Neurobiologie cellulaire et moléculaire (Suite)

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Première partie

La biologie moléculaire, à partir de 1984, a permis ensuite de réaliser le clonage des différentes sous-unités, révélant une homologie structurale entre sous-unités de l’ordre de 10 à 60 %.

Ces études ont également montré l’existence d’un polymorphisme se traduisant par la présence d’au moins 16 gènes codant pour les sous-unités constituant le récepteur.

Ce polymorphisme est particulièrement important pour les sous-unités a et b (a1 à a9 ; b1 à b4), et de nouvelles sous-unités ont été clonées, notamment une sous-unité e représentant la forme « adulte » de l’une des sous-unités exprimée seulement pendant le développement embryonnaire ; le degré d’homologie entre isoformes d’une même sous-unité étant de l’ordre de 70 à 80 %.

Neurobiologie cellulaire et moléculaire (Suite)Ainsi apparaît la possibilité de l’existence de plusieurs sous-types de récepteurs nicotiniques structurellement et fonctionnellement différents, en rapport avec la nature des sousunités s’associant pour former le récepteur.

Dans ce contexte, l’étude par hybridation in situ de l’expression régionale des différentes isoformes de ces sous-unités révèle une très large hétérogénéité en ce qui concerne la nature potentielle des différents sous-types de récepteurs nicotiniques exprimés dans les structures nerveuses.

À titre d’illustration, on note que a4 ou b2 auraient une très large expression cérébrale, alors que celle de a6 ou de b3 serait au contraire circonscrite à des régions très précises, comme les noyaux catécholaminergiques du tronc cérébral.

Cette observation est des plus intéressantes, amenant à considérer l’intervention d’un soustype de récepteur cholinergique particulier dans la régulation de l’activité de ces neurones catécholaminergiques, notamment en rapport avec les processus motivationnels et de dépendance aux drogues.

De plus, les propriétés fonctionnelles de ces récepteurs seraient localement différentes : ainsi, par exemple, le récepteur nicotinique du muscle strié ne présente pas de conductance calcique, ce qui n’est pas le cas de son homologue du SNC qui est au moins autant perméable au calcium qu’au sodium.

De façon intéressante, on note que le récepteur nicotinique de la jonction neuromusculaire interagit avec de nombreux partenaires protéiques, avec lesquels il forme des complexes macromoléculaires qui, entre autres, le maintiennent à la membrane et sont essentiels pour l’activation du récepteur.

Parmi les partenaires identifiés, il est notable qu’un certain nombre de glycoprotéines intervient, telles, à titre d’illustration, la mérosine, l’utrophine, la dystrophine ou la rapsyne.

Dans ce contexte, un certain nombre de dystrophies musculaires a pour origine des altérations (mutation ou délétion) de gènes codant pour ces protéines : telles celles touchant les dystrophines.

Le séquençage de différentes sous-unités formant d’autres types de récepteurs ionotropiques pour d’autres neurotransmetteurs, tels le GABA ou les AAE, et le clonage des gènes codant pour ces protéines, ont permis de proposer une identité de fonctionnement (sinon de structure) de l’ensemble de ces récepteurs, définissant ainsi une « superfamille » de récepteurs ionotropiques.

Tel est le cas par exemple du récepteur GABAA dont l’activation se traduit par une augmentation de la conductance au chlore.

Comme le récepteur cholinergique nicotinique, le récepteur GABAA est formé de sousunités protéiques.

Il présenterait une structure pentamérique et, dans ce cas, la coexpression des sous-unités a et b est nécessaire à l’action du GABA sur le récepteur.

D’autres sous-unités (c, d, e ou p joueraient un rôle régulateur de l’activité du récepteur.

Comme dans l’exemple précédent, il existe aussi un polymorphisme des récepteurs GABAA, six isoformes de la sous-unité a et trois isoformes des sous-unités b et c ayant été identifiées (homologie de séquence de 70 à 80 % entre isoformes, et seulement de 30 à 40 % entre sous-unités).

De façon intéressante, les études d’expression montrent que la sous-unité c est nécessaire à l’action des benzodiazépines, et que cette sensibilité dépend de la nature de la sous-unité a qui lui est associée ; en présence de sous-unités de type a1, le récepteur présente ainsi une forte affinité pour les benzodiazépines, bien supérieure à celle obtenue lorsque la sousunité a est de type 2, 3 ou 5 (basse affinité).

En revanche, lorsque la sous-unité c est associée à une sous-unité a de type 4 ou 6, le récepteur est insensible aux même benzodiazépines.

Lorsqu’elles sont actives, les benzodiazépines potentialisent les effets du GABA sur son récepteur GABAA en augmentant la probabilité d’ouverture du canal chlore, mais elles n’ont aucun effet en l’absence du GABA lui-même.

Ce type d’étude a permis la mise en évidence de multiples mécanismes de régulation de l’activité du récepteur.

Au delà des benzodiazépines, il est ainsi apparu très tôt que les barbituriques avaient également un effet de potentialisation de l’action du GABA, mais par un mécanisme différent de celui des benzodiazépines : les barbituriques ont en fait la faculté d’augmenter le temps d’ouverture du canal chlore sous l’action du GABA, en ralentissant le passage de la transition entre état ouvert et fermé du canal.

Là encore, la nature des sous-unités formant le récepteur est déterminante.

Ainsi, par exemple, la présence d’une sous-unité conduit à une perte de sensibilité aux barbituriques.

L’éthanol est un autre modulateur de l’effet du GABA sur son récepteur GABAA, rendant compte de ses effets sédatifs et des potentialisations connues avec les barbituriques et les benzodiazépines.

Enfin, les stéroïdes potentialisent également les effets de ce neurotransmetteur inhibiteur majeur, pouvant expliquer pourquoi il pourrait exister des effets différentiels de ce neurotransmetteur en rapport avec le genre ou le cycle oestral chez la femelle.

Comme dans le cas du récepteur nicotinique, la phosphorylation du récepteur GABAA sous l’action de la protéine kinase A (PKA) au niveau de la sous-unité b, vraisemblablement, ou de la protéine kinase C (PKC), diminuerait la réponse du récepteur au GABA.

Dans le cas des récepteurs des AAE, la classification pharmacologique fait apparaître trois classes de récepteurs ionotropiques, notées respectivement AMPA, kainate et NMDA, en rapport avec la nature des agonistes susceptibles de mimer les effets du glutamate, en plus de trois groupes de récepteurs métabotropiques notés groupes I, II et III.

Les trois sous-types de récepteurs ionotropiques se différencient notamment par leurs propriétés pharmacologiques, cinétiques, et leur perméabilité différente au calcium.

Sur le plan structural, ces récepteurscanaux n’obéissent pas à la structure des sous-unités protéiques organisées en quatre segments transmembranaires définie ci-dessus, mais les sous-unités qui les constituent présenteraient un modèle conformationnel différent, selon lequel le second domaine, qualifié d’élément P, ne traverserait pas la membrane, conduisant à ce que la partie carboxyterminale de la protéine soit en position intracellulaire.

Dans ce cas, 16 gènes ont été clonés, quatre contribuant à des sousunités formant le récepteur AMPA (GluR1 à R4), cinq à des sousunités formant le récepteur kainate (GluR5 à R7 ; KA1 et KA2), et cinq à des sous-unités formant le récepteur NMDA (nmdaR1 ; nmdaR2A à R2D).

En ce qui concerne les récepteurs AMPA, leur structure est probablement tétramérique, la sous-unité GluR2 jouant un rôle particulier pour le contrôle de la sélectivité ionique.

De fait, la présence de cette sous-unité GluR2 abolit proportionnellement la conductance du récepteur AMPA au calcium.

Ces récepteurs présentent une constante de désensibilisation très rapide, de l’ordre de 4,5 ms.

Les récepteurs kainate, dont le rôle physiologique est encore mal compris, présentent une conductance au Na+, au K+ et au Ca2 +, la conductance calcique étant liée ici en partie à la sousunité GluR6.

Quant aux récepteurs NMDA, ils présentent la caractéristique, unique jusqu’ici, d’être à la fois sensibles au ligand (le glutamate) et au potentiel.

Ces récepteurs, qui présentent une forte conductance calcique, paraissent jouer un rôle déterminant dans les processus de plasticité synaptique liés notamment au développement et, plus tard, à la mémorisation et à l’apprentissage.

Les deux types de sous-unités nmdaR1 et nmdaR2 paraissent indispensables à l’expression de l’activité du récepteur.

La sensibilité au potentiel s’exprime par le fait que la présence du ligand n’est pas suffisante pour augmenter la conductance ionique, et que l’activation du récepteur NMDA par le glutamate est donc conditionnée par la dépolarisation de la membrane.

Les études en patch-clamp ont montré que la sensibilité au potentiel est liée à la présence d’ions Mg2+ qui obstruent le canal ionique lorsque la membrane est hyperpolarisée.

