Neuroplasticité

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Introduction :

Un siècle environ d’études neuroanatomiques de plus en plus résolutives ont conduit à préciser l’organisation du système nerveux avec une très grande définition, mais en donnant en contrepartie la notion d’une fixité et d’une constance forte dans l’architecture cérébrale.

Le fait que le cerveau soit constitué quasi exclusivement de neurones postmitotiques renforce cette notion de rigidité structurale, favorisant la recherche de gènes de structure à la base de la mise en place des réseaux nerveux.

NeuroplasticitéÀ ces idées sur le déterminisme génétique de l’organisation anatomique du système nerveux sont associées celles relatives à l’organisation fonctionnelle, relevant d’une conception localisationniste des fonctions cérébrales, issue notamment des travaux de Broca, à la fin du siècle dernier.

Cette conception du fonctionnement cérébral a été fortement soutenue par les études électrophysiologiques qui ont suivi, ce qui a contribué à l’émergence d’un dogme véritable, encore bien ancré dans notre culture neurobiologique.

Pourtant, ce type de conception très rigide d’une organisation anatomofonctionnelle du système nerveux, topographiquement très spécialisée, a été rapidement confronté à un certain nombre de limites, exprimées notablement par les observations issues de la clinique humaine montrant que, dans un certain nombre de cas favorables, des lésions cérébrales, source de déficit pour les patients, pouvaient être suivies de récupérations de fonctions plus ou moins complètes.

Considérant que les territoires détruits par des accidents vasculaires cérébraux (AVC) ou des traumatismes l’étaient de façon définitive, ces données de la clinique suggéraient alors que le système nerveux était à même de mettre progressivement en place un certain nombre de dispositifs à la base des récupérations de fonctions.

Implicitement, la prise en charge de la fonction relevant du territoire détruit par d’autres parties du système nerveux restées intactes posait alors le problème des mécanismes à l’origine de ces récupérations fonctionnelles.

Dans le même temps, le fonctionnement du cerveau apparaissait comme « adaptable », comme en témoignaient les premières observations de Pavlov sur les réflexes conditionnés, suggérant que les propriétés fonctionnelles ne recouvrent pas la fixité du câblage neuroanatomique ; ce type de concept ayant, par la suite, été développé dans l’ensemble des études sur l’apprentissage, y compris au niveau des réflexes les plus élémentaires susceptibles d’adaptation en fonction des contraintes externes.

La notion d’une flexibilité dans le fonctionnement, sinon dans l’organisation, de la connectivité des réseaux neuronaux chez l’adulte apparaissait ainsi et, dans le cas des observations relatives à la pathologie, elle était immédiatement rapportée à l’idée qu’une certaine latitude pouvait être donnée aux circuits neuronaux de se modifier, suite à la destruction d’une partie d’entre eux.

Ces idées ne sont pas nouvelles et Cajal lui-même avait entrevu la possibilité de régénération des prolongements axonaux, sans pour autant considérer que ce type de réorganisation puisse avoir, chez l’adulte, un rôle fonctionnel.

Notion de neuroplasticité : considération du caractère dynamique de l’organisation cérébrale et de son fonctionnement

L’hypothèse selon laquelle le déterminisme génétique de l’organisation des voies nerveuses présente des limites a été exprimée au travers des théories béhavioristes, ou encore par les travaux sur la stabilisation sélective des synapses, notamment.

Ces travaux suggèrent, qu’au cours du développement, un certain nombre de facteurs épigénétiques, traduits par exemple aujourd’hui au travers de l’action des facteurs trophiques ou des molécules impliquées dans l’adhérence cellulaire, pour ne citer que ceux-là, puissent intervenir pour influencer l’action des gènes.

Progressivement s’est ainsi instaurée l’idée de l’influence de l’environnement sur le développement cérébral, contribuant à un certain degré de variabilité dans la mise en place des réseaux nerveux.

Dans ce contexte, l’activité neuronale était considérée comme jouant un rôle majeur dans la construction du système nerveux ; la variabilité qui en résultait pouvant être source de différences dans l’expression comportementale, alors même que le patrimoine génétique entre individus de la même espèce était très proche.

De nombreux travaux, portant en particulier sur la mise en place des voies visuelles au cours du développement, sont venus conforter cette vue d’une dynamique du fonctionnement neuronal à la base de la spécificité de la construction des voies neuronales.

En dépit de la reconnaissance d’une forte constance dans la structure élémentaire du cerveau, la notion de la fixité de l’organisation même du système nerveux était ainsi partiellement battue en brèche.

Cette évolution conceptuelle a alors permis de progresser dans les hypothèses explicatives des récupérations de fonction postlésionnelles intervenant chez l’adulte ; par exemple, en introduisant

– au-delà des questions de régénérescence

– l’idée de l’existence de représentations cérébrales multiples, offrant la possibilité d’un traitement « parallèle » de l’information qui pourrait permettre une certaine sauvegarde des fonctions en cas de lésions partielles.

D’autres hypothèses invoquent l’existence de voies surnuméraires qui représentent, dans la théorie de la vicariance, des circuits neuronaux non utilisés et mobilisables en fonction des besoins, idées popularisées par la notion selon laquelle « nous n’utilisons qu’une partie de notre cerveau » ; et, selon d’autres hypothèses, les récupérations de fonction consécutives aux lésions cérébrales pourraient aussi être expliquées en proposant de façon implicite, avec la théorie de la diaschisis, des changements du mode de traitement de l’information dans des circuits neuronaux non directement affectés par les lésions elles-mêmes.

