Pathologie oesophagienne de l’enfant

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Rappel embryologique :

Le développement de l’oesophage ne peut se concevoir que dans le cadre du développement de l’axe oesotrachéal.

À la quatrième semaine de vie intra-utérine, l’embryon qui n’est encore qu’un disque plat formé de trois feuillets élémentaires va se plicaturer de manière à former une structure tubulaire.

Pathologie oesophagienne de l’enfantDu fait de ce mouvement, la partie dorsale de la vésicule vitelline se retrouve incorporée à l’intérieur de la cavité du corps de l’embryon pour former l’intestin primitif d’origine endoblastique.

La portion céphalique de ce tube digestif primitif est appelée intestin antérieur, sa portion caudale est appelée intestin postérieur et la portion intermédiaire ou intestin moyen est reliée au sac vitellin par le canal vitellin.

Aux alentours des 26 et 27e jours, un petit diverticule va apparaître sur la paroi ventrale de l’intestin antérieur : c’est le diverticule trachéobronchique.

Grâce à l’effet inducteur de la notochorde, ce diverticule trachéobronchique va se séparer par un phénomène de cloisonnement de l’intestin antérieur.

Ce cloisonnement s’effectue simultanément à un allongement de l’ensemble du corps de l’embryon et donc notamment des ébauches trachéo-oesophagiennes.

Le cloisonnement va se faire selon deux axes. Le premier s’effectue de bas en haut et le deuxième est latéral s’effectuant à partir des plis trachéo-oesophagiens qui sont situés de part et d’autre de l’invagination du bourgeon trachéal.

Ces plis trachéo-oesophagiens vont fusionner l’un à l’autre sur la ligne médiane et former ainsi le septum trachéo-oesophagien qui va séparer l’ébauche trachéobronchique située en avant, de l’ébauche oesophagienne située en arrière.

La longueur définitive de l’oesophage n’est pas atteinte avant la 7e semaine, période à laquelle la portion abdominale de l’oesophage est relativement plus longue que chez l’adulte.

La musculeuse apparaît en début de 6e semaine.

Avant la fin de la 6e semaine, des contacts avec des branches terminales du pneumogastrique primitif ont lieu.

La musculature longitudinale de l’oesophage est retrouvée aux alentours de la 9e semaine mais ne constitue pas une couche jusqu’à la 12e semaine.

La musculeuse muqueuse n’est différenciée de la partie basse qu’au cours du 4e mois de vie intra-utérine et devient complète quelques semaines plus tard.

Durant les 7e et 8e semaines, l’épithélium oesophagien prolifère jusqu’à obstruer presque totalement la lumière oesophagienne.

Il persiste par endroits quelques espaces plus ou moins réguliers communiquant entre eux.

L’obstruction complète n’existe généralement pas chez l’homme.

Aux alentours de la 10e semaine, la lumière oesophagienne est à nouveau libre grâce à des phénomènes de résorption.

De ces données, on arrive à proposer une chronologie approximative des anomalies du développement oesophagien et de leurs conséquences anatomocliniques.

Pathologie oesophagienne congénitale :

A – ATRÉSIES OESOPHAGIENNES :

1- Pathogénie :

L’atrésie oesophagienne constitue en fait un ensemble très complexe de diverses malformations congénitales.

De très nombreuses variantes anatomiques ont été rapportées dans la littérature (à titre d’exemple, Kluth en a recensé 96 variantes …..).

De multiples systèmes de classification ont été proposés.

Celui qui est le plus usité est la classification de Gross.

Les formes les plus fréquemment rencontrées dans la littérature correspondent au type C de Gross qui rassemble environ 75 % des cas.

La physiopathogénie de ces atrésies oesophagiennes est très certainement multifactorielle.

Le défaut d’accolement des deux replis trachéo-oesophagiens a été incriminé.

Si ce défaut est complet vers le haut on aboutit alors à un diastème laryngo-trachéo-oesophagien.

S’il est circonscrit, cela s’intègre dans le cadre d’une fistule oesotrachéale.

L’anoxie ou le stress foetal in utero ont également été rendus responsables de nécroses localisées de l’oesophage pouvant aboutir à la formation d’une fistule oesotrachéale.

Dans un cas sur quatre, les atrésies oesophagiennes ou les fistules oesotrachéales sont associées à d’autres malformations du tractus digestif telles qu’imperforation anale, sténose du pylore, atrésie duodénale ou pancréas annulaire.

Parfois, on les rencontre également associées à d’autres malformations viscérales extradigestives telles que des malformations congénitales cardiaques, congénitales urinaires ou vertébrales.

