Ostéome ostéoïde, ostéoblastome

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Introduction :

Parmi les tumeurs à histogenèse osseuse, l’ostéome ostéoïde et l’ostéoblastome forment deux entités voisines, strictement bénignes, de traitement exclusivement chirurgical.

Pour l’une et pour l’autre, la résection complète est la garantie de l’absence de récidive.

Ostéome ostéoïde, ostéoblastomeLa difficulté du geste opératoire vient de leur localisation parfois profonde, endo-osseuse, voire périlleuse par ses rapports anatomiques, et constamment de leur petite taille.

L’actualité de leur prise en charge est représentée par les progrès du diagnostic scintigraphique et surtout tomodensitométrique et la mise au point de techniques mini-invasives de résection.

Ostéome ostéoïde :

C’est la plus fréquente des tumeurs bénignes à histogenèse osseuse.

De petite dimension, l’ostéome ostéoïde se caractérise par une structure spécifique, le nidus, constituée de tissu ostéoïde et entourée d’une ostéocondensation réactionnelle.

La terminologie française correspond exactement à celle proposée par Jaffé qui fut le premier à décrire cette lésion (osteoid osteoma).

L’exérèse complète du seul nidus est la condition nécessaire et suffisante à la guérison.

Mais l’ostéome ostéoïde désespère souvent le chirurgien par ses localisations anatomiques profondes et sa taille millimétrique, au sein d’une ostéosclérose réactionnelle parfois démesurée, aboutissant au paradoxe d’un geste chirurgical invasif pour une tumeur strictement bénigne mais quasi invisible pendant l’intervention.

A – ÉPIDÉMIOLOGIE :

L’ostéome ostéoïde est relativement fréquent : 2 à 3% de l’ensemble des tumeurs osseuses et 10 à 20 % des tumeurs bénignes.

Ceci le place au troisième rang des tumeurs osseuses bénignes, avec le chondrome, mais derrière le fibrome non ossifiant et l’exostose.

La prédominance masculine (2 à 3 pour 1) est soulignée dans toutes les séries, de même sa survenue de la seconde enfance à l’âge adulte : un patient sur deux porteur d’un ostéome ostéoïde a moins de 20 ans.

Sa répartition sur le squelette fait apparaître une très forte prédominance des os longs des membres (75 %), loin devant les os de la main et du pied (15 %) et du rachis (10 %).

Ainsi, dans la série de l’institut Rizzoli, près de 40 % des ostéomes ostéoïdes siègent au fémur et 20 % au tibia.

Certaines localisations sont caractéristiques (col fémoral, col du talus, arc postérieur vertébral lombaire et/ou cervical), d’autres exceptionnelles (épiphyses, os membranaires).

Sur les os longs, l’ostéome ostéoïde est préférentiellement corticodiaphysaire ou métaphysaire.

En fait, toute localisation semble possible, souvent décrite de manière anecdotique.

B – ANATOMOPATHOLOGIE :

Les caractéristiques anatomopathologiques de l’ostéome ostéoïde sont définies dans le titre même de l’article princeps de Jaffé : « … a benign osteoblastic tumor composed of osteoid and a typical bone ».

1- Macroscopie :

L’entité tumorale comporte deux tissus :

– le nidus, qui est la tumeur proprement dite ;

– une ostéogenèse réactionnelle périphérique d’importance variable.

Le nidus est arrondi ou ovalaire, ne dépassant pas 10 mm de diamètre, d’aspect rouge brunâtre par son hypervascularisation lorsqu’il est récent, ou jaune sombre en raison d’une calcification liée à une maturité plus avancée.

Ses limites sont nettes vis-à-vis du tissu osseux qui l’entoure, parfois marquées par quelques millimètres de tissu fibreux.

L’ostéogenèse autour du nidus peut être quasi inexistante dans les localisations intra-articulaires ou souspériostées, discrète dans les formes épiphysaires, nette dans les formes épiphysométaphysaires ou endomédullaires, voire très importante dans les situations corticales.

Lorsqu’il est de siège paraou intra-articulaire, le nidus est souvent associé à une synovite dite « folliculaire » avec hypertrophie des franges synoviales, hypervascularisation, présence d’îlots lymphoïdes et lymphoplasmocytaires.

2- Données microscopiques :

Le nidus est composé d’un conjonctif hypervascularisé, de cellules géantes, d’ostéoblastes et de substance ostéoïde.