Aujourd’hui, la notion de plasticité cérébrale est très largement débattue et les mécanismes de cette neuroplasticité font l’objet d’une recherche intensive développée en particulier aux niveaux cellulaire et moléculaire par l’approche de la dynamique des interactions cellulaires.

En dehors de la biologie du développement et des processus liés aux récupérations de fonctions postlésionnelles chez le sujet adulte indemme de toute affection neurologique, plusieurs domaines d’études se réfèrent explicitement à la neuroplasticité : par exemple, le domaine de la mémorisation et de l’apprentissage, ou encore celui, en émergence, de la neurogenèse dans certains systèmes sensoriels en renouvellement perpétuel comme le système olfactif, mais aussi le domaine de changements structuraux intervenant transitoirement dans le système nerveux selon l’état physiologique de l’individu, et notamment de stress ; telles les études remarquables sur les changements perceptibles au niveau ultrastructural dans l’hypothalamus lors de la lactation par exemple, ou encore la flexibilité apparente des cartes corticales, à un niveau plus global, lors de procédures d’apprentissage.

L’idée d’un renouvellement synaptique lié à une perte et au remplacement des synapses dans un processus dynamique, y compris en l’absence de processus lésionnels, est ainsi progressivement admise par la communauté scientifique.

Dès lors, la notion de neuroplasticité, initialement réduite aux processus intervenant au cours du développement ou en rapport avec les récupérations fonctionnelles postlésionnelles, peut être étendue à l’ensemble des observations traduisant une dynamique des interactions cellulaires qui contribue, in fine, à l’adaptation comportementale.

Le terme de neuroplasticité prend, de ce fait, de nombreuses acceptions et paraît applicable, en première approximation, dans tous les cas où des changements structuraux durables de la connectivité cérébrale peuvent être mis en rapport avec des variations de fonction ou de fonctionnement du système nerveux, comme l’avait proposé Paillard dès 1976.

Cependant, rien n’exclut que de simples changements d’activité intervenant durablement (hors mécanismes de régulation, à court terme, de caractère transitoire), sans conséquence connue sur l’architecture cérébrale, aient les mêmes influences sur les comportements ; par exemple, dans le cas de l’action de certaines drogues psychotropes et des processus de dépendance qui en découlent.

La notion de neuroplasticité pourrait alors être étendue plus généralement à l’ensemble des processus affectant durablement la dynamique des interactions cellulaires, c’est-à-dire le fonctionnement des réseaux nerveux, y compris au cours de l’établissement d’états pathologiques, et contribuant, au-delà de la mise en place et de la sélection des voies neuronales pendant le développement, à leur maintien tout au long de la vie de l’individu.

De ce point de vue, il est alors notable que le processus de sénescence peut être perçu partiellement comme une réduction de la plasticité cérébrale susceptible de se traduire par une certaine « rigidité comportementale ».

Il semble dès lors utile de distinguer, sans les opposer, deux formes de plasticité : la plasticité structurale, associée à des changements structuraux, et la plasticité fonctionnelle qui recouvrirait des modifications des relations intercellulaires traduites principalement au niveau synaptique.

Ce second type de mécanisme peut présenter un caractère durable et nous savons, aujourd’hui, qu’il peut se traduire, au-delà de modifications perceptibles de l’activité synaptique, par des altérations profondes de l’activité cellulaire, susceptibles d’aller jusqu’à affecter le phénotype.

Il est vraisemblable que ces deux formes de plasticité, arbitrairement distinguées sur la base d’une phénoménologie présentant des limites méthodologiques évidentes, soient à même de ne représenter qu’une suite de dispositifs utilisés par les cellules nerveuses pour adapter leur fonctionnement à long terme.

Ce peut être le cas vis-à-vis des contraintes imposées, soit par des changements environnementaux, ce qui est envisagé pour les apprentissages et la mémorisation par exemple, soit par des modifications de paramètres internes traduisant des changements d’états physiologiques, notamment liés à des états hormonaux fluctuants, soit enfin par des modifications de la structure ou de l’activité cérébrale de caractère pathologique, par exemple encore dans le cas des récupérations de fonctions postlésionnelles.

Il est alors également concevable qu’une certaine hiérarchie existe dans les dispositifs utilisés par le système nerveux pour répondre à ses contraintes externes et/ou internes, les changements structuraux pouvant ne représenter qu’une forme achevée d’adaptation, globalement traduite par la dynamique des interactions cellulaires.

Neuroplasticité au cours du développement :

Le développement cérébral implique une neurogenèse caractérisée par des phases de prolifération et de migration cellulaire qui précèdent les étapes de différenciation à la base de la mise en place des voies neuronales, la construction cérébrale étant achevée par un processus de sélection principalement basé sur une élimination de synapses surnuméraires.

Dans ce contexte, la mise en place des voies nerveuses représente un processus de croissance axonale et de guidage à la base de l’organisation très précise du système nerveux, qui suppose un déterminisme génétique, mais soumis à de fortes influences de l’environnement.

A – Prolifération, gènes de développement, migration et différenciation cellulaire :

À l’origine, le cerveau se développe à partir des cinq vésicules formant le tube neural, impliquant le neuroépithélium de ce qui constituera le système ventriculaire chez l’adulte.

Aux stades les plus précoces du développement, deux régions seulement sont distinguées dans ces parois ventriculaires, formant une zone ventriculaire interne et une zone marginale externe.

