Peau et grossesse

0
2438

Peau et hormones :

La peau est un organe hormonosensible.

Des récepteurs hormonaux épidermiques, dermiques et annexiels sont répartis de façon variable sur le corps.

La peau se modifie physiologiquement lors des cycles menstruels, de manière transitoire et discrète.

Peau et grossesseLors de la grossesse, des modifications cutanées physiologiques ou pathologiques, transitoires ou définitives, sont observées.

Pendant la période de gestation, les titres sériques et tissulaires des hormones stéroïdes sexuelles augmentent sous l’action de l’hormone gonadotrophique chorionique placentaire.

Les sécrétions surrénaliennes et hypophysaires de melanocytic stimulating hormone (MSH), de thyroid stimulating hormone (TSH), d’adrenocorticotrophic hormone (ACTH) et de glucocorticoïdes s’élèvent.

– Les oestrogènes exercent une action importante sur la peau par l’intermédiaire de récepteurs cutanés spécifiques.

Ces récepteurs aux oestrogènes induisent des synthèses protéiques.

Leur activité, variable selon les endroits du corps, est presque aussi importante dans la peau du visage que dans l’utérus.

Il existe plusieurs types d’hydrostéroïdes déshydrogénases répartis dans l’épiderme, le derme et les glandes sébacées, intervenant dans la biosynthèse des oestrogènes.

Les fibroblastes cutanés présentent une activité aromatase permettant la transformation d’androgènes en oestrogènes au niveau cutané.

Les oestrogènes stimulent la croissance des kératinocytes et la pigmentation cutanée ; ils dépriment la sécrétion sébacée et ils provoquent une vasodilatation cutanée, une augmentation de la perméabilité capillaire et une néoangiogenèse.

Ils sont responsables de la majorité des modifications cutanées observées dans la grossesse.

– L’influence de la progestérone sur la peau est mal connue.

Elle possède vraisemblablement une activité pigmentogène en synergie avec les oestrogènes.

Elle exerce une action antiandrogénique utilisée en thérapeutique.

Son action sur la sécrétion sébacée est faible.

Sa pathogénicité intervient dans la dermatose auto-immune à la progestérone.

– Le retentissement cutané des glucocorticoïdes est la conséquence de leur action anabolique.

Ils diminuent l’activité mitotique kératinocytaire. Ils inhibent la synthèse du collagène et de l’élastine dermique, stimulent la pousse pilaire, et provoquent une hyperkératose des follicules pilosébacés.

Leur action sur le système immunitaire participe aux modifications évolutives des maladies auto-immunes pendant la grossesse.

L’utilisation de glucocorticoïdes de synthèse chez la femme enceinte représente le traitement de choix des maladies dysimmunitaires.

Les sécrétions d’ACTH, de MSH et de TSH sont augmentées en raison de l’hyperfonctionnement hypophysaire durant la grossesse.

L’ACTH et la MSH stimulent l’activité mélanocytaire et participent à la pigmentation gravidique.

Modifications cutanées physiologiques :

A – TROUBLES PIGMENTAIRES :

1- Hyperpigmentation gravidique :

Elle touche 90 % des femmes enceintes.

Elle survient au cours du premier trimestre et régresse différemment selon les patientes.

Elle peut réaliser l’aspect d’une mélanose diffuse et modérée, ou se présenter sous la forme d’hyperpigmentations régionales.

Celles-ci sont plus marquées chez les femmes brunes.

Les régions le plus souvent atteintes sont les aisselles, les seins, la face interne des cuisses, la région anogénitale.

La pigmentation de la ligne blanche abdominale réalise la « linea nigra » entre le pubis et l’appendice xiphoïde.

Des modifications endocriniennes importantes surviennent au cours de la grossesse pendant plusieurs mois. Les nævus et les éphélides foncent.

Les nævus peuvent grandir, prenant un aspect clinique et histologique inquiétant.

Les cicatrices peuvent se pigmenter, surtout si elles sont récentes.

La régression de ces modifications physiologiques est différente selon les patientes.

2- Mélasma :

Le mélasma est une hyperpigmentation acquise, en « nappes », du visage.

Il est aussi appelé masque de grossesse ou chloasma.

Il atteint 50 à 75 % des femmes enceintes et motive fréquemment une demande thérapeutique.

Il survient sur les zones photoexposées, le plus souvent à partir du troisième mois de grossesse, chez les femmes à la peau mate, en période ensoleillée.

Les nappes pigmentées du visage sont hétérogènes, symétriques, étendues, à contours irréguliers.

De petites taches lenticulaires plus foncées peuvent le parsemer.

Il n’entraîne pas de signes fonctionnels.

Après l’accouchement, le mélasma s’atténue en 6 à 18 mois.

Il peut régresser totalement ou partiellement.

L’action de la MSH et la synergie oestroprogestative participent à sa genèse.

Le traitement prophylactique implique l’utilisation de topiques photoprotecteurs et l’éviction de substances photosensibilisantes.

Le traitement du mélasma constitué ne doit être envisagé qu’en l’absence de régression après plusieurs mois.

La composante épidermique est la plus accessible au traitement.

Les produits contenant de l’hydroquinone concentrée à 2 % sont les plus utilisés.

Leur efficacité est imparfaite et nécessite un emploi prolongé.

Les préparations contenant de l’acide kojique ont une efficacité comparable.

Des préparations dépigmentantes (triodépigmentant de Klingmann) peuvent être proposées en cas d’échec, en dehors de la période estivale.

L’éviction des traitements oestroprogestatifs et une photoprotection de haut indice sont recommandées.

B – MODIFICATIONS DU TISSU CONJONCTIF :

Vergetures :

Elles atteignent 90 % des femmes enceintes. Les vergetures correspondent à des zones d’atrophie cutanée fusiformes, linéaires, souples et glabres.

Leur couleur varie selon le stade évolutif : d’abord violacées, elles deviennent blanc nacré.

Apparaissant surtout entre le sixième et le neuvième mois, elles atteignent avec prédilection les seins, les cuisses et l’abdomen.