Ce sont les ostéoblastes qui élaborent les travées ostéoïdes et les ostéoclastes qui les résorbent, aboutissant à une calcification de situation variable, parfois centrale avec une couronne périphérique.

Cet aspect donne une image radiologique dite en « cocarde » quasi pathognomonique.

Ces deux contingents cellulaires sont, en étude ultrastructurale, identiques à ceux d’un cal osseux.

L’importance quantitative de la calcification du nidus n’est pas en rapport avec son évolution clinique : l’ostéome ostéoïde semble le plus souvent croître puis se stabiliser parfois pendant de nombreuses années.

L’ostéogenèse réactionnelle est de type lamellaire classique.

Au sein du nidus lui-même et de son hypervascularisation, de nombreuses fibres nerveuses non myélinisées ont été mises en évidence.

Pour le pathologiste, l’ostéome ostéoïde pose trois problèmes diagnostiques de difficulté variable.

Certaines lésions, au profil radioclinique proche, sont relativement simples à éliminer : ostéomyélite sclérosante d’un abcès de Brodie, îlot cortical condensant, ostéosarcome intracortical.

Le diagnostic entre ostéome ostéoïde et ostéoblastome est un peu plus délicat du fait des similitudes histologiques, mais en fait sans grande conséquence thérapeutique puisque ces deux tumeurs bénignes répondent aux mêmes règles d’exérèse chirurgicale.

La structure histologique, l’architecture et surtout la taille sont les arguments du diagnostic différentiel : l’ostéoblastome est supérieur à 10 mm (20 mm pour certains) et tend à l’expansion, voire à l’agressivité locale.

Mais le problème diagnostique de loin le plus délicat reste la découverte et l’identification même de l’ostéome ostéoïde au sein du tissu osseux excisé par le chirurgien pour l’analyse histologique.

Le pathologiste doit être prévenu de l’éventualité de ce diagnostic pour qu’il effectue des coupes très fines (2 à 3 mm) et l’examen de chacun des éléments macroscopiques osseux qui lui sont confiés.

En effet, la petite taille du nidus peut expliquer qu’il ne soit pas découvert au sein de l’ostéogenèse réactionnelle.

Enfin, du fait même du geste opératoire, le nidus peut avoir été fragmenté, et il n’est plus possible d’affirmer le caractère complet de son exérèse.

C – ÉTUDE CLINIQUE ET RADIOLOGIQUE :

L’ostéome ostéoïde est une des rares tumeurs spontanément douloureuses selon une intensité totalement disproportionnée par rapport à leur taille.

1- Symptômes cliniques :

La douleur est le signe constant et quasi unique de la plupart des ostéomes ostéoïdes.

Elle est caractéristique lorsqu’elle est focalisée, continue mais à prédominance nocturne, calmée par l’aspirine. Elle serait liée à un taux élevé de prostaglandines au sein du nidus, qui induirait une réaction inflammatoire.

Or, l’aspirine est un inhibiteur connu de la synthèse des prostaglandines.

Mais la douleur ne rassemble pas toujours ces caractéristiques et en particulier la sensibilité aux salicylés.

Les ostéomes ostéoïdes articulaires évoluent dans un tableau d’arthropathie inflammatoire. Les localisations proches des plaques épiphysaires génèrent chez l’enfant des troubles de croissance.

Les ostéomes ostéoïdes rachidiens réalisent le tableau d’une scoliose raide et douloureuse ou d’un torticolis algique.

L’examen clinique est en général négatif en dehors de très rares déformations digitales d’ostéome ostéoïde cortical phalangien ou d’un renflement fusiforme douloureux à la pression, lié à la sclérose réactionnelle.

2- Imagerie médicale :

L’hypervascularisation et l’ostéogenèse directe et réactionnelle sont à l’origine de la sémiologie de l’imagerie médicale de l’ostéome ostéoïde.

* Radiographie conventionnelle :

Étape incontournable du diagnostic de toute tumeur osseuse, la radiographie conventionnelle de l’ostéome ostéoïde apporte des renseignements de valeur variable en fonction de la localisation et de l’importance de l’ossification réactionnelle au nidus.

Les clichés standards affirment le diagnostic d’ostéome ostéoïde dans les localisations diaphysaires ou métaphysaires, lorsqu’il existe une petite image claire entourée d’un halo de condensation.

Le centre de l’image claire est parfois calcifié, ce qui réalise un aspect dit en « cocarde ».

Est aussi typique l’image d’addition arrondie d’un ostéome ostéoïde sous-périosté, surtout dans sa localisation au col du talus ou au col fémoral.