La dépolarisation de la membrane a alors pour effet de favoriser le départ des ions Mg2 + et de permettre l’ouverture du canal ionique.

Dans ces conditions, pour les récepteurs NMDA la conductance calcique est environ 5,5 fois plus élevée que la conductance sodique, la conductance calcique étant ici dépendante de la présence de la sous-unité nmdaR1, alors que la sous-unité nmdaR2 serait quant à elle responsable du blocage du canal par le Mg2 +.

Comme dans le cas du récepteur GABAA, un certain nombre de mécanismes de régulation a été mis en évidence en ce qui concerne le récepteur NMDA.

La glycine, par ailleurs neurotransmetteur inhibiteur en particulier au niveau de la moelle épinière, s’avère ici être un modulateur allostérique essentiel du récepteur NMDA : sa présence facilite considérablement l’action du NMDA sur le récepteur en favorisant la probabilité d’ouverture du canal.

D’autres modulateurs endogènes interfèrent avec l’activité de ce récepteur : les polyamines favorisent l’action des AAE sur le récepteur NMDA, qui présente par ailleurs un site redox et un site de fixation du zinc dont l’activation tend à réduire l’activité du récepteur.

* Récepteurs métabotropiques :

À la fin des années soixante-dix, il fut démontré que l’adjonction de noradrénaline à du tissu nerveux avait pour effet de stimuler de façon dose-dépendante la production d’acide adénosine monophosphorique cyclique (AMPc), étendant la gamme des réponses susceptibles d’être produites par les neurotransmetteurs au-delà de simples effets sur l’excitabilité membranaire.

À ce jour, de très nombreux neurotransmetteurs ont été identifiés comme agissant de cette manière, et ils contribuent à la production de divers seconds messagers qui régulent des réponses cellulaires aussi diverses que le contrôle de l’expression génique, la division et la différenciation cellulaire au cours du développement, mais aussi la biosynthèse et la libération des neurotransmetteurs ou encore, indirectement, l’excitabilité membranaire, citées à titre d’illustration.

Le principe général de l’action des neurotransmetteurs au travers de ces récepteurs, qui influencent le métabolisme cellulaire et sont donc pour cela qualifiés de récepteurs métabotropiques, est le suivant : le neurotransmetteur s’associe transitoirement à un récepteur qui le reconnaît spécifiquement.

Ce récepteur est représenté par une protéine transmembranaire couplée au niveau intracellulaire à une protéine particulière présentant une forte affinité pour le guanosine triphosphate (GTP), et qualifiée de protéine G.

Lorsque le neurotransmetteur active le récepteur, la protéine G, qui présente au repos une affinité préférentielle pour le guanosine diphosphate (GDP), substitue le GDP par le GTP.

Dans ces conditions, la protéine G va s’associer secondairement à un effecteur membranaire, représenté par exemple par l’adénylate cyclase, qui se trouve ainsi activée et transforme dans ce cas l’ATP en AMPc.

L’AMPc, qualifié de second messager, va ensuite, en cascade, servir de cofacteur pour permettre l’activation d’une protéine kinase particulière, la PKA, qui va, in fine, contribuer à la phosphorylation de phosphoprotéines spécifiques, ce qui représente la réponse cellulaire. Les données concernant ce type de récepteur couplé aux protéines G (dits « RCPG », autre qualificatif des récepteurs métabotropiques) ont été tirées principalement de l’étude du récepteur b-adrénergique.

Ce récepteur apparaît aujourd’hui comme le prototype d’une superfamille de récepteurs de ce type, tous formés par une seule protéine qui présente des caractéristiques communes avec toutes celles reconnues comme RCPG.

Cette protéine possède dans sa structure sept segments transmembranaires, sa partie aminoterminale est extracellulaire et glycosylée, et elle représente l’essentiel du site de fixation du neurotransmetteur.

En revanche, sa partie carboxyterminale est intracellulaire et la boucle intracytoplasmique située entre les segments transmembranaires 5 et 6 contribue à l’association avec la protéine G.

De plus, cette protéine possède plusieurs sites consensus de phosphorylation dans sa partie intracellulaire, laissant supposer que son activité est régulée par des protéines kinases.

Pour certains de ces récepteurs, il existe de nombreuses isoformes.

Par exemple, en ce qui concerne la noradrénaline, on dénombre au moins trois sous-types de récepteurs b-adrénergiques, notés b1 à b3, et sept sous-types de récepteurs a-adrénergiques, notés a1A à a1D et a2A à a2C, soit la possibilité d’une dizaine de modes d’action différents du neurotransmetteur.

De façon intéressante, la diversité d’action de ces différents sous-types de récepteurs est souvent associée à des systèmes de transduction du signal particuliers.

Par exemple, comme on l’a mentionné, la stimulation des récepteurs b-adrénergiques a pour effet l’activation de l’adénylate cyclase, alors que celle des récepteurs a se traduit soit par une inhibition de l’adénylate cyclase, soit par la stimulation d’autres systèmes de transduction comme la phospholipase C (PLC) ou la phospholipase A ou D.

Dans le cas très fréquent où les RCPG activent la PLC, il en résulte la transformation d’un substrat membranaire spécifique, le phosphatidyl inositol biphosphate (PIP2), d’une part en diacylglycérol (DAG) qui active directement la PKC, et d’autre part en inositol triphosphate (IP3), qui a pour effet de provoquer une translocation du calcium à l’intérieur de la cellule (principalement à partir du réticulum endoplasmique) et induit ainsi une augmentation des taux intracellulaires de calcium ionisé, lui-même agissant comme second messager.

Il est cependant notable que ces systèmes de transduction paraissent en nombre limité (activation de l’adénylate cyclase, de la PLC, de la phospholipase A ou D, de la guanylate cyclase ou action indirecte, indépendamment des seconds messagers, sur des effecteurs membranaires comme les canaux ioniques, notamment potassiques ou calciques) par rapport à la diversité considérable des RCPG, ce qui suppose qu’un même système de transduction est en fait contrôlé par l’activation de plusieurs catégories de récepteurs, y compris relevant de neurotransmetteurs différents.

Cette convergence n’est pas complètement expliquée, mais pourrait servir de base à des interactions complexes des réponses produites par des sousensembles de récepteurs, lorsque ceux-ci sont présents sur le même système cellulaire.

L’activation d’un même système de transduction du signal par des récepteurs différents est liée à l’action des protéines G, représentant une superfamille de protéines de structure trimérique, partagées par des récepteurs différents.

Ainsi, par exemple, les protéines G de type Gs pour celles contribuant à l’activation de l’adénylate cyclase, présentent dans leur structure à la fois des sous-unités dites as contribuant à l’activation de différents sous-types d’adénylate cyclase notées AC I à AC VI, et des sous-unités bc contribuant plus sélectivement à l’activation des AC I, II et IV ; de même, l’activation d’une autre famille de protéine G, de type Gi, contribue par certaines isoformes de la sous-unité ai à l’inhibition de l’adénylate cyclase, et par d’autres isoformes de cette même sous-unité ai, à des actions sur la conductance de canaux potassiques ou calciques.

Les seconds messagers (AMPc, GMPc, DAG, Ca2 +) agissent principalement par l’intermédiaire de protéines kinases (respectivement PKA, PKG, PKC et protéines kinases I et II dépendantes du système calcium/calmoduline), qui vont phosphoryler des substrats spécifiques représentés par des phosphoprotéines, telles par exemple des phosphatases, des protéines kinases, des protéines du cytosquelette, des récepteurs ou encore des canaux ioniques.

Parmi ces phosphoprotéines, on note également de nombreux facteurs de transcription (comme CREB ou JunD), qui vont à leur tour influencer des gènes précoces (par exemple, c-fos, fosB, c-jun, junB), agissant quant à eux comme « troisième messager » pour contrôler l’expression génique.

Il est notable que les mêmes phosphoprotéines sont susceptibles d’être phosphorylées par plusieurs types de protéines kinases, notamment les protéines kinases A et C, qui agissent souvent de façon synergique. Néanmoins, ce cas n’est pas général.

À titre d’illustration, par exemple, on note que l’un des effecteurs principaux des récepteurs dopaminergiques D1, la DARPP32 (phosphoprotéine de 32 kDa phosphorylée sous l’effet de la dopamine et de l’AMPc), n’est pas sensible à la PKC.

Dans le contexte de cette activation « en cascade » des processus métaboliques, les réponses cellulaires relayées par les récepteurs métabotropiques présentent des caractéristiques cinétiques lentes par rapport à celles induites par les récepteurs ionotropiques.

Ces réponses, qui se prolongent bien au-delà de l’interaction entre le neurotransmetteur et le récepteur qui présente un caractère fugace, sont plus longues à s’établir mais sont également considérablement plus durables.

