Ostéoarthropathie hypertrophiante

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Historique :

L’hippocratisme digital tient son nom de la première description qui en a été faite par Hippocrate au Ve siècle avant Jésus-Christ.

Cette description a été reprise par Aretius au IIe siècle après Jésus-Christ, puis par Pigeaux en 1832.

L’OAH a été décrite pour la première fois en Allemagne par von Bamberger en 1889, et en France par Marie en 1890.

Ostéoarthropathie hypertrophianteL’utilisation récente des rayons X a permis à ces auteurs d’associer à l’hippocratisme digital l’existence d’une apposition périostée étendue à la diaphyse des os longs.

Dans la première partie du XXe siècle, un lien a été établi entre l’OAH et de nombreuses affections thoraciques, abdominales ou générales.

Les relations existant entre l’hippocratisme digital, l’OAH et la pachydermopériostose ont été analysées, conduisant Coury et Bariéty à proposer, en 1946, le concept de dysacromélie.

Cependant, les mécanismes physiopathologiques de l’OAH n’ont été précisés qu’au cours de la seconde partie du XXe siècle et le rôle d’un facteur circulant capable de stimuler la prolifération des cellules du périoste a été évoqué.

Très récemment, trois facteurs de croissance, le transforming growth factor (TGF) b, le platelet derived growth factor (PDGF) et le vascular endothelial growth factor (VEGF), ont été incriminés.

Les progrès importants réalisés dans la connaissance de l’OAH ont permis, en 1992, à un groupe d’experts d’en préciser la définition, la classification et les critères diagnostiques.

Diagnostic :

Le groupe d’experts réunis en 1992 a défini l’OAH par l’association d’un hippocratisme digital et d’une périostose des os longs.

Trois formes incomplètes du syndrome sont reconnues :

– l’hippocratisme digital isolé ;

– la périostose sans hippocratisme digital lorsqu’elle survient au cours d’une affection pouvant se compliquer d’OAH ;

– la pachydermie lorsqu’elle est associée à l’une des manifestations suivantes : synovite, séborrhée, folliculite, hyperhydrose, gastropathie hypertrophique, acro-ostéolyse.

La classification de l’OAH permet de distinguer une forme primitive (pachydermopériostose) et des formes secondaires.

A – CIRCONSTANCES DE DÉCOUVERTE :

Les circonstances de découverte de l’OAH dépendent beaucoup de la nature de l’affection causale.

Lorsque cette affection évolue lentement et silencieusement, l’OAH peut en être le révélateur.

Cette situation est fréquente pour les causes thoraciques, en particulier au cours des cancers pulmonaires.

L’hippocratisme digital est souvent noté par le médecin car, d’installation progressive, il est rarement décrit par le malade ou son entourage.

La périostose peut être découverte sur des radiographies, ou bien être évoquée par la scintigraphie osseuse, ces examens étant réalisés pour un tout autre motif. Enfin, des arthralgies inflammatoires, voire des arthrites, révèlent parfois l’OAH.

Plus rarement, l’OAH, silencieuse, est découverte dans le même temps que l’affection causale ou, plus exceptionnellement encore, au cours de son évolution.

B – ASPECTS CLINIQUES :

Le sex-ratio de l’OAH secondaire est difficile à établir.

En effet, il a évolué dans les cancers du poumon aux cours des dernières années du fait de l’augmentation de l’incidence de ce cancer chez la femme.

Par ailleurs, la taille des échantillons est généralement faible dans la littérature.

Segal estimait le sex-ratio à 11 hommes pour cinq femmes en 1982, Schumacher retrouve six hommes pour cinq femmes en 1976 alors que des études plus anciennes, comme l’étude de Gall en 1951, ne mentionnent que des hommes (cinq patients seulement).

Cliniquement, l’OAH peut être définie comme un ensemble syndromique, le plus souvent paranéoplasique, associant :

– un syndrome acromélique comportant un hippocratisme digital, une hypertrophie des parties molles et des troubles vasomoteurs ;

– un syndrome articulaire : arthralgies ou arthrites ;

– un syndrome osseux comprenant une périostose engainante, hyperfixante à la scintigraphie osseuse.

1- Hippocratisme digital :

L’hippocratisme digital est une incurvation dans le plan frontal et sagittal de l’ongle, touchant les doigts et les orteils (avec une fréquence plus faible), réalisant un bombement en « verre de montre ».

Il s’y associe une déformation de la dernière phalange, élargie en « baguette de tambour » ou en « battant de cloche » (clubbing des Anglo-Saxons).

