Syndrome démentiel

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Le caractère global et acquis du déficit dans la démence s’oppose à l’atteinte élective d’une des fonctions cognitives par lésion localisée de l’encéphale (exemple : aphasie par accident vasculaire cérébral sylvien gauche chez le droitier) et au déficit global mais congénital des arriérations mentales. Contrairement à ce que l’on observe dans la confusion mentale (autre cause fréquente d’altération des fonctions cognitives), l’ évolution progressive et chronique vers un état le plus souvent spontanément irréversible ainsi que l’ absence de troubles marqués et persistants de la vigilance caractérisent la démence. La notion d’irréversibilité, qui s’attache traditionnellement au concept de démence, est parfois mise en défaut par la réversibilité de certaines détériorations intellectuelles liées à des étiologies précises, permettant de parler de démence “ curable ”. La multiplicité des étiologies et des mécanismes physiopathologiques en cause, la variabilité des tableaux cliniques et des profils évolutifs permettent de comprendre qu’ il n’y a pas une démence mais des syndromes démentiels.

Syndrome démentielDans les décennies à venir, le médecin sera de plus en plus souvent confronté au problème posé par la pathologie démentielle.

En effet, les connaissances épidémiologiques actuelles permettent d’estimer qu’au moins 5 % des personnes de plus de 65 ans et 20 % de celles ayant dépassé l’âge de 85 ans sont atteintes de démence.

Ce pourcentage devrait encore augmenter : le nombre de sujets déments en France pourrait croître de 25 % tous les 10 ans de 1990 à 2030.

Diagnostic positif de démence

Le diagnostic positif de démence est clinique, reposant essentiellement sur l’étude des fonctions cognitives et du comportement au cours de la consultation, sur les indications données par l’entourage et sur l’utilisation de tests psychométriques et d’échelle d’évaluation (exemple : “ mini mental status ” de Folstein, BEC-96 de Signoret).

INVESTIGATION CLINIQUE :

L’investigation clinique est relativement simple, mais elle doit systématiquement explorer les différents aspects du fonctionnement cognitif.

Etude des fonctions cognitives :

Orientation dans le temps et dans l’espace

L’orientation dans le temps et dans l’espace est évaluée en demandant au patient la date, l’âge, la situation dans le temps des principaux épisodes de son existence et de l’histoire contemporaine, le lieu où il habite, le lieu où il se trouve au moment de l’examen…

Il est important, par ailleurs, de demander à l’entourage quelles sont ses possibilités d’orientation dans un lieu habituel et inhabituel…

Capacité d’attention

La capacité d’attention est estimée par le degré d’adhésion à la conduite de l’examen, par la répétition de listes de chiffres, par des exercices de calcul mental simple, éventuellement par des tests de barrage (barrer une lettre donnée dans une liste de lettres se suivant de façon aléatoire)…

Mémoire

La mémoire est explorée en demandant au sujet d’évoquer les faits récents et anciens de son histoire, en estimant les possibilités de fixation mnésique et d’évocation (étude du rappel spontané et du rappel facilité par un indice ou par la situation de reconnaissance).

Il importe, par ailleurs, de faire préciser quelles sont les conséquences de cette perturbation mnésique sur la vie quotidienne.

Langage

En ce qui concerne le langage, on effectue un repérage des troubles aphasiques (simples pertes du mot juste, troubles de la compréhension ou de l’expression plus marqués), altérations de la lecture et de l’écriture, stéréotypies verbales, écholalie, persévérations…

Activités praxiques

Les activités praxiques sont étudiées en mettant en évidence une incapacité à effectuer des activités motrices plus ou moins élaborées, en dépit de l’intégrité des mécanismes de compréhension et d’exécution (exemple : apraxie de l’habillage, apraxie constructive, c’est-à-dire incapacité à copier des figures géométriques).

Activités gnosiques

Les activités gnosiques sont étudiées en évaluant les possibilités de reconnaissance ou d’identification d’objets. On parle d’agnosie quand il existe un défaut de reconnaissance en dépit de fonctions sensorielles intactes.

Jugement

On étudie les capacités de jugement par la recherche d’une perte de l’autocritique, d’une incapacité à formuler une opinion autonome et adéquate à la situation, d’une impossibilité à critiquer des histoires absurdes…

Raisonnement

La capacité de raisonnement est jugée sur la possibilité de résoudre des problèmes simples, d’interpréter correctement un proverbe, sur la capacité à extraire des similitudes ou des différences…

Le diagnostic positif est donc essentiellement clinique, fondé sur la mise en évidence d’une altération du fonctionnement cognitif retentissant sur la vie quotidienne.

Critères diagnostiques :

Les critères diagnostiques de syndrome démentiel DSM III-R renvoient à ces données cliniques.

DIAGNOSTIC SELON LE STADE EVOLUTIF :

En début d’évolution :

En début d’évolution, le motif de consultation peut être variable :

– on retrouve, le plus souvent des troubles de la mémoire.

– mais aussi une baisse du rendement intellectuel, des troubles du comportement et du caractère (explosion caractérielle, acte absurde, apathie, apragmatisme).