Si l’on prend pour exemple la différenciation du cortex cérébral à partir des régions télencéphaliques, celle-ci va intervenir à partir de cellules neuroépithéliales représentant des cellules-précurseurs à l’origine d’une forte prolifération de neuroblastes et de glioblastes, sous le contrôle de gènes de développement spécifiant la localisation définitive des cellules postmitotiques différenciées.

1- Prolifération :

Le cycle mitotique se déroule dans l’épaisseur du neuroépithélium et va contribuer à la naissance de nombreuses cellules-filles établissant un lignage cellulaire qui s’achève par la différenciation phénotypique. Deux types de lignages ont ainsi été caractérisés.

Dans le cas du lignage déterminé, les cellules-précurseurs sont à l’origine de populations neuronales obtenues avec une grande fixité, traduisant l’intervention de facteurs génétiques ou de facteurs externes très constants ; ce type de mécanisme intervient de façon primordiale chez les invertébrés. Dans le cas du lignage indéterminé, les cellules-précurseurs peuvent évoluer de façon à aboutir à plusieurs phénotypes différents : le programme développemental est ici sous contrôle de facteurs extrinsèques, le plus souvent sécrétés par les cellules de voisinage, qui orientent les choix possibles.

C’est le cas chez les vertébrés où la détermination du lignage cellulaire est liée à l’action des facteurs extrinsèques sur l’expression des gènes contrôlant l’organisation cérébrale.

Il est notable qu’au cours de ce processus de lignage, les cellules-précurseurs apparaissent comme pluripotentes, à même d’évoluer vers des lignées neuronales ou gliales, ou vers des catégories de neurones de phénotype différent, en rapport avec l’intervention des facteurs environnementaux.

De tels mécanismes sont illustrés, par exemple, à partir d’expériences montrant l’évolution du phénotype des cellules-précurseurs des ganglions sympathiques sous l’influence de facteurs trophiques : ainsi, l’adjonction de FGF (fibroblast growth factor) induit la différenciation neuronale, puis le NGF (nerve growth factor) induit le phénotype sympathique.

En ce qui concerne les cellules gliales, le processus est similaire, conduisant, à partir des cellules-souches, soit à une différenciation en cellules de la glie radiaire qui jouent un rôle majeur dans le processus de migration cellulaire, soit en cellules-précurseurs des astrocytes ou des oligodendrocytes.

La différenciation des lignées microgliales a été étudiée en particulier par le groupe de Raff, un certain nombre des facteurs impliqués dans cette différenciation étant eux-mêmes d’origine astrocytaire.

2- Gènes de développement :

Les études réalisées, en particulier chez la drosophile, ont permis d’établir que le développement était sous le contrôle de gènes spécifiques, qualifiés de gènes homéotiques, dits Hox, chez les mammifères, présentant de fortes analogies avec les homéogènes de la drosophile.

Ces observations ont conduit à l’idée que la segmentation du système nerveux des vertébrés était sous contrôle de ces gènes susceptibles d’être à l’origine de la différenciation des rhombomères.

En majorité, ces gènes codent pour des facteurs de transcription, mais aussi pour certains récepteurs membranaires à activité tyrosine-kinase.

Outre les gènes Hox eux-mêmes, les gènes Hox ont pour cible des gènes codant pour des protéines impliquées dans l’adhérence cellulaire, comme N-CAM(neural-cell adhesion molecule), et, plus généralement, pour d’autres protéines impliquées dans les interactions cellulaires.

3- Migration cellulaire :

Après leur division, les cellules vont migrer à leur emplacement définitif, le long de la glie radiaire représentant un type particulier de cellules gliales pourvues de prolongements spécifiques.

La migration des neuroblastes suit ce trajet, de la zone ventriculaire vers la périphérie, de telle sorte que la mise en place du cortex, particulièrement étudiée par Rakic, s’effectue couche par couche, de l’intérieur vers l’extérieur. Un deuxième type de migration s’effectuant selon un trajet tangentiel complète la mise en place du cortex cérébral.

La glie radiaire paraît ne représenter ici qu’un guide passif, la migration utilisant les propriétés de molécules impliquées dans l’adhérence cellulaire ou formant la matrice extracellulaire.

4- Différenciation cellulaire :

Lorsque les neuroblastes ont atteint la plaque corticale à la surface des vésicules télencéphaliques, ils se différencient en neurones. Le phénotype neuronal est manifestement spécifié de façon précoce, avant la phase de migration.

Ainsi, certains gènes de développement sont spécifiquement exprimés dans des types cellulaires particuliers, en rapport avec leur position dans les différentes couches corticales ; tel le gène POU, exprimé préférentiellement dans les couches superficielles du cortex, ou encore le gène SCIP présent seulement dans la couche V du cortex chez l’adulte et les neuroblastes correspondants au cours du développement.

De la même manière, il semble que certains progéniteurs soient spécifiques des futurs neurones GABA-ergiques ou glutamatergiques corticaux, en contradiction apparente avec l’idée de cellules-précurseurs pluripotentes.

Au total, il est cependant possible de considérer que le déterminisme génétique est assez large au départ et que les facteurs environnementaux viennent en permanence apporter une restriction du choix des possibilités, faisant que le phénotype cellulaire apparaît spécifié juste un peu avant les dernières divisions des cellules-précurseurs.

La sélection finale ferait, par ailleurs, intervenir des processus de stabilisation du nombre de neurones et de synapses qui impliquent une élimination des éléments surnuméraires, notamment par mort neuronale.

B – Formation des voies nerveuses :

La mise en place des voies nerveuses au cours du développement implique la sélection du trajet des fibres en rapport avec celle de la cible à atteindre, jusqu’au niveau cellulaire.