Il n’existe aucun signe fonctionnel.

Elles sont définitives. Leur origine est multifactorielle : hérédité, rapidité et importance de la prise pondérale, hypercorticisme.

La microscopie électronique révèle des fractures des réseaux de fibres collagènes de façon parallèle aux lignes de tension de la peau.

Les études histochimiques permettent de distinguer trois stades évolutifs : un stade initial lytique infraclinique, un stade de régénération correspondant à la vergeture rouge, un stade cicatriciel.

Il n’existe pas de traitement préventif des vergetures.

La seule thérapeutique topique ayant démontré une réelle efficacité est la trétinoïne à 0,05 %. Son emploi est contre-indiqué au cours de la grossesse en raison de la tératogénicité de la molécule prise par voie orale.

Des préparations contenant de l’acide ascorbique auraient une efficacité comparable, sans avoir les mêmes contre-indications.

C – MODIFICATIONS VASCULAIRES :

– Les angiomes stellaires surviennent chez 70 % des femmes enceintes à peau blanche, chez 11 % des femmes noires.

Ils réalisent une arborisation de petits vaisseaux centrés par un point rouge vif, apparaissant entre le deuxième et le cinquième mois de grossesse.

Leur nombre augmente jusqu’à l’accouchement.

Ils prédominent sur le thorax, les membres supérieurs, le cou, la face, notamment autour des yeux.

Ils régressent habituellement très rapidement après l’accouchement (75 % en 7 semaines).

Ils peuvent persister ou réapparaître lors de grossesses ultérieures, ou lors de prise d’oestroprogestatifs.

L’électrocoagulation du point central à l’aiguille fine les fait disparaître.

– L’érythème palmaire apparaît au cours du premier trimestre.

Il atteint deux tiers des femmes blanches et un tiers des femmes noires.

Il disparaît dans la semaine suivant l’accouchement.

Deux formes cliniques sont décrites.

Dans la première forme, l’érythème prédomine sur les éminences thénars et hypothénars, sur la face palmaire des articulations métacarpophalangiennes et sur les pulpes.

La seconde forme est la plus fréquente : l’érythème est diffus, atteignant toute la paume, avec une coloration cyanique.

Il est proche des érythèmes palmaires des hyperthyroïdies et des cirrhoses hépatiques.

La prise de salbutamol peut induire l’apparition d’un érythème palmaire pseudolupique atteignant les paumes, la face dorsale des dernières phalanges, le pourtour unguéal des doigts et des orteils.

La sérologie lupique est négative.

Il disparaît à l’arrêt du traitement.

– Les varices sont observées dans 40 % des cas.

Elles sont localisées aux membres inférieurs, à la région génitale et périnéale.

Elles apparaissent dès le deuxième mois et peuvent se compliquer de thrombose aiguë.

Leur régression est habituellement incomplète.

L’hérédité, les facteurs posturaux, l’hyperpression veineuse, la fragilisation du tissu élastique expliquent leur survenue.

L’administration de veinotoniques peut être justifiée en cas de gêne fonctionnelle.

– Les angiomes plans ou tubéreux sont constatés dans 5 % des gestations à la fin du premier trimestre.

Ils atteignent la peau et les muqueuses.

Leur développement intraoculaire est possible.

Ils croissent progressivement jusqu’au terme.

Ils peuvent persister au décours de la gestation, justifiant éventuellement des traitements par laser ou par chirurgie.

– Une instabilité vasomotrice s’observe fréquemment, alternant pâleur et érythème du visage, impression de froid et bouffées de chaleur.

Un érythème réticulé des membres inférieurs (cutis marmorata) est décrit.

– Un oedème ferme rosé persistant des paupières et parfois diffus à la face apparaît en fin de grossesse.

Il doit être différencié d’oedèmes d’autres causes (toxémie gravidique).

– Un purpura déclive peut être observé en fin de gestation.

Il est dû à l’augmentation de la fragilité et de la perméabilité capillaires.

– Le dermographisme urticarien est fréquent chez la femme enceinte.

D – MODIFICATIONS DES ANNEXES :

– L’activité sudorale eccrine augmente, sauf aux paumes.

Sur le corps, la sudation augmente jusqu’à la fin de la grossesse, expliquant la fréquence des miliaires sudorales.

– L’activité sudorale apocrine diminue, expliquant l’amélioration habituelle des maladies de Fox-Fordyce et de Verneuil lors de la grossesse.

Leur rebond est possible dans le post-partum.

– L’activité des glandes sébacées est variable dans le dernier trimestre de la grossesse.

L’effet est variable sur une acné préexistante.

L’utilisation de topiques antiacnéiques à base de peroxydes de benzoyle, d’antibiotiques (macrolides), d’acide azélaïque (Skinorent) peut être proposée si nécessaire.

E – MODIFICATIONS DES PHANÈRES :

– Les ongles se modifient rapidement et leur pousse est accélérée.

Ils sont plus brillants et plus cassants.

Des sillons transversaux, une onycholyse distale, une hyperkératose sous-unguéale peuvent apparaître.

– Les poils et les cheveux subissent l’action hormonale. Le cycle pilaire se modifie : les poils anagènes augmentent et l’évolution en phase télogène diminue.

Les cheveux sont plus brillants et plus souples.

Une hypertrichose discrète régressive dans le post-partum est possible.

L’apparition d’un hirsutisme doit faire rechercher une origine tumorale ovarienne ou surrénalienne.

Après l’accouchement, une chute physiologique des cheveux survient : c’est l’effluvium télogène.

Il apparaît 4 à 12 semaines après la fin de la grossesse et dure 3 à 4 mois.

La repousse spontanée est totale en 6 à 15 mois.

La recherche d’une carence martiale doit être systématique.

F – MODIFICATIONS GINGIVALES :

Elles sont fréquentes et aggravées par une mauvaise hygiène buccodentaire.

L’épulis, la gingivite hyperplasique et les hémorragies gingivales sont banales.