L’atteinte est symétrique dans la plupart des cas d’OAH secondaire.

Dans les formes locales, l’atteinte peut ne concerner que les orteils ou une main.

L’importance de l’hippocratisme digital peut être évaluée cliniquement et graduée.

Lovibond note l’augmentation de volume de la dernière phalange et propose pour la première fois une mesure objective afin de distinguer l’hippocratisme digital de la simple hypertrophie.

Il évalue l’angle formé, de profil, entre la ligne longeant la face dorsale de l’ongle et le relief cutané de la dernière phalange.

Les valeurs normales sont inférieures à 160° alors que l’hippocratisme digital est défini pour une valeur supérieure à 180°.

Plus récemment, d’autres auteurs ont proposé la mesure d’un index digital.

Il s’agit de la moyenne des rapports des circonférences des doigts mesurées à l’articulation interphalangienne distale et à la racine de l’ongle.

En cas d’hippocratisme digital, la valeur moyenne du rapport est de 10,73, alors qu’elle est de 9,99 chez les témoins sains.

Baughman évalue simplement le rapport des épaisseurs de l’index mesurées de profil à l’interphalangienne distale et à la racine de l’ongle.

Un rapport supérieur à 1,10 authentifie l’hippocratisme digital.

2- Hypertrophie des parties molles :

L’aspect boudiné des doigts et des orteils évoque plus ou moins l’acromégalie.

Toutefois, l’hypertrophie prédomine sur les parties molles et siège aux extrémités.

Il peut s’y associer un oedème et un épaississement cutané donnant un aspect en « pied d’éléphant ».

L’atteinte d’autres sites est plus rare dans les formes secondaires.

Coury estime cependant à 5 % la présence d’une gynécomastie modérée au cours des cancers pulmonaires, dont 30 % sont associés à une OAH complète (contre seulement 1 % associés à un hippocratisme digital isolé).

L’existence d’un épaississement des traits du visage (plis nasogéniens) est plus exceptionnelle.

3- Phénomènes vasomoteurs :

Beaucoup d’études ont démontré une augmentation du débit sanguin périphérique au cours de l’hippocratisme digital isolé et de l’OAH secondaire.

Cliniquement, cette augmentation du flux sanguin s’exprime par des oedèmes, surtout aux membres inférieurs, une hypersudation et un érythème chronique modéré.

4- Atteinte articulaire :

Il s’agit du mode de révélation le plus fréquent de l’OAH, les atteintes précédentes n’étant souvent pas notées par le patient luimême.

Elle précède le diagnostic de cancer pulmonaire d’un délai variable de 4 mois à 5 mois.

Il s’agit de simples arthralgies, le plus souvent symétriques (surtout en cas d’atteinte des petites articulations), d’horaire mécanique ou inflammatoire.

Plus rarement, il s’agit d’une oligoarthrite subaiguë.

Les articulations les plus fréquemment touchées sont les genoux et les chevilles.

Dans la majorité des cas, la vitesse de sédimentation est élevée, à 68 mm en moyenne pour Schumacher (extrêmes de 26 à 130 mm).

Le diagnostic différentiel avec d’autres rhumatismes articulaires peut donc être difficile (polyarthrite rhumatoïde, remitting seronegative symetrical synovitis with piiting edema syndrome (RS3PE), pseudopolyarthrite rhizomélique avec atteinte articulaire périphérique, rhumatisme paranéoplasique).

Cependant, indépendamment des autres manifestations cliniques orientant vers le diagnostic d’OAH, on peut noter quelques particularités de l’atteinte articulaire :

– le caractère mécanique du liquide articulaire ;

– la normalité du bilan immunologique ;

– la bonne sensibilité des symptômes à l’aspirine, aux antiinflammatoires non stéroïdiens et aux glucocorticoïdes.

Par ailleurs, les manifestations douloureuses articulaires régressent après traitement de l’affection causale.

C – DONNÉES DES EXAMENS D’IMAGERIE MÉDICALE :

1- Signes radiographiques :

* Périostose :

Au cours de l’OAH, la périostose a certaines caractéristiques radiologiques évocatrices.

L’atteinte est en général bilatérale et symétrique.

La survenue de la périostose est progressive, ce qui explique les formes incomplètes.

Ainsi, Pineda, comparant trois groupes d’OAH d’origine différente (primitive, secondaire à une cardiopathie ou secondaire à un cancer pulmonaire), n’observe pas de différence radiologique en fonction de l’étiologie mais uniquement en fonction de la durée d’évolution de l’OAH.

