Pemphigus (Suite)

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Première partie

4- Examens complémentaires :

* Histologie :

L’aspect rencontré est proche de celui des pemphigus idiopathiques correspondants.

Certains auteurs ont essayé d’individualiser des aspects histologiques permettant d’orienter le diagnostic ce qui ne sembla pas concluant.

Le niveau de clivage peut varier d’une lésion à l’autre et même dans la même lésion chez un même patient.

Pemphigus (Suite)Certains auteurs insistent sur la valeur pronostique de l’immunomarquage à l’aide d’un anticorps anti-Dsg.

En effet, un aspect en « résille », identique à celui de la peau normale, permet d’espérer une guérison spontanée à l’arrêt du médicament, alors qu’un aspect en « motte », identique à celui observé au cours des pemphigus « idiopathiques », doit faire craindre une autonomisation.

* Examens immunologiques :

Les aspects obtenus en IFD sont identiques à ceux rencontrés au cours des pemphigus idiopathiques. Des anticorps circulants sont observés dans environ 70 % des cas, à des titres classiquement modérés.

Les antigènes reconnus en immunoblot sont les mêmes que ceux reconnus au cours des pemphigus superficiel ou vulgaire auto-immuns : Dsg1 (165 kDa) et Dsg3 (130 kDa).

Dans de rares cas, il n’est pas retrouvé d’autoanticorps dans l’épiderme ni dans le sérum.

Ces cas correspondent habituellement aux pemphigus qui régressent spontanément à l’arrêt du traitement.

5- Évolution :

L’évolution permet de distinguer les pemphigus induits, régressant à l’arrêt du médicament inducteur, et les pemphigus auto-immuns déclenchés par le médicament qui s’autonomisent malgré l’arrêt de ce dernier.

Une régression spontanée, plus ou moins rapide, s’observe à l’arrêt du traitement dans 50 % des cas induits par les médicaments thiolés, et dans 15 % des cas induits par les médicaments non thiolés.

Pour les inhibiteurs de l’enzyme de conversion, 50 % des pemphigus induits par le captopril régressent spontanément, alors que ce n’est jamais le cas avec l’énalapril.

Dans tous les cas, il est raisonnable de contre-indiquer chez ces malades les médicaments thiolés, les pyrazolés et les antibiotiques de type pénicilline, céphalosporine et rifampicine.

F – FORMES PARTICULIÈRES DE PEMPHIGUS :

1- Associations :

* Pemphigus et maladies auto-immunes :

Un certain nombre de maladies auto-immunes ont été décrites en association aux pemphigus, qu’il s’agisse des pemphigus superficiels ou du pemphigus vulgaire : lupus érythémateux disséminé, PR, syndrome de Gougerot-Sjögren, sclérodermie, pelade, thyroïdite auto-immune, anémie hémolytique auto-immune, anticoagulant circulant antifacteur VIII, sclérose en plaques, maladie d’Addison.

L’association d’un pemphigus et d’une PR est probablement également liée, chez certains patients, à la prise de D-pénicillamine.

Des associations à d’autres maladies bulleuses auto-immunes sont également rapportées, notamment avec la pemphigoïde bulleuse et la pemphigoïde cicatricielle.

Enfin, des syndromes associant de multiples maladies auto-immunes ont été décrits (pemphigus, lupus érythémateux disséminé, syndrome de Gougerot-Sjögren, anémie hémolytique auto-immune, anticorps antithyroïdiens).

Ces associations semblent donc indiquer qu’une anomalie commune de la régulation du système immunitaire peut conduire à différentes maladies auto-immunes.

L’association à la myasthénie est particulière puisqu’il existe, dans deux tiers des cas, un thymome.

* Pemphigus et virus de l’immunodéficience humaine (VIH) :

Quelques cas de pemphigus herpétiforme ou végétant survenant chez des patients positifs au virus de l’immunodéficience humaine (VIH) sont décrits dans la littérature.

Ces observations correspondent probablement à des associations fortuites.

2- Formes de passage et chevauchement :

Des formes de passage entre pemphigus vulgaire et pemphigus superficiel ont été décrites : soit des pemphigus vulgaires évoluant vers des pemphigus superficiels, soit, plus rarement, des pemphigus superficiels évoluant vers des pemphigus vulgaires.

Par ailleurs, un certain nombre de caractéristiques cliniques et histologiques sont communes au pemphigus vulgaire et au pemphigus paranéoplasique qui se présentent tous deux avec des lésions muqueuses sévères et une acantholyse suprabasale.

Ces formes de passage et ces caractéristiques communes sont à mettre en parallèle avec le chevauchement de la réponse auto-immune, la Dsg3 étant un antigène-cible commun au pemphigus vulgaire et au pemphigus paranéoplasique, et la Dsg1 étant reconnue à la fois par les anticorps de pemphigus superficiel et les anticorps de certains pemphigus vulgaires et de certains pemphigus paranéoplasiques.

3- Pemphigus et terrain :

* Pemphigus de l’enfant :

Le pemphigus est une maladie rarissime chez l’enfant si l’on excepte le pemphigus foliacé endémique d’Amérique du Sud.

Seuls quelques cas sont décrits dans la littérature chez des enfants d’âge moyen (12 ans).

La maladie a également été décrite chez des jumeaux monozygotes, illustrant le rôle important joué par le terrain génétique.

Tous les types de pemphigus ont été décrits chez l’enfant (pemphigus vulgaire, pemphigus végétant, pemphigus érythémateux, pemphigus foliacé, pemphigus à IgA, pemphigus herpétiforme, pemphigus paranéoplasique, pemphigus induit) avec cependant, comme chez l’adulte, une prédominance de pemphigus vulgaires.

Certains auteurs ont suggéré le rôle des virus du groupe herpès ou du cytomégalovirus (CMV) dans le déclenchement de la maladie, mais ces données demandent à être démontrées.

Le pronostic est classiquement considéré comme meilleur car la maladie reste souvent localisée et est parfois sensible aux seuls dermocorticoïdes.

En cas de diagnostic tardif, elle peut cependant évoluer vers des formes extensives nécessitant des traitements systémiques (corticoïdes, immunosuppresseurs).

* Pemphigus et grossesse :

La survenue d’un pemphigus au cours de la grossesse est une éventualité rare mais possible puisqu’une cinquantaine de cas ont été décrits.

