Peau noire (Suite)

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Première partie

Dermatoses quasi spécifiques de la peau noire (ou brune) :

A – DERMATOSIS PAPULOSA NIGRA :

Se développant à partir de l’adolescence, les papules verruqueuses du dermatosis papulosa nigra surviennent électivement sur la face du sujet à peau noire mais peuvent s’observer chez l’Asiatique hyperpigmenté ou le Métis.

Elles correspondent histologiquement à des kératoses séborrhéiques bien que cliniquement leur aspect, leur nombre, leur topographie soient différents.

Peau noire (Suite)La cryothérapie, l’électrocoagulation avec curetage, l’excision aux ciseaux fins ou encore la destruction par laser peuvent être proposées mais des séquelles dyschromiques sont possibles et il importe de tester l’effet thérapeutique sur quelques lésions seulement avant de réaliser un traitement complet.

B – HYPOMÉLANOSE MACULEUSE CONFLUENTE ET PROGRESSIVE DU MÉTIS MÉLANODERME (DYSCHROMIE CRÉOLE) :

Observée surtout chez le métis à peau brun clair notamment antillais (avec une nette prédominance féminine dans cette population), elle est souvent confondue avec le pityriasis versicolor dans sa phase séquellaire hypochrome et l’application abusive d’antifongiques est fréquente.

Elle se traduit en effet par des macules non squameuses hypochromes (le plus souvent modérément), volontiers confluentes et progressives, non prurigineuses, prédominant au tronc (volontiers aux lombes) mais pouvant toucher les membres de façon parfois asymétrique, survenant vers l’adolescence pour se stabiliser et même s’atténuer à l’âge adulte.

La fluorescence jaune orangé en lumière de Wood est négative ou faible et punctiforme.

L’hypothèse physiopathogénique est celle d’un mosaïcisme devant la coexistence de zones hypochromes comportant des kératinocytes avec des mélanosomes agrégés de petite taille et des zones normalement pigmentées constituées de kératinocytes avec des mélanosomes dispersés de grande taille.

C – KÉRATODERMIE PONCTUÉE DES PLIS PALMAIRES :

Caractérisée par la disposition élective dans les plis de flexion des paumes et des doigts (plus rarement des plantes) de papules kératosiques arrondies, parfois douloureuses, et de petites dépressions cupuliformes, cette variété de kératodermie survient presque exclusivement chez le sujet noir, d’âge moyen, sans prédilection de sexe.

L’histologie révèle une invagination épidermique profonde remplie d’une hyperkératose orthokératosique parfois localisée au site des acrosyringiums sudoraux qui apparaissent occlus (ainsi qu’une hypergranulose diffuse sans cellule dyskératosique avec un infiltrat mononucléé péricapillaire).

La cause de cette kératodermie est inconnue, non traumatique contrairement à l’hyperkératose en « bouchons » mécanique qui constitue le principal diagnostic différentiel.

Il faut aussi ne pas la confondre avec la scytalidiose, qui entraîne une kératodermie farineuse prédominant aux plis, ainsi que des onyxis résistant aux imidazolés classiques.

Dermatoses ubiquitaires plus fréquentes sur peau noire (ou brune) :

A – CHÉLOÏDES :

Les chéloïdes correspondent à des tumeurs dermiques purement fibrocytaires, persistantes et même souvent encore évolutives plus de 12 mois après leur survenue généralement post-traumatique, les distinguant des cicatrices hypertrophiques plus précoces, plus limitées, régressant spontanément ; les chéloïdes récidivent obligatoirement après une exérèse chirurgicale simple.

Elles sont globalement plus fréquentes et volontiers plus « tumorales » chez le sujet noir mais prédominent aux zones classiques : les lobes et les régions rétroauriculaires, le cou, les faces externes des épaules, le thorax en présternal et en scapulaire.

Elles sont généralement secondaires à des traumatismes induits lors d’incisions ou scarifications rituelles ou ethniques (le rôle aggravant des substances colorantes ou hémostatiques indigènes n’étant pas exclu) ou lors de transfixion des lobules de l’oreille.

Elles surviennent sur les cicatricesopératoires ou sur les sites de gestes exploratoires (ponction lombaire ou pleurale, myélogramme) ou d’injections (vaccins).

Elles résultent également de brûlures ou plaies accidentelles.