De plus, elles touchent une zone cellulaire qui ne se limite pas à la région du récepteur, puisqu’elles peuvent aller jusqu’à affecter l’expression génique, au niveau du noyau.

Dans le cas des RCPG, l’arrêt de la réponse cellulaire à l’action du neurotransmetteur est conditionné par plusieurs facteurs : d’abord, la disponibilité du neurotransmetteur au niveau du récepteur, puis celle du second messager soumis notamment à l’action de phosphodiestérases, par exemple, et enfin celle du GTP soumis quant à lui à l’action de GTPases.

Toutefois, l’un des facteurs limitants des plus critiques est lié à l’action de protéines phosphatases, qui limitent directement les effets des protéines kinases en procédant à la déphosphorylation des phosphoprotéines phosphorylées.

Ces phosphatases représentent également une large famille de protéines, parmi lesquelles les plus importantes sont la PP-1, la PP-4, la PP-5, la PP-2A, la PP-2C ou la PP-2B, encore appelée calcineurine.

Leur activation est le plus souvent dépendante du calcium ionisé intracellulaire, provenant indifféremment de canaux calciques dépendants du potentiel ou activés par des ligands (comme le récepteur NMDA, par exemple), des pompes calciques, des échangeurs Na+/Ca2 +, ou encore de l’activation de RCPG couplés à la PLC.

Comme dans le cas des récepteurs ionotropiques, l’activité des récepteurs métabotropiques est susceptible de régulation.

Ces processus de régulation sont de plusieurs ordres, et mettent notamment en jeu des phosphorylations homologues ou hétérologues, c’est-à-dire relayées par les protéines kinases activées par le récepteur lui-même, ou par des protéines kinases dont l’activation résulte de la mise en jeu de récepteurs voisins, respectivement.

Dans ce dernier cas, la régulation de l’activité du récepteur est à la base d’un mécanisme d’interaction entre récepteurs voisins, c’est-à-dire entre synapses voisines.

La phosphorylation du récepteur produit en général son inactivation.

En cas d’exposition prolongée du récepteur au neurotransmetteur, un autre processus de désensibilisation intervient.

Cette surstimulation du récepteur, de cinétique plus lente, a pour effet d’induire une internalisation du récepteur qui se trouve séquestré au niveau cytoplasmique, soit dans un compartiment à partir duquel il est susceptible d’être à nouveau adressé à la membrane, soit dans un autre compartiment lysosomial où il est dégradé.

Dans tous les cas, le nombre de récepteurs à la membrane diminue dans un processus qualifié de « down-regulation ».

À l’inverse, si les récepteurs synaptiques sont insuffisamment stimulés par le neurotransmetteur, leur expression à la membrane augmente pour optimiser l’interaction avec le neurotransmetteur, dans un mécanisme qualifié de « up-regulation » impliquant une activation de l’expression génique du récepteur.

Il est aussi à noter qu’un certain nombre de processus de communication intercellulaires utilisent des voies de signalisation semble-t-il plus simples que celles décrites pour les RCPG.

Par exemple, les facteurs neurotrophiques (NGF, BDNF, NT-3, NT-4/5, NT-6), certaines cytokines neuropoïétiques (comme le CNTF, le LIF ou le CT-1), le TNF ou certaines interleukines comme IL 1 et IL 2, utilisent des récepteurs exprimant eux-mêmes une activité tyrosine kinase, qualifiés de récepteurs TrK.

L’activation de ces récepteurs par les ligands respectifs induit leur dimérisation, ce qui leur permet d’exprimer une activité TrK résultant en une autophosphorylation.

Ces récepteurs sont impliqués en particulier dans des processus développementaux et liés à la survie, à la prolifération et à la différenciation cellulaire, par des actions au niveau du génome impliquant notamment la voie des MAP-kinases.

3- Inactivation des neurotransmetteurs :

L’élimination des neurotransmetteurs de l’espace synaptique après son action sur les récepteurs répond à l’objectif essentiel de permettre le transfert d’une nouvelle information à partir de l’élément présynaptique.

Comme nous l’avons observé, cette élimination rapide est critique pour préserver le codage de l’information.

Elle est également essentielle pour éviter la désensibilisation parfois très rapide des récepteurs et, partant, pour autoriser la continuité du fonctionnement des réseaux nerveux.

De plus, comme nous l’évoquons plus loin, la localisation présynaptique de certains récepteurs, en plus de leur localisation essentiellement postsynaptique, peut être à l’origine de processus de régulation qui viennent interférer avec la communication intercellulaire.

Ces mécanismes, qui ne sont pas toujours compatibles avec la continuité de cette communication (les régulations présynaptiques étant souvent de caractère inhibiteur) sont dépendants de la concentration synaptique du neurotransmetteur, et leur action dépend de son élimination plus ou moins rapide.

Enfin, dans le cas très particulier des AAE, l’accumulation des neurotransmetteurs au niveau synaptique peut s’avérer cytotoxique, et leur élimination rapide est le garant de la préservation de l’intégrité structurale du système nerveux.

L’élimination des neurotransmetteurs de l’espace synaptique utilise trois ordres de mécanismes, en rapport avec la nature du neurotransmetteur.

Dans tous les cas, la diffusion du neurotransmetteur dans l’espace synaptique est un facteur de dilution qui contribue à réduire son activité au niveau des récepteurs, notamment dans le cas de transmission utilisant des synapses non totalement différenciées.

Cependant, il existe des processus d’inactivation beaucoup plus spécifiques.

Dans le cas des neuropeptides, l’inactivation se fait principalement par dégradation enzymatique, utilisant des peptidases plus ou moins sélectives, comme pour les enképhalines, où des enképhalinases ont été caractérisées.

Dans le cas des acides aminés, qu’il s’agisse des acides aminés inhibiteurs comme pour le GABA ou la glycine ou des AAE comme pour le glutamate ou l’aspartate, l’inactivation utilise un processus de transport membranaire actif, le plus souvent très spécifique, qui vise à éliminer le neurotransmetteur par incorporation dans le neurone qui l’a libéré ou dans les astrocytes, dans le cas des AAE.

Pour les amines, la situation est intermédiaire, selon le neurotransmetteur considéré : par exemple, dans l’espace synaptique, l’acétylcholine subit d’abord une dégradation enzymatique utilisant les acétylcholinestérases, enzymes très actives contribuant notamment à la formation de choline qui, secondairement, va faire l’objet d’une incorporation dans les terminaisons nerveuses cholinergiques, par le biais d’un transporteur spécifique.

De façon quelque peu différente, les monoamines utilisent également les deux modes d’inactivation synaptique : pour environ 70 %, elles sont éliminées de la synapse par des transporteurs spécifiques localisés sur les terminaisons nerveuses qui les ont libérées, et pour les 30 % restants environ, elles sont dégradées par l’action d’enzymes spécifiques, telles les monoamines oxydases (MAO de type A et B) ou les catéchol-Ométhyltransférases (COMT).

Au-delà de leur rôle dans la régulation de la transmission de l’information intercellulaire, ces mécanismes d’inactivation revêtent une importance considérable en thérapeutique.

En effet, dans un certain nombre de cas, ils représentent la cible de médicaments psychotropes très utilisés, comme certains types d’antidépresseurs très efficaces, qui visent à bloquer l’inactivation par transport de la sérotonine ou de la noradrénaline, voire dans certains cas de la dopamine.

D’autres effets antidépresseurs résultent par ailleurs du blocage de l’action des enzymes de dégradation de ces mêmes monoamines, en particulier des MAO, par des inhibiteurs spécifiques (IMAO).

Enfin, les seuls progrès réellement objectivables à ce jour dans le domaine de la thérapeutique de la maladie d’Alzheimer résultent de l’utilisation de médicaments qui renforcent la transmission cholinergique centrale par blocage de la dégradation du neurotransmetteur, à l’aide d’inhibiteurs des acétylcholinestérases.

Au-delà de ces actions thérapeutiques avérées, l’intérêt pour ces mécanismes d’inactivation des neurotransmetteurs au niveau synaptique est lié aussi à leur intervention probable dans certains processus de dépendance, en particulier dans le cas de la cocaïne et des amphétamines, qui s’avèrent être des bloqueurs très efficaces du transport des catécholamines dans les neurones catécholaminergiques.

De plus, si les hypothèses actuelles sur les effets cytotoxiques des AAE s’avèrent fondées, il est indéniable que le développement d’agents susceptibles de favoriser leur inactivation pourrait trouver des applications dans le domaine de la neuroprotection, en particulier pour certaines formes de sclérose latérale amyotrophique (SLA), où un déficit d’inactivation par transport a été mis en évidence.

Au cours de la dernière décennie, l’accent a été mis sur la caractérisation des mécanismes de transport.