L’évolution de la périostose se traduit par :

– une augmentation du nombre des os atteints (les os initialement touchés étant habituellement les tibias, les péronés, puis les fémurs, les cubitus et, très tardivement, les phalanges) ;

– une extension de la périostose sur un même os (apparaissant d’abord au niveau de la diaphyse, le plus souvent distale, les lésions s’étendent ensuite à la métaphyse et à l’épiphyse) ;

– un épaississement progressif de l’apposition périostée. Initialement linéaire, séparée du cortex par une zone claire (grade I), elle devient plus épaisse ou réalise un aspect « multicouche » (grade II).

Enfin, elle finit par ne représenter qu’une couche épaisse irrégulière pouvant se propager aux tendons et aux membranes interosseuses sans zone claire la séparant de la surface de la corticale externe (grade III).

Le grade III d’apposition périostée n’est observé qu’au cours des OAH primitives et des formes secondaires ayant une longue durée d’évolution.

* Autres signes radiographiques :

Pour Pineda, l’aspect radiologique des articulations est normal.

Il n’y a ni pincement articulaire, ni ostéoporose régionale, et l’existence d’anomalies est même considérée par ces auteurs comme un argument contre le diagnostic d’OAH.

Un remaniement osseux de la dernière phalange est rare.

Pineda mentionne une atteinte radiologique tardive au cours des OAH secondaires à une cardiopathie congénitale, ou primitives.

Il s’agit d’une hypertrophie (aspect en « champignon ») de la dernière phalange, ou d’une ostéolyse réalisant une amputation distale de la phalangette ou prenant un aspect fusiforme.

L’aspect semble être lié à l’âge de survenue de l’OAH, les forme lytiques survenant chez l’enfant alors que les formes hypertrophiques se developpent après la puberté.

2- Scintigraphie osseuse :

Les anomalies scintigraphiques précèdent habituellement les signes radiologiques, permettant ainsi un diagnostic plus précoce.

Il s’agit de bandes parallèles d’hyperfixation le long des diaphyses des os longs.

La diminution de ces hyperfixations scintigraphiques après traitement de la cause de l’OAH est plus précoce que la disparition des signes radiologiques permettant ainsi, d’après Ali, d’apprécier rapidement l’efficacité du traitement.

On note également des anomalies scintigraphiques aux sites squelettiques dont l’exploration radiologique est difficile : omoplates, clavicules et crâne (maxillaires inférieur et supérieur), respectivement atteints dans 67 %, 33 % et 42 % dans la série d’Ali.

S’y associent souvent des hyperfixations périarticulaires, voire une hyperfixation des phalanges distales des mains.

Étiologies :

D’après la conférence de consensus de 1992, les OAH primitives et secondaires appartiennent au même cadre nosologique.

Comme cela a été précisé antérieurement, les différents aspects cliniques semblent davantage liés à la durée d’évolution, plus longue dans la forme primitive, qu’à l’étiologie.

Les OAH secondaires sont classées en deux catégories : les formes généralisées et les formes localisées.

A – ÉTIOLOGIES DES OSTÉOARTHROPATHIES HYPERTROPHIANTES SECONDAIRES GÉNÉRALISÉES (EN DEHORS DU CANCER DU POUMON) :

1- Affections thoraciques :

Les étiologies thoraciques sont les plus fréquentes (90 % des cas d’OAH).

Le cancer pulmonaire est à l’heure actuelle la principale cause d’OAH.

Cependant, l’hippocratisme digital isolé est souvent en rapport avec une bronchopathie chronique obstructive.

Les métastases pulmonaires peuvent être responsables d’OAH, toutefois beaucoup plus rarement que les cancers bronchiques primitifs. Booth, dans sa revue de la littérature, n’en rapporte que 140 cas en 1987.

Les sarcomes représentent la moitié des cas d’OAH secondaires à des métastases pulmonaires.

Alors que le cancer du sein est une étiologie fréquente de métastase pulmonaire, il est une étiologie rare d’OAH.

Les métastases pulmonaires des cancers du rein, de la prostate, de la vessie, de l’ovaire, de l’oesophage, de l’estomac et du mélanome entraînent rarement une OAH.

L’association de l’OAH avec un autre syndrome paranéoplasique est exceptionnelle.

L’OAH peut être secondaire à une hémopathie.

Il s’agit plus fréquemment d’une maladie de Hodgkin que d’un lymphome non hodgkinien ou d’un thymome. Les tumeurs pleurales, même bénignes, bien que rares, s’associent dans 30 à 60 % des cas à une OAH.

Les pathologies pulmonaires non tumorales responsables d’OAH sont dominées par les suppurations chroniques (bronchectasie, emphysème, abcès, mucoviscidose…) et par la tuberculose.