La maladie peut survenir à n’importe quel stade de la grossesse ou lors du post-partum. Dans certains cas, le pemphigus récidive à chaque grossesse.

Les complications rencontrées sont liées à la fois à la maladie et à son traitement.

La mort foetale survient dans 14 à 27 % des cas justifiant donc une surveillance foetale accrue.

Chez les patients atteints de pemphigus vulgaire, il existe un risque de pemphigus néonatal par passage transplacentaire des IgG maternelles.

La maladie, qui peut mimer une épidermolyse bulleuse héréditaire, guérit spontanément en 2 à 3 semaines avec l’élimination des anticorps maternels.

Curieusement, aucun cas de pemphigus néonatal n’a été décrit au cours du pemphigus superficiel, bien que certains enfants puissent présenter des dépôts interkératinocytaires d’IgG en IFD.

4- Pemphigus et facteurs exogènes :

* Traumatismes :

Plusieurs cas de pemphigus développés sur cicatrices chirurgicales ont été rapportés, faisant parler de phénomène de Köbner.

Ces cas étaient soit localisés à la cicatrice, soit s’étendaient au-delà.

Ils s’agissait soit de pemphigus apparu de novo, soit de récidives induites par le traumatisme.

Un phénomène de Koebner a également été rapporté après peeling, brûlures thermiques et électrocoagulation.

* Radiations :

+ Radiations ionisantes :

De rares cas de pemphigus radio-induits sont décrits dans la littérature.

Une revue générale récente recense 14 cas directement provoqués par la radiothérapie et trois cas radioaggravés.

Le délai de survenue est de quelques semaines à 1 an.

Le siège initial des lésions se situe au niveau de la zone irradiée, puis l’éruption s’étend secondairement.

L’évolution est habituellement favorable sous corticothérapie.

L’existence quasi constante d’une néoplasie sousjacente pose cependant le problème du rôle relatif du cancer et de son traitement dans l’induction du pemphigus.

+ Ultraviolets (UV) et PUVA :

Quelques observations pourraient indiquer un rôle possible des UV dans l’induction d’un pemphigus.

En effet, un cas de pemphigus foliacé aggravé après exposition aux UVB a été rapporté, de même qu’un cas induit par un coup de soleil.

Par ailleurs, il arrive que les lésions prennent une disposition photodistribuée.

Il a également été décrit l’observation d’un patient atteint de psoriasis et traité par PUVAthérapie qui a développé, au bout de 48 heures, un pemphigus se généralisant en 5 jours, mais respectant le cuir chevelu et la bouche qui n’avaient pas été exposés aux UVA.

Enfin, une étude expérimentale montre l’augmentation des anticorps fixés in vivo 5 à 24 heures après irradiation.

* Virus :

Le virus herpès simplex joue souvent, comme dans toute dermatose acantholytique (cf maladie de Hailey-Hailey et maladie de Darier), le rôle d’infection opportuniste.

Cependant, dans certains cas, l’infection virale précède la survenue du pemphigus et certains auteurs évoquent donc un potentiel rôle inducteur.

De plus, deux cas de pemphigus faisant suite à une primo-infection au virus d’Epstein-Barr et à CMV ont été décrits.

* Facteurs de contact :

De rares observations de pemphigus développés après dermatite de contact à différents produits (teinture de benjoin, solvants industriels, produits de jardinage, de nettoyage à sec, de développement photographique, pesticides, anti-inflammatoires non stéroïdiens) ont été rapportées.

* Aliments :

En 1994, Brenner et Wolf attirent l’attention sur les plantes du groupe allium (oignon, ail, poireaux) contenant de nombreux constituants possédant des groupes thiols et disulfides qui pourraient induire ou aggraver un pemphigus au même titre que les médicaments thiolés.

En 1995, ils apporteront de plus la preuve que trois composés dérivés de l’ail sont capables d’induire une acantholyse in vitro.

Un cas particulièrement démonstratif a été rapporté en 1996, puisqu’il s’agissait d’un patient ayant présenté une rémission avec un régime sans poireaux et un test de provocation oral positif.

* Stress :

Le rôle des facteurs psychologiques est bien connu dans l’induction et les rechutes de nombreuses maladies auto-immunes, mais peu de cas sont en fait rapportés.

Une psychothérapie de soutien peut être utile dans cette maladie chronique et récidivante ayant fréquemment un retentissement sur la vie quotidienne des patients.

Physiopathologie :

Le pemphigus est une maladie auto-immune spécifique d’organe touchant la peau et les muqueuses.

Il se caractérise par la production d’autoanticorps pathogènes dirigés contre des constituants du principal système de jonction interkératinocytaire : le desmosome.

La fixation des anticorps a pour conséquence la perte d’adhésion entre les kératinocytes appelée « acantholyse », et la formation de bulles intraépidermiques.

A – ANTICORPS DU PEMPHIGUS :

1- Classes et sous-classes des anticorps antisubstance intercellulaire :

* Anticorps déposés in vivo :

La mise en évidence de dépôts d’Ig à la surface des kératinocytes chez les patients atteints de pemphigus revient à Beutner en 1965.

Leur mise en évidence repose sur l’examen en IFD d’un fragment biopsique périlésionnel.

L’aspect obtenu est celui d’une « maille de filet » ou d’une « résille » (anciennement appelée substance intercellulaire) correspondant au marquage de la membrane des kératinocytes.

Les anticorps déposés sont essentiellement de classe IgG, et particulièrement de sous-classes IgG1 et IgG4 (retrouvés respectivement chez 100 et 80 % des patients) et plus rarement de sous-classes IgG2 et IgG3.

Des dépôts d’IgM sont associés dans 30 à 40 % des cas.

Des dépôts d’IgA sont parfois retrouvés en association aux IgG dans le pemphigus superficiel.

Ces anticorps d’isotype IgA sont également déposés à la surface des kératinocytes au cours du pemphigus à IgA.

Au cours du pemphigus paranéoplasique, les dépôts d’IgG sont situés à la fois sur la membrane des kératinocytes et parfois le long de la membrane basale.

Quel que soit le type de pemphigus, des dépôts de complément et en particulier de C3 sont volontiers associés aux dépôts d’Ig.

* Anticorps sériques :

Au cours du pemphigus, des anticorps circulants anti-SIC d’isotype IgG sont détectables par IFD.