Les moyens thérapeutiques sont limités chez le sujet noir ; ainsi la cryothérapie, la corticothérapie in situ (au Dermo-jett ou en injection à la seringue), les méthodes compressives sont inadaptées ou peu efficaces ; la résection chirurgicale simple ou endochéloïdienne n’a d’intérêt qu’associée à une radiothérapie (idéalement curiethérapie par implantation postopératoire de fils d’iridium 192 (192 Ir) durant 2 jours environ ou bien électronthérapie avec une dose totale de 12 à 16 grays fractionnée en trois à cinq séances).

Il faut faire la distinction avec les (pseudo-)chéloïdes lors de dermatoses chroniques, qu’elles soient excoriées ou non, comme l’acné ou/et la folliculite notamment au niveau du cuir chevelu, volontiers en zone occipitocervicale.

B – ACNÉ CHÉLOÏDIENNE :

En effet, s’il existe d’authentiques chéloïdes nuchales posttraumatiques, l’acné dite chéloïdienne se rapproche plus du pili incarnati, puisque la chirurgie d’exérèse simple ne conduit pas à une récidive systématique.

Elle diffère aussi de l’acné classique à kystes et comédons et correspond en fait à une (péri-)folliculite chronique, survenant électivement chez le jeune homme noir.

Elle résulte probablement d’un rasage inadapté de bas en haut et trop agressif des cheveux crépus avec incarnation pilaire et réaction granulomateuse, ainsi que d’une probable surinfection (à pyogènes ou/et à Demodex) avec apparition de papulopustules volontiers prurigineuses parfois alopéciantes d’évolution nodulaire hypertrophique avec (pseudo-)polytrichie (symptomatologie qu’on pourrait confondre avec la pelade décalvante de Quinquaud avec folliculite en touffe d’étiopathogénie encore inconnue).

Elle ne se limite pas à la nuque et peut s’observer sur l’ensemble du cuir chevelu après un rasage excessif (pseudofolliculitis capitis).

Il ne faut pas non plus la confondre avec la cellulite disséquante du scalp (perifolliculitis capitis abscedens et suffodiens) qui semble, elle, appartenir réellement au spectre des acnés et s’associe parfois à l’acné conglobata ou/et à l’hidrosadénite suppurée.

Le traitement de l’acné chéloïdienne comporte les antibiotiques par voie générale (cyclines notamment) ou locale (macrolides, clindamycine), les dermocorticoïdes, l’exérèse au punch des éléments de petite taille ou la chirurgie plastique pour les lésions volumineuses avec ou plus souvent sans radiothérapie complémentaire et surtout la prévention par l’interdiction du rasage.

Les rétinoïdes locaux ou systémiques sont inefficaces.

C – PSEUDOFOLLICULITE DE BARBE (PILI INCARNATI) :

La pseudofolliculite de barbe correspond à l’incarnation pilaire des poils des zones essentiellement mandibulaire, mentonnière, cervicale antérieure après un rasage trop court, de façon plus rarement spontanée par pénétration d’un poil trop long.

Elle se traduit par l’apparition de papules parfois surinfectées, inflammatoires, pustuleuses. Les diagnostics différentiels sont bien entendu l’acné, la folliculite de barbe (sycosis) plus impétiginisée (streptocoque ou staphylocoque), une trichophytie (kérion) plus inflammatoire.

Le traitement est grossièrement le même que pour l’acné chéloïdienne avec l’arrêt temporaire ou définitif du rasage, l’application d’antiseptiques ou d’antibiotiques locaux, la prise de cyclines dans les formes très surinfectées ; la trétinoïne à 0,05 % et l’acide glycolique en lotion à 8 % ont une efficacité limitée alors que les rétinoïdes per os n’ont pas d’effet.

La prévention consiste en un rasage grâce à une tondeuse coupant le poil à 1 mm de son émergence ou à l’aide d’un rasoir électrique sans appuyer ni passer deux fois de suite sur la même zone, en suivant le « sens » du poil et en le faisant une à deux fois par jour.

D – ALOPÉCIE DE TRACTION :

L’alopécie de traction résulte de techniques agressives de tressage débutant dès l’enfance et se traduit par l’apparition très progressive de zones alopéciantes essentiellement temporales mais aussi frontales ou occipitales (chignon, nattes) avec persistance d’une couronne périphérique de cheveux fins et courts qui n’étaient pas impliqués par le tressage.