L’association malformative la plus connue est le syndrome VATERCL qui associe des malformations vertébrales, anales, trachéales, oesophagiennes, rénales, cardiaques et des membres.

2- Diagnostic :

En anténatal, l’atrésie oesophagienne peut être suspectée devant l’existence d’un polyhydramnios ou l’impossibilité de visualiser l’estomac foetal lors des échographies successives.

À la naissance, on retrouve soit une impossibilité de déglutition de la salive ou du lait, soit l’existence de fausses routes, soit l’impossibilité de passer une sonde gastrique.

Quelquefois, le caractère mineur des fausses routes et l’absence de tout autre symptôme peuvent être la cause d’un retard diagnostique.

Le bilan à la recherche d’une atrésie oesophagienne et/ou d’une fistule oesotrachéale, qu’elles soient ou non associées, fait appel d’une part à une endoscopie laryngotrachéo-bronchique avec oesophagoscopie, et d’autre part à un bilan radiologique.

Au plan endoscopique, l’examen laryngotrachéal apprécie la mobilité laryngée, la morphologie générale du larynx dans ses différents étages.

L’examen de la trachée porte une attention particulière à la paroi postérieure où l’on recherche un aspect en « coup d’ongle » sur la muqueuse, au centre duquel se trouve généralement la fistule.

Celle-ci peut être située à n’importe quel niveau de la trachée.

Classiquement, elle est plutôt située à la jonction tiers moyen/tiers inférieur, très souvent en regard d’une trachéomalacie.

Toutefois, certains orifices fistuleux ont été retrouvés jusque dans la carène, pouvant parfois donner l’aspect d’une trifurcation bronchique.

Lorsque l’orifice est repéré on peut alors cathétériser avec une sonde très fine afin de suivre le trajet fistuleux.

Certains auteurs instillent des colorants vitaux de type bleu de méthylène, d’autres préfèrent laisser la canule en place.

L’étape suivante est alors la réalisation d’une oesophagoscopie qui retrouve soit la présence du colorant vital, soit visualise directement le cathéter précédemment mis en place.

Sur le plan radiologique, les clichés standards permettent parfois de retrouver un oesophage d’amont distendu dans le cadre de fistules de type A, B, C, D de Gross.

C’est en revanche l’opacification par des produits hydrosolubles iso-osmotiques qui permet le diagnostic anatomique précis. Un cas particulier est celui des brides muqueuses.

Elles sont souvent asymptomatiques si elles sont incomplètes mais peuvent être associées à une fistule oesotrachéale et sont alors considérées comme une variante des atrésies oesophagiennes.

3- Traitement :

Dans le cadre des atrésies, l’anastomose peut être réalisée dans le même temps chirurgical que la première intervention ou au contraire être reportée en fonction de l’importance du segment atrétique.

À titre documentaire, il convient de signaler l’existence d’un cas d’atrésie oesophagienne isolée qui s’est spontanément reperméabilisée.

Ce cas clinique est rapporté par Günsar.

Le traitement chirurgical de ces malformations n’est pas exempt de morbidité comme le montre Engum dans une étude rétrospective sur 20 ans.

Les sténoses sur la zone de la suture sont relativement fréquentes suivies par ordre décroissant de fréquence des écoulements postopératoires.

Moins fréquentes sont les reperméabilisations secondaires des fistules.

L’existence d’un syndrome polymalformatif dans lequel s’intègre l’atrésie est également un facteur favorisant de suites opératoires compliquées, voire de décès.

B – FISTULES OESOTRACHÉALES ISOLÉES :

Ce sont des formes rares également dites « fistules en H ».

Pour Tsai, cinq cas sur 81 fistules ou atrésies trachéo-oesophagiennes ont été rapportés.

Pour Genty, huit cas seulement rassemblant l’expérience de trois services d’ORL pédiatrique ont pu être colligés.

Dans les formes et associations exceptionnelles, on note pour mémoire l’atrésie oesophagienne associée à un pancréas ectopique en position oesophagienne relatée par Öscan.

Johnson a également rapporté une forme extrêmement rare qui est l’atrésie oesophagienne associée à une double fistule.

Pour cet auteur, cette variante anatomique ne représente que moins de 2 % de toutes les fistules et atrésies oesophagiennes.

Le traitement de cette malformation est chirurgical.

Il consiste en la ligature de la fistule, souvent réalisée par cervicotomie.