Les substrats les plus utilisés sont la peau humaine, l’oesophage de singe et la langue de boeuf.

Les anticorps circulants sont essentiellement d’isotypes IgG4 et IgG1, plus rarement IgG3.

La guérison de la maladie s’accompagne d’une diminution du titre, voire d’une disparition des IgG4 alors que les IgG1 restent détectables.

Les IgG4, dont le titre est souvent plus élevé que celui des IgG1, semblent donc jouer un rôle prépondérant dans la physiopathologie des lésions cutanées alors même que cet isotype est minoritaire parmi les Ig (0,7 à 4,2 %).

Au cours du pemphigus paranéoplasique, le sérum des patients se fixe sur des substrats épithéliaux et non épithéliaux (vessie de rat, foie, coeur) non reconnus par les sérums de pemphigus vulgaire et superficiel.

2- Pathogénicité des anticorps :

* Preuves de la pathogénicité :

La pathogénicité des autoanticorps a été clairement montrée dans le pemphigus vulgaire, le pemphigus superficiel et le pemphigus paranéoplasique.

D’abord suspecté sur des éléments d’observation cliniques tels que l’évolution parallèle du taux d’anticorps et de l’activité de la maladie, l’efficacité des plasmaphérèses et les cas de pemphigus néonataux transitoires par transfert transplacentaire des autoanticorps, le rôle pathogène des anticorps a ensuite été montré dans des modèles d’acantholyse in vitro et in vivo.

+ Rapport entre le taux d’anticorps circulants et l’activité de la maladie :

Plusieurs études ont permis de montrer une corrélation entre le titre des anticorps anti-SIC et l’activité de la maladie.

Cette corrélation semble plus forte pour les pemphigus graves avec un taux élevé d’anticorps et est retrouvée aussi bien au cours du pemphigus vulgaire qu’au cours du pemphigus superficiel.

Après rémission, le risque de récidive est plus élevé chez les patients chez lesquels persistent des anticorps circulants détectables en IFI.

La présence d’anticorps fixés in vivo constituerait également un facteur prédictif de rechute.

La surveillance du titre des anticorps anti-SIC en IFI reflétant l’activité de la maladie constitue donc un élément de surveillance intéressant chez les patients traités ou en rémission.

+ Pemphigus néonataux :

Les IgG présentes dans la circulation du nouveau-né sont essentiellement d’origine maternelle.

Dans la plupart des cas rapportés de pemphigus vulgaires survenus au cours d’une grossesse, le nouveau-né présentait des lésions cliniques et histologiques de pemphigus vulgaire ainsi qu’une IFD positive.

La plupart des nouveau-nés présentaient également des anticorps circulants qui disparaissaient parallèlement aux signes cliniques en 2 semaines à 2 mois correspondant à la disparition des anticorps maternels.

Ces observations plaident donc fortement en faveur du rôle pathogène des autoanticorps d’origine maternelle chez le nouveau-né.

Au cours du pemphigus superficiel et en particulier au cours du pemphigus endémique, aucun cas de pemphigus néonatal n’a été rapporté.

Cependant, certains nouveau-nés présentent des dépôts interkératinocytaires d’IgG ainsi que des anticorps circulants en IFI.

L’absence de lésion clinique pourrait être due au faible titre des IgG4 dans la circulation foetale, cette classe d’Ig passant mal la barrière placentaire.

+ Modèles d’acantholyse in vivo :

Un modèle animal mis au point par Anhalt et al en 1982 a permis d’apporter la preuve définitive de la pathogénicité des anticorps au cours du pemphigus.

L’injection intrapéritonéale à des souriceaux nouveau-nés Balb/C d’IgG purifiées à partir de sérums de pemphigus vulgaire, superficiel ou paranéoplasique, entraîne, en 18 à 72 heures, des lésions cutanées semblables à celles observées dans la maladie humaine.

L’image histologique et l’IFD de ces lésions sont superposables à celles du pemphigus humain, de même que les modifications ultrastructurales observées en microscopie électronique.

L’acantholyse obtenue est dose-dépendante et spécifique.

Il a pu être montré dans ce modèle que les anticorps pathogènes du pemphigus endémique sont les IgG4.

Ce modèle a également permis de montrer le rôle pathogène des anticorps anti-Dsg3 au cours du pemphigus paranéoplasique.

Un autre modèle expérimental de pemphigus a été développé plus récemment, consistant à greffer de la peau humaine à des souris immunodéficientes (severe combined immunodeficient : SCID) reconstituée avec des lymphocytes sanguins de patients atteints de pemphigus.

Plus récemment, un anticorps monoclonal pathogène a été dérivé par immunisation d’une souris Balb/c avec de la Dsg3 recombinante.

Enfin, Amagai et al ont développé dernièrement un astucieux modèle de pathogénicité fondé sur la reconstitution de souris Rag-/- avec des splénocytes de souris Dsg3KO immunisées avec de la Dsg3 recombinante murine.

Les souris Rag-/- développent alors des lésions cutanées et muqueuses très proches de celles observées au cours du pemphigus vulgaire.

+ Modèles d’acantholyse in vitro :

Ces modèles permettent d’étudier le pouvoir pathogène des anticorps sur des kératinocytes ayant une différenciation aussi proche que possible de celle des kératinocytes in vivo.

Les modèles utilisés sont des cultures de peau humaine totale, des cultures organotypiques ou des cultures de kératinocytes, modèle moins physiologique mais permettant de quantifier l’acantholyse.

Le rôle pathogène des IgA dans le pemphigus à IgA a été montré à l’aide de cette technique.

Ces modèles ont également permis l’étude ultrastructurale des modifications cellulaires induites par la fixation des anticorps à la surface des kératinocytes : les IgG sériques de pemphigus sont internalisées dans les cellules acantholytiques au sein de vésicules d’endocytose qui fusionnent avec les lysosomes.

Il se produit ensuite une réorganisation du cytosquelette au niveau des filaments intermédiaires de cytokératine et des microtubules.

* Mécanismes de pathogénicité :

Le desmosome constitue le principal système de jonction interkératinocytaire.

Les cadhérines desmosomales jouent un rôle important dans l’adhésion interkératinocytaire en reliant les deux hémidesmosomes.