Mais l’importance de la réaction péritumorale peut totalement masquer le nidus : la radiographie conventionnelle ne révèle qu’un épaississement fusiforme cortical diaphysaire ou une plage d’ostéosclérose métaphysaire.

Les coupes tomographiques peuvent déceler le nidus au sein de cette ostéogenèse mais cet examen est actuellement totalement supplanté par le scanner.

* Tomodensitométrie (TDM) :

Grâce à des coupes axiales transverses, le scanner est devenu l’élément fondamental du diagnostic lorsque les radiographies conventionnelles sont peu contributives : le nidus apparaît suivant la même sémiologie (lacune arrondie cerclée entourant un foyer de calcification) mais parfaitement identifiable au sein de l’ostéosclérose réactionnelle ou dans un site anatomique osseux difficilement explorable (rachis, bassin…).

La faible taille du nidus est responsable des faux négatifs de la TDM lorsque les coupes, trop espacées, ne traversent pas la tumeur.

Ainsi est-il important d’avertir le radiologue de cette éventualité, pour que soient réalisées des coupes jointives et fines (de 1 à 2mm d’épaisseur) facilitées par les séquences d’acquisition hélicoïdale sur la zone la plus suspecte définie par les symptômes cliniques, les anomalies radiologiques, ou la fixation scintigraphique.

Le scanner aboutit à une quasi-certitude diagnostique dans les cas où les images et la sémiologie douloureuse sont typiques.

Il permet une mesure de taille et une localisation topographique endo-osseuse d’une extrême précision, indispensable à tout acte opératoire.

* Scintigraphie osseuse :

Le nidus hypervascularisé capte intensément les traceurs radioactifs isotopiques, et de manière plus nette que l’ostéogenèse périphérique, donnant un spot très net d’hyperfixation et parfois une image en double halo équivalente au nidus radiologique.

La scintigraphie au technétium n’est pas spécifique mais particulièrement sensible : les ostéomes ostéoïdes non fixants semblent exceptionnels.

Elle complète donc l’imagerie radiologique qu’elle oriente sélectivement et permet d’authentifier l’organicité d’une douleur osseuse qui ne fait pas sa preuve.

* Résonance magnétique nucléaire (IRM) :

L’IRM montre le nidus et les modifications réactionnelles oedémateuses des parties molles et de la moelle osseuse.

En IRM, l’ostéome ostéoïde se présente comme une image lacunaire bien limitée, le plus souvent en hyposignal ou en signal intermédiaire sur toutes les séquences d’acquisition, ceci en fonction du degré de vascularisation du stroma fibrovasculaire en T2 ou après injection de gadolinium.

La réaction oedémateuse qui intéresse l’os spongieux ou les parties molles extraosseuses, souvent plus étendue que l’ostéosclérose réactionnelle, se traduit par une plage d’hyposignal en T1 et d’hypersignal en T2 ou en T1 après injection intraveineuse de gadolinium (effet renforcé par les séquences effaçant la graisse).

L’IRM, mal adaptée à la mise en évidence de la matrice calcique et trop influencée par les réactions oedémateuses endoosseuses et des parties molles, apparaît nettement moins performante que la TDM dans le diagnostic de l’ostéome ostéoïde.

En revanche, elle montre parfaitement en T2 les épanchements intra-articulaires réactionnels.

Au total, on peut schématiser la démarche diagnostique comme suit :

– la clinique et la radiographie conventionnelle sont typiques ; la TDM peut éventuellement confirmer le diagnostic et complète le bilan préopératoire ;

– la clinique fait évoquer le diagnostic d’ostéome ostéoïde mais les clichés standards ne sont pas contributifs : la TDM orientée est ici fondamentale ; elle retrouve et affirme le nidus ;

– la clinique n’a rien d’évocateur ; les clichés conventionnels sont peu typiques ; la TDM est négative (probablement par défaut technique) ; il faut systématiquement évoquer ce diagnostic et pratiquer une scintigraphie ; la découverte du spot d’hyperfixation permet de cibler les coupes TDM ; sa négativité élimine pratiquement le diagnostic d’ostéome ostéoïde ; dans cet arbre décisionnel, l’artériographie (montrant un petit blush au niveau du nidus) a une place des plus restreinte, et l’IRM, par sa sensibilité, devrait voir sa place se renforcer dans les années à venir.