G – MODIFICATIONS DES ORGANES GÉNITAUX ET DES SEINS :

– La vulve est hyperpigmentée et peut être le siège de varices.

Le signe de Jacquemier-Chadwick correspondant en une congestion veineuse vulvovaginale est un signe précoce et constant de grossesse.

– Les seins sont tendus.

L’aréole est pigmentée et bombée.

La pigmentation prédomine souvent sur le pourtour aréolaire, réalisant un « second mamelon ».

Elle peut déborder sur la peau voisine en prenant un aspect réticulé.

Les vergetures sont fréquentes chez les primipares.

Le réseau veineux sous-cutané est visible.

L’hypertrophie des tubercules de Montgomery est un signe de grossesse, présent dès la sixième semaine de gestation.

Une hyperkératose aréolaire, récidivant lors des grossesses ultérieures, a été décrite.

H – MOLLUSCUM FIBROSUM GRAVIDARUM :

Ce sont de petites lésions pédiculées de quelques millimètres de diamètre, rosées ou discrètement pigmentées.

Elles siègent sur le thorax, les aisselles, le cou, les plis sous-mammaires.

Elles régressent le plus souvent spontanément dans le post-partum. Leur électrocoagulation peut être proposée en cas de persistance.

Affections prurigineuses spécifiques de la grossesse :

Le prurit est un signe observé dans 1 à 18% des grossesses.

Il peut être la traduction des modifications physiologiques produites par la gestation, correspondre à une maladie intercurrente ou préexistante, ou être le symptôme principal d’une affection spécifique de la grossesse.

L’incidence de ces affections est de 0,5 à 2 % des grossesses.

Leur pathogénie est obscure et d’autonomie discutable.

Cette nosologie obscure est liée à l’accumulation d’appellations et de sigles désignant des entités souvent identiques ne justifiant pas leur individualisation.

Parmi ces affections, certaines sont probablement intercurrentes à la gestation (dermatite autoimmune à la progestérone, impétigo herpétiforme [IH]), d’autres sont d’individualisation discutable (dermatite papuleuse de Spangler, prurigo gestationis de Besnier, folliculite prurigineuse de la grossesse, dermatite à immunoglobulines [Ig]M linéaire de la grossesse).

A – CLASSIFICATION DES AFFECTIONS PRURIGINEUSES DE LA GROSSESSE :

Une classification simplifiée axée sur des critères pronostiques et thérapeutiques permet de définir trois cadres diagnostiques :

– le prurit gravidique (PG) ; – la pemphigoïde gestationis ou herpes gestationis (HG) ;

– le groupe des éruptions polymorphes de la grossesse (EPG).

Les deux premières entités sont définies par des caractères cliniques et surtout paracliniques distinctifs.

Le dernier groupe inclut les affections ayant cliniquement comme lésion clinique élémentaire une papule, dont les pronostics maternels et foetaux sont identiques à ceux d’une population témoin et dans lesquelles aucun critère des deux entités précédentes n’est trouvé.

B – PRURIT GRAVIDIQUE :

Synonymes : cholestase intrahépatique gravidique, pruritus gravidarum.

Le PG correspond à une cholestase intrahépatique définie par des critères cliniques et biologiques précis, induite par des médiateurs hormonaux et/ou métaboliques, survenant sur un terrain prédisposé génétiquement.

1- Épidémiologie :

Le PG complique 0,1 à 3 % des grossesses.

Des paramètres génétiques, ethniques et familiaux modulent son expression.

Il est favorisé par la gémellité (21 % versus 4,7 % dans les grossesses uniques).

La prise d’oestroprogestatifs peut induire sa survenue chez des nullipares.

2- Aspects cliniques :

Le PG débute dans 70 % des cas entre la 28e et la 32e semaine d’aménorrhée.

* Signes cutanés :

Le prurit est constant.

Il est intense, insomniant dans 50 à 80 % des cas, induisant des lésions de grattage (stries linéaires, papules excoriées).

Des lésions papuleuses folliculaires ou non folliculaires peuvent être observées.

Un ictère cutanéomuqueux est observé dans 5 à 10 % des cas.

* Signes généraux :

L’apyrexie est constante.

Une altération de l’état général et des troubles digestifs peuvent être observés initialement.

Une hépatomégalie sensible est présente dans la moitié des cas.

3- Évolution :

Les manifestations cliniques, les perturbations biologiques s’intensifient au cours de la gestation. Une normalisation spontanée des symptômes survient 1 à 4 semaines après l’accouchement.

Les récidives du PG lors de grossesses ultérieures sont observées dans 50 à 70 % des cas.

La sévérité de la symptomatologie augmenterait avec la parité. Toutefois, une grossesse normale peut « s’intercaler » entre deux gestations compliquées par un PG.

Ces récidives peuvent survenir après la prise d’oestroprogestatifs.

4- Examens paracliniques :

* Biologie :

L’élévation du titre sérique des sels biliaires totaux à jeun est constante.

Au-dessus de deux fois la normale, elle confirme le diagnostic de PG, en l’absence de maladie hépatique intercurrente ou préexistante.

Dans les formes débutantes, le dosage des sels biliaires totaux postprandiaux (1 à 2 heures après un repas enrichi en laitages et en graisses) permet de porter un diagnostic.

L’élévation des transaminases hépatiques est observée dans 65 % des cas (ALAT [alanine aminotransférases] supérieures aux ASAT [aspartate aminotransférases]).

La sensibilité diagnostique de l’augmentation des titres sériques des sels biliaires et des transaminases est élevée.

Ces tests ne sont toutefois pas spécifiques puisqu’ils sont élevés dans d’autres hépatopathies.

Toutefois, 50 % des hépatopathies observées au cours de la grossesse sont dues à un PG.

Les autres paramètres hépatiques sont inconstamment perturbés et n’ont aucun intérêt diagnostique.

Une lipoprotéine anormale, la lipoprotéine X, marqueur non spécifique d’une cholestase, serait présente dans 95 à 98 % des cas de PG.

* Histologie :

Le parenchyme hépatique est le siège d’une cholestase intrahépatique non caractéristique.