L’arrêt précoce de ces méthodes de coiffure permet la réversibilité de l’alopécie.

Malheureusement, ces techniques ancrées dans la culture ancestrale s’associent à d’autres types de traumatismes capillaires notamment par défrisage du cheveu crépu (à l’aide de soude ou de thioglycolate d’ammonium, anciennement par chauffage au fer ou à l’huile : hot comb alopecia) parfois inducteur d’alopécie cicatricielle par brûlure et dégénérescence folliculaire.

On peut observer un défrisage (ou plutôt « décrêpage ») des cheveux chez l’Africain lors du syndrome d’immunodéficience acquise (sida) évolué.

De même, il faut, en cas d’alopécie temporopariétale en clairière, éliminer une syphilis secondaire.

Chez l’enfant, la teigne doit évidemment toujours être évoquée. Chez la femme noire, un lupus, une pelade, une alopécie androgénique, une trichotillomanie doivent aussi être éliminés.

E – TEIGNES :

Les teignes sont fréquentes chez l’enfant noir, y compris dans nos pays, probablement du fait de conditions socioéconomiques statistiquement plus défavorables ; de ce fait, les formes interhumaines prédominent (Trichophyton soudanense, langeronii, tonsurans notamment), les animaux familiers étant d’ailleurs plus rares dans la culture islamique.

Les kérions sont plus fréquents sous les tropiques et le favus ne s’observe plus que dans ces contrées.

Les formes peu symptomatiques à peine squameuses et peu alopéciantes sont difficiles à distinguer de l’eczéma du cuir chevelu ou de l’alopécie de traction débutante.

La mycologie doit être systématique.

Les antifongiques systémiques sont nécessaires durant 6 semaines au minimum ; la terbinafine, qui n’a pas l’autorisation de mise sur le marché dans cette indication en France, a pourtant fait la preuve de son efficacité et de sa meilleure tolérance que la griséofulvine en Afrique ; l’association avec un antifongique local n’est pas utile. Le rasage en périphérie des plaques ou en tout cas les cheveux courts, sont préférables.

Le risque de contagiosité des teignes à transmission interhumaine nécessiterait l’éviction scolaire du malade et même de toute la fratrie étant donné que la découverte clinique de l’infection est souvent tardive ; en réalité, la contagiosité est faible et cette éviction obligatoire est rarement mise en pratique.

F – TINEA NIGRA, TINEA IMBRICATA ET TINEA CIRCINATA (PITYRIASIS ROTUNDA) :

Le tinea nigra est une infection fungique se traduisant par une (ou des) macule(s) pigmentée(s) non prurigineuse(s) allant du brun au marron foncé, habituellement palmaire(s) ou plantaire(s).

La pigmentation résulte de la présence exclusive dans la couche cornée de champignons noirs, filamenteux, Exophiala werneckii et Cladosporium castellanii, saprophytes de la terre et du bois, cosmopolites mais plus fréquents sous les tropiques.

Le tinea imbricata, appelé également tokelau (car cette mycose prédomine dans le Pacifique), est une infection à Trichophyton concentricum, dermatophytie anthropophile, qui se caractérise par des macules squameuses concentriques donnant l’aspect d’une cocarde à anneaux multiples.

Trouble de la kératinisation, le pityriasis rotunda se traduit sur le tronc et les membres par des macules finement squameuses non inflammatoires, pigmentées, circulaires et bien limitées de 1 à 30 cm de diamètre, souvent confluentes.

L’histologie, proche de celle de l’ichtyose vulgaire, objective une hyperkératose modérée, une couche granuleuse absente ou diminuée, une hyperpigmentation de la couche basale avec discrète incontinence pigmentaire et minime infiltrat lymphohistiocytaire.

Il résulterait de la conjonction d’un terrain génétique prédisposé et de carences alimentaires dans le cadre d’infections chroniques ou d’affections cancéreuses (tuberculose, hépatopathies, hémopathies, cancer gastrique…) et se corrigerait après amélioration de l’état nutritionnel.

G – MÉLANOME :

Moins fréquent en valeur absolue que chez l’individu blanc, le mélanome représente chez le sujet noir en valeur relative la troisième cause de cancer cutané (après les carcinomes et les sarcomes) et présente la caractéristique de se localiser presque exclusivement en distalité avec par ordre de fréquence la plante des pieds et les talons (volontiers à la jonction entre zones pigmentées et hypochromes), les tissus sous- ou périunguéaux et les paumes des mains.