D – TRAITEMENT :

1- Principes :

La résection du seul nidus est nécessaire et suffisante à la guérison, mais sa simple destruction mécanique ou physicochimique est aussi possible.

La prise d’aspirine au long cours a été proposée dans l’attente de la disparition « spontanée » de l’ostéome ostéoïde, ce qui marque l’arrêt de ce traitement médical uniquement symptomatique.

La problématique du traitement chirurgical de l’ostéome ostéoïde vient de ses caractéristiques histologiques : petite taille de la seule zone pathologique, situation anatomique, difficulté de localisation en cours d’intervention.

2- Méthodes de repérage peropératoire :

Le repérage peropératoire précis du nidus est de difficulté variable et fonction de l’importance de la réaction périphérique et de sa situation anatomique.

L’ostéome ostéoïde sous-périosté ou cortical périphérique est identifiable « à vue » ou par repérage radiologique peropératoire.

Mais dans la majorité des cas, il est enfoui et inaccessible visuellement au sein de l’ostéosclérose.

Son repérage précis fait appel à plusieurs méthodes modernes.

– Le scanner permet, au minimum, de sélectionner la coupe axiale transverse dans laquelle se situe le centre du nidus et, grâce au repérage lumineux, d’obtenir un marquage cutané horizontal.

Mais d’intérêt plus important est la transfixion percutanée du nidus par une broche sous contrôle TDM précédant le transfert en salle d’opération du patient endormi.

La broche est enfoncée par tâtonnements successifs, contrôlés par scanner, au centre du nidus puis coupée au ras de la peau.

Il ne reste plus qu’à réséquer de manière conventionnelle un volume osseux de quelques millimètres entourant la pointe de la broche.

– L’injection préopératoire de tétracycline marquée rend le nidus fluorescent sous réserve de port de lunettes spéciales.

Thomazeau a confirmé la pertinence de ce repérage peropératoire du site tumoral lui-même ou des fragments du nidus.

– La forte captation de marqueur isotopique par le nidus est à la base du repérage peropératoire par un compteur radioactif.

La mise au point de sonde miniaturisée, stérilisable et d’une précision de l’ordre de 2 à 3mm, rend la méthode fiable et reproductible.

3- Méthodes d’exérèse et de reconstruction :

* Méthode conventionnelle :

La résection du nidus peut se faire de manière conventionnelle : le nidus et les quelques millimètres d’os réactionnel qui l’entourent sont emportés au moyen d’un ciseau à frapper ou à la scie oscillante.

La nécessité de combler la perte de substance dépend du volume d’os réséqué et de la fragilisation qui s’ensuit, elle-même liée à la situation anatomique (bord inférieur du col fémoral, corticale diaphysaire…).

Il en est de même pour une éventuelle ostéosynthèse de soutien.

Les résections osseuses de petite taille ne nécessitent pas de geste de reconstruction et se comblent par ostéogenèse spontanée.

* Techniques modernes :

Deux techniques modernes (la résection-forage percutanée et la photocoagulation au laser) sont des exemples de radiologie interventionnelle et d’étroite collaboration médicochirurgicale dans le domaine des tumeurs osseuses.

Ces deux méthodes se font sous contrôle TDM, patient endormi et opéré en salle de scanner.

– Kohler a parfaitement décrit la méthode de résection percutanée du nidus nécessitant une instrumentation spécifique mais relativement simple. D’autres ont validé cette technique tout en soulignant ses limites.

Le repérage TDM de l’ostéome ostéoïde est le premier temps de l’intervention, suivi du radioguidage TDM d’une broche centrée dans le nidus.

Une fraise crantée emporte la tumeur et les quelques millimètres d’os qui l’entourent.

Le contrôle TDM immédiat permet d’affirmer le caractère complet de la résection.

La perte de substance est comblée par ostéogenèse spontanée.

L’examen histologique confirme le diagnostic.

– La photocoagulation interstitielle au laser, détruisant par chauffage la tumeur dans un volume millimétrique autour de l’extrémité de la fibre optique, a été appliquée avec succès au traitement des ostéomes ostéoïdes.

Ce geste s’effectue sous contrôle TDM qui permet la mesure des différentes dimensions du nidus pour déduire l’énergie nécessaire à sa destruction et le centrage précis de la pointe de la fibre.

La photocoagulation dure de 3 à 7 minutes, sous neuroleptanalgésie et en ambulatoire.

La source thermique doit être à une distance minimale de 5 mm des structures neurovasculaires.

Certes, il n’est pas obtenu de matériel histologique mais l’efficacité clinique est prometteuse.