5- Pathogénie :

Le PG surviendrait sur un terrain génétiquement prédisposé (déficit enzymatique hépatique ?

Perturbation du cycle entérohépatique et de la clairance des hormones gestagènes et/ou des sels biliaires ?), potentialisant l’action physiologique des oestrogènes et de la progestérone sur le métabolisme hépatique.

Le prurit est indépendant des titres sériques ou cutanés des sels biliaires.

Son médiateur serait un facteur photolabile, éluable par plasmaphérèse et non encore identifié.

6- Diagnostic différentiel :

Le diagnostic de PG n’est retenu qu’après avoir éliminé les autres étiologies de cholestase intrahépatique.

Un prurit nu, sans lésions cutanées, sans anomalies des paramètres hépatiques ou des titres des sels biliaires totaux, différent du PG, peut être observé en cours de gestation, favorisé par les modifications hémodynamiques, mécaniques (distension cutanée abdominale) ou métabolique (xérose cutanée).

Il n’a pas d’incidence sur le pronostic foetal.

7- Traitement :

Le traitement est essentiellement symptomatique.

Il vise à diminuer l’intensité du prurit.

Il reposait sur l’utilisation de chélateurs des sels biliaires (cholécystiramine).

L’importance des troubles digestifs induits par cette thérapeutique justifie son interruption dans 10 % des cas.

Les effets secondaires sont réduits par une augmentation progressive des posologies.

Le phénobarbital est efficace sur le prurit à des doses comprises entre 3 et 10 mg/kg/j.

Il a une action inductrice enzymatique et sédative.

L’acide ursodésoxycholique paraît être, actuellement, la thérapeutique assurant l’amélioration la plus significative de la symptomatologie maternelle.

Il est proposé à la posologie de 1 g/j. Il n’aurait pas d’effets indésirables sur le foetus.

Ce traitement n’a toutefois pas l’autorisation de mise sur le marché (AMM) dans cette indication.

L’utilisation parentérale en intraveineuse du S-adénosyl L-méthionine (SAMe) est efficace dans le PG à des doses de 800 mg/kg/j.

Son utilisation en pratique courante est difficile. L’utilisation de gomme guar aurait une efficacité significative sur le prurit.

Cette substance permettrait une réduction des titres de cholestérol et de sels biliaires.

La survenue de signes de souffrance foetale aiguë, l’intensité du prurit, justifient parfois le recours à un accouchement prématuré de la grossesse, dès que la maturité pulmonaire le permet.

8- Pronostic :

La gravité du PG est surtout liée à l’augmentation de la morbidité et de la mortalité foetales : prématurité dans 33 à 66 % des cas, mortalité périnatale dans 35 % des cas (population générale : 11 %), souffrance foetale in utero (bradycardie, émission méconiale) dans 27 % des cas (population générale : 9 %).

– Pronostic maternel : il est bon.

Un risque d’hémorragie de la délivrance, secondaire à une malabsorption digestive des facteurs vitamine K-dépendants, existe dans les formes sévères et prolongées de PG.

La fréquence des lithiases vésiculaires est 2,5 fois plus élevée chez les femmes ayant eu un PG.

– Pronostic foetal : il serait lié à la durée d’évolution et à l’intensité du PG, aux titres sériques et intra-amniotiques des sels biliaires totaux.

Les titres sériques d’á-foetoprotéine, d’hormone lactoplacentaire, et l’oestriolurie n’ont pas de valeur prédictive sur le pronostic foetal.

– Surveillance maternofoetale : elle est basée sur les paramètres cliniques, échographiques, biologiques, et sur l’enregistrement du rythme cardiaque foetal, primordial dans le PG.

C – PEMPHIGOÏDE GESTATIONIS :

La pemphigoïde gestationis ou HG, est une dermatose bulleuse auto-immune de la jonction dermoépidermique, induite par la grossesse, plus rarement par la prise d’oestroprogestatifs, et exceptionnellement par des tumeurs trophoblastiques (môle hydatiforme, choriocarcinome ovarien).

1- Épidémiologie :

La fréquence de l’HG, variable selon les études, serait comprise entre 1/1 600 à 1/50 000 grossesses.

Ces différences sont liées à la réalisation systématique ou non d’études histologiques cutanées en immunofluorescence.

L’HG affecte la multipare caucasienne (67 à 77 % des cas).

La prévalence dans les autres groupes ethniques est rare. Une prédisposition génétique est certaine.

2- Aspects cliniques :

* Signes cutanéomuqueux :

L’HG débute dans 60 % des cas entre la 28e et la 32e semaine d’aménorrhée, et dans 20 % des cas dans les 7 jours suivant l’accouchement.

Des formes précoces, dès la deuxième semaine de gestation, sont possibles.

Le prurit est constant.

Il précède de 1 à 4 semaines l’éruption. Il débute et prédomine à l’abdomen.

Il est souvent intense et insomniant. L’éruption débute dans 50 à 80 % des cas en région périombilicale et s’étend de façon centrifuge au reste du corps.

Des atteintes des muqueuses buccale et vaginale, du visage, des extrémités palmoplantaires (aspect dysidrosique) sont possibles.

L’éruption est faite de papules oedémateuses, érythémateuses, confluant en larges plaques à contour polycyclique, bien limitées.

Certaines lésions sont en « cocarde ».

Des vésicules et/ou des bulles apparaissent ensuite sur ces plaques ou en peau saine.

Les bulles sont tendues, à contenu liquidien clair. Des pustules amicrobiennes ont été observées.

Les lésions laissent une pigmentation maculaire cicatricielle.

* Signes généraux :

Un malaise général pseudogrippal peut précéder l’éruption.

3- Évolution :

Les symptômes s’améliorent habituellement dans les 6 à 8 dernières semaines de gestation.

Une exacerbation provisoire dans les 12 à 48 heures du post-partum est observée dans 75 à 85 % des cas.

La symptomatologie disparaît complètement après l’accouchement en 5 à 8 semaines, et ce d’autant plus rapidement que la femme allaite son enfant et qu’elle est primipare.