C – DUPLICATIONS OESOPHAGIENNES :

1- Pathogénie :

Elles constituent par ordre de fréquence les deuxièmes duplications digestives juste après les duplications iléales et représentent 15 à 20 % de toutes les duplications. Plusieurs théories ont été proposées afin d’expliquer le phénomène.

La théorie de la reperméabilisation d’une lumière aberrante a été proposée par Bremer. Selon cette théorie, entre les 5e et 6e semaines de vie intra-utérine l’épithélium oesophagien obstrue plus ou moins complètement la lumière oesophagienne.

Il se produit également des phénomènes de sécrétion de la part de cet épithélium.

À partir de là vont se former des vacuoles dans les espaces intercellulaires.

C’est la confluence de ces vacuoles en marge de la lumière oesophagienne normale qui, vers la 7e semaine, va entraîner par coalescence l’apparition d’un deuxième trajet parallèle au trajet principal.

Cette théorie explique très bien les duplications complètes de l’oesophage.

Toute autre est la théorie de Favara qui est basée sur l’existence de phénomènes ischémiques.

Celle-ci explique parfaitement l’existence d’atrésies localisées avec une duplication oesophagienne kystique (kystes entérogéniques) et limitées en regard uniquement de la zone ischémique.

Au plan anatomique, il faut noter que les duplications complètes sont extrêmement rares.

Elles sont souvent associées à une duplication gastrique.

La plupart des duplications oesophagiennes sont localisées dans l’espace sous forme de kystes sphériques localisés (kystes entérogéniques), généralement dans l’hémithorax droit et le plus souvent ne communiquant pas avec l’oesophage principal.

2- Diagnostic :

Cliniquement, les duplications oesophagiennes kystiques peuvent être révélées par une symptomatologie respiratoire, à type d’infections itératives, voire de détresses respiratoires, ou digestives telles que des douleurs correspondant à des augmentations de pression (saignement par exemple) dans le kyste ou des vomissements.

En cas de muqueuse gastrique associée, la perforation du kyste est toujours possible.

Les compressions oesophagiennes responsables de dysphagie sont plus rarement rencontrées.

Devant une symptomatologie aussi atypique, la présence d’anomalies vertébrales associées doit faire évoquer le diagnostic.

Dans les duplications complètes, des épisodes douloureux peuvent être présents du fait de fréquentes ulcérations oesophagiennes basses d’origine peptique dans le trajet dupliqué.

C’est l’imagerie qui en fait alors le diagnostic, et en particulier le scanner qui retrouve une masse de tonalité hydrique ne prenant pas le contraste lors de l’injection.

L’imagerie par résonance magnétique (IRM) est elle aussi un excellent examen retrouvant une masse de faible signal sur les séquences T1 et de très fort signal sur les séquences T2.

L’échographie transoesophagienne est elle aussi un excellent apport pour le diagnostic de ces lésions.

Dans le cadre de lésions exceptionnelles, un cas de triplication oesophagienne a été rapporté par Milsom.

Il était associé à une duplication gastrique.

3- Traitement :

Le traitement des duplications est l’exérèse chirurgicale, quelle qu’en soit la forme anatomique.

La voie d’abord varie avec l’extension et la localisation de la duplication (laparotomie, thoracotomie, cervicotomie).

D – STÉNOSES OESOPHAGIENNES CONGÉNITALES :

1- Pathogénie :

Les sténoses congénitales de l’oesophage sont des pathologies rares et souvent associées à des fistules trachéo-oesophagiennes ou des atrésies oesophagiennes.

Leur incidence est estimée à environ 1 sur 25 000 à 50 000 naissances.

Elles sont associées dans environ un tiers des cas à d’autres malformations congénitales.

La classification actuellement la plus utilisée est celle de Nihoul-Fekété.

On leur connaît trois formes.

La première est celle liée à des reliquats trachéobronchiques, la deuxième est une sténose fibromusculaire, la troisième est un diaphragme membraneux.

D’autres auteurs ajoutent une quatrième variante qui consiste en l’existence de sténoses multiples.

2- Diagnostic :

Cliniquement, les enfants présentent dans la grande majorité des cas (81 % pour Takamizawa) une dysphagie et/ou des vomissements.

Quelquefois, des épisodes de détresse respiratoire ont été relevés.

Parfois, cette lésion étant associée à une atrésie oesophagienne peut passer inaperçue.

Elle est alors diagnostiquée sur les examens de contrôle postchirurgie réalisés dans le cadre de la surveillance de l’atrésie oesophagienne.

C’est le bilan paraclinique qui va permettre le diagnostic de sténose congénitale de l’oesophage.