L’organisation des voies nerveuses peut être poussée à l’extrême, dans le cas, par exemple, où il existe une organisation topographique telle qu’elle peut être reconnue, à titre d’illustration, dans certains systèmes sensoriels.

La croissance axonale s’effectue sous la forme de structures de caractère transitoire, dénommées cônes de croissance par Cajal, et qui correspondent à l’extrémité des neurites en développement.

La protéine GAP-43 est l’un des constituants majeurs des cônes de croissance.

Les expériences de surexpression du gène de cette protéine montrent sa contribution essentielle aux processus de guidage axonal et de formation de contacts synaptiques, la présence de connexions aberrantes étant notée chez ces animaux, alors que l’inactivation du gène in vitro par des oligonucléotides antisens réduit la formation des cônes de croissance.

L’environnement du cône de croissance, quant à lui, est constitué par la matrice extracellulaire formée de molécules diverses tels que le collagène, des glycoprotéines d’adhérence ou adhésines et des protéoglycanes.

La progression du cône de croissance met en jeu la sécrétion de protéases permettant une certaine pénétration au niveau de la matrice.

La formation des voies nerveuses implique aussi une fasciculation des axones basée sur la présence de protéines du cône de croissance telles que les intégrines qui interagissent avec les éléments de la matrice comme la laminine.

La fasciculation dépend aussi de molécules de surfaces spécifiques du type CAM qui assurent les associations entre les axones.

Deux catégories de molécules sont reconnues : les cadhérines sont parmi les représentants les mieux connus de ces CAM, caractérisées par une action dépendante du calcium, alors que l’autre catégorie, dont l’activité est cette fois indépendante du calcium, est représentée de façon principale par les N-CAM.

Dans ce cas, l’adhérence cellulaire est régulée par des processus post-traductionnels affectant la molécule, et notamment par son degré de sialylation.

Ainsi, lors du développement, les neurites en expansion expriment une forme de N-CAM polysialylée, alors que, chez l’adulte, les N-CAM ne sont que faiblement sialylées, en rapport avec une adhérence plus importante entre protéines.

De façon intéressante, on note que les régions cérébrales susceptibles des plus forts remaniements structuraux chez l’adulte sont celles, comme on le verra, qui expriment la forme polysialylée de N-CAM.

Le guidage de l’axone s’effectue, au cours de sa progression, par une exploration de l’environnement basée sur des échanges bidirectionnels entre le cône de croissance et son environnement, à partir d’une distribution organisée des signaux d’orientation, de type attractif ou répulsif, représentés par des molécules d’adhérence cellulaire ou d’adhérence au substrat matriciel.

La trajectoire de l’axone est ainsi orientée par la répartition de ces signaux, en rapport avec l’hypothèse de la chémoaffinité.

En plus de ces facteurs, déterminant en particulier des interactions de surface entre éléments cellulaires, il existerait des facteurs diffusibles qui agiraient à distance pour « attirer » les cônes de croissance, parmi lesquels les nétrines ou les facteurs trophiques comme le NGF.

Enfin, le processus de croissance axonale fait aussi intervenir l’activité neuronale, au travers d’un certain nombre de mécanismes dépendants du calcium, et l’action de divers neurotransmetteurs dont les effets trophiques ont été notés pendant le développement ; par exemple la sérotonine, qui faciliterait la différenciation.

En ce qui concerne les processus dépendants de l’activité nerveuse, ils feraient intervenir, outre le calcium, l’acide adénosine monophosphorique cyclique (AMPc) et des processus de phosphorylation sous contrôle de la protéine kinase A (PKA) impliquant des CREB (cAMP response element-binding protein).

Au moment où l’axone atteint sa cible, un nouvel environnement cellulaire contribuerait, de la même manière, à bloquer sa croissance, par exemple par absence de laminine, mais aussi par la présence de facteurs qui agiraient comme inhibiteurs de la croissance axonale et que l’on retrouverait dans le cerveau adulte.

C’est, semble-t-il, le cas au niveau des voies rétinotectales où certains facteurs pourraient contribuer à limiter l’extension neuritique des axones rétiniens.

Parmi ceux-là, l’éphrine-A2 et l’éphrine-A5 pourraient intervenir, comme le suggèrent les expériences d’inactivation du gène (expériences de knock-out) de l’éphrine-A5 où les voies rétinotectales présentent des anomalies dans leur organisation rétinotopique.

L’action d’autres facteurs est également illustrée à partir de certains contacts impliquant la rencontre des cônes de croissance avec des oligodendrocytes et, plus généralement, avec la myéline : plusieurs facteurs protéiques myéliniques contribueraient à limiter la croissance des neurites et participeraient ainsi, au-delà de la régulation du développement axonal, à l’orientation du trajet des axones ; telles les sémaphorines, une famille de protéines impliquée dans le guidage de l’axone par chémorépulsion, principalement.

Ce type de processus limiterait aussi la régénérescence axonale chez l’adulte, après lésion cérébrale.

Facteurs neurotrophiques :

Les facteurs neurotrophiques et les facteurs de croissance à activité neurotrophique représentent deux classes de molécules agissant, à toutes les étapes du développement, sur l’ensemble des processus liés à la neurogenèse et à la synaptogenèse.

L’activité d’un certain nombre de ces facteurs est également importante chez l’adulte pour le maintien des connexions neuronales et, sans doute, pour la mise en place d’un certain nombre de processus visant à la réparation du système nerveux en cas de dommage.