Des progrès considérables ont été faits en ce qui concerne les transporteurs, qui s’avèrent représenter le mode principal d’inactivation des neurotransmetteurs semble-t-il les plus importants, c’est-à-dire les acides aminés (inhibiteurs et excitateurs) et les monoamines.

La découverte de ces mécanismes n’est cependant pas récente : elle remonte aux années soixante, où l’utilisation des premiers radioligands a permis au Groupe d’Axelrod de montrer que l’accumulation de noradrénaline tritiée dans différentes parties de l’organisme dépendait de l’intégrité du système sympathique.

C’est à partir de ces observations qu’ont d’ailleurs été développés les premiers antidépresseurs visant à inhiber ces mécanismes de transport.

Les travaux récents, développés dans la dernière décennie, ont permis la purification et la caractérisation moléculaire de ces transporteurs, d’abord dans le cas des transporteurs du GABA, puis dans celui des monoamines, et enfin dans celui des AAE, conduisant à la caractérisation de familles de transporteurs qui assurent la translocation d’un neurotransmetteur substrat dans un système cellulaire contre un gradient de concentration.

À ce jour, deux familles de transporteurs ont été caractérisées.

La première famille concerne le GABA et les monoamines.

Il s’agit de transporteurs de haute affinité (Km micromolaire), dépendants à la fois du sodium et du chlore, qui assurent un cotransport du neurotransmetteur.

Dans le cas de la sérotonine, il existe en plus une sortie d’ions K+ associée au transport du neurotransmetteur. Le transport est couplé au gradient de concentration sodique, maintenu par la Na+/K+ ATPase.

Il est à noter que le cotransport est électrogénique, et qu’il se traduit par une dépolarisation qui, dans le cas des terminaisons nerveuses notamment, peut être suffisante pour activer des canaux calciques dépendants du potentiel.

Il est aussi intéressant de noter que la dépolarisation (sortie de K+ ou diminution de Na+ ou Cl– extracellulaire) produit une inversion du sens du transport susceptible de représenter un moyen d’accroître les concentrations extracellulaires de neurotransmetteur.

Dans le cas des monoamines, il existe une sélectivité très grande des transporteurs vis-à-vis de la dopamine et de la sérotonine.

En revanche, le transporteur de la noradrénaline a également pour substrat la dopamine.

Le développement d’inhibiteurs spécifiques de ces transporteurs a permis de montrer dans certains cas des effets antidépresseurs, notamment en ce qui concerne la sérotonine (fluoxétine, citalopram, paroxétine, imipramine) ou la noradrénaline (désipramine, nomifensine), l’action thérapeutique à la base de ces effets antidépresseurs étant supposée liée à la facilitation de l’action synaptique de ces neurotransmetteurs.

Les données structurales montrent que ces transporteurs correspondent à des protéines présentant de façon constante une structure à 12 segments transmembranaires, avec les deux parties aminoterminale et carboxyterminale intracellulaires.

L’analogie structurale est de 80 % entre les transporteurs de la dopamine et de la noradrénaline, et de 69 % entre ceux de la dopamine et de la sérotonine.

Par ailleurs, ces protéines sont caractérisées par la présence dans la partie intracellulaire de plusieurs sites consensus de phosphorylation, indiquant que les transporteurs sont susceptibles d’être régulés par phosphorylation, bien qu’à ce jour il n’y ait pas encore d’évidence directe convaincante d’une phosphorylation directe des transporteurs.

Les données de la biologie moléculaire montrent que les protéines sont issues de l’activité de gènes à introns, supposant des régulations au niveau de l’expression.

Ainsi a-t-il été mis en évidence un ARNm en ce qui concerne le transporteur de la dopamine, deux pour la noradrénaline, et au moins trois en ce qui concerne la sérotonine.

Sur le plan fonctionnel, les segments transmembranaires 5 et 8 confèrent semble-t-il la sensibilité des transporteurs aux inhibiteurs spécifiques, et ils seraient impliqués par ailleurs dans la translocation des substrats.

Enfin, les études de distribution régionale par hybridation in situ vérifient que ces transporteurs sont exprimés sélectivement par les neurones monoaminergiques.

De façon intéressante, on note que l’inactivation du gène du transporteur de la dopamine induit chez la souris un phénotype d’hyperactivité, similaire à celui résultant de l’administration de psychostimulants à une souris sauvage.

Des études de phosphorylation in vitro ont également été réalisées, montrant par exemple que l’activation de la PKC réduit le transport de la sérotonine, en faveur d’une régulation post-traductionnelle de l’activité des transporteurs qui pourrait être associée à une régulation de l’expression du gène à partir d’un site sensible au facteur CREB ou encore d’un autre site impliquant des facteurs trophiques de type NGF, IL 1b, FGF5 ou encore S100b.

Dans le cas du GABA, trois ou quatre sous-types de transporteurs, notés GAT-1 à GAT-4, ont été clonés chez les rongeurs, leur fonctionnement impliquant un cotransport avec le Na+ et le Cl–.

Ces transporteurs, dont la structure est relativement similaire à celle des transporteurs des monoamines, appartiennent ainsi à la même famille de protéines.

Ils ont cependant dans ce cas une expression à la fois neuronale et gliale.

De façon intéressante, ils présentent eux aussi un intérêt majeur en ce qui concerne la thérapeutique.

En effet, l’inhibition du transport, par l’acide nipécotique notamment, tend à prolonger l’action synaptique du GABA, ce qui s’avère efficace dans certaines formes d’épilepsie.

La deuxième famille de transporteurs connue correspond à celle des AAE, dépendante comme la première de la présence des ions Na+, mais indépendante de celle des ions Cl–.

Ainsi, les transporteurs des AAE se différencient des premiers à la fois sur le plan structural et sur le plan de leur fonctionnement.

Ces transporteurs présentent une sélectivité relative, puisqu’ils transportent à la fois le glutamate (formes L et D) et l’aspartate avec la même affinité.

Dans ce cas, le cotransport implique à la fois l’incorporation d’un ion H+ et deux ions Na+, et la sortie d’un ion K+.

Il se trouve de ce fait très électrogénique.

À ce jour, cinq sous-types de transporteurs ont été clonés, notés EAAT1 à 5 chez l’homme ; les transporteurs initialement clonés chez les rongeurs étant notés GLAST, GLT-1 et EAAC1, respectivement pour EAAT1 à 3, les deux premiers étant gliaux et le troisième, d’expression neuronale.

À l’heure actuelle, des inhibiteurs des transporteurs ont été développés, mais il n’existe pas de pharmacologie réellement satisfaisante permettant de distinguer ces différents transporteurs, sauf peut-être pour le DHK qui serait plus sélectif de GLT-1, par rapport aux autres inhibiteurs comme le PDC ou le THA, qui affectent indifféremment tous types de transport des AAE.

Sur le plan structural, ces transporteurs présentent des caractéristiques qui les différencient des transporteurs des autres neurotransmetteurs et qui les différencient entre eux ; le modèle le plus reconnu faisant état de seulement 11 segments transmembranaires.

Il est notable que ces transporteurs jouent manifestement un rôle fonctionnel, comme le montrent notamment les expériences in vivo d’inhibition de l’expression de ces différentes protéines à l’aide d’oligonucléotides antisens.

Dans ce contexte, l’inactivation par transport des AAE se fait principalement par GLT-1, et secondairement par GLAST et EAAC1.

Par ailleurs, comme cela a été montré pour les autres types de transporteurs, il existe des processus de régulation de l’activité des transporteurs des AAE par phosphorylation, impliquant à la fois semble-t-il la PKA et la PKC, mais peut-être aussi d’autres modulateurs comme l’acide arachidonique, le zinc ou encore les radicaux libres.

Par ailleurs, au niveau transcriptionnel, certains facteurs trophiques auraient également la possibilité de modifier l’expression de ces transporteurs.

Comme cela a été mentionné plus haut, dans le cas des AAE, l’inactivation synaptique des neurotransmetteurs a aussi pour faculté de limiter d’éventuels effets cytotoxiques liés à l’excitotoxicité, un processus de mort cellulaire induit par la dépolarisation excessive des cellules.

Dans ce contexte, des travaux récents ont montré que certaines formes de SLA seraient associées à une altération de l’expression de GLT-1 chez l’homme, à partir d’un défaut d’épissage alternatif, sans mutation sur le gène.

Ces données cliniques sont corroborées par les données de l’expérimentation, qui montrent que l’inactivation génique de GLT-1 induit des crises d’épilepsie et des lésions au niveau de l’hippocampe, renforçant l’idée que l’inactivation du neurotransmetteur, dans le cas des AAE, est un élément clé non seulement de la transmission synaptique, mais aussi de la sauvegarde de l’intégrité du système nerveux.

Signalisation intracellulaire et régulation de la transcription :

La production des seconds messagers et l’activation des protéines kinases régulent la fonction des phosphoprotéines.