Le passage à la chronicité est exceptionnel.

Le risque de récidive d’HG lors de grossesses ultérieures est compris entre 50 et 70 %.

Les récidives seraient alors plus précoces et plus sévères.

La prise d’oestroprogestatifs peut favoriser dans 20 à 50 % des cas de nouvelles poussées.

Des éruptions prémenstruelles ou préovulatoires ont été observées dans 12 % des cas.

4- Examens paracliniques :

* Histologie :

L’image histologique caractéristique est une bulle sous-épidermique associée à un infiltrat dermoépidermique inflammatoire riche en polynucléaires éosinophiles.

L’étude cutanée en immunofluorescence directe (IFD) affirme le diagnostic en objectivant, de manière constante, un dépôt linéaire, dense, régulier, de la fraction C3 de complément le long de la jonction dermoépidermique, associé à un dépôt d’IgG (dans 30 à 50 % des cas).

L’absence de dépôt de C3 en IFD élimine le diagnostic d’HG. Immunomicroscopie électronique

Les dépôts d’Ig sont localisés en immunomicroscopie électronique (IME) dans la lamina lucida, au pôle basal de la membrane plasmique des kératinocytes de l’assise germinative, respectant les hémidesmosomes.

Les dépôts sont inconstants (50 à 70 % des cas) et persistent plusieurs mois ou années après la disparition des lésions, permettant des diagnostics rétrospectifs.

* Immunofluorescence indirecte (immunoblot) :

Un autoanticorps circulant, une IgG1, l’HG factor, sont détectés dans le sérum dans 60 à 90 % des cas.

L’HG factor traverse la barrière placentaire.

Il reconnaît un site antigénique MCW 1 localisé dans le domaine membranaire NC 16A de la glycoprotéine hémidesmosomale de 180 kDa, exprimé à partir du deuxième trimestre de gestation par le placenta, plus exceptionnellement un antigène de 230 kDa.

Cet antigène est normalement absent lors de la grossesse.

Il est localisé sur les membranes plasmiques des cellules basales de l’épiderme, de l’amnios, du cordon ombilical, et sur les villosités choriales.

Il n’est pas spécifique de l’HG et peut être trouvé dans les pemphigoïdes séronégatives.

* Biologie :

Une hyperéosinophilie (supérieure à 500/mm3) est observée dans 50 % des cas.

Le titre sérique des éosinophiles serait corrélé aux titres d’anticorps circulants et à la gravité de l’expression clinique de l’HG.

* Groupe HLA :

Une prédisposition génétique est certaine.

L’appartenance des patientes au groupe HLA DR3 ou à l’haplotype DR3-DR4 est significativement supérieure à la population générale.

L’existence d’une prédisposition génétique du géniteur est supposée, comme le suggère leur appartenance préférentielle au groupe HLA DR2 (50 % des cas).

5- Pathogénie :

L’HG est dû à une dysrégulation immunitaire entre l’unité foetoplacentaire et l’organisme maternel, survenant sur un terrain génétiquement prédisposé.

Le rôle des antigènes HLA placentaires est déterminant. Une expression aberrante de ces antigènes de classe II est démontrée (anomalie d’expression des antigènes HLA DQ, défaut d’expression de l’allèle C4).

Des réactions immunoallergiques entre les lymphocytes T maternels et les antigènes placentaires seraient alors induites.

Le rôle du polynucléaire éosinophile est important dans la genèse des lésions tissulaires, par la libération de substances protéolytiques (major binding protein [MBP]).

6- Diagnostics différentiels :

L’examen en IFD permet d’affirmer le diagnostic d’HG en présence d’une éruption prurigineuse survenant en cours de gestation.

7- Associations pathogéniques :

L’association de l’HG avec des maladies auto-immunes est rare.

L’existence d’anticorps antithyroïdiens, sans signes cliniques de dysthyroïdie, a été trouvée dans 43 % des cas. Une surveillance bioclinique à la recherche d’une dysfonction thyroïdienne est justifiée chez les patientes ayant eu un HG, notamment en cas d’appartenance aux groupes HLA DR3 et/ou DR4.

8- Traitement :

Le traitement dépend de l’intensité des manifestations cliniques de l’HG, car le pronostic foetal serait corrélé en partie à leur sévérité.

La corticothérapie générale, à des doses de 0,5 à 1 mg/kg/j, est indiquée dans les formes bulleuses étendues.

Le traitement améliore habituellement en 1 à 2 semaines les symptômes et doit être poursuivi durant toute la gestation.

Il n’occasionne aucun retentissement foetal, sous réserve d’une bonne surveillance clinique et paraclinique.

Une corticothérapie locale peut être proposée dans les formes peu étendues.

Son efficacité est inconstante.

L’association ritodrine (Pré-Part) à la dose de 40 mg/j et pyridoxine (vitamine B6) aux doses de 200 à 600 mg/j, a un effet suspensif sur l’HG.

C’est une alternative à la corticothérapie dans les formes paucisymptomatiques.

L’utilisation de perfusions d’Ig et de ciclosporine a été proposée dans un cas d’HG sévère récurrent.

9- Pronostic :

L’HG n’a pas d’incidence sur le pronostic maternel, mais il modifierait le pronostic foetal.

Cette influence serait corrélée à l’intensité de la symptomatologie maternelle, à la réponse aux thérapeutiques proposées, aux titres sériques d’éosinophiles, et à l’importance des dépôts tissulaires d’autoanticorps.

Il ne dépend pas de l’âge maternel, de la parité, de la date du début des signes, des titres sériques d’HG factor et d’anticorps anti-HLA.

Les risques de prématurité et d’hypotrophie foetale semblent plus élevés dans les grossesses compliquées par un HG.

Une éruption polymorphe précoce (avant la fin de la première semaine postnatale) est décrite chez 5 à 10% des nouveau-nés.

