Fractures de la palette humérale de l’enfant

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Par fracture de la palette humérale, il faut comprendre non seulement la fracture supracondylienne, mais aussi tous les autres éléments de la palette, même si en pratique courante le terme de fracture de la palette sous-entend fracture supracondylienne.

PARTICULARITES LIEES L’ENFANT :

Fractures de la palette humérale de l'enfant* Les fractures de la palette humérale chez l’enfant sont caractérisées par des éléments qui sont propres au terrain sur lequel elles se produisent, c’est-à-dire l’enfant.

* Elles surviennent sur un squelette qui n’a pas terminé sa croissance et différentes variétés de fractures peuvent se voir:

– les fractures supracondyliennes, dont le trait est métaphysaire.

– les fractures du condyle interne et du condyle externe, dont le trait traverse le cartilage de croissance.

– les fractures de l’épitrochlée ou de l’épicondyle, qui correspondent à des arrachements apophysaires.

* Le coude est formé de plusieurs points d’ossification qui vont apparaître à des âges différents. ainsi, le diagnostic du type de fracture peut être parfois difficile:

– il ne faut pas hésiter à demander une radiographie comparative.

– à la naissance, l’épiphyse est entièrement cartilagineuse. des noyaux vont apparaître.

– l’ensemble des points fusionnent entre eux vers 13-14 ans.

– la fermeture du cartilage de croissance survenant vers 15 ans.

* Potentiel de croissance et remodelage:

– l’extrémité inférieure de l’humérus assure 20% de la croissance en longueur de l’humérus entre la naissance et l’âge adulte. Cette croissance, quoique faible, peut expliquer la possibilité d’un remodelage d’un petit défaut résiduel après réduction d’une fracture supracondylienne.

– mais ce remodelage est notable pour les fractures supracondyliennes avec persistance d’un petit défaut dans le plan sagittal.

– mais ce remodelage est d’autant plus important que l’enfant est plus jeune.

– mais ces possibilités de correction minime n’existent pas pour les fractures lésant le cartilage de croissance.

ANATOMOPATHOLOGIE :

Différentes variétés de fractures existent, liées à l’existence de zones de faiblesse variables selon l’âge.

Fractures supracondyliennes :

Les fractures supracondyliennes sont les plus fréquentes, surviennent surtout entre 4 et 10 ans.

* Le mécanisme est en général une chute sur la main avec un avant-bras en hyperextension (hyperlaxité des ligaments du coude): la fracture est alors une fracture supracondylienne par extension. Parfois, la chute se fait sur un coude fléchi, la fracture est alors en flexion.

* Le siège du trait métaphysaire horizontal ou légèrement concave vers le haut, en pleine palette humérale, est lié à la faiblesse des résistances osseuses à ce niveau, en effet:

– le diamètre antéropostérieur et frontal de cette région est diminué chez l’enfant avec l’existence de deux fossettes.

– la trame osseuse est mince ainsi que la corticale.

– cette zone de faiblesse disparaît plus tard, au moment de la fusion des différents noyaux d’ossification.

Fractures épiphyso-métaphysaires :

Fractures épiphyso-métaphysaires(fractures articulaires):

* les fractures du condyle interne, survenant vers l’âge de 9 ou 10 ans, sont secondaires à une chute sur un coude en extension avec valgus. le trait de fracture est en partie articulaire (trochlée humérale).

* les fractures du condyle externe, survenant vers 6 à 7 ans, sont secondaires à une chute sur un bras en extension avec contrainte en valgus (luxation du coude et fractures de l’olécrâne sont alors souvent associées). parfois le mécanisme se fait en varus.

Arrachements apophysaires :

Les fractures de l’épitrochlée, surviennent vers 10 à 15 ans, et souvent associées à une luxation du coude.

Les fractures de l’épicondyle sont plus rares.

Autres fractures :

Les fractures du capitellum sont rares, purement articulaires, identiques à celles de l’adulte.

Lésions des parties molles :

Lésions musculaires

Les lésions musculaires intéressent le muscle brachial antérieur qui peut être contus, dilacéré, voire rompu, dans les fractures supracondyliennes à grand déplacement. Dans les autres lésions fracturaires, les insertions musculaires restent fixées sur les fragments osseux et la traction des différents groupes musculaires explique le déplacement de ces fractures (épitrochlée, épicondyle, condyle externe).

Lésions vasculaires

* Spasme, contusion ou rupture sont les lésions vasculaires qui atteignent l’artère humérale dans les fractures supracondyliennes à grand déplacement. Elles nécessitent une réduction de la fracture d’extrême urgence avant leur traitement.

* Quant au syndrome de Volkmann (extrêmement rare, heureusement) correspondant à la rétraction ischémique des fléchisseurs du poignet et de la main, il sera prévenu par un traitement précoce, que nous reverrons plus loin, mais surtout il faut savoir l’éviter en ne réalisant une immobilisation en flexion importante du coude que dans certaines conditions bien établies (méthode de Blount) que nous reverrons au moment des principes thérapeutiques.

