Occlusion intestinale du côlon

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L’occlusion intestinale se définit comme un arrêt complet et permanent du transit dans un segment intestinal.

Les occlusions du côlon représentent 20 % de l’ensemble des occlusions intestinales.

Physiopathologie :

A – Mécanisme :

Occlusion intestinale du côlonL’agent occlusif peut être mécanique ou fonctionnel.

Les occlusions fonctionnelles sont liées à une altération du système neurovégétatif et se manifestent par une paralysie intestinale, intéressant le plus souvent le grêle et le côlon.

Les occlusions mécaniques, les plus fréquentes au niveau du côlon, peuvent relever soit d’une obstruction de la lumière colique (d’origine intra- ou extraluminale), soit d’une strangulation engendrant rapidement une ischémie intestinale.

B – Conséquences liées au mécanisme :

1- En cas d’occlusion par obstruction :

La résorption hydrique est rapidement inhibée, le liquide digestif stagne, les parois coliques se distendent et le péristaltisme s’arrête.

Si la valvule de Bauhin est incontinente, il y a un reflux des sécrétions coliques dans les anses grêles expliquant la bonne tolérance clinique des occlusions basses.

Mais l’accumulation liquidienne, de même que l’oedème pariétal et l’exsudat péritonéal vont au fur et à mesure créer une séquestration extracellulaire, à l’origine d’un troisième secteur générateur d’un état de déshydratation.

Si la valvule de Bauhin est continente, il se produit une distension cæcale avec dilacération de la séreuse, stase veineuse et ischémie artériolaire pouvant aboutir à une perforation dite « diastatique ».

2- En cas d’occlusion par strangulation :

Il se produit soit un engorgement veineux avec un risque rapide de nécrose intestinale, soit une ischémie évoluant vers la fibrose puis la sténose.

Dans tous les cas, il existe une pullulation microbienne et un risque de choc septique.

Étiologie :

Les occlusions coliques peuvent se diviser en occlusions mécanique (soit par obstruction, soit par strangulation) et fonctionnelle, auxquelles on peut associer les pseudo-obstructions tel le syndrome d’Ogilvie.

Les occlusions coliques sont essentiellement des occlusions mécaniques.

Les adénocarcinomes sont la cause fréquente d’occlusion colique.

En France, 70 % des occlusions coliques sont dues au cancer, 16 % des cancers colo-rectaux étant diagnostiqués au stade d’occlusion.

Diagnostic :

Le syndrome occlusif associe douleurs abdominales, vomissements, arrêt du transit et distension abdominale, l’intensité de ses différents signes variant selon le siège et l’origine de l’occlusion.

L’interrogatoire du patient devra rechercher des antécédents de pathologie néoplasique, une maladie inflammatoire intestinale, un terrain vasculaire, des troubles récents du transit, la présence de sang dans les selles et la notion d’une diverticulose sigmoïdienne connue pour orienter le diagnostic.

1- Signes généraux :

Ils sont fonction du délai écoulé entre le début des troubles, de l’étiologie et (ou) du contexte pathologique dans lequel survient l’épisode occlusif.

Ils seront appréciés sur le faciès, le pouls, la tension artérielle, l’état de conscience et la température.

Dans les occlusions coliques, l’état général est longtemps bien conservé.

2- Signes fonctionnels :

La douleur est d’installation le plus souvent progressive, de siège variable, sans irradiation et évolue souvent par paroxysme. Les nausées et surtout les vomissements sont rares, tardifs.

L’arrêt des matières et des gaz est net, mais peut parfois s’accompagner d’une fausse diarrhée lorsque le siège de l’occlusion est haut situé.

3- Signes physiques :

À l’inspection, il existe un météorisme précoce, important ; il dessine alors le cadre colique (météorisme « en cadre ») où il prédomine dans la fosse iliaque droite ; s’il est considérable, dessinant un ballon oblique asymétrique, il évoque fortement un vulvulus du côlon pelvien.

Chez le sujet maigre, on peut parfois mettre en évidence l’existence d’un péristaltisme intestinal, sous forme d’onde de reptation.

La palpation retrouve une impression de résistance élastique caractéristique du météorisme ; elle recherche une défense témoignant d’une souffrance intestinale et une masse abdominale éventuelle pouvant orienter le diagnostic étiologique.

La percussion confirme le caractère tympanique de la distension abdominale.

L’ausculation apprécie la tonalité des bruits hydro-aériques, qui est augmentée en cas d’obstruction, et abolie en cas de strangulation.

En fait, ces bruits sont le plus souvent diminués ou abolis.

Enfin le toucher rectal recherche, à bout de doigt, une tumeur de la charnière rectosigmoïdienne ou une tumeur prolabée dans le Douglas.

4- Signes biologiques :

Les examens biologiques apprécient l’importance de la déshydratation et recherche une insuffisance rénale.

L’existence d’une acidose métabolique doit faire craindre des lésions ischémiques tissulaires et (ou) une complication septique.

5- Signes radiologiques :

L’abdomen sans préparation (cliché : face, debout) objective des niveaux hydro-aériques, peu nombreux, plus hauts que larges, en cadre et périphériques.