Le contrôle de l’expression des gènes à partir de signaux extracellulaires représente ainsi un mécanisme fondamental de développement et d’adaptation pour le maintien des constantes homéostasiques en rapport avec les fluctuations environnementales.

Ces processus confèrent ainsi aux cellules nerveuses une plasticité susceptible de sous-tendre des adaptations fonctionnelles durables, par exemple en relation avec des fonctions telles que la mémorisation ou l’apprentissage.

Le contrôle de l’expression des gènes par les signaux extracellulaires intervient au moment de l’initialisation de la transcription.

Il implique, outre les neurotransmetteurs, des hormones, des facteurs trophiques ou encore des agents pharmacologiques, et suppose, d’une part, un positionnement ad hoc des ARN polymérases sur les gènes à transcrire et, d’autre part, que la synthèse du produit de la transcription soit adaptée aux besoins de la cellule.

La régulation de l’expression s’exerce au niveau du promoteur, représentant la région régulatrice du gène.

Les polymérases sont associées à un complexe formé de plusieurs soustypes de facteurs de transcription et d’une TATA-binding protein interagissant avec la séquence TATA du gène.

Deux activateurs potentiels sont situés à proximité de la séquence TATA.

Par ailleurs, à proximité du promoteur se trouve une séquence qualifiée d’élément enhancer, représentant également un site de fixation pour des facteurs de transcription.

Les signaux extracellulaires sont susceptibles d’activer des facteurs de transcription par des moyens très variés.

Par exemple, certains facteurs de transcription, comme NF-jB, vont subir une translocation vers le noyau.

Dans les conditions basales, ce facteur est localisé dans le cytoplasme où il est associé à une protéine partenaire, IjB.

C’est la phosphorylation de IjB par l’une ou l’autre des protéines kinases, dont la PKC, qui va alors provoquer la dissociation du complexe cytoplasmique, et permettre ainsi la translocation de NF-jB vers le noyau.

D’autres facteurs de transcription, tel CREB, agissent par des moyens différents : ce facteur est constitutivement associé à une partie du gène identifiée comme CRE (cAMP response element), présent sur de nombreux gènes.

Dans ce cas, c’est la sous-unité catalytique de la PKA, ellemême activée par l’AMPc, qui pénètre dans le noyau et phosphoryle CREB.

Secondairement, la phosphorylation de CREB correspond à son activation et contribue ainsi à l’activation de la transcription par l’intermédiaire d’une CBP pour CREB-binding protein.

Ce mécanisme présente par ailleurs l’intérêt d’être un lieu d’intégration des signaux nerveux, puisque CREB peut être phosphorylé non seulement par la PKA mais aussi par d’autres protéines kinases comme celles dépendants du système calcium-calmoduline ou encore de la voie des MAP-kinases.

Dans ce cas, si l’un des signaux n’est pas suffisant pour activer ce mécanisme, il est concevable que ce soit la sommation de plusieurs de ces mécanismes en amont, impliquant une synergie entre AMPc et Ca2 +, qui permette la mise en jeu de ce processus de régulation de la transcription.

Sur le plan fonctionnel, ce type de convergence pourrait alors prendre tout son sens dans le cadre de la mémorisation ou de l’apprentissage où l’existence de processus associatifs est fréquemment considérée.

D’autres facteurs de transcription impliqués dans le relais des signaux extracellulaires sont représentés par la famille des activateurs protéiques de type AP-1 (activator protein 1).

Dans ce cas, ces facteurs paraissent être principalement activés par la voie de la PKC ; de même, les facteurs c-fos et c-jun impliqués dans des voies de signalisation liées à la croissance et à la prolifération cellulaire, les hétérodimères formés par les protéines fos et jun représentant de fait les facteurs AP-1.

La famille fos comprend d’autres éléments que c-fos, notamment Fra (pour fos related antigen) and FosB ; et dans le cas de jun, outre c-jun, on connaît JunB et JunD.

Les gènes dont la transcription est activée par des signaux externes appartiennent, schématiquement, à deux grandes catégories : ceux qui sont activés rapidement (à l’échelle de la minute) et de façon transitoire, comme c-fos (qualifiés d’IEG pour immediate early genes) et ceux dont l’activation est plus lente (échelle de l’heure) mais aussi plus durable.

Dans ce cas, l’activation nécessite la synthèse de protéines intermédiaires qui interviennent dans le processus.

Le rôle de ce type de mécanisme n’est pas connu, mais ce concept présente actuellement une très grande valeur heuristique pour comprendre la régulation de l’expression génique, l’activation de ces IEG étant considérée comme un marqueur de l’activité cellulaire.

Dans ce cas aussi, les protéines issues de l’activation de ces IEG sont considérées comme des facteurs de transcription, soit de type activateur (comme AP-1), soit de type répresseur et, partant, comme des troisièmes messagers cellulaires.

Par exemple, le gène c-fos est rapidement activé par les voies de signalisation utilisant l’AMPc ou le calcium.

Dans ce cas, ces deux voies de signalisation contribuent à la phosphorylation de CREB, qui se fixe sur le gène de c-fos.

Toutefois, le gène c-fos peut aussi bien être activé par la voie de Ras et des MAP kinases, notamment par la voie des récepteurs TrK sur lesquels agissent les facteurs trophiques, conduisant de la même façon à l’activation de CREB.

En conclusion, la régulation de la transcription par des signaux extracellulaires représente un moyen pour la cellule de s’adapter aux contraintes environnementales et de générer une forme de mémoire d’événements qui ont influencé l’activité cellulaire.

Les mécanismes de ces activations géniques sont complexes et, pour l’essentiel, encore mal connus.

Il est notable cependant que ces processus pourraient intervenir dans les effets secondaires de certains médicaments, en particulier dans le cas des dyskinésies liées à l’administration au long cours de L-dopa chez les patients parkinsoniens, chez lesquels il a notamment été mis en évidence une activation anormale de FosB, au niveau striatal.

Intégration des informations synaptiques :

L’intégration des informations neuronales suppose l’intervention d’un grand nombre de synapses affectant plus ou moins simultanément et/ou de façon hiérarchique l’activité du neurone cible.

En prenant en compte en particulier les données de l’électrophysiologie, qui a contribué à caractériser l’activité des réseaux nerveux notamment en termes de transmission rapide, il apparaît que la simultanéité de l’activité présynaptique est l’un des facteurs favorisant la réponse du neurone cible, au sein de populations neuronales plus ou moins larges.

Au-delà de ce qui était communément dénommé processus de « sommation temporelle » et « sommation spatiale » des informations neuronales, en prenant en compte quasi exclusivement les sommations de PPSE et PPSI, il apparaît en fait que la réponse neuronale est souvent conditionnée aussi par « l’état » du neurone cible, influencé notamment par les processus métabotropiques.

Ces processus conditionnant l’excitabilité cellulaire revêtent ainsi un caractère fondamental et rendent compte de réponses diverses pour des processus excitateurs plus ou moins standardisés.

Il s’agit de considérer qu’il existe la possibilité d’un certain conditionnement de l’activité des réseaux nerveux par des processus que l’on qualifie de neurorégulateurs ou neuromodulateurs.

Ces mécanismes, pour certains connus depuis de nombreuses années, relèvent de propriétés synaptiques particulières qui interfèrent avec la transmission synaptique telle que nous l’avons décrite, dans sa complexité.

De fait, au moins trois ordres de mécanismes contribuent à l’intégration des messages nerveux, de façon plus ou moins importante selon le type de synapse.

Il s’agit pour l’essentiel de processus de communication intercellulaire que l’on peut qualifier de « non conventionnels », en ce sens que, pour une raison ou pour une autre, ils dérogent aux principes de la communication synaptique décrits ci-dessus.

Ces mécanismes confèrent à la cellule cible un rôle actif dans le processus d’intégration des informations synaptiques.

A – RÉGULATIONS PRÉSYNAPTIQUES :

L’idée de régulations présynaptiques n’est pas nouvelle, et remonte à la fin des années 1950 où a été formulé le concept d’inhibition présynaptique, sur des travaux réalisés sur la moelle épinière, en rapport avec la convergence des informations sensorielles somatiques.

Le caractère heuristique de ce concept est ensuite apparu dans les modèles de Melzack et Wall de la théorie dite du « gate control », rendant compte de la régulation de la transmission des afférences nociceptives.

C’est ensuite avec la mise en évidence du rôle inhibiteur des enképhalines sur la libération du neurotransmetteur supposé intervenir dans les processus douloureux, la substance P, que la théorie des régulations présynaptiques a pris tout son sens : pour la première fois, les contrôles présynaptiques pouvaient rendre compte des aspects fonctionnels de la régulation de la transmission des informations nociceptives, et expliquer par exemple l’action antalgique périphérique de la morphine.