Elle disparaît sans séquelle en moins de 1 mois. L’étude en IFD met en évidence des dépôts de C3 (+ IgG) sur la peau de nouveau-né ou au niveau du cordon, qu’il y ait ou non des lésions cutanées.

Ces dépôts seraient liés au passage passif transplacentaire des autoanticorps et/ou des lymphocytes T cytotoxiques maternels.

D – GROUPES DES ÉRUPTIONS POLYMORPHES DE LA GROSSESSE :

Synonymes : prurigos de la grossesse, dermatites papuleuses et prurigineuses de la grossesse.

1- Définition :

Le groupe des EPG concerne l’ensemble des affections cutanées prurigineuses (HG exclu) survenant en cours de gestation ou dans le post-partum immédiat (avant la fin de la première semaine), ne présentant aucune perturbation des titres sériques des sels biliaires totaux et/ou des transaminases.

Les affections ont en commun une absence de retentissement maternel ou foetal et des lésions élémentaires papuleuses (urticariennes ou prurigoïdes).

De nombreuses entités (pruritic urticarial papules and plaques of pregnancy [PUPPP] syndrome, prurigo tardif, rash toxémique, prurigo gestationis de Besnier, dermatite papuleuse de Spangler, folliculite prurigineuse de la grossesse, dermatite à IgM linéaire de la grossesse) s’intègrent dans le groupe des EPG.

2- Épidémiologie :

La fréquence des EPG est de 0,5 à 2 % des grossesses.

Elles atteignent principalement les primipares (60 à 70 % des cas).

La gémellité semble favoriser leur survenue.

3- Aspects cliniques :

* Signes cutanés :

Les symptômes débutent après la 34e semaine d’aménorrhée dans 80 % des cas, et dans 16 % des cas dans le post-partum immédiat. Le prurit est intense et insomniant dans 80 à 90 % des cas.

Il peut précéder l’éruption de 1 à 2 semaines.

La lésion élémentaire de 3 à 5 mm de diamètre est une papule oedémateuse, folliculaire ou non.

L’éruption polymorphe est faite de papules confluant en plaques bien limitées, de vésicules dans 44 % des cas, et de lésions en « cocarde » dans 19 % des cas.

Aucune lésion bulleuse n’est observée.

L’éruption se localise préférentiellement à l’abdomen, principalement au niveau des vergetures péripubiennes et des flancs, respectant la région périombilicale.

Une extension centrifuge se limitant au tronc, à la racine des membres, respectant le visage et les muqueuses, est habituelle.

* Signes généraux :

L’état général est conservé.

4- Évolution :

Les lésions disparaissent 1 à 6 semaines après l’accouchement.

Une exacerbation transitoire de l’éruption dans le post-partum immédiat est observée dans 15 % des cas.

La récidive lors des grossesses ultérieures est trouvée dans 20 % des cas.

La prise d’oestroprogestatifs, les menstruations n’induisent pas de récidive.

5- Examens paracliniques :

* Histologie :

Les lésions épidermiques sont inconstantes, associant des images de parakératose, de spongiose ou d’exocytose.

Un infiltrat dermique inflammatoire périvasculaire lymphohistiocytaire est constamment observé.

Une atteinte des annexes pilosébacées est possible.

L’étude en IFD est habituellement négative.

Des dépôts d’IgG ou d’IgM localisés à la jonction dermoépidermique ou sur la paroi des vaisseaux dermiques sont possibles, rendant quelquefois difficile la différenciation diagnostique avec l’HG.

L’absence de dépôt de C3 élimine toutefois ce diagnostic.

Les dépôts d’Ig ne dépendent pas de l’intensité de l’éruption, ni de l’importance des altérations histologiques.

Leur signification n’est pas établie.

* Biologie :

Les paramètres de la biologie hépatique et de l’hémogramme sont normaux.

Les titres sériques de bêta-human chorionic gonadotrophin (hCG) plasmatiques, d’oestradiol, d’oestriol et de cortisol sont identiques à la population témoin, contrairement à l’hypothèse émise par Spangler.

Les recherches d’HG factor sont constamment négatives.

6- Pathologie :

L’étiopathogénie des EPG est inconnue.

Les rôles d’une distension cutanée abdominale excessive, induite par une prise pondérale maternelle ou foetale importante, l’existence d’un facteur F placentaire stimulant la prolifération des fibroblastes dermiques ont été réfutés.

L’augmentation de la fréquence des EPG, lors des grossesses multiples, n’a pas été expliquée.

Le rôle de complexes immuns dirigés contre la jonction dermoépidermique a été proposé.

Une réaction immunologique dirigée contre des cellules foetales localisées au niveau de l’épiderme des gestantes a été récemment suggérée, par analogie au phénomène de microchimérisme suspecté dans les sclérodermies.

7- Diagnostic différentiel :

Aucun critère clinique, histologique ou biologique ne permet de porter le diagnostic d’EPG avec certitude.

C’est un diagnostic d’exclusion.

Il convient d’écarter un HG, mais aussi les affections cutanées préexistantes ou intercurrentes.

8- Traitement :

L’utilisation de dermocorticoïdes de classe II permet habituellement une amélioration des symptômes, en association avec l’utilisation d’émollients et de sédatifs antiprurigineux (hydroxyzine).

Une corticothérapie générale à la dose de ½ mg/kg/j peut être proposée dans les formes résistantes aux traitements locaux ou gênantes fonctionnellement.

9- Pronostic :

Le pronostic maternel et le pronostic foetal dans les EPG sont bons.

Dermatoses intercurrentes à la grossesse :

La grossesse a une influence très variable sur l’évolution des dermatoses infectieuses, inflammatoires ou tumorales, intercurrentes ou préexistantes.

A – IMPÉTIGO HERPÉTIFORME :

Décrit en 1872 par Hebra, l’IH est une dermatose pustuleuse survenant en cours de grossesse et s’intégrant dans le cadre des psoriasis pustuleux.

1- Épidémiologie :

L’IH est une affection rare, atteignant dans 68 % des cas des femmes sans antécédent personnel ou familial de psoriasis. Aucune prédisposition génétique n’a été établie.