Leur responsabilité dans les OAH est devenue plus rare depuis l’avènement des antibiotiques.

L’infection au virus de l’immunodéficience humaine (VIH) ou les surinfections pulmonaires liées au VIH, notamment les pneumonies interstitielles liées au virus d’Epstein-Barr (EBV), peuvent être responsables d’OAH.

La fibrose pulmonaire peut s’accompagner d’OAH réversible en cas de transplantation.

Son incidence semble assez élevée puisque, sur 300 patients, Cohen l’estime à 15 %, dont 8 % de formes incomplètes.

L’OAH est plus fréquente dans les fibroses pulmonaires sévères.

L’incidence de l’OAH dans les malformations cardiaques congénitales est diversement appréciée. Une analyse prospective récente d’une population de 32 patients âgés de plus de 6 ans, trouve 31 % d’OAH.

Il s’agit le plus souvent de cardiopathies congénitales cyanogènes (trois cas de transposition des gros vaisseaux, deux cas de tétralogie de Fallot, un cas de persistance du canal artériel).

Vazquez-Abad a évalué 22 patients atteints d’une cardiopathie congénitale associée à une hypoxie inférieure à 55 mmHg.

Alors que dix patients étaient porteurs d’une OAH complète, il a trouvé un hippocratisme digital chez tous les patients en comparaison avec des témoins sains.

Par ailleurs, les patients ayant une OAH complète avaient un index digital significativement plus élevé que les patients ayant un hippocratisme digital isolé.

Les autres causes cardiaques d’OAH sont dominées par l’endocardite infectieuse.

2- Affections extrathoraciques :

Elles ne concernent que 10 % des cas d’OAH.

Il s’agit rarement d’un cancer oto-rhino-laryngologique (cavum), de la thyroïde ou d’origine digestive.

Les entéropathies inflammatoires sont plus fréquemment responsables.

Ainsi, Kitis observe un hippocratisme digital dans 37,5 % des maladies de Crohn et 15 % des rectocolites ulcérohémorragiques.

Les autres causes intestinales sont exceptionnelles (amibiase intestinale, colite pseudomembraneuse, abus de laxatif, polypose familiale).

Les hépatopathies sont plus fréquemment responsables avec, par ordre de fréquence, la cirrhose biliaire primitive, les hépatites chroniques actives et les autres cirrhoses.

L’OAH peut également révéler un rejet de greffe.

D’autres causes extrathoraciques rares ont été rapportées, notamment les polymyosites.

B – ÉTIOLOGIES DES OSTÉOARTHROPATHIES HYPERTROPHIANTES SECONDAIRES LOCALISÉES :

L’OAH localisée à un membre est rare.

Elle a été rapportée au cours des infections de prothèses vasculaires, surtout sur les prothèses aortiques, touchant alors l’un ou les deux membres inférieurs.

Il convient de souligner l’importance de l’apposition périostée, contrastant avec le caractère inconstant de l’hippocratisme digital qui n’est présent que dans six des 12 cas rapportés.

Fauquert signale la grande fréquence des hémorragies digestives secondaires à une fistulisation.

Un hippocratisme digital localisé a été signalé aux cours d’hémiplégies (à l’un des membres paralysés), mais aussi au cours d’anévrismes de l’arcade palmaire, parfois traumatiques, au cours de shunts artérioveineux, ou bien en cas d’artérite inflammatoire.

C – OSTÉOARTHROPATHIES HYPERTROPHIANTES ET CANCERS BRONCHIQUES :

Dans ce cas, l’OAH est un syndrome paranéoplasique puisque la résection de la tumeur s’accompagne d’une amélioration de la symptomatologie qui réapparaît en cas de rechute.

Cependant, la récidive de l’OAH n’est pas systématique.

Ainsi, dans la série de Magdeleinat, 13 des 18 patients ayant une récidive tumorale n’avaient pas de récidive de l’OAH.

L’association de l’OAH avec un autre syndrome paranéoplasique est exceptionnelle.

Le cancer bronchique est de loin, actuellement, la cause la plus fréquente d’OAH complète, alors que les étiologies thoraciques d’hippocratisme digital isolé restent dominées par la bronchectasie.

Locke, en 1915, dans sa revue de 134 cas, retrouvait 114 cas liés à une cause thoracique (85 %), mais seulement neuf cancers pulmonaires (7 %).

De même, dans une étude rétrospective basée sur l’analyse de 5 142 squelettes de patients décédés au début du siècle (de cause reconnue), Rothschild retrouvait 319 cas d’OAH.