Lésions nerveuses

Les lésions nerveuses sont contemporaines de la fracture ou de la réduction. Les trois nerfs peuvent être atteints, en règle de façon isolée:

* le médian, atteinte le plus souvent partielle, au cours des fractures supracondyliennes à grand déplacement:

– son incarcération est rare ainsi que sa rupture.

– fréquente est l’atteinte du nerf interosseux antérieur (perte de la flexion de P3 de l’index et de la flexion de l’interphalangienne du pouce).

– la récupération se fait en règle en 2 à 3 mois.

* le nerf radial: en règle paralysie complète, par compression dans les fractures supracondyliennes très déplacées.

* le nerf cubital: son atteinte est plus rare, surtout dans les fractures de l’épitrochlée.

Lésions cutanées

Les lésions cutanées sont rares. en règle, elles sont punctiformes.

RAPPEL CLINIQUE ET THÉRAPEUTIQUE :

Le diagnostic repose sur la radiographie. il faut demander si nécessaire un cliché comparatif du coude sain.

* Deux complications dominent l’évolution de ces fractures:

– immédiate: la complication vasculaire, avec le risque de syndrome de Volkmann.

– ultérieure: les troubles de croissance.

* L’objectif du traitement est de restaurer une anatomie normale pour rendre une fonction normale. Cela nécessite de respecter:

– la présence d’un périoste intact en arrière, quel que soit le déplacement dans les fractures supracondyliennes en extension (les plus fréquentes), explique la possibilité de réduction orthopédique et souvent de stabilisation de la fracture sans ostéosynthèse.

– si une ostéosynthèse est nécessaire (fracture instable, fracture articulaire déplacée…), celle-ci doit être « légère » (soit ostéosynthèse par deux broches, soit petite vis) pour préserver au maximum les zones de croissance.

– dans tous les cas, aucune rééducation ne sera prescrite après la consolidation, l’enfant se rééduquant seul.

Fractures supracondyliennes par extension :

DIAGNOSTIC :

Éléments cliniques :

A la suite d’une chute sur la main, l’avant-bras en hyperextension, l’enfant se présente avec une impotence du membre supérieur avec un gros coude douloureux.

* L’examen clinique local du coude est difficile chez cet enfant qui souffre. la recherche des repères anatomiques est difficile car ils sont masqués par l’œdème.

* Les radiographies préciseront le diagnostic, mais ce sont les complications qu’il faut rechercher avant tout:

– vasculaires: par la palpation des pouls distaux, la couleur et la chaleur des doigts.

– nerveuses: par l’étude de la mobilité et de la sensibilité des doigts.

– cutanées: l’ouverture, en règle punctiforme, est rare.

– association traumatique.

Bilan radiographique :

L’examen radiographique comprend des clichés de face et de profil, complétés au besoin par des clichés comparatifs du coude sain.

Il permet de préciser:

* la fracture:

– trait horizontal, ou concave en haut, de face.

– oblique en bas et en avant, de profil.

* son type:

– trait supracondylien, en règle bas en pleine palette.

– parfois haut, au-dessus de la fossette olécrânienne.

* le déplacement: bascule postérieure du fragment distal, associé à un décalage interne, un varus ou un valgus, une translation postérieure.

Classification

Une classification repose sur l’importance du déplacement:

* stade I:

– pas de déplacement.

– rupture isolée de la corticale antérieure.

* stade II: faible déplacement, dans un seul plan élémentaire.

* stade III: déplacement important dans plusieurs plans mais contact en un point entre les deux fragments.

* stade IV: absence de contact entre les fragments.

* stade V: fracture épiphyso-diaphysaire.

Ces éléments cliniques et radiographiques vont guider le traitement qui sera entrepris d’urgence.

TRAITEMENT :

Le traitement des fractures supracondyliennes est une urgence.

Méthodes orthopédiques :

Réduction

La réduction orthopédique repose sur le fait qu’en règle le périoste postérieur est intact:

* dans un premier temps, le fragment distal est abaissé par traction.

* puis la translation dans le plan frontal est corrigée.

* enfin la bascule postérieure est réduite en plaçant le coude en flexion.

* des contrôles radiographiques sont faits.

Stabilisation

La stabilisation de cette réduction peut se faire selon différentes techniques:

* la méthode de Blount, qui nécessite le maintien d’un coude fléchi à 120°:

– une surveillance hospitalière de 24 à 48 heures est nécessaire pour surveiller l’état vasculaire, la mobilité des doigts et vérifier l’absence de déplacement secondaire.

– des contre-indications sont formelles pour l’application de cette technique (complications vasculaires, fractures instables). l’œdème du coude et les complications nerveuses peuvent contre-indiquer également ce type d’immobilisation.

* l’embrochage percutané selon Judet:

– nécessite une réduction anatomique préalable.

– la synthèse est assurée par deux broches parallèles qui pénètrent par le condyle externe.

Immobilisation

L’immobilisation est complétée sur un coude à 90°, par un plâtre brachio-palmaire et une écharpe évitant les mouvements de rotation de l’épaule. Ses indications reposent sur les contre-indications formelles ou relatives de la technique précédente.