En cas de suspicion clinique, sont pratiquées d’une part une endoscopie oesophagienne associée également à une endoscopie laryngo-trachéo-bronchique, une opacification oesogastrique et une échographie transoesophagienne.

L’endoscopie oesophagienne permet de retrouver une sténose, de la quantifier et, dans certains cas, de mesurer la hauteur.

Sa réalisation doit toutefois être très prudente du fait du risque de perforation iatrogène accru dans ce type de pathologie.

L’examen de l’arbre trachéobronchique permet la recherche d’une éventuelle fistule oesotrachéale et d’une malformation laryngotrachéale associée, en particulier à type de sténose.

Celle-ci a été notée dans certaines séries.

L’opacification oesogastrique reste encore l’examen de référence.

Elle permet avec précision de mesurer la hauteur de la sténose ainsi que son degré.

L’échographie transoesophagienne est une technique qui se développe depuis ces dernières années.

Des études récentes ont permis de démontrer l’importance de cette technique dans la décision thérapeutique.

L’échographie permet en effet de distinguer les sténoses fibromusculaires de celles liées à la persistance de reliquat trachéobronchique.

Ainsi, le traitement peut être optimisé en fonction du type anatomopathologique de la lésion.

3- Traitement :

Le traitement repose sur deux techniques essentielles : la première consiste en des dilatations endoluminales, la deuxième consiste en une résection de la zone pathologique avec anastomose terminoterminale.

Dans chacun des cas, l’existence d’une autre lésion de type fistule conduit au traitement spécifique associé de la lésion.

La dilatation peut être réalisée par des sondes de calibre croissant (type Savary).

Des dilatations par ballonnets hydrostatiques sont également réalisées.

Plusieurs dilatations sont nécessaires mais celles-ci ne sont efficaces que dans le cas de sténoses fibromusculaires.

L’existence de résidus cartilagineux à type de reliquat trachéobronchique enlève toute efficacité à cette technique et d’autre part augmente le risque de perforation oesophagienne iatrogène.

Entre chaque séance de dilatation, on est amené à évaluer l’efficacité tant sur le plan clinique que sur le plan endoscopique ou radiologique.

C’est la stabilisation de l’ensemble de ces critères mais essentiellement de la clinique qui conduit à cesser toute dilatation.

Les résections oesophagiennes sont indiquées dans le cas de persistance d’un reliquat cartilagineux d’origine trachéobronchique ou en cas d’échec de séances de dilatations répétées.

Une résection de la région sténotique avec une anastomose terminoterminale est pratiquée en cas de sténose peu étendue, soit avec fermeture par d’autres procédés de plastie oesophagienne, par exemple plastie colique.

Quelle que soit la technique utilisée, une attention particulière est portée à l’existence d’un reflux gastro-oesophagien sous-jacent qui motiverait la réalisation d’une plastie type Nissen afin d’éviter la survenue d’une sténose peptique secondaire.

Plus récemment, certains auteurs ont proposé la réalisation de myotomies et d’oesophagoplasties, suggérant de transposer ces techniques largement utilisées chez l’adulte à la population pédiatrique.

E – DIVERTICULES DE L’OESOPHAGE :

1- Pathogénie :

Au plan anatomique et embryologique il faut distinguer deux types de diverticule : ceux qu’il convient d’appeler « diverticules oesophagiens vrais » qui intéressent l’ensemble des tuniques composant la paroi oesophagienne, et les faux diverticules qui n’intéressent que la muqueuse et la sous-muqueuse.

Ces derniers constituent une hernie qui se comporte comme un véritable diverticule.

* Diverticules congénitaux vrais :

Ce sont des pathologies très rares.

Le premier cas a été décrit par Jackson et Shallow en 1926.

L’origine en est discutée.

Il s’agit soit de la persistance d’un diverticule muqueux d’origine embryonnaire, soit de l’abouchement dans l’oesophage d’une duplication oesophagienne a minima.

* Diverticules par pulsion :

Ce sont des hernies de la muqueuse à travers un defect musculaire d’origine congénitale dans la paroi oesophagienne.

Ils sont surtout rencontrés dans les deux tiers inférieurs de l’oesophage.

Si le defect musculaire est souvent congénital, ces pathologies ne se révèlent classiquement qu’à l’âge adulte.

On les retrouve dans la littérature sous le terme de « diverticule épinéphrique ».

* Diverticules par traction :

Ils résultent d’une adhérence se produisant entre la muqueuse oesophagienne et des éléments périoesophagiens.