Sur ces 319 cas, seuls 30 étaient secondaires à un cancer bronchique, soit 9,5 % des étiologies d’OAH, alors que la tuberculose pulmonaire représentait 55 % des cas d’OAH, les infections pulmonaires non tuberculeuses 35 % et les endocardites 1 %.

Par ailleurs, l’OAH était présente chez 12,5 % des cas de cancer pulmonaire retrouvés chez ces 5 142 patients.

Devant le recul des autres étiologies et l’augmentation de l’incidence du cancer de poumon, la part des OAH attribuée au cancer pulmonaire a donc augmenté et 80 % des OAH complètes seraient actuellement liés à cette étiologie.

Toutefois, la fréquence réelle de l’OAH au cours des cancers bronchiques est difficile à évaluer.

Dans la littérature, cette fréquence est variable, allant de 0,2 à 17 %.

La fréquence de l’hippocratisme digital est plus élevée, allant de 3,7 à 20 %.

Les fréquences de l’hippocratisme digital, de l’OAH complète et de la périostose isolée sont donc différentes au cours du cancer pulmonaire primitif.

De plus, ces fréquences varient dans la littérature entre les différentes études.

Ces différences sont fonction des moyens utilisés pour le diagnostic, ainsi que du type d’étude (prospectif ou rétrospectif).

La fréquence de l’hippocratisme digital et la fréquence de l’OAH varient en fonction du type histologique du cancer pulmonaire.

L’OAH semble plus fréquente en cas d’adénocarcinome et de cancer épidermoïde. Baughman estime que la proportion d’hippocratisme digital isolé est identique chez les patients présentant un cancer pulmonaire, quel que soit le type histologique.

Sridhar trouve une plus grande fréquence d’hippocratisme digital au cours des cancers non à petites cellules (NSCLC), par rapport aux cancers à petites cellules (SCLC ; respectivement 35 % et 4 %), constatation signalée par d’autres auteurs.

Le même auteur observe une prédominance féminine de l’hippocratisme digital.

Il est cependant difficile d’apprécier la réalité de ce phénomène car la répartition des types histologiques est différente chez l’homme et chez la femme.

L’influence du siège de la tumeur sur la survenue d’une OAH est possible.

Morgan trouve en effet plus de tumeurs périphériques chez les patients atteints d’OAH en comparaison aux témoins, mais il s’agit du seul travail ayant analysé ce facteur.

L’importance pronostique de l’OAH a été peu étudiée.

Dans deux études rétrospectives, Morgan et Magdeleinat n’ont pas constaté d’influence de l’OAH sur la survie.

D – PACHYDERMOPÉRIOSTOSE :

La pachydermopériostose constitue la forme primitive de l’OAH.

Elle est beaucoup plus rare que l’OAH secondaire puisque sa fréquence est estimée entre 3 et 5 % de l’ensemble des OAH.

En 1988, Martinez-Lavin n’a retrouvé que 125 cas décrits dans la littérature, auxquels il a ajouté sept cas personnels.

La description clinique est proche de celle des formes secondaires.

La survenue est plus précoce que dans les formes secondaires, dans l’adolescence, avec une évolution qui s’achève à l’âge adulte.

Il existe une nette prédominance masculine (à 89 %) et des antécédents familiaux sont retrouvés dans près de 40 % des cas avec un mode de transmission autosomique dominant à pénétrance variable.

Le rôle d’une prédisposition génétique reste discuté.

L’épaississement cutané et l’hyperhydrose peuvent être également observés au cours des OAH secondaires, mais la durée d’évolution plus longue de la pachydermopériostose fait que l’épaississement cutané facial et du crâne est plus fréquent, donnant un aspect caractéristique au visage.

La pachydermopériostose peut toutefois ne présenter aucun signe cutané, se limitant donc à des arthralgies et une apposition périostée. Cette forme a été décrite pour la première fois en 1961 par Currarino.

Cette affection est rare et, à ce jour, une dizaine de cas ont été rapportés, quasiment tous chez l’homme noir. Les arthralgies et les épanchements synoviaux sont également présents au cours de la pachydermopériostose.

Le liquide articulaire est de nature mécanique.

Contrairement à la plupart des formes secondaires, il n’est pas noté de syndrome inflammatoire biologique.

L’aspect radiologique est celui des formes secondaires.

Cependant, la longue durée d’évolution explique l’importance de l’apposition périostée.

La résorption des phalangettes est fréquente.