Méthodes chirurgicales :

Une ostéosynthèse, par deux broches en croix, après réduction chirurgicale sera faite dans les fractures qui n’ont pu être réduites par la technique précédente.

Indications :

Dans les fractures supracondyliennes en extension, le traitement sera en fonction du stade.

* Stade I:

– plâtre brachio-palmaire remontant haut sur le bras, associé à une écharpe pour limiter la rotation de l’épaule.

– immobilisation pour 21 jours.

* Stade II:

– réduction anatomique sous anesthésie générale.

– immobilisation selon la technique de Blount pendant 4 semaines.

* Stade III:

– réduction orthopédique.

– immobilisation par méthode de Blount ou stabilisation par brochage percutané.

– immobilisation pendant 4 semaines.

* Stade IV:

– réduction orthopédique et stabilisation par brochage percutané pendant 4 semaines.

– si la réduction obtenue n’est pas satisfaisante: indication d’une réduction chirurgicale.

* Stade V: synthèse par deux vis.

A la fin de l’immobilisation, après ablation éventuelle de broches, l’enfant fait lui-même sa rééducation.

ÉVOLUTION :

La consolidation se fait en 4 à 6 semaines. Une auto-rééducation est prescrite à l’enfant.

La mobilité du coude dans le plan de la flexion-extension est habituellement totalement récupérée en 3 à 6 mois.

SURVEILLANCE :

Une surveillance dans les suites du traitement est nécessaire.

Dans les suites immédiates :

Dans les suites immédiates, il faut être attentif au:

dépistage d’un déplacement secondaire précoce après traitement orthopédique.

Diagnostic précoce d’une complication vasculaire

* Le plus souvent spasme, parfois contusion ou rupture de l’artère humérale.

* L’abolition d’un pouls distal nécessite une réduction urgente et une stabilisation par brochage de la fracture:

– le plus souvent, le pouls radial réapparaît et les doigts se recolorent.

– parfois une exploration de l’axe vasculaire est nécessaire.

Diagnostic précoce d’un syndrome de Volkmann

Un syndrome de Volkmann est une rétraction ischémique des fléchisseurs des doigts et du poignet, stade évolutif qui ne doit plus être vu:

* après un délai de quelques heures à quelques jours, des signes d’alarme font suspecter le diagnostic:

– douleurs vives au niveau de l’avant-bras, irradiant vers la main.

– œdème de la main et des doigts.

– perte de la mobilité des doigts.

* ces signes d’alarme imposent d’urgence l’ablation immédiate du plâtre et, si celle-ci est insuffisante, l’aponévrotomie large des loges musculaires de l’avant-bras.

* son traitement est préventif: ne jamais immobiliser un coude en hyperflexion si la lésion est vasculaire ou l’œdème du coude important.

Dépistage d’une complication nerveuse

ar élongation ou compression, plus que par rupture:

* surtout le radial, mais aussi le médian et le cubital.

* une surveillance clinique et électrique est régulière.

* la récupération se fait en 2-3 mois.

Dans les suites tardives :

* Les cals vicieux: par défaut de réduction, par déplacement secondaire méconnu, par trouble de croissance:

– soit une bascule postérieure, limitant la flexion.

– soit en rotation interne avec varus donnant des séquelles fonctionnelles et un cubitus varus inesthétique.

Les raideurs du coude: secondaires à un cal vicieux, à un ostéome du brachial antérieur favorisé par une rééducation intempestive, à des ossifications péri-articulaires liées aux lésions des parties molles.

Formes cliniques :

FRACTURE SUPRACONDYLIENNE EN FLEXION :

La chute sur le membre supérieur, coude fléchi.

Elle est plus rare et le traitement est chirurgical.

FRACTURE DU TOUT PETIT ENFANT :

Le tableau de fracture chez un tout petit enfant (âgé de moins de 3 ans) ressemble à celui d’une luxation du coude.

En règle, il faut recourir au traitement chirurgical pour réduire et stabiliser cette fracture.

Il ne faut pas méconnaître une maltraitance de l’enfant (syndrome de Silverman).

FRACTURE DU CONDYLE EXTERNE :

Associée parfois à une luxation du coude ou une fracture de l’olécrâne, le traitement est chirurgical si la fracture est déplacée.

AUTRES FRACTURES :

* Fracture du condyle interne:

– rare.

– traitement chirurgical si la fracture est déplacée.

* Fracture de l’épitrochlée:

– vers 10 à 15 ans, souvent associée à une luxation du coude.

– parfois le fragment d’épitrochlée est incarcéré, ce qui gêne la réduction de la luxation.

– le traitement est orthopédique ou chirurgical selon l’importance du déplacement.

* Fracture de l’épicondyle:

– rare.

– le traitement est chirurgical si déplacement.

* Fracture du capitellum:

– fractures articulaires rares.

– traitement chirurgical pour reposer et synthéser le fragment cartilagineux.

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