Leur diagnostic est en règle fait à l’occasion du bilan d’une autre lésion trachéooesophagienne ou thoracique.

2- Diagnostic :

Comme souvent en matière de pathologie oesophagienne congénitale, c’est l’opacification oesophagienne ou oesogastrique qui est l’élément princeps du diagnostic.

Celle-ci est demandée à l’occasion du bilan de vomissements à répétition ou d’une dysphagie inexpliquée chez l’enfant.

Elle permet classiquement de localiser le ou les diverticules.

Un examen endoscopique peut être réalisé mais il faut noter la forte possibilité d’iatrogénie en cas de faux trajet de l’oesophagoscope dans la poche diverticulaire.

Par ailleurs, les examens avec injection d’air simultanée sont fortement déconseillés dans ce type de pathologie.

3- Traitement :

Le traitement repose sur la chirurgie.

Classiquement elle est menée par voie de thoracotomie gauche.

Il consiste en une résection de la région diverticulaire suivie d’une suture oesophagienne latérale.

Récemment, certains auteurs ont proposé un abord par voie laparoscopique en cas de diverticule du tiers inférieur de l’oesophage.

D’autres techniques par voie endoscopique pourraient être proposées, transposition de celles utilisées chez l’adulte dans le traitement endoscopique au laser des diverticules de Zenker.

Pathologie acquise de l’oesophage chez l’enfant :

A – LÉSIONS TRAUMATIQUES :

1- Perforations :

Ces lésions, rares chez l’enfant, sont le plus souvent d’origine iatrogène, survenant lors de gestes diagnostiques ou thérapeutiques.

Elles peuvent être aussi liées à des traumatismes d’autre étiologie.

Leur gravité est souvent corrélée à un diagnostic tardif et au risque de médiastinite, à prévenir ou à traiter d’urgence.

Il s’établit en effet une communication entre l’oesophage et l’espace celluleux médiastinal avec contamination par des germes digestifs et passage dans le médiastin d’enzymes digestives.

La médiastinite peut se compliquer de perforation et de fistulisation dans la trachée, les bronches ou les gros vaisseaux.

Ces perforations peuvent survenir quel que soit l’âge de l’enfant.

Elles sont favorisées par la présence d’un oesophage pathologique (antécédents d’atrésie de l’oesophage ou d’oesophagite par reflux gastro-oesophagien dans 70 % des cas).

* Perforations iatrogènes :

Ce sont les perforations traumatiques les plus fréquentes.

Néonatales, elles résultent de manipulations endobuccales lors de gestes d’urgence (manoeuvre de Mauriceau) imposés par une présentation par le siège lors de la délivrance ou par une détresse respiratoire nécessitant une désobstruction pharyngée ou une intubation nasotrachéale.

Elles se voient aussi lors de gestes systématiques (fausse route lors du passage de sonde nasogastrique) ou au cours d’actes diagnostiques (échographie cardiaque endooesophagienne).

Elles siègent le plus souvent à la partie supérieure de l’oesophage (face postérieure de l’hypopharynx ou en regard du muscle cricopharyngé qui se spasme et engendre des troubles de la déglutition).

Elles sont favorisées par la prématurité et un petit poids de naissance.

Un traitement par indométacine (Indocidt), pour persistance du canal artériel, pourrait en favoriser la survenue en fragilisant la muqueuse oesophagienne.

Chez le nourrisson et le grand enfant, les perforations oesophagiennes compliquent le plus souvent des gestes endooesophagiens diagnostiques ou thérapeutiques :

– oesophagoscopie pour extraction de corps étrangers ;

– dilatation oesophagienne pour sténose (congénitale, anastomotique, caustique, peptique) ou pour achalasie.

Dans ces cas, les lésions dont le point de départ est en regard de la sténose peuvent être étendues en amont et en aval par dilacération pariétale ;

– sclérose de varices oesophagiennes ;

– pose de gastrostomie endoscopique. Elles peuvent siéger sur toutes les portions de l’oesophage mais sont prédominantes au niveau de l’oesophage thoracique.

Lors d’interventions chirurgicales, des lésions oesophagiennes par traumatisme direct peuvent survenir lors de chirurgie médiastinale ou oesophagienne.

Elles ont été le plus souvent décrites dans le traitement chirurgical du reflux gastro-oesophagien.

Dans le cas particulier de la cure de reflux gastro-oesophagien par laparoscopie (technique de Nissen), la plaie pariétale directe de l’oesophage thoracique ou abdominal peut résulter soit d’une déchirure de la paroi par un instrument, soit d’une nécrose punctiforme secondaire à une électrocoagulation trop proche de la paroi oesophagienne.