E – ÉVOLUTION :

L’exérèse complète du nidus prouvée par l’examen anatomopathologique affirme la guérison.

La réapparition ou la persistance des symptômes se voit après une exérèse incomplète : une récidive apparaît à partir de tissu ostéoïde non emporté par l’acte opératoire.

Des observations troublantes de récidive après exérèse totale ont cependant été rapportées.

Dès les premières heures postopératoires, la quasi-disparition des douleurs ou leur nette atténuation est en faveur d’une exérèse totale.

La démarche diagnostique devant une éventuelle récidive (ou persistance) d’un ostéome ostéoïde est particulièrement délicate car l’acte opératoire a grandement modifié la situation locale.

Sous réserve de l’absence de matériel d’ostéosynthèse, la TDM est encore l’examen-clé, à la recherche d’un nidus « oublié » dans la zone remaniée.

Ostéoblastome :

Ostéome ostéoïde et ostéoblastome ont de nombreuses similitudes anatomopathologiques et radiocliniques.

L’ostéoblastome se trouve désigné sous des termes qui augmentent la confusion ; Dalhin avait décrit la lésion sous le terme d’ « ostéome ostéoïde géant », puis Liechtenstein a proposé le terme de benign osteoblastoma.

Les terminologies française et anglo-saxonne sont quasi identiques.

La distinction entre ostéome ostéoïde et ostéoblastome vient de caractéristiques épidémiologiques, radiocliniques, évolutives et surtout histologiques.

La taille de la tumeur fait porter le diagnostic d’ostéome ostéoïde lorsqu’elle est inférieure à 2 cm de diamètre, d’ostéoblastome lorsqu’elle est supérieure à 3 cm et de forme dite « intermédiaire » entre ces deux chiffres.

A – ÉPIDÉMIOLOGIE, LOCALISATIONS :

L’ostéoblastome est une lésion très rare : moins de 1 % de l’ensemble des tumeurs osseuses bénignes.

Il prédomine nettement chez l’homme de 10 à 30 ans.

Sa prédilection pour le rachis (40 % des cas) est caractéristique, suivie des localisations au bassin, aux os longs des membres et aux os du pied.

Il peut être cortical, endomédullaire ou périosté.

À la colonne vertébrale, il siège tant au corps vertébral que sur l’arc postérieur, et dans les quatre régions anatomiques rachidiennes, sacrum compris.

B – ANATOMOPATHOLOGIE :

L’ostéoblastome est une tumeur bénigne ostéoformatrice, circonscrite, expansive, mais sans réaction ostéogénique périphérique.

Cette dernière caractéristique et sa taille allant de 3 à 10 cm le différencient de l’ostéome ostéoïde alors que l’hypervascularisation, la richesse en ostéoblastes, la formation de tissu ostéoïde en font des tumeurs histologiquement voisines.

Macroscopiquement, l’ostéoblastome est une lésion de consistance molle et granuleuse par son contenu ostéoïde.

Rouge brunâtre et hémorragique, elle est bien limitée par une mince ostéogenèse corticale ou périostée.

L’aspect histologique montre un tissu conjonctif lâche hypervascularisé, des ostéoblastes à l’origine d’un tissu ostéoïde néoformé, des ostéoclastes et des cellules géantes.

L’ostéogenèse intralésionnelle forme des îlots ou intéresse l’ensemble de la tumeur.

Pour le pathologiste, l’ostéoblastome pose plusieurs problèmes diagnostiques.

Le premier, déjà évoqué, est celui de ses rapports avec l’ostéome ostéoïde : malgré une grande similitude radioclinique et surtout histologique, ces deux entités ont une répartition sur le squelette et des aspects évolutifs différents.

Ici, comme pour toute biopsie tumorale osseuse, il est capital de confier au pathologiste un minimum de renseignements cliniques et d’imagerie médicale qui sont autant d’arguments pour distinguer les deux lésions.

Le deuxième problème diagnostique se pose avec les lésions bénignes suivantes :

– le kyste anévrismal, d’autant qu’un authentique ostéoblastome peut être pseudoanévrismal ;

– la tumeur à cellules géantes ;

– la maladie de Paget localisée ;

– enfin et surtout, l’ostéosarcome différencié qui est le diagnostic différentiel histologique le plus délicat, d’autant que des formes dites « agressives » d’ostéoblastome avec évolution rapide et/ou récidivantes ont été rapportées ; ces formes histologiques d’ostéoblastome, non métastasiantes, se caractérisent par une plus grande richesse en cellules géantes et surtout en ostéoblastes, euxmêmes plus volumineux mais sans anomalie mitotique ; il existe des rapports troublants et des formes de passage entre ostéoblastome agressif et ostéosarcome différencié, qui ajoutés à la rareté des cas publiés, font proposer un cadre d’attente.