2- Aspects cliniques :

L’IH débute dans 82 % des cas au cours des deuxième et troisième trimestres de gestation, exceptionnellement au cours du post-partum immédiat.

* Signes cutanéomuqueux :

Le prurit est intense.

Il précède de quelques jours l’éruption constituée par des placards érythémateux inflammatoires, à limites nettes, d’évolution centrifuge, confluant en larges nappes.

Des micropustules de 1 à 2 mm de diamètre, non folliculaires, apparaissent sur ces plaques. Elles sont superficielles, d’un blanc laiteux.

L’éruption siège principalement dans les grands plis de flexion.

Aucune partie du corps n’est épargnée.

Les régions palmoplantaires, le cuir chevelu, le visage, les muqueuses aérodigestives supérieures, anales, vaginales peuvent être atteintes.

Des lésions érosives peuvent survenir au niveau de la muqueuse buccale et oesophagienne.

Une dyspnée liée à une atteinte du tractus respiratoire est possible.

* Signes généraux :

Une altération de l’état général est présente dans 85 % des cas.

Une fièvre hectique, avec de grands frissons solennels, est observée avant chaque poussée.

Des troubles digestifs avec nausées, vomissements, diarrhées, peuvent aggraver le risque de déshydratation globale.

Des myalgies, des crampes musculaires, des contractures, des troubles neurologiques ou articulaires (arthrite, sciatalgie, convulsions) peuvent compliquer le tableau clinique.

3- Évolution :

L’évolution se fait par poussées successives entrecoupées de phases de rémission.

Une guérison spontanée, avant ou après l’accouchement, est possible (20 % des cas).

Mais le plus souvent, en l’absence de traitement, une aggravation de la symptomatologie est observée.

Elle peut être fatale, marquée par la survenue d’accidents neurologiques et digestifs compliquant les perturbations métaboliques.

La récidive est constante lors des grossesses ultérieures.

Une exacerbation menstruelle après la prise d’oestroprogestatifs ou après des épisodes d’infections génitales est possible.

4- Examens complémentaires :

– L’histologie montre une pustule sous-cornée multiloculaire, emplie de polynucléaires neutrophiles altérés.

Le derme superficiel renferme un infiltrat inflammatoire polymorphe.

– Les prélèvements bactériologiques cutanés et sanguins sont stériles.

– L’ionogramme sanguin met en évidence une hypocalcémie dans 26 à 50 % des cas, associée à une hypoprotidémie et à une hypoalbuminémie induite par l’exsudation cutanée.

5- Pathogénie :

Des hypothèses de perturbations immunologiques (synthèse d’anticorps antistratum corneum, synthèse de facteurs intervenant dans le chimiotactisme des polynucléaires neutrophiles, élévation des titres cutanés de protéases activatrices du complément) ont été proposées, par analogie au psoriasis.

Leur importance dans l’IH n’est pas connue. Une origine hormonale est admise.

Le rôle de la progestérone est suspecté. Son mécanisme d’action est inconnu.

6- Diagnostic différentiel :

Les pustuloses aiguës exanthématiques généralisées doivent être envisagées systématiquement.

L’individualisation de l’IH au sein de ce cadre pathogénique est difficile.

Le principal diagnostic différentiel serait le psoriasis pustuleux aigu de von Zumbush.

Aucun critère clinique, biologique, histologique ne permet de différencier les deux affections.

7- Traitement :

L’antisepsie cutanée rigoureuse est indispensable afin d’éviter toute surinfection bactérienne.

Le traitement actuel, d’efficacité inconstante, repose sur la corticothérapie générale (1 mg/kg/j) seule ou associée à une supplémentation vitaminocalcique.

L’UVAthérapie locale ou après badigeon de psoralènes (solution de 8-méthoxypsoralène) serait efficace.

L’utilisation locale des psoralènes n’est pas contre-indiquée au cours de la grossesse en raison de leur faible diffusion systémique.

La puvathérapie (prise orale de psoralènes), les rétinoïdes (Soriatanet) sont formellement contre-indiqués en cours de gestation. Ils peuvent être utilisés avec succès dans le post-partum.

Dans les formes gravissimes mettant en jeu le pronostic vital maternel, un avortement thérapeutique est proposé.

Toute nouvelle grossesse est contre-indiquée en raison des récidives plus sévères lors de nouvelle gestation.

8- Pronostic :

– Pronostic maternel : il est grevé par les troubles métaboliques, neurologiques et digestifs pouvant conduire au décès dans 70 à 89 % des cas en l’absence de traitement.

– Pronostic foetal : il est réservé. Le taux de mortalité in utero serait de 20 à 25 %.

La nature du traitement maternel ne modifie pas ce risque.

Les décès, en période néonatale, peuvent survenir chez des enfants indemnes de lésions cutanées.

Les taux de prématurité sont de 30 à 40 %, de malformations foetales (hydrocéphalie) de 20 à 30 %.

Une surveillance précise de la croissance, de la vitalité du foetus et de sa maturité s’impose pour décider du terme et des modalités d’accouchement.

B – DERMATITE AUTO-IMMUNE À LA PROGESTÉRONE DE LA GROSSESSE :

La dermatite auto-immune à la progestérone (DAIP) n’est pas spécifique de la grossesse.

Cette affection rare est caractérisée par la survenue cyclique, 7 à 10 jours avant les règles, d’une

éruption cutanée polymorphe disparaissant en 1 à 3 jours après les menstruations. L’éruption associe des lésions à type d’érythème polymorphe, des lésions acnéiformes, des lésions urticariennes et/ou dysidrosiformes.

La DAIP doit être différenciée des affections présentant une exacerbation en période prémenstruelle : acné, psoriasis, lupus érythémateux, dermatite atopique, lichen plan, dermatite herpétiforme.

Le diagnostic est confirmé par la positivité de l’intradermoréaction à la progestérone, pratiquée en deuxième partie de cycle. Des anticorps dirigés contre la progestérone et la 17-alpha-hydroxyprogestérone ont été trouvés.