Ces facteurs agissent au travers de récepteurs spécifiques, leur action étant liée à la fois au degré de maturation des systèmes sur lesquels ils agissent, à la concordance d’action de plusieurs facteurs du même type et à la mise en jeu de voies de signalisation intracellulaires complexes.

Compte tenu de la distribution cellulaire de ces récepteurs susceptibles de concerner, outre les neurones, les éléments gliaux ou encore les cellules endothéliales et la matrice extracellulaire, les facteurs neurotrophiques peuvent contribuer à tout un ensemble d’interactions cellulaires dans le système nerveux.

Les expériences d’inactivation de gènes conduites actuellement tendent à démontrer une certaine organisation dans le ciblage de l’action de ces facteurs sur des systèmes influencés de façon privilégiée.

* Facteurs neurotrophiques :

– nerve growth factor (NGF)

– brain-derived neurotrophic factor (BDNF)

– neurotrophine-3 (NT-3)

– NT-4/5

– NT-6

– glia-derived neurotrophic factor (GDNF)

– ciliary neurotrophic factor (CNTF).

* Facteurs de croissance :

– basic fibroblast growth factor (bFGF)

– acidic fibroblast growth factor (aFGF)

– insulin-like growth factors (IGFs)

– epidermal growth factor (EGF)

– cholinergic neuronal differentiation factor

– interleukine-1,

-3 ou -6 – transforming growth factor alpha (TGFá).

C – Formation des synapses :

La synaptogenèse intervient à partir du moment où les cônes de croissance approchent de leur cible.

Dans le cas du cortex, elle débute avant même que la neurogenèse ne soit terminée, par échange bidirectionnel d’informations entre futurs éléments pré- et postsynaptiques.

La différenciation des éléments membranaires débute avant même que les cônes de croissance axoniques et dendritiques ne soient entrés en contact avec leur cible.

C’est le modèle de la jonction neuromusculaire qui a été principalement utilisé pour préciser les grandes étapes de la synaptogenèse.

Avant de contacter les myotubules, les motoneurones sont déjà spontanément actifs et libèrent de l’acétylcholine au niveau des extrémités axonales.

Dans le même temps, les myotubules expriment déjà des récepteurs cholinergiques répartis sur une large surface de la fibre musculaire.

À l’établissement de contacts entre les éléments pré- et postsynaptiques, des spécialisations structurales vont intervenir, en général d’abord au niveau postsynaptique.

À ce moment intervient une redistribution des récepteurs nicotiniques qui se regroupent au niveau des points de contact, la sous-unité ç constitutive de ces récepteurs étant remplacée dans ce mouvement par une sous-unité e.

Cette formation d’agrégats de récepteurs est en rapport avec la sécrétion de protéines à partir du cône de croissance, parmi lesquelles l’agrine libérée dans l’espace synaptique formé, quant à lui, par des protéines constitutives de la lame basale.

L’agrine va agir comme un agent de liaison entre l’axone et sa cible, contribuant à la fixation des synapses, à l’optimisation de l’action des récepteurs au travers d’une action sur la protéine 43 kDa associée aux récepteurs nicotiniques, et à des actions sur le cytosquelette.

Certaines étapes de la synaptogenèse dépendent de l’activité nerveuse.

Cela semble le cas pour divers aspects de la structuration des récepteurs nicotiniques impliquant notamment un contrôle de l’expression des sous-unités par des copeptides libérés avec l’acétylcholine, telle la calcitonine gene related peptide (CGRP), ou l’acetylcholine-receptor inducing activity (ARIA), ou encore les taux cytosoliques de calcium intramusculaire.

Dans le modèle du ganglion sympathique, il semble aussi que l’activité des tissus-cibles puisse influencer jusqu’au phénotype des neurones qui les innervent : le phénotype cholinergique de certains neurones initialement noradrénergiques ne paraît acquis qu’au moment où les fibres sympathiques atteignent leurs cibles, tout au moins in vitro ; ces processus pourraient impliquer des facteurs trophiques comme le cholinergic differentiation factor (CDF).

D – Processus d’élimination des afférences et des synapses surnuméraires :

Jusqu’à l’adolescence, le développement cérébral s’accompagne d’une réduction très importante du nombre de neurones et de synapses.

Dans un grand nombre de cas, lorsque les axones ont rejoint leur cible, il se produit une réduction considérable du nombre d’axones, concomitante d’une disparition importante de neurones, de façon, semble-t-il, à mettre en adéquation le nombre de neurones présynaptiques et le nombre de cibles à innerver.

La mort neuronale intervient par apoptose et le mécanisme impliquerait des facteurs neurotrophiques dont la biodisponibilité limitée en ferait un élément déterminant d’une survie neuronale qui concernerait seulement une portion d’entre eux, dans un processus de compétition pour la survie.

L’activité nerveuse serait un critère important de cette survie sélective, seules les synapses actives ou plus précisément les synapses fonctionnellement signifiantes ayant la capacité d’être soumises à l’effet des facteurs trophiques.

Au-delà des facteurs trophiques, d’autres facteurs comme les hormones thyroïdiennes ou les glucocorticoïdes seraient également à même de favoriser ou de réduire le processus de synaptogenèse, respectivement, probablement par une action plus en amont sur la différenciation cellulaire ou le développement neuronal.

Enfin, les hormones sexuelles sont également reconnues pour leur action sur la neurogenèse et la synaptogenèse, au moins dans les structures nerveuses reconnues pour leur dimorphisme sexuel.

Parmi les facteurs susceptibles de contrôler aussi la stabilisation synaptique, il apparaît envisageable que la capacité synaptique de chaque neurone, vraisemblablement préétablie génétiquement, pourrait contribuer à fixer le nombre de synapses conservées : chaque neurone serait ainsi « programmé » pour recevoir un nombre plus ou moins déterminé de synapses.