Ce rôle a été montré récemment grâce à un modèle de souris invalidé pour le gène de la Dsg3 (Dsg3null).

En effet, ces animaux qui n’expriment pas la Dsg3 présentent un retard de croissance lié à des lésions oropharyngées semblables à celles observées au cours du pemphigus et gênant l’alimentation.

La présence d’une acantholyse suprabasale et d’une disjonction des desmosomes a pu être montrée par l’examen de biopsies muqueuses en histologie standard et en microscopie électronique.

La survenue de lésions proches de celles du pemphigus vulgaire chez la souris Bal (présentant une mutation du gène de la Dsg3 responsable d’un codon stop), constitue une autre preuve du rôle de cette protéine desmosomale dans l’adhésion interkératinocytaire.

Les mécanismes par lesquels les autoanticorps perturbent la fonction d’adhésion des desmogléines restent controversés.

Certaines théories font intervenir un blocage direct de la fonction adhésive des desmogléines par les anticorps.

D’autres suggèrent que l’acantholyse résulterait de l’activation de systèmes protéasiques par les autoanticorps.

+ Mécanismes d’acantholyse non spécifiques de l’antigène :

Une des hypothèses permettant d’expliquer l’acantholyse induite par les autoanticorps au cours du pemphigus repose sur la sécrétion par les kératinocytes d’activateurs de protéases responsables de la dégradation des glycoprotéines de la desmoglie.

Cette hypothèse est fondée sur la mise en évidence d’une activité protéasique et d’une sécrétion d’activateur du plasminogène par des kératinocytes en culture lors de l’adjonction d’anticorps de pemphigus.

Une activité protéasique a également pu être mise en évidence in vivo dans des liquides de bulle prélevés chez des malades atteints de pemphigus.

Le principal activateur sécrété est de type urokinase (uPA).

Récemment, il a pu être montré que les anticorps stimulent l’expression à la surface des kératinocytes du récepteur de l’activateur du plasminogène.

L’activation du plasminogène entraîne la production de plasmine, enzyme protéolytique capable de digérer les protéines de la desmoglie.

Il a par ailleurs été montré que des inhibiteurs de protéases et des anticorps antiurokinases étaient capables d’inhiber l’acantholyse induite par les anticorps de pemphigus vulgaires dans différents modèles (souriceau Balb/C, culture de peau humaine).

De la même façon, l’adjonction de plasminogène sur des cultures de peau humaine est capable de majorer l’acantholyse induite par ces anticorps.

Enfin, il a également été montré que les kératinocytes sont capables de sécréter deux inhibiteurs de l’activateur du plasminogène (dont l’un peut prévenir l’acantholyse induite par les IgG de pemphigus) et qui interviendraient donc dans la régulation de l’activité protéasique induite par le kératinocyte.

Par ailleurs, des études récentes ont montré que la fixation des anticorps de pemphigus vulgaire à la surface des kératinocytes induisait l’activation de signaux de transduction intracellulaire pouvant être à l’origine de l’augmentation d’activité du plasminogène.

En effet, sur des kératinocytes en culture, les anticorps de pemphigus vulgaire et de pemphigus foliacé induisent de façon spécifique une augmentation de la concentration intracellulaire en Ca2+ faisant suite à une augmentation de l’inositol 1,4,5-triphosphate (IP3) secondaire à l’hydrolyse de l’inositol biphosphate par la phospholipase C (PLC).

Les anticorps de pemphigus vulgaire sont également capables d’induire une activation de la protéine kinase C (PKC).

Or l’activation de la PKC est capable d’induire une augmentation d’activité des activateurs du plasminogène et l’expression de son récepteur.

Il est donc proposé que l’activation du kératinocyte par les autoanticorps aboutisse à la sécrétion d’activateur du plasminogène.

Un certain nombre de données expérimentales sont cependant en contradiction avec le rôle du plasminogène dans l’acantholyse.

En effet, l’augmentation de l’activateur du plasminogène est peu spécifique et a été rapportée dans d’autres lésions cutanées dépourvues d’acantholyse.

Par ailleurs, une étude récente utilisant la microscopie confocale, l’IME et la technique fluorescent overlay antigen mapping (FOAM) a permis de montrer que la dégradation protéolytique des desmosomes était un phénomène secondaire survenant sur des desmosomes déjà dissociés.

Enfin, la démonstration que le système plasminogène-plasmine n’est pas nécessaire à l’acantholyse a été fournie récemment par Mahonay, Wang et Stanley qui ont montré qu’un souriceau nouveau-né knockout pour le gène de l’urokinase développe des lésions de pemphigus similaires à celles d’une souris normale après transfert passif d’autoanticorps de pemphigus vulgaire et de pemphigus foliacé.

Ainsi, le système plasminogène-plasmine pourrait n’intervenir que secondairement dans l’acantholyse et jouer un rôle uniquement dans l’extension des lésions.

Le rôle du complément dans l’acantholyse reste controversé.

Des données concordantes indiquent que le système complémentaire n’est pas nécessaire à l’induction de l’acantholyse.

Il pourrait cependant jouer un rôle en amplifiant les lésions générées par d’autres mécanismes pathogènes.

Il a été montré in vitro que l’acantholyse pouvait être obtenue par l’adjonction des seuls autoanticorps en l’absence de complément.

Anhalt et al ont montré que des lésions de pemphigus pouvaient être provoquées chez le souriceau nouveau-né Balb/C par injection intrapéritonéale du seul fragment F(ab’)2 qui est incapable d’activer le complément.

Enfin, le transfert passif d’IgG à des souris déficientes en fraction C5 du complément est également capable d’induire une acantholyse.

Cependant, de nombreuses études d’IFD ont montré la présence de dépôts de complément, notamment du complexe membranaire (C5b-9) dans les espaces interkératinocytaires chez les patients atteints de pemphigus.

La mise en évidence du complexe d’attaque membranaire (C5b-9) dans la peau lésionnelle traduit de plus une activation locale du complément.

Enfin, une étude récente a montré une colocalisation entre les dépôts de complément (C3 et C5b-9) et les phénomènes d’acantholyse chez les malades atteints de pemphigus vulgaire.

Des études fonctionnelles viennent confirmer le rôle probable du complément.

En effet, si les IgG de sérums de patients atteints de pemphigus sont capables d’induire à elles seules l’acantholyse in vitro, il a cependant été montré que l’adjonction de complément augmente significativement l’acantholyse.