Diagnostic différentiel :

A – DYSACROMÉLIE :

La distinction peut être difficile entre une acromégalie débutante et une pachydermopériostose en raison de signes communs : macroglossie, hypertrophie du nez et des sinus frontaux.

Toutefois, l’absence d’hippocratisme digital et de périostose distingue l’acromégalie.

L’acropachie thyroïdienne comporte de nombreux signes communs avec l’OAH : hippocratisme digital, périostose et infiltration oedémateuse des tissus mous.

Toutefois, elle s’en distingue par la localisation médiodiaphysaire de la périostose et l’existence de signes évoquant l’origine thyroïdienne : exophtalmie et myxoedème prétibial.

L’hippocratisme digital peut être d’origine constitutionnelle ou familiale.

Il doit être distingué du pseudohippocratisme digital observé dans l’hyperparathyroïdie, en rapport avec un effondrement des tissus mous dû à l’érosion sévère de la houppe phalangienne.

B – APPOSITION PÉRIOSTÉE :

Une réaction périostée, parfois révélatrice, est fréquente au cours de certaines affections pouvant comporter une atteinte osseuse inflammatoire.

Il peut s’agir d’une ostéite infectieuse, d’une spondylarthropathie inflammatoire, d’un infarctus osseux, d’une tumeur osseuse telles un ostéosarcome ou un sarcome d’Ewing.

Le caractère localisé de l’apposition périostée et l’absence des autres signes évocateurs d’OAH permettent, le plus souvent, d’éliminer facilement cette hypothèse diagnostique.

L’apposition périostée peut également traduire l’inflammation vasculaire comme au cours de l’insuffisance veineuse, de la périartérite noueuse ou de la maladie de Takayashu.

Physiopathologie :

Le problème de la physiopathologie des dysacromélies soulève de nombreuses questions depuis 25 siècles.

Aucune réponse globale n’a été donnée jusqu’à ce jour.

Cependant, d’importants progrès ont été réalisés au cours des dernières années permettant de comprendre certains mécanismes physiopathologiques de l’OAH.

La compréhension de cette affection passe par une description histopathologique.

A – ANALYSE HISTOPATHOLOGIQUE :

L’OAH est caractérisée par des anomalies histologiques prédominant au lit vasculaire de l’ongle.

Les auteurs anciens comme Bigler ont noté une hypertrophie du tissu de soutien fibreux avec présence de fibroblastes peu matures hyperactifs, possédant un large nucléus et un cytoplasme basophile.

Cette hypertrophie du tissu conjonctif s’accompagne d’une vasodilatation importante, rendant compte de la description clinique (hypersudation et oedème des extrémités).

Ainsi, plusieurs auteurs mettent en évidence une augmentation du débit sanguin digital.

D’après les travaux nécropsiques de Ginsburg, cette vasodilatation périphérique s’associe à une vasodilatation profonde pouvant toucher l’oesophage.

Fox met en évidence, par immunohistochimie, de nombreux microthrombi au sein du lit unguéal dans cinq cas d’hippocratisme digital alors que ces anomalies ne sont retrouvées que chez quatre des 25 témoins.

Le périoste et la synoviale sont aussi le siège d’une vasodilatation avec une prolifération vasculaire et la présence de nombreux thrombi.

L’étude en microscopie électronique de la synoviale montre l’existence de dépôts denses autour de l’endothélium veineux qui ne sont pas des dépôts de complexes immuns mais correspondent, pour Shneerson, à des dépôts de fibrinogène ayant franchi la paroi vasculaire endommagée.

Tous ces éléments sont en faveur d’une activation endothéliale d’origine indéterminée.

Les anomalies histologiques osseuses comportent un remaniement de la dernière phalange.

Il s’agit surtout d’une apposition périostée en regard du lit unguéal alors que l’autre versant est respecté.

Une véritable acro-ostéolyse est rare (essentiellement chez les patients ayant une OAH secondaire à une cardiopathie cyanogène, avant la puberté).

Chez l’animal, l’induction d’une périostose par des agents pharmacologiques inhibiteurs de la phosphodiestérase plaquettaire fournit un modèle expérimental de choix.

Chronologiquement, on constate initialement l’apparition d’un oedème inflammatoire des tissus adjacents à l’os avec présence de nombreux fibroblastes associés à une augmentation de l’épaisseur du périoste.

Par la suite, les structures fibreuses deviennent ostéoïdes, puis l’ostéoïde se calcifie.

Il prend alors l’aspect d’un manchon de néocortex entourant le cortex préexistant.