Au cours des premières phases du développement, le nombre de synapses par neurone serait ainsi très important, très au-delà de la capacité synaptique de l’adulte, et ce ne serait que dans les phases tardives de la maturation que le nombre de synapses par neurone régresserait, d’ailleurs de façon très rapide si l’on en croit les données de Rakic sur le cortex visuel du primate.

Ce processus serait dépendant de l’activité nerveuse et pourrait être impliqué dans la mise en place d’une organisation très fine des voies nerveuses, par exemple en termes de topographie ; la stabilisation synaptique n’intervenant que pour les synapses « renforcées » par une activité en rapport avec des propriétés hebbiennes, c’est-à-dire pour des connexions formant entre elles des circuits préférentiels.

Le modèle de la maturation des voies rétinothalamiques offre une situation de choix pour analyser ces processus car il existe une compétition entre les axones rétiniens issus des deux yeux : dans ce modèle, seules persistent les synapses les plus actives au détriment de celles qui le sont moins.

1- Mort cellulaire par apoptose :

Elle représente un processus actif qui se distingue de la nécrose, lié à une transduction de signaux externes ou internes conduisant à des modifications de l’expression de protéines constitutives de la cellule.

La machinerie liée à la mort cellulaire par apoptose est, semble-t-il, constitutive de la cellule et fait l’objet d’un processus actif de « répression » permettant le maintien en survie.

L’idée a ainsi été avancée de l’existence de protéines régulatrices agissant pour déclencher ou inhiber la mort cellulaire.

Chez les nématodes, les gènes ced-3 et ced-4 (cell-death), codant pour des protéases à cystéine, seraient nécessaires au déclenchement de l’apoptose, alors que ced-9 serait un gène modulateur dont la perte de fonction serait assortie d’une accélération du processus.

Chez les mammifères, les gènes des protéines de la famille ICE (interleukin 1bêta converting enzyme) présentent une homologie avec ced-3 et codent pour une famille de protéines dont les plus représentées sont CPP-32, Nedd-2, Tx-ICE et Mch-2 ; leurs substrats étant représentés, quant à eux, par diverses protéines dont PARP(poly ADP-ribose polymerase) impliquée dans la réparation de l’acide désoxyribonucléique (ADN).

L’apoptose apparaît, au moins partiellement, comme une cascade d’activations successives de gènes codant pour des protéases à cystéine qui impliquent des facteurs de transcription comme c-myc, c-jun ou c-fos.

La mise en jeu des protéases aurait pour conséquence l’activation d’endonucléases mais pourrait aussi se traduire par des modifications d’interactions cellulaires.

Le gène ced-9, quant à lui, modulateur des protéases à cystéine, aurait pour homologue chez les mammifères le gène Bcl-2 qui protégerait les cellules de l’apoptose.

L’idée de facteurs inducteurs de l’apoptose s’opposant à des facteurs inhibiteurs de l’apoptose ouvre ainsi la voie à une réflexion prospective sur l’activation de mécanismes susceptibles de contribuer à une certaine neuroprotection, dans le cadre de la pathologie cérébrale tout au moins.

Certains facteurs neurotrophiques, des composants de la matrice extracellulaire, ou encore certaines hormones comme les oestrogènes ou les androgènes, pourraient jouer un rôle dans cette modulation inhibitrice de l’apoptose.

2- Plasticité synaptique : « long-term potentiation » (LTP) et synapse de Hebb

Dans le cadre de la mémorisation à court terme, l’une des hypothèses les plus couramment avancées pour rendre compte de la « trace mnésique » est celle de la modification de l’activité de réseaux neuronaux susceptibles de témoigner du passage d’une information sensorielle.

La LTP interviendrait pour renforcer les liaisons entre les différents éléments d’un réseau nerveux.

Cette LTP constituerait ainsi un mécanisme susceptible de procéder à l’association de deux éléments neuronaux, en jouant sur des propriétés synaptiques.

L’association implique l’activation simultanée des éléments préet postsynaptiques, et c’est de cette activation simultanée qu’émergerait une propriété de renforcement de l’activité synaptique se traduisant par une activité accrue au cours du temps, comme l’a proposé Hebb dans les années 1950 à partir de travaux sur l’apprentissage associatif.

Ce renforcement de l’activité synaptique traduit un changement d’état de la synapse qui conserve la trace du passage de l’information. Plus récemment, des processus de dépression à long terme (LTD), impliquant d’autres mécanismes cellulaires et moléculaires que la LTP, ont également été décrits. Les mécanismes de la LTP pourraient mettre en jeu les récepteurs N-méthyl-D-aspartate (NMDA) des acides aminés excitateurs, le calcium, et jusqu’à certaines protéines kinases telles que la PKC et la PK II, et impliquer aussi une action de renforcement de l’activité synaptique au niveau de l’élément présynaptique.

L’une des avancées conceptuelles les plus importantes résultant des travaux de Hebb est l’idée que l’information neuronale ne se trouverait pas codée au niveau d’un seul neurone mais, plus vraisemblablement, au niveau de populations neuronales interconnectées de façon flexible à l’intérieur de populations et entre populations.

Ce type d’organisation s’affranchit ainsi de la connectivité stricte entre éléments des populations neuronales mais privilégie plutôt les relations dynamiques entre les différentes composantes de la population, ce qui confère une flexibilité à l’organisation fonctionnelle du système nerveux.