De la même façon, la déplétion en fragment C3 du complément, chez le souriceau Balb/C, par injection de venin de cobra entraîne un délai dans la survenue de l’acantholyse.

Si le complément n’apparaît donc pas indispensable à l’induction de l’acantholyse, il semble cependant capable de l’amplifier.

La voie par laquelle le complément est activé dans les lésions de pemphigus reste à déterminer.

En effet, les IgG4 n’ont pas la capacité d’activer le complément.

Les IgG1 et les IgG3 déposées en association aux IgG4 pourraient donc être responsables de l’activation de la voie classique.

Une alternative reposerait sur la production de C3 par le kératinocyte lui-même lorsque ce dernier est activé par la fixation des autoanticorps.

Puisque, à l’exception du pemphigus paranéoplasique, aucune nécrose cellulaire n’est observée au cours du pemphigus, le complément semble agir plus via le recrutement de cellules inflammatoires et par la libération de facteurs chimiotactiques que par l’action directe du complexe d’attaque.

Le relargage par ces cellules d’enzymes protéolytiques pourrait faciliter l’acantholyse.

+ Mécanismes spécifiques de l’antigène :

Des données récentes apportent des arguments convaincants en faveur d’une altération spécifique des fonctions adhésives de la Dsg1 et de la Dsg3 par les anticorps correspondants dans les différentes formes de pemphigus.

En effet, une stricte corrélation entre la spécificité des anticorps transférés au souriceau nouveau-né (anticorps anti-Dsg3 et/ou anti-Dsg1) et le phénotype clinique et histologique de la maladie développée par l’animal a pu être montrée.

Chez les patients atteints de pemphigus vulgaire, il a été montré que la présence d’anticorps anti-Dsg1 en plus des anticorps anti-Dsg3 est corrélée à l’extension des lésions cutanées.

Au contraire, les patients n’ayant que des anticorps anti-Dsg3 ont une atteinte muqueuse pure.

La topographie des lésions est en accord avec la distribution relative de la Dsg1, fortement exprimée au niveau de la peau, et celle de la Dsg3 fortement exprimée sur toute l’épaisseur de la muqueuse orale et sur les couches les plus basales de l’épiderme.

Ainsi, l’acantholyse ne peut être obtenue au niveau de la peau que par l’action combinée d’anticorps dirigés contre la Dsg1 et contre la Dsg3 (acantholyse profonde du pemphigus vulgaire) ou l’action d’anticorps anti-Dsg1 seuls (acantholyse superficielle du pemphigus foliacé) tandis que les anticorps anti-Dsg3 seuls peuvent entraîner une perte d’adhésion au niveau muqueux du fait de l’expression prépondérante de la Dsg3 à ce niveau.

Les mécanismes par lesquels les anticorps anti-Dsg inhibent l’adhésion interkératinocytaire ne sont pas démontrés.

Plusieurs mécanismes sont suggérés : l’anticorps pourrait agir par un simple masquage du site d’interaction entre desmogléines en se fixant possiblement sur des séquences adhésives de la Dsg.

Des données récentes permettent de proposer un autre mécanisme d’action : la fixation des anticorps de pemphigus vulgaire à la surface des kératinocytes induirait une phosphorylation de la Dsg3 qui pourrait induire la dissociation de la Dsg3 et de la plakoglobine responsable de la perte d’adhésion interkératinocytaire.

B – ANTIGÈNES DU PEMPHIGUS :

Les techniques d’IF et d’IME ont permis de localiser les antigènes du pemphigus.

Les techniques d’immunoblot et d’immunoprécipitation ont permis de déterminer leur poids moléculaire.

Le clonage des gènes codant pour les antigènes-cibles a permis de caractériser précisément les antigènes reconnus dans les différentes formes de pemphigus.

La production d’antigène sous forme recombinante permet actuellement une étude fine de la réponse auto-immune, aussi bien humorale que cellulaire.

1- Localisation :

* Pemphigus vulgaire :

La localisation ultrastructurale des antigènes reconnus par les autoanticorps au cours du pemphigus vulgaire a été étudiée par la visualisation des dépôts d’anticorps in vivo en IME directe avec marquage à la peroxydase ou à l’or.

Si tous les auteurs retrouvent des anticorps fixés au niveau de l’espace interkératinocytaire, leur localisation ultrastructurale précise reste controversée.

En effet, pour la plupart des auteurs, les dépôts d’anticorps sont situés exclusivement au niveau de la portion intercellulaire des desmosomes (desmoglie).

D’autres auteurs retrouvent des dépôts à la fois au niveau des desmosomes et des zones interdesmosomales, laissant entendre que l’antigène du pemphigus vulgaire est exprimé au niveau des desmosomes, mais aussi sur les régions non desmosomales de la membrane kératinocytaire.

* Pemphigus superficiel :

Il a été montré, dès 1977, que les dépôts d’IgG siégeaient au niveau de l’espace interkératinocytaire.

Les données les plus récentes confirment la localisation strictement desmosomale de l’antigène du pemphigus superficiel en montrant une colocalisation des anticorps de pemphigus superficiel avec des anticorps antiplakoglobine et anti-DSPK.

* Pemphigus paranéoplasique :

L’étude en IME des lésions cutanées de pemphigus paranéoplasique retrouve un marquage de la desmoglie, des plaques desmosomales et de la jonction dermoépidermique au niveau des hémidesmosomes, traduisant, comme nous le verrons plus bas, la reconnaissance d’antigènes de la desmoglie mais aussi des plaques desmosomales et hémidesmosomales.

2- Identification :

Les différentes formes cliniques du pemphigus correspondent à la reconnaissance par les autoanticorps pathogènes de plusieurs antigènes qui ont en commun d’être des constituants du desmosome.

Il existe en outre un chevauchement de la réponse immune entre les différentes formes, ne permettant pas d’associer de façon stricte un type de pemphigus à un antigène donné, mais plutôt à un profil de reconnaissance antigénique.

* Pemphigus vulgaire :

L’identification de l’antigène reconnu par les anticorps responsables du pemphigus vulgaire s’est faite par immunoprécipitation d’extraits kératinocytaitres par les sérums de patients.

Ces sérums sont capables d’immunoprécipiter un complexe protéique de 210 kDa.