En fait, le concept même de régulation présynaptique a bénéficié du développement des méthodes biochimiques et pharmacologiques, appliquées d’abord à l’étude de la transmission sympathique dans le système nerveux périphérique, puis dans le SNC. Deux concepts majeurs ont ainsi été proposés.

Au niveau de certaines synapses tout d’abord, les neurotransmetteurs libérés par les terminaisons nerveuses sont à même d’agir sur des récepteurs situés sur les terminaisons qui les ont libérés, dans un mécanisme de régulation visant le plus souvent à limiter la libération et la synthèse du neurotransmetteur.

Dans ce cas, on parle « d’auto-inhibition », et le mécanisme est supposé limiter la transmission synaptique après que le neurotransmetteur a agi sur les récepteurs postsynaptiques (dans quelques rares cas, il a été mis en évidence des actions facilitatrices mais celles-ci ne paraissent pas être la règle), la base de l’interaction étant représentée par un récepteur présynaptique, dont nous avons de nombreux exemples au travers de techniques de marquage très sensibles. Ainsi, nous possédons de nombreux exemples de régulation de ce type.

À titre d’illustration, les données les plus connues portent sur la présence de récepteurs a2 sur des terminaisons noradrénergiques centrales ou périphériques : dans ce cas, la stimulation de ces récepteurs présynaptiques réduit le tonus noradrénergique par diminution de la libération de noradrénaline, et ce mécanisme est à l’origine de l’action d’un antihypertenseur connu, la clonidine, efficace dans certaines hypertensions d’origine centrale.

Par ailleurs, le concept est étendu au contrôle de synapses voisines par des actions présynaptiques qui ne sont plus limitées aux terminaisons nerveuses qui libèrent le neurotransmetteur, mais qui affectent des synapses utilisant d’autres neurotransmetteurs.

Par exemple, dans le cas du système végétatif, des interactions « croisées » de type présynaptique ont été mises en évidence entre synapses noradrénergiques et cholinergiques, et des actions de ce type ont été, de la même manière que précédemment, fréquemment mises en évidence dans le SNC.

À ce moment, il faut concevoir que les récepteurs présynaptiques sensibles à un neurotransmetteur puissent être présents sur d’autres terminaisons que celles libérant le neurotransmetteur.

La question qui est posée est alors celle de la généralisation de ce type de mécanisme susceptible de représenter un moyen efficace de réguler la transmission synaptique par une action sur l’exocytose des neurotransmetteurs.

Les données les plus récentes abondent en fait pour considérer que les récepteurs présynaptiques contrôlent l’excitabilité de nombreuses terminaisons nerveuses, et que ceci peut objectivement influencer le couplage excitation-sécrétion.

Ce type de mécanisme pourrait ainsi contribuer à une certaine indépendance fonctionnelle de la terminaison nerveuse vis-à-vis de la décharge du neurone, dans le cas des processus d’autorégulation.

Toutefois, il semble que ces processus de régulation faisant intervenir les récepteurs présynaptiques aient des limites quant à leur efficacité, en particulier lorsque la décharge neuronale est importante : dans ce cas, c’est la décharge neuronale qui conditionne la libération du neurotransmetteur, selon le processus décrit plus haut.

Ainsi, le neurone apparaît comme soumis à des processus hiérarchisés, les contrôles présynaptiques contribuant à adapter le fonctionnement synaptique.

Dans le cas des mécanismes impliquant des relations entre terminaisons nerveuses, il est concevable que les interactions présynaptiques interviennent pour privilégier l’activité d’une ou des synapses les unes par rapport aux autres avoisinantes, par exemple dans une sorte d’inhibition « latérale ». Il est notable que nous n’avons que de très rares évidences de synapses axoaxoniques.

Toutefois, celles-ci ne sont pas nécessaires pour rendre compte de ces interactions présynaptiques, compte tenu de l’existence de synapses nombreuses non différenciées sur le plan structural, permettant une certaine diffusion des neurotransmetteurs dans l’espace intercellulaire, et de la présence de récepteurs en position qualifiée de « non synaptique », c’est-à-dire en dehors des zones actives.

B – SIGNALISATION RÉTROGRADE :

La présentation des effets du NO et celle des facteurs trophiques ont conduit à la remise en question de l’un des principes les mieux établis de la transmission synaptique, relatif à la polarisation fonctionnelle du neurone.

Le NO et les facteurs trophiques ne sont pas les seuls agents susceptibles d’influencer l’activité synaptique de façon rétrograde : une telle action a été aussi envisagée pour certains neurotransmetteurs, telles la dopamine, la sérotonine ou l’acétylcholine, dont il a été proposé qu’ils puissent, dans certains systèmes neuronaux, être libérés au niveau somatodendritique des neurones pour influencer des récepteurs présynaptiques.

De nombreuses zones d’ombre persistent en ce qui concerne ces mécanismes, mais il convient d’imaginer que le neurone pourrait ainsi influencer par ce biais les terminaisons nerveuses qui les contactent.

Au-delà du rôle des facteurs trophiques pour lesquels de nombreuses données convergent pour rendre compte de l’importance d’une telle transmission rétrograde des informations dans le maintien de l’intégrité des réseaux neuronaux, des données ont été obtenues récemment pour une autre catégorie de neurotransmetteur putatif, les endocannabinoïdes.

De fait, un certain nombre de dérivés de l’acide arachidonique, comme l’anandamide ou le 2-arachidonylglycérol (2-AG), seraient des activateurs endogènes des récepteurs des cannabinoïdes de type CB1, activés par le cannabis et ses dérivés.

De nombreuses données expérimentales témoignent aujourd’hui d’un effet rétrograde de ces substances au niveau synaptique, conduisant, dans certains réseaux nerveux, à l’atténuation très forte tant des PPSE que des PPSI.

Dans ce cas, les récepteurs CB1 seraient localisés sur les terminaisons nerveuses au niveau présynaptique, et la synthèse d’anandamide serait liée à l’activation d’une phospholipase D, à partir d’une élévation des taux de calcium intracellulaires.

L’anandamide se comporterait comme un neurotransmetteur rétrograde du fait de sa propension à diffuser très fortement au travers des membranes (agent très lipophile), et son action sur les récepteurs CB1 conduirait à une inhibition de la libération des neurotransmetteurs, notamment par une action sur les canaux calciques de type N et P/Q, ce qui expliquerait la réduction des potentiels postsynaptiques.

Ainsi, la dépolarisation de l’élément postsynaptique, source d’entrée massive de calcium dans la cellule, conduirait à une réduction très rapide des effets de l’élément présynaptique par la réduction de l’exocytose du neurotransmetteur.

De façon intéressante, on note que l’activation de certains récepteurs glutamatergiques de type métabotropique pourrait également induire la formation des endocannabinoïdes et provoquer, de cette manière, une modulation de l’activité des synapses excitatrices.

C – INTERACTIONS ENTRE RÉCEPTEURS :

L’existence, au niveau membranaire, de processus susceptibles de contrôler l’activité des canaux ioniques par des processus de phosphorylation, d’une part, et le fait que les nombreux récepteurs métabotropiques présentent des mécanismes de transduction extraordinairement convergents puisqu’en nombre très limité, d’autre part, confèrent à la signalisation intercellulaire des propriétés intégratives que nous avons déjà soulignées.

Ces propriétés sont ainsi à la base d’interactions entre récepteurs voisins qui peuvent affecter plus ou moins durablement, selon la nature de l’interaction, l’efficacité de la transmission synaptique.

Les exemples sont nombreux de tels mécanismes qui, par ailleurs, ne limitent pas les interactions à des neurotransmetteurs, mais impliquent aussi bien des hormones que des cytokines ou encore des agents pharmacologiques, voire des virus.

Compte tenu des convergences des voies de signalisation impliquant par exemple les seconds messagers et, au-delà, les facteurs de transcription, au travers de processus de phosphorylation-déphosphorylation, ces interactions sont susceptibles de permettre des synergies ou, au contraire, d’antagoniser l’action de tous ces signaux agissant au niveau membranaire.

Dans ce contexte, trois principaux systèmes de transduction du signal pourraient contribuer à ces processus intégratifs : ceux utilisant la voie de l’AMPc, ceux impliquant le GMPc (vraisemblablement plus modestement), et ceux impliquant la signalisation calcique.

À titre d’illustration, la concentration de calcium ionisé, élément clé de l’activité cellulaire, dépend à la fois de l’activation des canaux dépendants du potentiel (en rapport avec l’activité du neurone), de l’activation de récepteurs aux neurotransmetteurs ionotropiques présentant une conductance calcique (par exemple les récepteurs NMDA des AAE) et des récepteurs métabotropiques couplés à l’activation de la PLC, induisant une translocation du calcium cytoplasmique par le biais de l’IP3.