Cette théorie, qui laisse une large place aux populations neuronales plutôt qu’aux neurones eux-mêmes, permet d’avancer l’idée d’« assemblées neuronales » liées par des relations dynamiques.

Neurogenèse chez l’adulte :

Le cerveau est constitué cela a été mentionné par des neurones postmitotiques.

Cependant, un certain nombre de travaux montre que cette incapacité à produire de nouveaux neurones serait plutôt liée à une inhibition tonique du processus de division cellulaire et de migration neuronale qu’à une totale absence de cellules-précurseurs.

De fait, au niveau de la zone ventriculaire subépendymaire (SVZ, subventricular zone) du cerveau antérieur, il existe un certain nombre de cellules-précurseurs susceptibles de rendre compte d’une neurogenèse chez l’adulte, qualifiée de neurogenèse secondaire.

Ce processus peut paraître vestigial et limité en ce qui concerne l’efficacité de cette neurogenèse, mais il n’en est pas moins vrai que la présence de ces cellules-précurseurs révèle des potentialités véritables du cerveau adulte.

Dans ce cas, l’idée est avancée que la neurogenèse secondaire pourrait être limitée par la perte de signaux permissifs dont l’identification permettrait leur modulation en cas de besoin.

À côté de ces cellules de la SVZ, il existe d’autres régions cérébrales où des cellules-précurseurs ont été identifiées ; telle une région de la formation hippocampique, le gyrus dentatus.

Enfin, en considérant que l’une des régions du système nerveux est représentée par des neurones de l’épithélium olfactif, il est notable que celui-ci est le siège d’un renouvellement permanent des récepteurs olfactifs, ce qui représente une neurogenèse très active faisant l’objet aujourd’hui d’études attentives.

La notion de neurogenèse secondaire n’est pas nouvelle et, depuis plusieurs décennies, la capacité de régénérescence a été reconnue à certaines parties du système nerveux adulte, des amphibiens notamment.

C’est avec les travaux entrepris, chez le canari en particulier et plus généralement chez certains oiseaux migrateurs, que les données sur la neurogenèse chez l’adulte ont progressé le plus au cours des dernières années : dans la région du cerveau qui contrôle le chant, à chaque saison nouvelle, il existe une hypertrophie tissulaire reflétant une neurogenèse en rapport avec la capacité de produire, à ce moment-là, des chants plus intenses.

Cette neurogenèse, étudiée en particulier par le groupe de Goldman, intervient à partir des cellulesprécurseurs de la zone périventriculaire et les cellules-filles migrent ensuite au niveau d’une région voisine impliquée dans les processus du chant, par un mécanisme utilisant des fibres radiaires.

Étudiée par l’incorporation de thymidine tritiée par exemple, les cellules-filles peuvent être suivies lors de leur migration dans le parenchyme ; les résultats montrent que les cellulesprécurseurs sont à la fois à l’origine de neurones et de cellules gliales et que ce processus s’accompagne de variations d’expression de différentes molécules d’adhérence, dont les cadhérines et N-CAM ; d’autres facteurs, telles que des molécules de la famille des synucléines mises en rapport avec des processus neurodégénératifs chez l’homme, pouvant également être impliqués dans cette forme de plasticité.

Dans ce modèle, la neurogenèse est liée à l’action des oestrogènes qui agiraient à la fois sur la survie cellulaire et la migration, peut-être en réduisant le processus d’apoptose.

Il s’agit donc d’une neurogenèse dépendant des stéroïdes sexuels, en rapport avec les capacités particulières du mâle en ce domaine, mais d’autres facteurs trophiques seraient impliqués, peut-être plus dans la différenciation et la formation des nouveaux neurones, tel l’IGF-1 qui facilite la prolifération neuronale et gliale.

Ainsi, une véritable restructuration anatomique, qui implique l’intégration de ces nouveaux neurones au réseau initial, intervient en conséquence de cette neurogenèse, contribuant à modifier les capacités fonctionnelles de ces régions cérébrales.

Chez les insectes également, il existerait une neurogenèse hormonodépendante.

Des études récentes effectuées chez le grillon montrent que l’hormone juvénile, une hormone intervenant dans le maintien des caractères embryonnaires chez la larve, serait également impliquée dans la neurogenèse dans une région du cerveau représentée par les corps pédonculés, l’ablation des corps allates qui contrôlent la production d’hormone juvénile réduisant la prolifération neuronale.

Ce processus passerait par une action indirecte de l’hormone juvénile sur les neuroblastes impliquant des facteurs liés également à la neurogenèse et à la différenciation cellulaire, les polyamines.

Chez les mammifères adultes, de tels processus de neurogenèse ont été également caractérisés, en particulier au niveau du système olfactif et du gyrus dentatus de l’hippocampe.

Dans le cas du bulbe olfactif, les neurones migrent à partir de la SVZ ; dans les autres cas, les neurones se développent in situ.

Dans la zone subventriculaire de la souris, la plupart des cellules formées meurent cependant très vite, avant même leur migration, mais la survie paraît liée à la présence de facteurs trophiques qui conditionneraient la prolifération, la survie et la migration cellulaire, le cas échéant.

Ainsi, le FGF-2 et le BDNF seraient impliqués, respectivement dans la prolifération et la survie des neurones provenant de la SVZ, et l’EGF contrôlerait la prolifération neuronale.

Chez les primates, y compris l’homme, les potentialités de la zone subventriculaire paraissent persister.

De façon intéressante, des arguments ont été récemment apportés d’une neurogenèse in vivo au niveau de l’hippocampe, alors même qu’elle avait été contestée.