Ce complexe est constitué d’une protéine de 130 kDa, la Dsg3, et d’une protéine de 85 kDa, la plakoglobine.

C’est la Dsg3 qui est reconnue par les autoanticorps lorsque les sérums de patients sont testés en immunotransfert sur extrait d’épiderme humain ou de tissu bovin.

La plakoglobine est coprécipitée avec la Dsg3 car elle est reliée à cette dernière par des ponts disulfures, mais n’est pas reconnue par les autoanticorps en immunoblot.

Le gène codant pour la Dsg3 a été cloné par criblage de banque d’expression de kératinocytes avec des sérums de patients.

La Dsg3 est une glycoprotéine transmembranaire de 130 kDa présentant des sites de fixation du calcium et appartenant à la superfamille des cadhérines, molécules d’adhésions calcium-dépendantes.

L’utilisation de protéines recombinantes a permis de montrer que les sérums de pemphigus vulgaire reconnaissent en immunoblot la région extracellulaire de la Dsg3.

Ces anticorps sont pathogènes puisque l’immunoadsorption des sérums de malades sur la portion extracellulaire de la Dsg3 abolit le pouvoir pathogène de ces sérums.

L’utilisation de protéines de fusion produites dans Escherichia coli a permis de localiser des épitopes reconnus par les autoanticorps sur les domaines EC1 et EC2.

* Pemphigus superficiels :

Les sérums de pemphigus superficiels immunoprécipitent un complexe antigénique de 260 kDa constitué d’une protéine de 160 kDa, la Dsg1, et de la plakoglobine.

En immunotransfert, c’est la Dsg1 qui est reconnue par les sérums de patients atteints de pemphigus séborrhéique, de pemphigus érythémateux, de pemphigus foliacé et de pemphigus endémique.

Comme pour la Dsg3, la plakoglobine est reliée au domaine intracytoplasmique de la Dsg1 qu’elle ancre ainsi dans la plaque desmosomale mais n’est pas reconnue par les autoanticorps.

Le gène de la Dsg1 a été cloné, ce qui a permis de rattacher la Dsg1, comme la Dsg3, à la famille des cadhérines desmosomales.

La Dsg1 est une glycoprotéine de 160 kDa, de structure très proche de celle de la Dsg3.

Cinquante pour cent des sérums reconnaissent le domaine extracellulaire de la Dsg1 en immunoblot et en IF sur cellules COS transfectées.

Ces anticorps sont pathogènes chez le souriceau Balb/C et sont en majorité dirigés contre des épitopes de nature conformationnelle.

Pour certains auteurs, la plupart des sérums de pemphigus superficiel reconnaissent les régions EC1-EC2 de la molécule, alors qu’un nombre plus restreint de sérums reconnaissent EC3-EC4 et EC2-EC3.

Pour d’autres auteurs, l’épitope dominant est situé près de la membrane cytoplasmique.

* Nouvelles formes de pemphigus :

+ Pemphigus paranéoplasique :

Les sérums de patients atteints de pemphigus paranéoplasique immunoprécipitent un complexe antigénique composé de protéines de 250, 230, 210, 190 et 170 kDa.

La quasi-totalité de ces bandes sont maintenant identifiées.

L’antigène de 250 kDa correspond à la DSPK2, celui de 230 kDa à l’antigène majeur de la pemphigoïde bulleuse (BPAG1), la bande de 210 kDa est en fait constituée d’un doublet correspondant à la DSPK2 et à l’ENV, enfin l’antigène de 190 kDa a récemment été cloné et correspond à la PPL.

L’antigène de 170 kDa n’est toujours pas identifié.

Toutes ces protéines appartiennent à la famille des plakines et partagent une homologie de séquence comprise entre 30 et 60 % sur leurs différents domaines.

Elles sont impliquées dans l’attachement des filaments intermédiaires de cytokératine sur les plaques desmosomales et hémidesmosomales.

Récemment, il a pu être montré que l’HD1-plectine (PL), autre membre de la famille des plakines, de poids moléculaire élevé (> 500 kDa) la rendant difficile à identifier en immunoblot, était également reconnue par certains sérums de pemphigus paranéoplasique.

Il a récemment été montré que les sérums de pemphigus paranéoplasique contiennent non seulement des anticorps antiplakines mais aussi des anticorps anti-Dsg dont le rôle dans la physiopathologie semble de première importance.

+ Pemphigus à IgA :

Le pemphigus à IgA est une forme de pemphigus se distinguant des formes classiques par une éruption volontiers pustuleuse, la présence histologique de pustules intraépidermiques et de dépôts interkératinocytaires d’Ig d’isotype essentiellement IgA en IFD.

La localisation de l’infiltrat de polynucléaires neutrophiles en histologie et des dépôts d’IgA en IFD a fait distinguer, jusqu’à présent, deux sous-types de pemphigus à IgA pouvant avoir la même présentation clinique à type de pustulose sous-cornée : le sous-type SPD (subcorneal pustular dermatosis) est caractérisé par une pustule souscornée et des dépôts d’IgA localisés dans la partie superficielle de l’épiderme.

Dans le type IEN (intraepidermal neutrophilic), l’infiltrat neutrophilique est retrouvé sur l’ensemble de l’épaisseur de l’épiderme et les dépôts d’IgA sont retrouvés sur toute la hauteur de l’épiderme.

La Dsc1 (105-115 kDa) apparaît comme étant l’antigène-cible dans la forme SPD.

L’antigène-cible dans la forme IEN n’est pas encore identifié.

Quelques cas de pemphigus à IgA de type IEN présentant des anticorps anti-Dsg1 ou anti-Dsg3 en immunoblot ou en immunoprécipitation ont été rapportés.

+ Pemphigus herpétiforme :

Le pemphigus herpétiforme est une autre variante rare de pemphigus caractérisée le plus souvent par la présence d’anticorps anti-Dsg1, et plus rarement d’anticorps anti-Dsg3 détectables en immunoblot.

Un travail récent étudiant en Elisa la spécificité de sérums de pemphigus herpétiforme confirme cette notion en retrouvant des anticorps anti-Dsg1 dans 15 cas sur 19 et des anticorps anti-Dsg3 dans quatre cas.