La gravité classiquement rapportée avec des stades cliniques ou histologiques évolués relève plus du retard diagnostique et du tropisme métastatique élevé de ces localisations que d’une spécificité raciale.

Il s’agit volontiers de mélanome acrolentigineux, naturellement plus fréquent dans ces topographies.

L’âge est élevé avec une moyenne à 50 ans.

L’aspect clinique du mélanome plantaire est assez évocateur : initialement extension superficielle, souvent mal limitée avec pigmentation hétérogène, puis nodulaire (phase plongeante) et/ou ulcérée.

Néanmoins, la forme achromique ou tout au moins avec une pigmentation peu marquée n’est pas rare et plus trompeuse.

La difficulté est de distinguer le mélanome débutant des taches pigmentées plantaires physiologiques du sujet noir, d’une mélanose de friction, d’un hématome ou d’un tinea nigra. L’examen dermatoscopique est moins bien codifié dans cette zone et plus difficile à interpréter en raison de l’épaisseur de la couche cornée.

La modification ou l’apparition récente d’une tache ou d’un nodule plantaire, son caractère hétérogène, un diamètre supérieur à 7 mm, l’âge du sujet supérieur à 50 ans, l’existence de mélanome familial, invitent à réaliser l’exérèse de la lésion (ou en cas de tumeur étendue, une extemporanée ou une biopsie cutanée avant exérèse complète vu le risque fonctionnel).

Les muqueuses, notamment buccale et vulvaire, sont également concernées bien que plus exceptionnellement.

Le nombre et la topographie des nævi sont fonction de l’intensité de la pigmentation cutanée et se rapprochent ainsi du sujet blanc chez les populations à peau brune avec des nævi non seulement sur les extrémités mais aussi sur le tronc.

Les nævi du sujet brun sont cependant plus pigmentés avec en dermatoscopie une forte activité jonctionnelle et volontiers de nombreux globules brun foncé.

Une mention particulière doit être faite pour le nævus d’Ota de la région périorbitaire et/ou de la conjonctive qui prédomine dans les ethnies asiatiques et noires et qui peut exceptionnellement s’associer à une mélanose neuroméningée.

H – AÏNHUM :

L’aïnhum est une affection sévissant dans les zones tropicales, d’origine inconnue se traduisant par une constriction fibreuse progressive du pli digitoplantaire avec lyse osseuse peu douloureuse, siégeant bilatéralement au cinquième orteil, parfois au quatrième orteil, exceptionnellement aux doigts et aboutissant à l’amputation spontanée (dactylolysis spontanea).

On le distingue du pseudo-aïnhum qui se caractérise par une ulcération circonférentielle d’un orteil ou d’un doigt pouvant aussi aboutir à son amputation le plus souvent indolore et survenant au cours de pathologies comportant une neuropathie périphérique évoluée (lèpre, syringomyélie) et/ou un trouble de vascularisation des extrémités (diabète, sclérodermie).

On le décrit au cours de kératodermie congénitale (syndromes de Vohwinkel, d’Olmsted, maladie de Meleda…).

Chez le petit enfant dont l’hygiène est négligée, on peut observer des pseudo-aïnhum par enroulement de fibres de tissus, de cheveux ou pose prolongée d’un élastique autour d’un orteil.

Le pseudo-aïnhum constitue un marqueur de neuropathie (le plus souvent alcoolique comme dans le cadre de l’acropathie ulcéromutilante de Bureau-Barrière, au même titre que le mal perforant au cours du diabète ou de la lèpre) ou de précarité (hygiène déplorable, psychose…).

Il est très probable que l’aïnhum tropical résulte également de la conjonction d’une prédisposition génétique ou acquise (kératodermie, neuropathie, angiodysplasie…) et d’un facteur traumatique et/ou infectieux.

I – ULCÈRE PHAGÉDÉNIQUE TROPICAL :

L’ulcère phagédénique tropical constitue une entité nosologique floue en raison de sa physiopathogénie incertaine bien que présumée infectieuse et du caractère souvent non exhaustif de la démarche étiologique sous les tropiques.

Il semble cependant se caractériser par la survenue subaiguë en quelques semaines, généralement chez l’enfant de 5 à 15 ans (dans deux tiers des cas) vivant en milieu tropical volontiers humide, le plus souvent après un traumatisme, d’une papule inflammatoire rapidement suivie d’une ulcération initialement douloureuse, régulière, arrondie, profonde, à bords saillants, à fond bourgeonnant recouvert d’un enduit fibrinopurulent.