La grossesse peut être considérée comme un facteur déclenchant de la DAIP, en intervenant comme facteur sensibilisant à la progestérone, tout comme les traitements progestatifs.

Quatre cas sont survenus en cours de gestation.

La récidive est constante.

Dans deux cas, un avortement précoce a eu lieu.

Le traitement le plus efficace repose sur une oestrogénothérapie. L’éthinyloestradiol est utilisé à la dose de 0,05 mg, une à trois fois par jour.

Le traitement pose le problème de ses contreindications et de ses effets indésirables.

Un analogue de la gonadotrophin realeasing hormone, la buséréline, aurait permis une amélioration de la symptomatologie.

Quand le diagnostic est certain, et en présence de contre-indications à l’oestrogénothérapie, une ovariectomie a été proposée avec succès.

L’efficacité du tamoxifène a été rapportée.

C – CONNECTIVITES ET GROSSESSE :

Les modifications évolutives des connectivites pendant la grossesse suggèrent l’influence des hormones sexuelles sur le système immunitaire.

La polyarthrite rhumatoïde est améliorée par la grossesse.

À l’inverse, les poussées gestationnelles de lupus entraînent un risque foetomaternel grave.

Les dermatopolymyosites peuvent être améliorées ou aggravées par la grossesse.

Le mécanisme précis expliquant la modulation de la réponse immune par les hormones sexuelles reste inconnu.

1- Maladie lupique :

Le lupus est une maladie auto-immune systémique d’expression polymorphe.

Une aggravation possible durant la gestation, quel que soit le type clinique de lupus, implique une prise en charge médicale attentive de la mère et du foetus.

Le risque est majoré par une atteinte rénale préexistante, et la grossesse est mieux tolérée quand la patiente est en rémission stable et prolongée depuis plusieurs mois.

L’évolutivité du lupus lors de la conception est un facteur pronostique important : si la fécondation a lieu lors d’une poussée évolutive du lupus, le risque d’aggravation est de 50 %.

De même, les lupus découverts lors d’une grossesse sont souvent sévères, entraînant des atteintes multiviscérales.

L’oedème palpébral ou facial, l’oedème des extrémités, et l’érythème palmaire peuvent survenir physiologiquement lors de la grossesse, rendant plus difficile l’évaluation clinique des femmes lupiques.

La surveillance biologique doit comporter des dosages répétés des paramètres rénaux, des anticorps antiacide désoxyribonucléique (ADN), du complément sérique total et de ses fractions.

La baisse de la fraction C4, normalement élevée dans la grossesse, est un facteur prédictif d’une poussée évolutive.

La surveillance doit être renforcée dans le dernier trimestre de gestation et dans le postpartum, en raison de la fréquence élevée des poussées évolutives.

La surveillance tensionnelle doit être systématique.

En cas d’atteinte rénale, la corticothérapie doit être maintenue après l’accouchement. Le pronostic maternel pour les grossesses ultérieures ne peut être précisé, l’évolution du lupus étant fluctuante.

Le pronostic foetal est réservé dans les formes sévères.

Les avortements spontanés des femmes lupiques sont deux fois plus fréquents que dans la population générale.

Ils sont liés à la présence d’anticorps antiphospholipides maternels entraînant des phénomènes de thrombose des vaisseaux placentaires.

La fréquence des avortements spontanés est proportionnelle aux titres sériques de ces anticorps.

La mort foetale est plus fréquente si le lupus est actif au moment de la fécondation.

Les taux de prématurité sont compris entre 16 et 37 %.

Une atteinte lupique néonatale est observée lorsque les mères ont un lupus avec anticorps anti-SSA positifs.

Le tableau clinique associe des lésions cutanées polymorphes, une atteinte cardiaque et éventuellement des lésions multiviscérales.

La myocardite foetale lupique, caractérisée par des troubles conductifs, notamment des blocs auriculoventriculaires complets (5 % des cas), engage le pronostic vital.

Elle est liée au passage transplacentaire massif des Ig maternelles à la période où la densité myocardique foetale du complexe RO est maximale.

La myocardite est diagnostiquée in utero sur la constatation d’une bradycardie foetale.

L’échographie foetale confirme l’hypokinésie cardiaque et permet de visualiser éventuellement une péricardite et/ou des épanchements pleuraux.

Le traitement repose sur des plasmaphérèses maternelles et sur la dexaméthasone.

Le cortisol et la prednisolone étant transformés en principes inactifs lors du passage de la barrière foetomaternelle, ils ne peuvent pas être utilisés pour traiter le foetus.

La nécessité d’une sonde d’entraînement cardiaque à la naissance est possible.

Quand un premier enfant est atteint, le risque de récurrence est de 25 % pour la fratrie.

En l’absence de troubles conductifs, l’évolution du lupus néonatal est spontanément favorable.

2- Sclérodermie systémique :

L’influence de la grossesse sur la sclérodermie systémique est différente selon les patientes.

Certaines sont améliorées : le syndrome de Raynaud s’atténue, la peau s’assouplit.

En revanche, le risque d’aggravation est présenté par une atteinte rénale. L’apparition d’une protéinurie et/ou d’une insuffisance rénale avec hypertension artérielle sévère et insuffisance cardiaque congestive engage le pronostic vital.

Les inhibiteurs de l’enzyme de conversion associés aux diurétiques permettent habituellement le contrôle de la symptomatologie.

La surveillance tensionnelle, le dosage de la créatininémie et la recherche d’une protéinurie doivent être systématiques.

Les complications foetales décrites sont l’avortement spontané, la mort in utero, la mort en période néonatale, le retard de croissance intra-utérin et la prématurité.

Le pronostic foetal serait conditionné à l’évolutivité de la sclérodermie maternelle.

Les traitements de fond de la sclérodermie (D-pénicillamine, colchicine) sont contre-indiqués pendant la grossesse.

Les antiinflammatoires non stéroïdiens doivent être prescrits avec prudence.

Les corticoïdes peuvent être utilisés avec précaution en présence d’une atteinte rénale.

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.