Il permet également la mesure du diamètre cæcal, témoin important de la distension colique, surtout si la valvule de Bauhin semble continente.

Il faudra également rechercher un pneumopéritoine, témoin d’une perforation tumorale diastatique (2 à 5 % des cas).

Le lavement aux hydrosolubles permet de préciser le siège de la sténose colique surtout en cas de lésion basse ; il permet parfois d’évoquer le diagnostic étiologique lorsqu’il fournit des images montrant sans ambiguïté la nature de l’obstacle : image lacunaire d’une tumeur, défilé long et centré d’une sigmoïdite diverticulaire, arrêt spiralé d’un volvulus du côlon pelvien.

Il peut également avoir un intérêt thérapeutique immédiat dans le volvulus.

La colonoscopie ou la rectosigmoïdoscopie ne sont indiquées que devant l’incertitude diagnostique et à condition qu’il n’y ait pas d’urgence à intervenir (absence de perforation).

Leur indication doit se limiter aux seuls cas où elle peut modifier la conduite thérapeutique, comme dans le traitement des volvulus ; en cas d’obstacle incomplet ou bas situé, elle permet la réalisation d’une biopsie.

Formes étiologiques :

1- Cancers coliques :

L’interrogatoire du patient retrouve souvent des signes évocateurs ayant précédé l’apparition de l’occlusion : constipation progressive, alternance diarrhée

– constipation, épisodes subocclusifs, sang dans les selles, etc.

Le début de l’occlusion est progressif ; l’état général du patient reste longtemps satisfaisant, avec une température subnormale.

Le météorisme est important, symétrique et périphérique. L’examen clinique recherche de principe des signes de souffrance du cæcum : douleur provoquée et défense.

Le toucher rectal peut retrouver une tumeur en bout de doigt ou prolabée dans le Douglas.

Le lavement aux hydrosolubles précise le siège de l’obstacle.

2- Sigmoïdites :

Les occlusions coliques compliquant la diverticulite sigmoïdienne (7 % des occlusions coliques) sont de deux types.

  • L’occlusion inflammatoire s’accompagne d’un syndrome septique plus ou moins marqué avec fièvre, hyperleucocytose et défense de la fosse iliaque gauche ou de la région sus-pubienne.

Les clichés d’abdomen sans préparation montrent une distension gazeuse en amont de la boucle sigmoïdienne, parfois associée à quelques niveaux hydroaériques sur le grêle au contact du foyer sigmoïdien suppuré.

La recherche d’un pneumo-péritoine doit être systématique.

  • La sigmoïdite pseudo-tumorale réalise une occlusion mécanique.

Le début est plus souvent progressif qu’aigu, marqué par des douleurs et une constipation.

L’examen retrouve souvent une tuméfaction de la fosse iliaque gauche.

Le diagnostic différentiel avec un cancer peut se poser en pré- ou peropératoire, les cas douteux imposant, lorsque cela est possible, une coloscopie préopératoire.

3- Volvulus colique :

  • Le volvulus du côlon pelvien survient souvent après des années de troubles fonctionnels intestinaux (constipation opiniâtre, épisodes de ballonnements abdominaux douloureux cédant avec une débâcle diarrhéique).

Le terrain est également particulier : patient âgé ou psychotique sous neuroleptique.

Le début est rarement brutal, l’arrêt du transit est absolu et s’accompagne d’un météorisme souvent énorme, asymétrique avec les caractéristiques typiques du volvulus : météorisme tympanique, résistant, et immobile (triade de Von Wahl). Une défense est rarement retrouvée.

L’abdomen sans préparation montre une anse sigmoïdienne dilatée, énorme, occupant la quasi-totalité de l’abdomen, sous forme d’un immense arceau à double jambage, divergeant de bas en haut avec un niveau hydro-aérique dans chaque jambage.

Le lavement aux hydrosolubles retrouve une spire de torsion en bec d’oiseau très caractéristique.

  • Le volvulus de côlon droit (ou du cæcum) est beaucoup plus rare.

Son diagnostic repose essentiellement sur la présence d’un météorisme important, asymétrique s’étendant de la fosse iliaque droite à l’hypocondre gauche avec sur l’abdomen sans préparation la présence d’un ballon gazeux sous-costal gauche avec un large niveau hydro-aérique barrant transversalement l’abdomen.

4- Syndrome d’Ogilvie :

Il se caractérise par une dilatation aiguë du cadre colique en l’absence de tout obstacle organique sur le côlon et de toute lésion colique préexistante.

Il s’observe préférentiellement chez des malades de réanimation, intubés, ventilés et recevant de fortes doses de sédatifs : insuffisants respiratoires, opérés aux suites difficiles, traumatismes crâniens ou chez des patients âgés, brutalement alités à l’occasion d’un accident vasculaire cérébral, d’une intervention chirurgicale, d’une insuffisance cardiaque.

Il peut se compliquer de perforation cæcale.

5- Ectasie inflammatoire aiguë du côlon :

Au cours des maladies inflammatoires (Crohn, rectocolite ulcéro-hémorragique), le mégacôlon toxique est caractérisé par l’association d’une dilatation aiguë de tout ou partie du côlon et d’un syndrome septique.