– ou des troubles psychiatriques (état dépressif, idées délirantes le plus souvent à thème de persécution ou de préjudice).

La plainte, même en cas de troubles de la mémoire, émane plus souvent de l’ entourage que du sujet lui-même, et c’est surtout à ce stade-là que les problèmes de diagnostic se posent.

L’examen neurologique :

– sera normal dans un grand nombre de cas (Alzheimer).

– il peut aussi montrer soit des anomalies non spécifiques, en particulier de type frontal (“ grasping ”), exagération du réflexe de succion et du palmo-mentonnier), soit des signes orientant vers une étiologie spécifique (vasculaire, par exemple).

A la phase d’état :

A la phase d’état, le diagnostic est plus facile :

– la présentation du malade est évocatrice (tenue négligée, indifférence, stéréotypies gestuelles ou verbales, parfois agitation…).

– l’altération des fonctions cognitives est majeure.

– le comportement est perturbé (incohérence des conduites, errance, fugue, actes médico-légaux).

– l’autonomie est réduite.

En fin d’évolution :

En fin d’évolution, toute autonomie disparaît, l’alternance veille-sommeil tend à s’inverser, la vie relationnelle est impossible et l’état somatique est altéré.

L’anamnèse et l’état du patient au moment de l’examen conduisent facilement au diagnostic de syndrome démentiel.

Diagnostic différentiel

Il s’agit d’éliminer les états pathologiques non démentiels pouvant retentir sur le fonctionnement cognitif.

C’est dans les formes débutantes que se posent avec acuité les problèmes de diagnostic différentiel.

Plusieurs affections neuropsychiatriques doivent être éliminées : dégradation élective d’une des fonctions cognitives par lésion localisée de l’encéphale, confusion mentale et surtout syndrome anxio-dépressif.

Il convient aussi d’écarter la possibilité de troubles de mémoire liés à l’âge (oubli bénin lié à l’âge).

Altération élective de certaines fonctions cognitives :

Cette atteinte élective d’une fonction cognitive est le fait d’une lésion localisée de l’encéphale quelle qu’en soit sa nature.

Ce type de tableau clinique est, par définition, différent de l’état démentiel où le déficit est global.

Des problèmes difficiles peuvent se poser

Toutefois, des problèmes difficiles peuvent se poser avec les formes de début. C’est le cas par exemple :

– de l’ aphasie de Wernicke avec des troubles importants de la compréhension.

– ou celui d’une lésion du lobe frontal pouvant entraîner des troubles de l’attention, de la mémoire, du jugement et des capacités opératoires.

– ou encore celui d’une lésion bilatérale hippocampo-thalamo-cingulaire déterminant une amnésie korsakoffienne…

Processus dégénératifs localisés

Une altération élective d’une fonction cognitive peut aussi s’observer au cours de processus dégénératifs localisés à une région corticale :

– il s’agit essentiellement de l’aphasie progressive, de l’apraxie progressive et de l’alexie progressive.

– ces tableaux cliniques correspondent respectivement à une dégénérescence des lobes temporaux, pariétaux et occipitaux.

– après un délai variable, les troubles vont le plus souvent intéresser d’autres registres de la cognition donnant lieu progressivement à une sémiologie de type démentiel.

– dans quelques très rares cas, le processus dégénératif pourrait rester localisé à un lobe et la sémiologie limitée aux manifestations de début, sans évolution vers la démence.

Confusion mentale :

Dans le cas de confusion mentale :

– le début est souvent brutal.

– les troubles de la vigilance sont constants.

– et l’évolution fluctuante, avec majoration vespérale des symptômes.

Toutefois, les épisodes confusionnels sont fréquents au cours de l’évolution des démences et peuvent même en marquer le début.

En effet, les lésions encéphaliques responsables de l’état démentiel prédisposent les sujets âgés au développement d’état confusionnel que l’étiologie soit toxique, iatrogène, métabolique (exemple : déshydratation) ou même lésionnelle (exemple : traumatisme crânien).

Syndrome dépressif :

Devant un début d’état démentiel, la difficulté majeure est, en fait, d’éliminer une dépression.

En effet, elle peut en tout point “ mimer ” une démence : inhibition, désintérêt, troubles de l’attention et de la mémoire…

Diagnostic de dépression

Le diagnostic de dépression va s’appuyer sur l’histoire du patient, ses antécédents familiaux, sur l’inadéquation entre les plaintes du patient et ses performances réelles.

Mais il est souvent difficile de distinguer l’altération intellectuelle fonctionnelle, symptôme d’une dépression, de la dépression associée à un état démentiel.

Traitement “ d’épreuve ”

En fait, au moindre doute, un traitement “ d’épreuve ” par antidépresseur se justifie.

La disparition complète des troubles cognitifs après un délai variable confirme le diagnostic de syndrome dépressif isolé. On parle alors de “ pseudo démence dépressive ”.

Persistance d’une altération cognitive

La persistance d’une altération cognitive, même discrète, impose la prudence : il s’agit peut-être d’un début de démence, et un bilan complémentaire est indiqué, à répéter annuellement en cas de doute.