C – ÉTUDE CLINIQUE ET RADIOLOGIQUE :

1- Symptômes cliniques :

L’ostéoblastome est source de douleur chez neuf patients sur dix, comportant inconstamment une recrudescence nocturne et une sensibilité à l’aspirine.

Une tuméfaction osseuse palpable est possible dans les localisations superficielles.

Au rachis, l’ostéoblastome peut être responsable d’une scoliose douloureuse et même de troubles neurologiques par compression médullaire ou radiculaire.

2- Imagerie médicale :

* Radiographie conventionnelle :

En radiographie conventionnelle, l’ostéoblastome associe une ostéolyse fusiforme de plusieurs centimètres pouvant rompre la corticale, associée à une ostéocondensation périlésionnelle modérée.

Lorsque le centre de l’ostéolyse est calcifié avec un halo périphérique, l’aspect est caractéristique.

Au rachis, l’ostéoblastome apparaît bien limité, partiellement ou totalement calcifié, et expansif.

* Tomodensitométrie :

Le scanner précise la sémiologie précédente, explore avec rigueur des zones mal accessibles aux radiographies standards et évalue les rapports de la tumeur.

En particulier, les calcifications intratumorales et le liseré osseux périlésionnel sont nettement mis en évidence : îlots osseux disséminés ou confluents d’opacité variable. Le scanner évalue l’agressivité tumorale radiologique sur les limites de l’ostéosclérose périlésionnelle.

* Scintigraphie :

L’ostéoblastome fixe intensément le traceur radioactif.

La scintigraphie apporte un argument diagnostique de faible valeur car on connaît son manque de spécificité en matière de tumeur osseuse.

Cependant, sa sensibilité est particulièrement utile pour orienter les autres techniques d’exploration de l’imagerie médicale.

* Imagerie par résonance magnétique :

En IRM, l’ostéoblastome apparaît en iso- ou hyposignal en séquence pondérée T1 et en hypersignal ou isosignal en séquence pondérée T2.

Le rehaussement lésionnel et périlésionnel après injection de gadolinium surestime l’étendue de la lésion.

L’existence d’une bande de sclérose périphérique en hyposignal sur les séquences T1 et T2 est évocatrice de l’ostéoblastome.

L’IRM n’a toutefois pas l’intérêt diagnostique de la TDM.

En cas d’ostéoblastome rachidien, l’IRM explore avec précision les rapports entre tumeur et structure myéloradiculaire.

L’artériographie a quelques indications dans l’évaluation préopératoire de l’ostéoblastome, en particulier rachidien ; elle permet, en outre, l’embolisation en cas d’intense vascularisation.

D – TRAITEMENT :

L’ostéoblastome répond au mieux à une exérèse marginale ; mais certaines localisations ne permettent qu’une chirurgie intralésionnelle par curetage.

En effet, au rachis, les rapports anatomiques et le risque de déstabilisation mécanique ne permettent qu’un curetage en utilisant une fraise motorisée, avec comblement éventuel par greffe, voire utilisation d’une ostéosynthèse de soutien.

Le repérage isotopique peropératoire est une aide appréciable.

E – ÉVOLUTION :

L’ostéoblastome est une tumeur bénigne qui guérit en principe après exérèse complète.

Des formes agressives, expansives, récidivantes ont été décrites et même des transformations ostéosarcomateuses.

En fait, pour ces dernières, tout porte à croire qu’il s’agit d’ostéosarcomes primitifs de faible grade, non reconnus initialement.

Au total, le diagnostic d’ostéoblastome repose sur l’hyperfixation scintigraphique, l’aspect radiologique et surtout TDM.

La localisation rachidienne augmente fortement la probabilité prébiopsique.

Dans les autres localisations se discutent le diagnostic de kyste anévrismal, ou celui d’ostéosarcome.

Dans les localisations non rachidiennes et d’abord chirurgical a priori simple, lorsque le doute diagnostique existe, et pour une tumeur de taille importante, la biopsie première s’impose avant l’acte opératoire définitif.

Au rachis, ces deux gestes sont confondus en s’aidant d’un examen extemporané.

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