Il se situe préférentiellement au tiers inférieur de la jambe (dans trois quarts des cas), parfois au pied, très rarement à la partie supérieure de la jambe.

L’évolution spontanée se fait généralement vers la cicatrisation avec hyperpigmentation séquellaire en quelques semaines à plusieurs mois.

La chronicisation se traduit par un élargissement de l’ulcération jusqu’à 15 cm de diamètre avec parfois atteinte périostée et possible cancérisation sur le mode épidermoïde à l’issue d’une ou plusieurs dizaines d’années d’évolution.

Les études bactériologiques retrouvent surtout des Fusobacterium et des germes anaérobies ou aérobies-anaérobies facultatifs, parfois des bactéries spiralées visibles au microscope à fond noir.

Le traitement comporte des antiseptiques locaux, des antibiotiques par voie générale, une détersion manuelle et des pansements protecteurs aidant au bourgeonnement et à l’épidermisation, l’interdiction des baignades en eau de mer ou en marigots, la correction des carences vitaminiques et protidiques.

Les formes chroniques évoluées, a fortiori en voie de dégénérescence, bénéficient de la chirurgie.

Les diagnostics différentiels sont nombreux mais en milieu tropical, on retient surtout les pyodermites ulcérées (rapidement régressives sous antibiotiques), les ulcérations (lentement extensives) à mycobactéries atypiques (bords décollés) notamment à Mycobacterium ulcerans (très délabrant), l’ulcère récurrent de la drépanocytose (surtout lors d’homozygotie SS, débutant plus tardivement plutôt en région périmalléolaire), et les ulcères chroniques neurotrophiques dans le cadre de la lèpre notamment.

J – DERMATOSES CARENTIELLES (PELLAGRE, KWASHIORKOR, NOMA) :

Plus fréquentes dans les pays du tiers-monde, les dermatoses carentielles sont liées à la « malnutrition » et concernent évidemment avant tout les enfants.

Le kwashiorkor peut comporter des signes cutanéomuqueux assez proches de l’acrodermatitis enteropathica probablement en raison de déficits en oligoéléments notamment en zinc qui s’ajoutent aux carences vitaminiques et surtout au déficit protidique qui explique la symptomatologie oedémateuse.

Une fragilité cutanée, muqueuse et capillaire est ainsi observée avec possibilité de décollement bulleux, de dyschromie, de stomatite, d’alopécie ou de défrisage des cheveux.

La pellagre (observée chez les alcooliques et les consommateurs quasi exclusifs de maïs) est la plus caractéristique du fait de sa photoaggravation et donc de sa distribution aux zones exposées (membres supérieurs, face, décolleté : « collier de Casal »).

Elle se traduit par une éruption érythématovioline, d’évolution desquamante puis pigmentée hétérogène.

La chéilite sèche et fissuraire puis inflammatoire, la glossite vernissée, douloureuse, sont fréquentes et volontiers associées à une dysphagie, des épigastralgies et une diarrhée.

Les troubles neurologiques, déficitaires ou confusionnels, surviennent tardivement lors de carence sévère en vitamine PP.

La carence en vitamine C (scorbut) est plus rare et a les mêmes caractéristiques que chez les individus blancs hormis le fait que le purpura périfolliculaire est moins visible.

En revanche, la carence en vitamine A est très fréquente, notamment dans les zones désertiques avec le plus souvent des signes oculaires (xérophtalmie, tache de Bitot, héméralopie) et une xérose diffuse avec kératose folliculaire.

Le noma (cancrum oris) est une stomatite ulcéronécrosante détruisant de dedans en dehors la gencive, l’arcade dentaire et le maxillaire ainsi que les parties molles de la face s’éliminant sous forme d’un cône gangreneux.

Il résulte de la conjonction de carences multiples, vitaminiques (A, C, B), en oligoéléments (zinc) et protidocalorique et d’une infection buccale à germes fécaux et notamment à Fusobacterium necrophorum avec libération de toxines nécrosantes.