Le cortex est ensuite remanié, des travées osseuses apparaissent perpendiculairement à sa surface, laissant apparaître un néotrabéculum délimitant de nouveaux espaces médullaires. Enfin, le néocortex se trouve séparé du cortex par de larges espaces médullaires renfermant des cellules hématopoïétiques.

Chez l’homme, des constatations histologiques similaires ont été faites, en soulignant cependant que l’hypervascularisation des parties molles autour de l’os précède l’apparition de l’apposition périostée.

Les anomalies constatées au cours des pachydermopériostoses sont similaires à celles des formes secondaires.

Des travaux récents mettent en évidence des signes indirects d’activation endothéliale avec hyperplasie vasculaire capillaire, épaississement de la membrane basale, infiltrat lymphocytaire constant avec présence de corps de Weibel-Palade au niveau du lit ungéal.

Cependant, aucune publication ne fait état de la présence de microthrombi.

B – HYPOTHÈSES PHYSIOPATHOLOGIQUES :

Le modèle physiopathologique supposé de l’OAH doit pouvoir expliquer ces anomalies histologiques associant vasodilatation, activation endothéliale et hyperactivité fibroblastique.

Il doit aussi pouvoir rendre compte de la diversité des étiologies.

On peut diviser les facteurs pathogéniques « extrinsèques » supposés en trois groupes : les facteurs liés à l’hypoxie locale, les facteurs humoraux et les facteurs vasodilatateurs.

Selon une théorie « intrinsèque », des anomalies des fibroblastes, génétiquement déterminées, peuvent intervenir dans la pachydermopériostose.

1- Hypoxie locale :

Sa responsabilité a surtout été évoquée par les auteurs anciens.

Paton analyse les gaz du sang et les paramètres fonctionnels respiratoires de 147 patients atteints de bronchopneumopathie chronique (dont 44 fibroses primitives), et trouve une corrélation significative entre l’hypoxie et le degré de l’hippocratisme digital.

Hirakata ne met pas en évidence de différence dans les gaz du sang analysés chez 58 patients atteints de cancer bronchique, dont 30 avec hippocratisme digital.

Si l’hypoxie locale intervient dans la physiopathologie, on ne peut toutefois pas préciser à la lueur de ces travaux si elle agit directement dans l’activation endothéliale, par exemple par l’intermédiaire du complexe X activé, ou si elle accompagne simplement un shunt droite-gauche.

2- Facteurs humoraux :

* Hormone de croissance (GH) :

Son rôle a été suggéré dès 1968 par Steiner.

Ce n’est pas un agent vasodilatateur.

Récemment, Gosney a trouvé une hypersécrétion de GH dans une population de cancers bronchiques avec hippocratisme digital (21 patients) en comparaison à une population de témoins sans hippocratisme digital (39 patients).

Cependant, cette différence était surtout liée à des taux élevés observés chez seulement cinq patients du premier groupe et d’autres auteurs n’ont pas trouvé de différence significative en cas d’hippocratisme digital, ou bien en cas d’OAH complète.

* Estrogènes :

Ils ont intéressé les auteurs anciens du fait de la description de gynécomasties au cours de l’OAH.

Des taux élevés d’estrogènes ont été mis en évidence dans les OAH secondaires, mais sans relation avec la présence d’une gynécomastie.

Ces facteurs n’interviennent vraisemblablement pas seuls dans la physiopathologie de l’OAH car ils n’entraînent pas de vasodilatation.

Quant à la parathormone, elle semble ne jouer aucun rôle.

3- Facteurs vasodilatateurs :

Leur responsabilité a été évoquée pour rendre compte des lésions anatomopathologiques accompagnant l’OAH.

* Hypertonie vagale :

La réversibilité des signes d’OAH après vagotomie, même en l’absence de l’ablation de la tumeur en cas de forme secondaire à un cancer bronchique, plaide en faveur de l’existence d’une hypertonie vagale.

Cependant, Kitis observe un hippocratisme digital dans dix cas parmi 88 patients ayant une entérocolopathie distale (non innervée par le nerf vagal).

* Facteurs humoraux vasodilatateurs :

– La ferritine : Sinniah a trouvé une relation entre la surcharge hépatique en fer et la présence d’un hippocratisme digital chez des patients présentant une thalassémie, mais ces résultats n’ont pas été confirmés par d’autres travaux.

– Les prostaglandines (PGE2 et PGF2) : elles peuvent induire une apposition périostée in vitro et in vivo chez l’animal.

Des cas d’hyperostose corticale ont été rapportés chez des enfants traités par PGE de façon prolongée pour la persistance du canal artériel, mais cette complication est rare.