Ces lésions surviennent préférentiellement lors des temps de dissection oesophagienne antérieure et postérieure (libération de l’hiatus rétro-oesophagien) et le risque est majoré en cas de reprise chirurgicale pour ascension de valve ou lâchage du montage.

* Perforations traumatiques :

– Les ingestions accidentelles de corps étrangers, qu’ils soient contondants (arête de poisson, épingle…) ou non (pile-bouton, pièce de monnaie…).

La pile-bouton peut provoquer des lésions par érosion de la paroi oesophagienne par l’électrolyse liée au courant ou par les substances toxiques qu’elle contient si elle s’est fragmentée, mais aussi par traumatisme direct lors de son extraction en tant que corps étranger.

– Les traumatismes externes, très rares en ce qui concerne les plaies pénétrantes par arme.

On peut y assimiler les plaies survenant lors de la pose de drain pleural.

– Les barotraumatismes liés à une décélération brutale (défenestration) ou une déflagration.

Dans ces cas, le mécanisme invoqué est une hyperpression oesophagienne sur un cardia occlus, responsable d’une dilacération de l’oesophage sus-diaphragmatique, parfois associée à un barotraumatisme pulmonaire.

– Les perforations et ruptures pneumatiques de l’oesophage à la suite de l’ingestion massive de boisson gazeuse, à considérer aussi comme des barotraumatismes.

– Des lésions oesophagiennes diverses ont été décrites dans un contexte de sévices (par corps étranger, par traumatisme indirect ou pénétrant).

– Une perforation oesophagienne par un fragment osseux d’une fracture instable de vertèbre thoracique est exceptionnelle.

2- Fistules oesotrachéales acquises :

Les fistules oesotrachéales sont une forme particulière de lésion acquise, liée à l’origine embryologique commune et au contact anatomique entre oesophage et trachée.

Les fistules oesotrachéales congénitales des atrésies de l’oesophage sont fermées lors du geste chirurgical initial.

Elles peuvent se reperméabiliser et se transformer en fistules oesotrachéales « iatrogènes » acquises.

La symptomatologie est souvent trompeuse et elles sont difficiles à mettre en évidence par les examens complémentaires.

Elles sont favorisées par la fistulisation postopératoire de l’anastomose oesophagienne qui crée une zone septique entre les sutures voisines oesophagienne et trachéale.

Les perforations sur dilatations oesophagiennes pour sténose anastomotique peuvent aussi en être responsables.

Plus rarement, elles surviennent au cours de manoeuvres instrumentales sur la trachée cervicale (intubations répétées) ou par érosion progressive de la paroi trachéale par un ballonnet de sonde d’intubation ou par une canule de trachéotomie.

Une fistule oesotrachéale a aussi été décrite après ingestion d’une pile-bouton.

3- Perforations spontanées (ou syndrome de Boerhaave) :

Ces lésions rares (4 % des perforations) surtout chez l’enfant seraient liées soit à une hyperpression oesophagienne associée à une occlusion de l’extrémité supérieure de l’oesophage (théorie « mécaniste »), soit à une nécrose ischémique oesophagienne secondaire à une anoxie néonatale (théorie « ischémique »).

4- Perforations infectieuses :

Des perforations peuvent survenir lors d’une candidose oesophagienne invasive qui induit une nécrose transmurale, chez l’enfant comme chez l’adulte ou lors d’une tuberculose gastrointestinale.

La symptomatologie clinique n’est immédiate que dans 50 % des cas.

Le diagnostic est en fait souvent retardé (de 2 à 14 jours en moyenne).

Quel que soit l’âge de l’enfant, une médiastinite va se manifester par un tableau septique marqué, un emphysème souscutané sus-claviculaire ou basicervical (pathognomonique mais rare chez le nouveau-né).

Des signes spécifiques peuvent s’associer selon l’étiologie et l’âge.

Chez le nouveau-né, une détresse respiratoire immédiate par pneumothorax ou lors de la première tentative d’alimentation est en faveur d’une perforation iatrogène.

Des signes cliniques moins marqués doivent alerter (vomissements, hypersialorrhée sanglante, toux) de même que des difficultés à mettre en place une sonde gastrique.

En cas de perforation traumatique à la naissance, le diagnostic peut mimer une atrésie de l’oesophage, la perforation oesophagienne n’étant découverte qu’en peropératoire.