Dermatoses ubiquitaires plus rares sur peau noire :

A – PSORIASIS :

Le psoriasis est, de façon indiscutable malgré l’absence de statistiques précises, plus rare en Afrique et de façon générale sur peau noire (cette moindre prévalence s’observerait uniquement, selon certains auteurs, en Afrique de l’Ouest ; les Noirs d’origine hamitique ou bantou de l’Est seraient autant concernés par la maladie) même si l’on prend en compte la difficulté d’accès aux soins pour les pathologies sans risque vital et les erreurs diagnostiques.

La chronicité de cette pathologie, malgré les thérapeutiques modernes, en ferait, si son incidence était non négligeable, un motif important de consultation, a fortiori dans les pays où elle peut simuler des affections plus graves, notamment les infections à mycobactéries ou à tréponèmes.

Les explications avancées de cette prévalence moindre sont diverses : rôle de l’exposition au soleil, terrain génétique, agent déclenchant éventuellement infectieux plus fréquent en dehors des tropiques, rôle du stress favorisé par le mode de vie des pays industrialisés (en Afrique ce sont d’ailleurs les citadins les plus concernés par cette maladie)…

Les tableaux cliniques sont variés comme sur peau blanche avec les particularités de la peau noire quant à la couleur de l’érythème et à l’évolution dyschromique.

La topographie préférentielle est identique ; la forme très squameuse, grisâtre avec signe de la « tache de bougie » prédominant aux zones de friction (genoux et coudes, plantes et paumes, lombes et fesses…) est la plus fréquente.

On décrit des évolutions hypochromiques en périlésionnel, plus rarement une hyperchromie des squames ou des éléments séquellaires.

Un eczéma lichénifié ou nummulaire peut prendre un masque psoriasiforme.

Des tableaux lichénoïdes avec un aspect violacé des papules sont décrits mais l’association entre lichen plan et psoriasis est possible.

L’érythrodermie apparaît relativement fréquente parfois du fait de thérapeutiques inadaptées (corticoïdes systémiques, utilisation de gant de crin pour enlever les squames avec phénomène de Koebner généralisé).

Un tableau de type pustulose sous-cornée chronique avec vasculite correspondrait à un psoriasis pustuleux selon les auteurs alors qu’une vasculite pustuleuse serait plus probable…

Les formes en gouttes peu décrites sont à distinguer du parapsoriasis en gouttes plus souvent observé dont l’évolution dyschromique est très particulière.

La syphilis secondaire doit bien entendu être systématiquement éliminée par une sérologie complète (fluorescent Treponema antibody absorption test [FTA] IgM, Treponema pallidum haemagglutination assay [TPHA], venereal disease research laboratory [VDRL]) d’autant plus qu’elle peut être psoriasiforme.

B – CARCINOME BASOCELLULAIRE :

Cette tumeur est certainement plus rare chez le sujet noir (< 5 % de l’ensemble des cancers cutanés contre plus de 65 % chez le sujet blanc) pour des raisons évidentes de photoprotection du pigment mélanique (c’est pourquoi elle est plus commune chez l’albinos) mais aussi en raison de l’espérance de vie moindre sous les tropiques et également de la plus grande difficulté diagnostique des lésions peu évoluées.

Néanmoins sa description chez le Noir américain n’est pas exceptionnelle ; le carcinome basocellulaire survient habituellement chez le sujet de plus de 50 ans et prédomine largement à la face et au cou (plus de trois quarts des cas).

Les principaux diagnostics différentiels retenus sont la kératose séborrhéique et l’adénome sébacé.

C – PAPILLOMAVIROSES :

Les verrues semblent moins fréquentes en milieu tropical (peut-être en raison d’un biais lié à l’absence de gravité et à la gêne modérée qu’elles occasionnent) mais aussi dans nos pays chez la population noire (ce qui implique une probable différence de réceptivité).

De même l’épidermodysplasie verruciforme bien connue dans les pays du Maghreb est rarement décrite chez l’Africain ; il est vrai que son diagnostic est difficile et que la mise en évidence du déficit immunitaire cellulaire nécessite des techniques parfois complexes.

En revanche, les condylomes (végétations vénériennes) ont une prévalence identique ou même augmentée dans les grandes villes où la prostitution est développée, avec des formes profuses.

On observe également des formes buccales, linguales notamment à la frontière entre condylomatose sexuellement transmissible et papillomatose de Heck congénitale.

Les condylomes génitaux ne doivent pas être confondus avec la papillomatose en couronne comportant des papules perlées à la racine du gland, volontiers hypertrophiques chez le sujet noir.

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