3- Chevauchement de la réponse anticorps au cours des pemphigus et intérêt de la technique Elisa pour la détection des anticorps :

L’association d’un antigène-cible à un type de pemphigus (pemphigus vulgaire et Dsg3, pemphigus foliacé et Dsg1, pemphigus paranéoplasique et plakines) ne doit pas être considérée au sens strict : en effet, les Dsg1 et 3 sont en fait la cible de la réponse auto-immune dans plusieurs types de pemphigus.

Entre la moitié et les deux tiers des patients atteints de pemphigus vulgaire ont, dans leur sérum, des anticorps anti-Dsg1 en plus des anticorps anti-Dsg3.

D’autre part, certains patients atteints de pemphigus vulgaire peuvent rechuter avec des manifestations de pemphigus séborrhéique et réciproquement.

Une étude en Elisa a montré que les patients ayant une atteinte muqueuse prédominante n’ont que des anticorps anti-Dsg3, alors que les patients ayant à la fois une atteinte muqueuse et une atteinte cutanée ont à la fois des anticorps anti-Dsg1 et anti-Dsg3.

Il a été montré, dans le modèle de transfert passif au souriceau Balb/C, que les anticorps anti-Dsg1 présents dans les sérums de pemphigus vulgaire étaient pathogènes et nécessaires, en association aux anticorps anti-Dsg3, pour produire un clivage épidermique suprabasal.

Ainsi, le profil sérologique des patients peut être corrélé au type clinique de pemphigus : les sérums ne contenant que des anticorps anti-Dsg1 correspondent à des pemphigus séborrhéiques, les sérums ne contenant que des anticorps anti-Dsg3 correspondent à des formes muqueuses prédominantes de pemphigus vulgaire et les sérums contenant les deux types d’anticorps correspondent à des formes cutanéomuqueuses de pemphigus vulgaire.

La principale difficulté pour l’application de ces critères reste la difficulté de détection des anticorps anti-Dsg1.

En effet, l’aspect obtenu en IF dans les différentes formes de pemphigus est le plus souvent superposable.

De plus, la sensibilité de détection des anticorps anti-Dsg1 en immunoblot est limitée du fait de la dénaturation des antigènes.

Les tests Elisa utilisant des desmogléines recombinantes allient une bonne sensibilité (95 %) et une bonne spécificité (96 %).

Non encore disponible en routine, ces tests vont probablement constituer à court terme l’examen de choix dans l’exploration des pemphigus.

Le pemphigus paranéoplasique constitue une seconde illustration du chevauchement de la réponse anticorps au cours des pemphigus.

En effet, après la mise en évidence en immunoblot d’anticorps anti-Dsg3 et anti-Dsg1 dans des sérums de patients atteints de pemphigus paranéoplasique, des données récentes ont confirmé ces résultats grâce à l’utilisation des tests Elisa anti-Dsg1 et anti-Dsg3 : 100 % des sérums de pemphigus paranéoplasique contiennent des anticorps anti-Dsg3 et 65 % des anticorps anti-Dsg1.

Les anticorps anti-Dsg3 sont pathogènes et leur immunoadsorption supprime le pouvoir pathogène des sérums de pemphigus paranéoplasique lors d’expériences de transfert passif au souriceau Balb/C.

Cette observation pourrait rendre compte des multiples similitudes tant cliniques (atteinte muqueuse prédominante) qu’histologiques (clivage suprabasal) rencontrées dans le pemphigus paranéoplasique et le pemphigus vulgaire.

La pathogénicité des anticorps antiplakine reste à démontrer.

Enfin, l’antigène F12 (de poids moléculaire 185 kDa) décrit initialement pour être reconnu au niveau des plaques desmosomales et des hémidesmosomes par les sérums de pemphigus paranéoplasique, l’est également par un tiers des sérums de pemphigus vulgaire et de pemphigus foliacé.

C – PEMPHIGUS, HLA ET IMMUNITÉ CELLULAIRE :

1- Génétique des pemphigus :

Plusieurs types d’arguments ont fait suspecter une susceptibilité génétique à la maladie.

Des cas de pemphigus familiaux ont été décrits, de même que la présence fréquente d’anticorps pathogènes dans le sérum des collatéraux de patients atteints de pemphigus.

Par ailleurs, le pemphigus vulgaire est plus fréquent dans certains groupes ethniques, en particulier chez les Juifs ashkénazes.

La maladie est au contraire rare dans la race noire.

Le pemphigus endémique brésilien, qui sévit avec une fréquence très augmentée dans certaines régions d’Amérique centrale, même s’il fait probablement intervenir des facteurs environnementaux, en est une autre illustration.

Enfin, l’argument déterminant repose sur la forte association entre le pemphigus et certains antigènes du complexe majeur d’histocompatibilité (CMH) essentiellement de classe II.

Certains gènes HLA de classe I ont été décrits avec une plus grande fréquence chez les patients atteints de pemphigus.

Ainsi, la fréquence des antigènes HLA-A10 et de son sous-type A26 est-elle augmentée chez les patients d’origine juive et japonaise, atteints de pemphigus vulgaire ou superficiel.

Cependant, ce sont les gènes de classe II qui semblent être le plus associés à la maladie.

En effet, il a été montré dans différents groupes ethniques que les génériques DR4 et DR14 en déséquilibre de liaison avec respectivement les allèles DQB1*0302 et DQB1*0503 constituent des facteurs de prédisposition à la maladie.

Les études en biologie moléculaire indiquent que l’allèle DRB1*0402 (un des allèles DR4) est le principal allèle de susceptibilité au pemphigus vulgaire retrouvé chez les Juifs ashkénazes, mais également dans d’autres populations comme les Américains non juifs, les Iraniens, les Italiens, les Espagnols et les Sardes.

Au Japon, d’autres allèles DR4 ont été retrouvés en association avec le pemphigus vulgaire (DRB1*0403, 0404 et 0406).

Pour les populations non juives, ce sont certains allèles DR14 (DRB1*1401 et 1404) qui apparaissent comme les principaux allèles de susceptibilité comme cela a pu être montré chez les Américains caucasiens non juifs, chez les Européens, les Italiens, les Sardes, les Indiens et les Pakistanais.

Deux autres allèles DR14 ont été décrits en association avec le pemphigus vulgaire dans des études japonaises, DRB1*1405 et 1406, études montrant également le rôle de prédisposition de DRB1*1401.