Chez le nourrisson et le grand enfant, la symptomatologie clinique débute typiquement par des vomissements sanglants suivis d’une douleur intense, brutale, rétroxiphoïdienne basse irradiant vers l’épigastre et en arrière, bloquant la respiration.

La douleur peut être plus discrète à type de dysphagie.

Des signes de médiastinite ou une détresse respiratoire peuvent bien sûr s’associer à cette symptomatologie.

L’apparition d’une dysphonie avec une voix nasonnée a été décrite.

Des formes particulières sont à évoquer devant des signes plus atypiques :

– perforation de l’oesophage abdominal devant des signes de péritonite (défense ou contracture) avec épanchement pleural ;

– fistule aorto-oesophagienne devant une hématémèse massive ;

– fistule oesotrachéale devant l’apparition rapide d’importantes sécrétions trachéales contenant du liquide gastrique ou alimentaire lors d’aspiration trachéobronchique ou si une détresse respiratoire survient immédiatement après une dilatation ;

– perforation méconnue devant des bronchopneumopathies à répétition ou des abcès pleuraux ou médiastinaux.

En dehors des signes biologiques non spécifiques de sepsis en cas de médiastinite ou de péritonite, les éléments diagnostiques paracliniques reposent sur des examens d’imagerie et/ou d’endoscopie.

La radiographie du cou et du thorax peut être normale dans 12 à 33 % des cas.

Elle met en évidence dans les cas typiques :

– un pneumomédiastin : bandes claires qui cernent la silhouette médiastinale dont la tonalité devient floue ;

– un épanchement pleural, souvent à droite, liquidien ou hydroaérique ;

– un emphysème sous-cutané cervical ;

– une atélectasie ;

– éventuellement, elle montre un corps étranger, une déviation trachéale ou un trajet anormal d’une sonde gastrique.

La radiographie d’abdomen sans préparation peut objectiver un pneumopéritoine par lésion de l’oesophage abdominal.

Une hyperinsufflation gastrique fait évoquer une fistule oesotrachéale.

Le transit oesophagien aux produits de contraste hydrosolubles permet de visualiser la brèche oesophagienne et de préciser son étendue.

Une perforation sous-muqueuse peut se révéler par une image pseudodiverticulaire (poche rétropharyngienne).

Il est mis en défaut dans 10 % des cas, notamment après cure d’atrésie de l’oesophage où la mise en évidence d’une récidive de fistule oesotrachéale est difficile.

La tomodensitométrie thoracique et abdominale, sans puis avec ingestion de produit de contraste, permet de définir précisément les conséquences médiastinales d’une perforation oesophagienne.

Elle peut montrer une ou plusieurs bulles d’air en dehors de la lumière oesophagienne, une lame liquidienne périoesophagienne, un épaississement de la paroi oesophagienne et un aspect infiltré de la graisse médiastinale en cas de médiastinite associée.

Elle permet de détecter les corps étrangers radiotransparents.

Elle est indiquée en cas de doute diagnostique devant une symptomatologie atypique, la présence d’air dans le médiastin affirmant la perforation.

L’imagerie par résonance magnétique qui est difficilement accessible en urgence n’a pas encore été validée dans cette indication.

L’oesophagoscopie sous anesthésie générale, qui doit être prudente, confirme la lésion, apprécie son siège et son étendue mais permet aussi de mettre en place sous contrôle visuel une sonde nasogastrique et/ou une sonde d’aspiration sus-lésionnelle.

Elle permet l’extraction d’un éventuel corps étranger.

Cet examen peut être couplé à une endoscopie trachéale qui ne doit pas méconnaître un aspect en «coup d’ongle» d’une fistule oesotrachéale minime.

On peut rechercher dans la trachée le passage d’un colorant (bleu de méthylène) injecté dans l’oesophage en regard de la zone douteuse.

5- Prise en charge d’un patient porteur d’une perforation oesophagienne :

Elle nécessite une approche multidisciplinaire réunissant réanimateurs, gastroentérologues, chirurgiens viscéraux et ORL.

Une concertation étroite et fréquente entre ces intervenants permet d’adapter les décisions thérapeutiques selon l’évolution (rapide) des lésions et l’état du patient.

L’objectif du traitement est double :

– instaurer une thérapeutique immédiatement efficace pour prévenir ou traiter une médiastinite et ses conséquences septiques majeures ;

– obtenir la cicatrisation si possible sans séquelles de l’oesophage.

Le traitement médical symptomatique initial, institué en urgence, est suffisant dans la majorité des cas, mais un geste chirurgical ou endoscopique est parfois nécessaire selon l’étiologie et l’évolution.

