnement de l’homme, sont responsables d’effets immunosuppressifs connus depuis plus de 30 ans.

Si la connaissance des mécanismes cellulaires, humoraux et moléculaires a fait d’immenses progrès ces dernières années, il persiste encore de nombreuses inconnues, en particulier chez l’homme.

Ces effets immunosuppressifs entraînent de nombreuses conséquences sur la vie humaine, puisqu’ils sont impliqués dans la carcinogenèse cutanée et l’évolution de certaines infections, et sont utilisés pour le traitement de nombreuses dermatoses à médiation lymphocytaire.

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