Le tableau clinique associe un syndrome septique grave (fièvre, leucocytose) et un syndrome abdominal avec douleurs diffuses et distension abdominale majeure, diarrhée parfois sanglante tympanique avec défense péritonéale.

L’abdomen sans préparation montre une distension colique prédominant sur le côlon droit et transverse, associée parfois à une distension iléale.

Traitement :

1- Traitement médical :

La réanimation des occlusions coliques a pour but de corriger les perturbations de l’équilibre volémique, hydro-électrolytique et acido-basique.

Elle se poursuit en per- et postopératoire jusqu’à la reprise normale du transit.

La gravité des conséquences générales de l’occlusion conditionne l’importance et la durée de la réanimation préopératoire.

Cette réanimation comprend :

– une aspiration digestive par sonde naso-gastrique ;

– une large voie de perfusion veineuse permettant une rééquilibration hydro-électrolytique dont l’efficacité sera évaluée sur des paramètres cliniques : pression artérielle, diurèse (sonde vésicale), volume d’aspiration gastrique, et biologiques : numération sanguine, protides, ionogramme ;

– une antibiothérapie visant surtout les entérobactéries et les anaérobies ;

– un traitement antalgique : antispasmodiques, antalgiques mineurs.

2- Traitement chirurgical :

En l’absence de signes de gravité (syndrome septique, signes péritonéaux, volvulus) il est licite de tenter le traitement non opératoire pendant 24 à 72 heures.

Lorsque le diamètre cæcal est mesuré à 12 cm au moins sur l’abdomen sans préparation, l’intervention s’impose en urgence du fait du risque de perforation diastatique. Les indications opératoires tiennent compte de la lésion sténosante.

  • Occlusion par cancer colique gauche : selon le terrain, la vitalité cæcale et l’expérience du chirurgien, on réalise :

– une simple colostomie latérale d’amont, la résection colique avec rétablissement de la continuité étant effectuées dans un deuxième temps ;

– une résection première avec colostomie terminale temporaire (opération de Hartmann) et rétablissement secondaire de la continuité ;

– une colectomie gauche avec anastomose colo-rectale, protégée éventuellement par une colostomie latérale d’amont.

Le lavage colique peropératoire permet actuellement d’éviter le plus souvent la colostomie de protection ;

– une colectomie totale ou subtotale avec rétablissement immédiat de la continuité.

  • Occlusion par cancer colique droit : l’intervention la plus souvent réalisée est l’hémicolectomie droite avec anastomose iléotransverse.
  • Occlusion par sigmoïdite : hormis les cas où la sténose colique est associée à l’échec du traitement médical d’une poussée de sigmoïdite suppurée, la décision opératoire pour sténose est rarement prise en urgence. Le choix du traitement est fonction des conditions locales, c’est-à-dire de l’importance des lésions inflammatoires et (ou) suppurées.

Le plus souvent, il est pratiqué une résection sigmoïdienne emportant la charnière recto-sigmoïdienne avec anastomose colo-rectale en un temps.

Lorsque les conditions locales le justifient (abcès) on peut protéger cette anastomose par une colostomie latérale d’amont, cette dernière étant renfermée deux mois plus tard.

  • Occlusion par volvulus colique :

– volvulus du côlon pelvien : le traitement varie selon l’état général du patient et l’état de l’anse volvulée.

La détorsion de l’anse est capitale, pouvant être obtenue par endoscopie ou lavement aux hydrosolubles.

L’endoscopie permet d’apprécier la vitalité du pied de l’anse détordue.

En l’absence de signe de nécrose et d’échec de la détorsion, une résection sigmoïdienne avec rétablissement de la continuité peut-être réalisée quelques jours plus tard, après préparation du côlon, si l’état général du patient le permet.

Si ces deux conditions ne sont pas remplies, la chirurgie est faite en urgence : détorsion, puis intervention de Hartmann ou résection sigmoïdienne avec anastomose colo-rectale protégée ou non par une colostomie ;

– volvulus du côlon droit : la détorsion par endoscopie et (ou) lavement hydrosoluble est souvent très difficile à obtenir.

L’hémicolectomie droite avec anastomose iléo-transverse est l’intervention le plus souvent pratiquée.

  • Syndrome d’Ogilvie, la colo-exsufflation est le traitement de base, au besoin répétée en cas de récidive.

La chirurgie n’intervient qu’en présence de complications (nécrose ou perforation cæcale).

  • Ectasie inflammatoire du côlon : en cas de mégacôlon toxique, l’urgence est vitale.

La réanimation associe apports hydro-électrolytiques par voie parentérale, transfusion, antibiotiques, corticoïdes et aspiration naso-gastrique.

Après 12 à 24 heures de réanimation, le traitement chirurgical doit être envisagé, le choix de l’intervention se faisant entre la colectomie ou la proctocolectomie totale avec iléostomie terminale, la colectomie subtotale avec iléostomie et sigmoïdostomie terminale ou l’intervention de Turnbull (iléostomie latérale et colostomies transverses et sigmoïdiennes).

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