Ainsi, la concentration de calcium ionisé dont dépendent de nombreux systèmes de phosphorylation et, in fine, les réponses cellulaires calciumdépendantes par exemple, dépend globalement à tout instant de l’état respectif de ces systèmes de transduction du signal nerveux, lorsque ceux-ci concernent le même élément cellulaire.

Cet exemple illustre aussi le fait qu’il est possible d’envisager par là des interactions entre voies de signalisation.

Par exemple, si nous considérons les voies de signalisation calciques, d’une part, et de l’AMPc, d’autre part, nous pouvons envisager des processus intégratifs affectant globalement l’excitabilité membranaire : comme nous l’avons évoqué plus haut, la DARPP32 représente l’un des effecteurs principaux des récepteurs dopaminergiques D1, phosphorylée au travers de l’AMPc.

Toutefois, celle-ci est également phosphorylée par l’activation de la PKG, pouvant par exemple provenir de l’action du NO, ce qui traduit une possibilité d’intégration des signaux au travers de la mise en jeu de récepteurs différents.

La DARPP32 phosphorylée est un inhibiteur puissant d’une protéine phosphatase spécifique, la PP-1, qui a pour substrat, quant à elle, des canaux sodiques ou calciques phosphorylés, modifiant ainsi les conductances membranaires.

Il est alors intéressant de noter que la DARPP32 phosphorylée est soumise à l’action de protéines phosphatases de type PP2B, dépendantes du calcium, qui tendent à la déphosphoryler.

Dans ce contexte, l’activation de récepteurs NMDA ou, au contraire, le blocage pharmacologique de récepteurs dopaminergiques de type D2, a pour effet d’augmenter la concentration de calcium ionisé intracellulaire et, partant, d’activer les protéines phosphatases PP2B.

Ainsi apparaît par exemple une synergie de l’activation simultanée des récepteurs dopaminergiques D1 et D2, l’activation des D1 facilitant l’activité de la PP-1 par phosphorylation de la DARPP32, et celle des D2 par réduction de l’activité de la PP2B par réduction des taux de calcium intracellulaires à condition que les cellules coexpriment les récepteurs D1 et D2, ce qui paraît possible dans certains cas.

De telles interactions apparaissent ainsi comme étant très fréquentes, et jouent vraisemblablement un rôle fonctionnel qu’il appartient encore, dans de nombreux cas, de caractériser.

La reconnaissance des possibilités considérables d’interaction entre récepteurs permet d’entrevoir la complexité des processus intégratifs qui, au niveau synaptique, enrichissent les messages nerveux à chaque relais des réseaux.

Il est cependant quelque peu paradoxal de noter, d’une part, la très large combinatoire offerte par une grande palette de neurotransmetteurs agissant eux-mêmes sur plusieurs sous-types de récepteurs, et d’autre part le caractère relativement limité des systèmes de transduction du signal nerveux : changements d’un nombre réduit de conductances ioniques, modulation de la production de quelques seconds messagers, également en nombre limité.

C’est alors en envisageant globalement les interactions possibles entre ces différents systèmes de transduction des signaux nerveux que la communication intercellulaire, avec ce qu’elle implique de spécificité par rapport à celle de codage de l’information nerveuse, prend toute sa signification.

Si, de plus, on prend en compte la communauté de certains des mécanismes d’action des neurotransmetteurs au travers de leurs récepteurs, de différentes hormones ou encore de certaines molécules signal du système immunitaire, la possibilité paraît alors véritablement exister au niveau du système nerveux de larges interactions de caractère intégratif entre des signaux véhiculant des informations différentes, mais contribuant toutes à l’homéostasie de l’organisme dans un contexte d’adaptation permanente, à la fois aux conditions environnementales perpétuellement changeantes et aux fluctuations de l’état central.

Aspects fonctionnels :

A – RÔLE DANS LE DÉVELOPPEMENT :

Comme nous l’avons vu, les facteurs de transcription fos et jun représentent des transducteurs des signaux nerveux susceptibles d’intervenir pendant les phases précoces du développement du système nerveux, qu’il s’agisse des phases de prolifération, de migration ou de différenciation cellulaire.

Par exemple, l’action de certains facteurs trophiques comme le NGF dans l’acquisition du phénotype neuronal de cellules de phéochromocytome (cellules PC12) passe par l’activation de ces proto-oncogènes.

Tel est également le cas du FGF, un autre facteur trophique, dont l’effet passe par l’activation du proto-oncogène pp60-src.

De façon intéressante, certaines hormones connues pour exercer un effet trophique sur le cerveau pendant le développement, comme les hormones thyroïdiennes, les stéroïdes (oestrogène, testostérone, cortisol, aldostérone) ou encore l’acide rétinoïque (et les autres dérivés de la vitamine A) parmi d’autres, agissent par l’intermédiaire de récepteurs qui sont aussi des facteurs de transcription.

De même en ce qui concerne l’extension neuritique dont on peut montrer in vitro qu’elle dépend, entre autres, de l’action du NGF qui contribue à l’assemblage des microtubules au travers de la phosphorylation des MAP.

De même en ce qui concerne le déterminisme du phénotype des cellules nerveuses.

L’expression d’un neurotransmetteur particulier est un facteur critique de l’identité neuronale, susceptible d’être influencé par les signaux environnementaux pendant le développement.

Nos connaissances en ce domaine sont encore limitées, mais il est possible d’influencer in vitro le phénotype d’un certain nombre de cellules.

Par exemple, des neurones du système sympathique en culture, qui doivent normalement évoluer vers un phénotype catécholaminergique, sont à même de « réprimer » ce phénotype et d’exprimer au contraire un phénotype cholinergique lorsqu’ils sont mis en présence d’un facteur de différenciation cholinergique dénommé CDF (cholinergic differentiation factor).

De façon intéressante, les peptides qui sont normalement associés à ces neurotransmetteurs du système végétatif subissent le même sort, c’est-à-dire que l’adjonction de CDF aux neurones sympathiques réduit l’expression de neuropeptide Y normalement associé à la noradrénaline dans les neurones sympathiques, et favorise l’expression d’autres peptides, comme la substance P ou le VIP (vasoactive intestinal polypeptide), normalement associés à l’acétylcholine dans les neurones parasympathiques.

Tel est également le cas de l’action du CNTF (ciliary neurotrophic factor), un autre facteur trophique, sur les neurones sympathiques.

Ceci permet de conclure que des signaux environnementaux relativement simples sont à même « d’orchestrer » la différenciation cellulaire, en coordonnant des réponses cellulaires complexes allant de la transcription à la morphogenèse.

B – PLASTICITÉ SYNAPTIQUE :

1- Potentialisation à long terme (LTP) :

Dans le cadre de l’abord des processus liés à la signalisation intercellulaire, nous avons évoqué les mécanismes, ioniques et liés à l’action des récepteurs couplés aux protéines G notamment, à l’origine des réponses des cellules cibles et de la communication intercellulaire dans les réseaux nerveux.

Dans le contexte de l’étude des mécanismes de l’apprentissage et de la mémorisation cependant, dès les années 1950, Hebb avait proposé que l’apprentissage associatif impliquerait une coactivation des éléments pré- et postsynaptiques, résultant en une propriété de « renforcement » de l’activité synaptique qui se maintiendrait au cours du temps.

Ainsi ce renforcement traduirait un changement d’état de la synapse qui conserverait de cette manière une « trace » du passage de l’information, formant l’un des tout premiers éléments de la mémorisation de cet événement.

Ces travaux ont été à l’origine de la découverte de la potentialisation à long terme ou LTP (LTP pour long-term potentialisation en anglais) en 1973 et du concept de plasticité synaptique.

Cette LTP a fait l’objet de très nombreux travaux dans divers modèles expérimentaux, vérifiant que la condition première pour contribuer à rendre la synapse plus excitable est bien d’avoir une coactivation des éléments pré- et postsynaptiques, comme l’avait suggéré Hebb.

Sur le plan moléculaire, les mécanismes de la LTP impliquent notamment la contribution des récepteurs NMDA des AAE, le calcium, certaines protéines kinases comme la PKC et la PKII, et, possiblement, des protéines phosphatases qui limiteraient le processus.

Par conséquent, il est vraisemblable que le stockage de l’information sous forme plus durable puisse secondairement impliquer des mécanismes moléculaires correspondant à la régulation de l’expression de gènes cibles spécifiques, qui restent à caractériser.

De façon intéressante, on note que l’un des concepts avancés pour rendre compte d’un codage plus complet de l’information neuronale, est l’idée que cette LTP ne mettrait pas en jeu une seule synapse mais impliquerait plus largement des « assemblées cellulaires », c’est-à-dire de larges populations neuronales associées par la LTP, selon les mots de Hebb.

2- Dépression à long terme (LTD) :

Plus récemment, des processus de dépression à long terme ou LTD (LTD pour long-terme depression, en anglais) ont été également caractérisés, en particulier par Ito.