Mais les difficultés d’une telle démonstration pourraient être liées à des caractéristiques de ces systèmes en rapport avec le fait, par exemple, que l’expression du BDNF à partir des astrocytes est transitoire et disparaît très tôt au cours de l’ontogenèse.

Mais, au-delà des astrocytes, les cellules endothéliales de l’épithélium vasculaire peuvent représenter également une source potentielle de BDNF et rendre compte du processus récemment démontré.

Dans le modèle de l’hippocampe des primates, le stress paraît être un facteur limitant de la neurogenèse, ce qui met à nouveau en exergue l’intervention possible de facteurs endocriniens dans sa régulation.

Les neurones sensoriels primaires de l’épithélium olfactif font l’objet d’un renouvellement permanent impliquant une neurogenèse continue tout au long de la vie de l’individu, y compris chez l’homme, la durée de vie de ces neurones étant limitée, dans ce cas, à environ 4 mois.

La neurogenèse intervient à partir de cellules-précurseurs localisées au niveau de l’épithélium, les cellules globuleuses.

Parmi les facteurs contrôlant la neurogenèse, il semble que la suppression des cellules-cibles des neurones sensoriels, au niveau du bulbe olfactif, joue un rôle déterminant : la bulbectomie expérimentale, comme la section du nerf olfactif, provoquent une disparition massive des neurones sensoriels suivie, en quelques jours, d’une neurogenèse très intense.

De nombreux facteurs trophiques pourraient intervenir dans cette neurogenèse, tels le TGF-bêta2 (transforming growth factor bêta) ou l’EGF, présents parmi d’autres au niveau de l’épithélium olfactif, mais le contrôle de la neurogenèse pourrait aussi impliquer les monoamines, notamment la dopamine.

Compte tenu de l’existence d’une neurogenèse au niveau du bulbe olfactif et de capacités d’axogenèse reconnues du nerf olfactif, il apparaît ainsi que le système olfactif représente, sur le plan de la neurogenèse et de la neuroplasticité chez l’adulte, une situation de choix qui laisse supposer que les processus de formation neuronale se poursuivent chez l’adulte de façon peut-être plus importante qu’il n’est soupçonné aujourd’hui.

Sur ce plan, la formation hippocampique paraît douée de propriétés particulières, la neurogenèse s’effectuant localement, et sans doute sous contrôle hormonal, avec une implication particulière des glucocorticoïdes dont les effets pourraient être médiés par les systèmes neuronaux utilisant les acides aminés excitateurs comme neurotransmetteurs.

Dans ce modèle, la neurogenèse paraît stimulée chez le rat par l’exposition à un environnement enrichi, ce qui suggère que, dans les conditions physiologiques, au-delà des facteurs hormonaux, l’activité neuronale jouerait également un rôle en contrôlant la vitesse de renouvellement des neurones.

Mais la neurogenèse serait aussi contrôlée par des facteurs locaux dont le rôle est illustré à partir d’expériences de lésions hippocampiques ou des afférences à la formation hippocampique.

De façon intéressante, on peut ainsi montrer que la suppression de l’innervation sérotoninergique issue des noyaux du raphé se traduit par une réduction de la neurogenèse, comme nous venons de le montrer au laboratoire (Brezun et Daszuta, résultat en cours de publication), illustrant un rôle modulateur de la sérotonine sur la prolifération neuronale dans le gyrus dentatus et aussi dans la SVZ, suggérant que les neurotransmetteurs pourraient réguler la neurogenèse secondaire, comme cela semble le cas au cours du développement.

Sur le plan des mécanismes, ce domaine de recherche est encore peu documenté, mais la neurogenèse secondaire pourrait notamment être mise en rapport avec des modifications de l’expression de molécules impliquées dans l’adhérence cellulaire, telles que la ténascine ou N-CAM.

Comme cela a été mentionné, les régions concernées par cette neurogenèse, et en particulier la SVZ, sont celles qui expriment chez l’adulte la forme polysialylée de NCAM, l’inactivation du gène de N-CAM résultant notamment en une réduction de taille du bulbe olfactif qui traduirait une migration moins efficace des cellules néoformées vers cette structure du cerveau antérieur.

De plus, tant l’hippocampe que le système olfactif sont le siège d’une expression préférentielle des synucléines, protéines impliquées dans la fonction synaptique au niveau du système nerveux et qui interviendraient aussi de façon préférentielle, comme on l’a mentionné, dans les processus liés à la neuroplasticité.

L’ensemble de ces données, pour la plupart récentes, montre que le système nerveux est le siège d’une neurogenèse secondaire dans certaines régions bien définies.

En ce qui concerne le système olfactif, la signification fonctionnelle d’un tel mécanisme de plasticité apparaît relativement clairement.

Pour ce qui est des autres régions cérébrales, le rôle fonctionnel est moins clair.

Toutefois, compte tenu de l’implication de certaines de ces régions, soit dans des fonctions rythmées par des processus hormonodépendants, soit en rapport avec une activité neuronale dont le caractère dynamique est à la base de la fonction, tel la mémorisation et l’apprentissage dans le cas de l’hippocampe, il peut être envisagé que ces fonctions dynamiques soient en partie soustendues, tout au long de la vie des individus, par la vitesse de la neurogenèse.

Ces hypothèses restent à explorer mais, quoi qu’il en soit, il est aussi envisageable que, dans le cadre des processus liés à des récupérations de fonction postlésionnelles, le contrôle de la neurogenèse secondaire puisse représenter l’un des moyens de « réparer » le système nerveux.

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