Toutefois, Martinez-Lavin rapporte une augmentation des taux artériel et veineux de PGE2 dans neuf cas d’OAH complète comparés à des sujets sains.

Ces agents vasodilatateurs présents dans la grande circulation sont normalement inactivés dans les capillaires pulmonaires.

Il est donc difficile de savoir, en l’absence d’un modèle animal satisfaisant, si l’élévation de leur taux sérique est le fait d’une augmentation de leur production ou d’une diminution de leur métabolisme du fait, par exemple, d’un shunt droite-gauche.

– Les bradikinines, l’adénosine triphosphate et la 5-hydroxytriptamine sont aussi des agents vasodilatateurs, mais leur rôle dans l’OAH n’a pas été étudié.

Modèle du shunt droite-gauche

En 1987, Dickinson et Martin fournissent une nouvelle théorie physiopathologique faisant intervenir le shunt droite-gauche.

Cette anomalie anatomique pourrait être responsable de la présence dans la grande circulation de mégacaryocytes incomplètement clivés.

L’agrégation périphérique des plaquettes dans le lit capillaire serait à l’origine de la libération de facteurs de croissance pouvant rendre compte des anomalies histologiques.

Cette théorie explique la présence de thrombi constatée par Fox, ainsi que la diversité des étiologies d’OAH.

Ainsi, dans les formes liées à des anomalies vasculaires en amont (endocardite, infection de prothèse, anévrisme), Dickinson estime que l’OAH n’est pas liée à l’absence de clivage des plaquettes mais à la formation locale de microagrégats plaquettaires provoqués par la pathologie initiale, ces derniers pouvant ensuite s’agréger dans les capillaires périphériques.

Il convient toutefois de souligner que ces hypothèses n’ont, jusqu’à présent, pas été vérifiées.

Dans les formes secondaires aux cirrhoses hépatiques, l’OAH peut être la conséquence du shunt droite-gauche qui simule parfois une cardiopathie cyanogène.

Les facteurs de croissance plaquettaires peuvent rendre compte des anomalies histologiques observées.

En effet, les plaquettes renferment dans leurs granules alpha de puissants facteurs de croissance, inducteurs de la formation de la matrice extracellulaire (PDGF et TGFb1) ou vasodilatateurs (VEGF).

Le TGFb1 induit in vivo chez l’animal une ossification périostée après injection locale.

La littérature est en accord avec cette théorie : les taux sériques de TGFb1 sont plus élevés, en cas de cancer bronchique, chez les patients ayant une OAH que chez les patients sans OAH.

Des constatations similaires sont faites avec le PDGF et le VEGF.

Il est possible cependant qu’une partie des formes secondaires d’OAH soit liée à la production locale, en cas de cancer pulmonaire ou de fibrose, de facteurs de croissance.

Aucune donnée n’existe cependant dans la littérature pour conforter cette hypothèse.

Traitement et évolution :

A – OSTÉOARTHROPATHIES HYPERTROPHIANTES SECONDAIRES :

Dans les OAH secondaires, le seul traitement susceptible de modifier l’évolution est le traitement de l’affection causale.

En cas de cancer bronchique, la résection de la tumeur, ou la radiothérapie, est suivie de la régression rapide des arthralgies.

Les images scintigraphiques s’améliorent en 2 à 6 mois, tandis que la périostose radiologique diminue lentement et se fond progressivement avec la corticale.

Le syndrome acromélique récidive souvent lors de la rechute de la tumeur ou lors de la survenue de métastases.

En dehors du traitement de l’affection causale, le traitement symptomatique peut comporter la prescription d’aspirine, d’antiinflammatoires non stéroïdiens ou de glucocorticoïdes.

B – PACHYDERMOPÉRIOSTOSE :

Dans la pachydermopériostose, l’évolution des douleurs articulaires est souvent spontanément favorable après une phase active durant l’adolescence. Les antalgiques, les anti-inflammatoires non stéroïdiens, la corticothérapie orale sont peu efficaces.

Récemment, Guyot-Drouot a montré une nette diminution des symptômes chez deux patients à la suite d’une perfusion intraveineuse de pamidronate à la dose de 1 mg/kg.

Cette amélioration persistait 12 mois après le traitement.

Chez un troisième patient, l’amélioration a été discrète et n’a pas été renforcée par une seconde perfusion.

Il est donc nécessaire de juger l’efficacité du pamidronate chez d’autres patients avant d’en proposer l’utilisation courante dans cette indication.

Il serait intéressant également d’étudier ce traitement au cours des OAH secondaires, lorsque le traitement de l’affection causale est impossible ou ne peut être complet.

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