L’association au CMH n’est pas aussi bien documentée pour le pemphigus superficiel, à l’exception du pemphigus endémique brésilien dans lequel un allèle particulier DR1 a été incriminé, ainsi que les allèles DR4 et DR14.

En effet, des études réalisées au Brésil au sein de populations non amérindiennes et de différentes tribus indiennes ont permis d’identifier les allèles DRB1*0102, DRB1*0404 et DRB1*1402 et 1406 comme allèles de susceptibilité à la maladie.

Deux études récentes se sont intéressées à l’association du pemphigus foliacé sporadique avec les antigènes HLA de classe II.

Les mêmes génériques que dans le pemphigus vulgaire ie DR4 et DR14 ont été retrouvés en association avec le pemphigus foliacé dans une population italienne non juive et dans une population japonaise.

Chez les Italiens, une association avec l’allèle DRB1*1401 a pu être mise en évidence alors qu’aucun allèle DR4 particulier n’a pu être individualisé.

Chez les Japonais, un haplotype DR4 portant l’allèle DRB1*0406 ainsi qu’un haplotype DR14 portant l’allèle DRB1*1405 ont été montrés comme étant associés au pemphigus foliacé.

Plusieurs études ont testé la prolifération des lymphocytes T de patients atteints de pemphigus en réponse à la Dsg3 en fonction de l’haplotype HLA.

La réponse des lymphocytes T provenant de patients atteints de pemphigus vulgaire est restreinte par les molécules DRB1*0402 et DRB1*1401 indiquant le rôle prépondérant des molécules DR dans la présentation de peptides de la Dsg3 aux cellules T autoréactives.

Cependant, Hertl et al ont montré que des allèles ayant une séquence proche de DRB1*0402 mais appartenant au groupe DR11 ainsi que l’allèle DQB1*0301 pouvaient également restreindre la réponse T anti-Dsg3.

Ainsi, DR4 et DR14 apparaissent comme les principaux allèles impliqués dans la restriction de la réponse T anti-Dsg3, mais le rôle d’autres molécules HLA ne peut pas être éliminé.

L’analyse des différentes molécules HLA impliquées dans la susceptibilité au pemphigus vulgaire a montré qu’elles partageaient des caractéristiques structurales communes avec des résidus conservés en position 26, 67, 70, 71 et 86 de la chaîne b de la molécule DR, permettant une présentation sélective de peptides de la Dsg3.

Au cours du fogo selvagem, tous les allèles de susceptibilité partagent un épitope commun (shared epitope) en position 67-74 de la chaîne b de la molécule DR qui constitue le facteur de susceptibilité à la maladie le plus significatif.

Ainsi, l’association entre HLA et pemphigus est-elle très probablement liée à la capacité de certaines molécules HLA de classe II à présenter des peptides immunodominants de la Dsg3 aux lymphocytes T autoréactifs. Si les gènes HLA semblent jouer un rôle significatif dans la susceptibilité au pemphigus, ils n’expliquent pas à eux seuls le déterminisme de la maladie.

En effet, il a été montré que des sujets sains ainsi que des collatéraux de patients atteints de pemphigus vulgaire et portant les allèles HLA de susceptibilité ont des anticorps anti-SIC détectables en IFD et en IFI à un titre cependant plus faible que chez les malades, ainsi que des lymphocytes T sanguins dirigés contre la Dsg3, sans présenter de lésion clinique de pemphigus.

D’autres facteurs, génétiques ou environnementaux, sont donc probablement nécessaires à la production d’anticorps pathogènes.

Ainsi un polymorphisme génétique de l’antigène a pu être montré pour la Dsg1.

Pour ce qui est des facteurs d’environnement, le rôle des médicaments (un certain nombre de médicaments, en particulier les thiolés comme la pénicillamine, étant reconnus comme facteurs déclenchants de certains pemphigus superficiels), des virus, de certains aliments (ail), des brûlures ainsi que l’exposition aux UV ont également été évoqués dans le déterminisme de la maladie.

Des éléments d’explication pourraient venir de l’étude des différentes associations morbides décrites au cours du pemphigus : association entre pemphigus et d’autres maladies auto-immunes (en particulier myasthénie, lupus et PR), association entre pemphigus et cancers (thymomes et syndromes lymphoprolifératifs).

À cet égard, le modèle du pemphigus endémique brésilien pourrait se révéler particulièrement informatif. En effet, la zone d’endémie correspond à l’habitat d’une mouche piqueuse (black fly).

Il a été proposé que le fogo selvagem, qui survient, rappelons-le, chez des sujets porteurs d’allèles HLA de classe II partageant des caractéristiques structurales communes, serait, sur ce terrain génétique de prédisposition, la conséquence d’une réaction croisée dirigée initialement contre un agent infectieux transmis par l’insecte d’une part et la Dsg1 d’autre part.

Cette hypothèse reste cependant à démontrer et l’agent infectieux à identifier.

2- Réponse T au cours du pemphigus :

Certains auteurs ont montré la présence chez des patients atteints de pemphigus, de clones T circulants capables de reconnaître l’autoantigène sous forme de protéine recombinante ou de peptides de synthèse, c’est-à-dire la Dsg3 dans le pemphigus vulgaire et la Dsg1 dans le pemphigus foliacé et le fogo selvagem (mais aussi dans des cas de pemphigus vulgaire avec anticorps anti-Dsg1 en plus des anticorps anti-Dsg3).

Ces clones correspondent à des lymphocytes T-CD4+ mémoires sécrétant des cytokines de type Th2 (interleukine [IL]4, IL6 et IL10) qui sont impliquées dans la commutation de classe vers les IgG4, principaux anticorps pathogènes dans le pemphigus.

La cartographie épitopique T des desmogléines a pu être réalisée grâce à l’utilisation de peptides synthétiques et de protéines recombinantes tronquées.

Les études ont permis de localiser de multiples épitopes T répartis sur les segments EC1 à EC5 du domaine extracellulaire des Dsg.

Une hypothèse avancée est que la réponse T pourrait être initiée contre un épitope immunodominant et que des phénomènes d’expansion épitopique viendraient secondairement diversifier cette réponse.

L’évolution d’une réponse initialement dirigée contre la Dsg3 vers une réponse dirigée à la fois contre la Dsg3 et la Dsg1 au cours du pemphigus vulgaire en est la probable illustration.

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