Dans ce cas, l’appariement de la stimulation des fibres parallèles avec celle des fibres grimpantes du cervelet résulte en une autre forme de plasticité synaptique, qui se traduit par une perte d’efficacité durable des cellules de Purkinje lorsque ensuite la stimulation des fibres parallèles est appliquée seule.

C’est cette réduction de l’excitabilité synaptique qui a été dénommée LTD.

Les études des mécanismes ont montré que cette LTD implique simultanément trois catégories de signaux : l’augmentation de la concentration intracellulaire de calcium suite à l’activation de la fibre grimpante ; l’augmentation de la concentration de Na+ due à l’activation de récepteurs AMPA des AAE, suite à la mise en jeu des fibres parallèles ; et, troisièmement, l’activation de la PKC due à l’activation de récepteurs métabotropiques du glutamate, toujours en rapport avec la stimulation des fibres parallèles.

Le résultat est alors une diminution de la conductance du canal associé au récepteur AMPA.

Comme dans le cas de la LTP, on confère à la LTD un rôle fonctionnel dans certaines formes d’apprentissage.

C – BASES CELLULAIRES ET MOLÉCULAIRES DES MALADIES NEURODÉGÉNÉRATIVES :

Les processus neurodégénératifs présentent deux caractéristiques principales : ils se développent lentement, généralement sur plusieurs années, et ils concernent plus ou moins spécifiquement des populations neuronales ou des structures nerveuses particulières.

La maladie d’Alzheimer, la maladie de Parkinson, la chorée de Huntington ou encore la SLA, en sont les exemples les plus connus.

Les raisons pour lesquelles ces atteintes neuronales sont relativement sélectives, ainsi d’ailleurs que les mécanismes de ces maladies, ne sont pas connus.

Néanmoins, l’une des caractéristiques communes à l’ensemble de ces pathologies est d’impliquer, au moins partiellement, une mort neuronale par apoptose.

Il est admis aujourd’hui que ce type de mort cellulaire serait déclenché par des signaux externes et ferait intervenir l’activation de gènes spécifiques, semblables à ceux identifiés chez le nématode Caenorhabditis elegans, et appartenant notamment à la famille des gènes ICE (pour Interleukin 1 converting enzyme) et Bcl-2.

Les travaux conduits depuis une dizaine d’années par le groupe de Horvitz chez le nématode ont permis de conclure à une forte conservation interespèces de certains domaines des gènes impliqués dans le processus apoptotique.

Plusieurs gènes ont en effet été caractérisés, dont trois intervenant semble-t-il de façon prépondérante.

Même si les résultats les plus récents montrent que les événements sont probablement plus complexes qu’initialement proposé, il apparaît que les gènes ced-3 (ced pour cell death) et ced-4 sont des gènes nécessaires au déclenchement de l’apoptose.

Le gène ced-9 serait un gène modulateur dont la perte de fonction s’accompagne d’une accélération du processus dégénératif, alors même que la surexpression est associée à une vie cellulaire supérieure à la normale ; ced-4 étant présent sous au moins deux formes, activatrice et inhibitrice de la mort cellulaire, toutes deux sous contrôle de ced-9.

Le gène ced-3 du nématode code pour une protéase à cystéine présentant une bonne homologie avec les gènes codant chez les mammifères pour les protéines ICE dont les principaux membres sont CPP32, Nedd-2, TxICE rel. II, ICE rel. III et Mch2.

Ces protéines sont maintenant dénommées caspases, et sont reconnues comme représentant les principaux effecteurs de l’apoptose.

Les substrats de ces protéines sont en fait représentés par diverses protéines, dont la PARP (pour poly ADP ribose polymerase), une protéine impliquée dans la réparation de l’ADN clivée par CPP32, ou encore par des protéines de la membrane nucléaire.

L’apoptose est dès lors assimilée à une cascade d’activation successive de gènes codant pour des protéases à cystéine impliquant des facteurs de transcription comme c-myc, c-jun ou encore c-fos.

L’activation de ces protéines aurait pour conséquence de mettre en jeu des endonucléases, mais induirait aussi des altérations des fonctions cellulaires pouvant se traduire par des événements de phagocytose ou liés à des réorganisations du cytosquelette.

Chez le nématode, le gène ced-9 peut être, quant à lui, assimilé à un véritable modulateur des protéases à cystéine, intervenant comme un véritable inhibiteur de l’apoptose.

Dans ce cas, l’homologie existe avec le gène Bcl-2 des mammifères.

Le mécanisme des effets inhibiteurs de Bcl-2 sur l’apoptose est encore mal connu, mais la protéine a été localisée sur les membranes des mitochondries, le réticulum endoplasmique ou encore la membrane nucléaire.

Cette protéine appartient à une famille codée par les gènes Mcl-1, Bax, A1, Bad ou encore Bak et Bcl-x, codant pour deux isoformes Bcl-xl et -xs dont les effets sont opposés sur la mort cellulaire.

Par exemple, les protéines Bax, Bcl-xs, Bad et Bak favorisent l’apoptose alors que Bcl-2, Bcl-xl et Mcl-1, parmi d’autres, ont un effet protecteur contre diverses formes d’agression cellulaire, limitant en particulier les effets d’une déprivation en facteurs trophiques, des glucocorticoïdes, des radiations ionisantes par l’activation de la p53, ou encore de l’action des radicaux libres en rapport avec le stress oxydatif.

Ainsi, la possibilité existe d’une modulation de l’apoptose par les facteurs externes à la cellule, en rapport avec les maladies neurodégénératives.

Dans ce contexte, ces observations sont à rapprocher de l’action des facteurs trophiques dont le rôle est critique pour la survie neuronale ; tel le NGF pour les neurones cholinergiques ou le BDNF et autres neurotrophines pour les neurones cholinergiques encore, ou les neurones dopaminergiques.

De façon intéressante, on note alors que l’expression de Bcl-2 serait à même de pouvoir réduire la production de radicaux libres, dans certaines conditions tout au moins, et que, par ailleurs, les radicaux libres puissent être de puissants inducteurs de l’apoptose dans certaines pathologies liées au stress oxydatif, comme peut-être dans la maladie de Parkinson.

Ainsi, des mutations associées à certaines formes de SLA seraient à même de transformer le rôle protecteur de la superoxyde dismutase (SOD) vis-à-vis du stress oxydatif en un rôle facilitateur de l’apoptose.

En conclusion, les cascades de signalisation intracellulaire initiées par l’activation de récepteurs membranaires à partir de signaux externes ou par une action intracellulaire, comme dans le cas des glucocorticoïdes notamment, sont à même d’influencer la survie neuronale et de provoquer la mort cellulaire par un processus apoptotique susceptible d’intervenir dans un grand nombre de maladies neurodégénératives.

La cascade des caspases en est une illustration, et ce type de mécanisme faisant intervenir des intermédiaires sélectifs aux différentes maladies neurodégénératives comme les radicaux libres ou la protéine a synucléine dans la maladie de Parkinson, possiblement la SOD dans certaines formes de SLA ou encore les présénilines dans la maladie d’Alzheimer, serait à même de rendre compte de la dégénérescence qui leur est associée.

Conclusion générale :

Au cours de la dernière décennie, les progrès de la biologie cellulaire et moléculaire ont contribué à mieux connaître l’organisation anatomique et fonctionnelle du système nerveux, dans sa complexité.

Ainsi, le cerveau ne peut se réduire à une structure câblée de façon rigide, complètement déterminée génétiquement, mais doit plutôt être perçu comme un organe doté d’une grande plasticité de fonctionnement susceptible de permettre les adaptations comportementales les plus larges.

La finesse des mécanismes de la communication intercellulaire , telle qu’elle se révèle à nous aujourd’hui, permet un traitement de l’information inégalable, qu’il est nécessaire d’aborder à un niveau global, seul à même de permettre de comprendre l’émergence de fonctions aussi complexes que la mémoire ou le raisonnement logique, et jusqu’à la conscience.

À cet égard, en dépit de la puissance analytique des méthodes de la génétique moléculaire par exemple, le développement récent de méthodes d’imagerie fonctionnelle très résolutives est un apport considérable dans la compréhension du cerveau.

Néanmoins, l’un des paradoxes de cette organisation est qu’en dépit de la nécessité de prendre en compte ce fonctionnement global pour comprendre un tant soit peu le cerveau, les données les plus moléculaires nous orientent vers des relations de causalité directe entre des altérations de structure, par exemple génétiques, et des maladies complexes, par exemple mentales.

Ainsi, au-delà des troubles fonctionnels, on peut considérer que la structure affecte la fonction et, qu’à cet égard, le chemin est encore long pour comprendre et proposer des solutions thérapeutiques, en dépit de progrès indéniables, y compris dans le domaine des processus mentaux.

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