Il faudra s’efforcer d’éviter les gestes agressifs d’exclusion oesophagienne.

* Traitement médical :

Institué en urgence, il vise à :

– drainer la fistule médiastinale ou trachéale :

– par un drainage endoluminal. Une aspiration gastrique et oesophagienne continue est réalisée par mise en place d’une sonde à double courant, éventuellement en position sus-lésionnelle dans l’oesophage proximal.

Dans le cas particulier des fistules oesotrachéales à haut débit, un compromis doit être établi entre ventilation trachéale et aspiration continue oesophagienne (en utilisant éventuellement une ventilation à haute fréquence) ;

– par un drainage thoracique externe (drain pleural) en cas de collection ou d’épanchement symptomatique ;

– favoriser la réparation oesophagienne.

Il est essentiel de maintenir un bon état nutritionnel et anabolique.

Une alimentation hypercalorique par voie parentérale (voie veineuse centrale) doit être instituée.

La voie entérale par gastrostomie ou jéjunostomie peut être envisagée dans un deuxième temps en cas de traitement prolongé ou de complications non contrôlées.

L’alimentation par sonde gastrique peut constituer une alternative raisonnable si elle est bien tolérée et si elle ne compromet pas localement la cicatrisation (un reflux gastro-oesophagien est théoriquement favorisé par la présence d’une sonde gastrique).

L’administration de médicaments diminuant l’acidité gastrique (anti-H2) est utile, dans leur indication pour un reflux gastrooesophagien mais aussi dans la prévention d’un ulcère de stress ;

– prévenir le syndrome infectieux : une polyantibiothérapie parentérale probabiliste sur les germes digestifs doit être débutée d’emblée.

Une oxygénothérapie hyperbare a été proposée en cas de médiastinite grave.

– Préserver la fonction respiratoire : une oxygénothérapie, une ventilation assistée peuvent être nécessaires.

* Traitement chirurgical :

Il peut être indiqué à la phase précoce pour réparer l’oesophage ou l’exclure, et/ou à la phase tardive pour traiter les séquelles.

Il doit toujours s’efforcer de préserver l’oesophage natif même si l’oesophagoplastie constitue parfois le dernier recours.

+ Exclusion oesophagienne :

Elle peut être réalisée par une oesophagostomie cervicale terminale (qui impose pratiquement toujours une oesophagoplastie secondaire), ou a minima par oesophagostomie latérale ou sur drain en T type Kehr.

Récemment, une exclusion haute et basse utilisant des agrafes résorbables ou non a été proposée.

Cette exclusion a été transitoire grâce à la reperméabilisation précoce de l’oesophage.

+ Réparation directe :

La réparation directe peut être indiquée pour une lésion limitée occupant moins des deux tiers de la circonférence de l’oesophage.

La suture, en un ou plusieurs plans, doit porter sur du tissu sain.

Elle doit être protégée par un lambeau pleural, péricardique, musculaire (muscle intercostal, diaphragme, muscle sterno-cléidomastoïdien, rhomboïde…) ou par des biomatériaux (colle biologique, prothèse résorbable).

Un lambeau de peau mince doublant un lambeau musculaire appliqué en patch a été proposé en expérimentation animale.

En cas de perforation de l’oesophage abdominal, la réalisation d’une hémivalve de type Thal ou Dor assure la protection de la suture oesophagienne par l’apposition de tissu sain et par la présence d’un montage antireflux.

+ OEsophagoplastie :

Selon l’étendue des lésions, elle est totale, segmentaire ou latérale (locale).

Une thoracoscopie peut être proposée pour laver et drainer efficacement un épanchement pleural infecté pris en charge tardivement ou résistant au drainage pleural externe à cause d’adhérences pleurales et de collections cloisonnées.

La prise en charge repose sur une approche multidisciplinaire qui est seule à même d’optimiser la surveillance clinique et paraclinique et les options thérapeutiques.

Quels que soient l’étiologie et le terrain, le traitement symptomatique médical (incluant éventuellement sonde oesophagienne et/ou gastrique et drain pleural) est institué à la phase initiale.

Dans la majorité des cas pédiatriques, contrairement à l’adulte, ce traitement est suffisant et rapidement efficace.

En cours de traitement, des contrôles radiographiques ou endoscopiques (dont les dates seront planifiées en fonction de l’intensité de la lésion initiale), seront nécessaires pour apprécier la cicatrisation et autoriser la réalimentation.

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