Syndromes anxieux :

L’anxiété va altérer les possibilités de fixation mnésique, rendant compte d’un grand nombre de plaintes concernant la mémoire.

Là encore, l’importance de la plainte n’est pas, le plus souvent, corrélée avec celle du dysfonctionnement mnésique évalué par les tests. Cela contraste avec le fait que le sujet atteint de démence débutante tend à minimiser ses troubles.

Le traitement de l’anxiété par des méthodes thérapeutiques médicamenteuses (anxiolytique à faible dose) ou non médicamenteuses (techniques de relaxation) corrige le trouble et fait disparaître la plainte.

Là encore la persistance d’un dysfonctionnement cognitif, même minime, impose un suivi du patient et la réalisation éventuelle d’un bilan.

Oubli bénin lié à l’âge :

(“ Age associated memory impairement ” ou AAMI.)

Plainte mnésique

La plainte mnésique est fréquente chez le sujet âgé (plus de 50 % des sujets âgés se plaignent de la mémoire).

Cette plainte correspond parfois à un trouble de mémoire qui ne serait qu’un simple affaiblissement des capacités mnésiques lié au vieillissement normal.

Critères de diagnostic

Des critères de diagnostic de cet “ age associated memory impairement ” ont été récemment proposés.

Malgré la précision de ces critères, le concept d’AAMI reste problématique. Un recul suffisant est nécessaire pour affirmer qu’il ne s’agit pas d’une démence débutante, en particulier d’une démence de type Alzheimer.

Diagnostic étiologique

La démence comme syndrome :

Une fois l’affaiblissement cognitif démentiel reconnu, une enquête étiologique est nécessaire.

Elle s’appuie sur les données :

– de l’anamnèse.

– de l’examen neurologique, psychiatrique et somatique général.

– du bilan biologique.

– et éventuellement d’une batterie de tests neuropsychologiques dont la composition est orientée par la clinique.

Les examens biologiques à demander pour une première approche diagnostique sont :

– NFS, VS, ionogramme avec calcémie.

– tests hépatiques, créatinine.

– TSH, dosage de la vitamine B12 et des folates surtout s’il existe une macrocytose.

– sérologie “ syphilis ” et “ VIH ”.

En fonction des données cliniques et paracliniques, on peut être amené à demander un bilan sanguin plus spécialisé et une ponction lombaire pour analyse du liquide céphalo-rachidien.

Imagerie :

Imagerie morphologique

Par ailleurs, il ne peut y avoir de diagnostic d’état démentiel sans la réalisation d’explorations complémentaires, au premier rang desquelles il faut citer l’ imagerie morphologique et surtout le scanner cranio-cérébral.

L’IRM n’est indiquée que lorsqu’on évoque certaines étiologies (par exemple, vasculaire ou inflammatoire).

Développement récent de l’imagerie fonctionnelle

Le développement récent de l’imagerie fonctionnelle permet d’envisager l’utilisation de plus en plus répandue de ces investigations dans le cadre de la démarche diagnostique des états démentiels.

La tomoscintigraphie d’émission monophotonique (TEMP) ou “ Single photon emission computed tomography ” (SPECT), du fait de sa simplicité, de son coût peu élevé, est particulièrement intéressante en matière de diagnostic des syndromes démentiels dégénératifs.

L’électroencéphalogramme standard peut apporter des indications intéressantes dans certains cas (exemple : maladie de Creutzfeldt-Jakob). La représentation cartographique du signal EEG ne peut pas, pour l’instant, être utilisée en pratique médicale courante.

Deux grands groupes de démences peuvent être définis : les démences dégénératives avec, au premier plan de celles-ci, les démences de type Alzheimer et les démences non dégénératives avec, en particulier, les démences vasculaires.

Démences dégénératives

DEMENCES DE TYPE ALZHEIMER :

La maladie d’Alzheimer est la cause la plus fréquente de démence.

Elle touche selon les études 2 à 6 % des sujets âgés de plus de 65 ans.

La prévalence s’élève progressivement avec l’âge pour atteindre 15 à 20 % des sujets de 80 ans.

Définition :

Elle se définit par l’association :

– d’une part, de troubles cognitifs et comportementaux constituant le syndrome démentiel.

– et, d’autre part, de lésions histopathologiques cérébrales caractéristiques : les plaques séniles et la dégénérescence neurofibrillaire.

On considère actuellement que les formes préséniles et séniles, ayant le même substratum neuropathologique, correspondent à une même entité nosologique.

Aspects cliniques :

Phase de début

La phase de début est classiquement marquée par des troubles mnésiques intéressant surtout les faits récents et retentissant sur la vie quotidienne.

Le syndrome démentiel n’est pas encore caractéristique et le diagnostic à ce stade-là est difficile.

Phase d’état

Le diagnostic devient plus facile à la phase d’état où l’atteinte des fonctions cognitives s’aggrave, atteignant de façon globale l’ensemble du fonctionnement cognitif avec, en particulier, associé aux troubles de mémoire, un syndrome aphaso-apraxo-agnosique.

La perte d’autonomie est, à ce stade, importante.

Phase terminale

A la phase terminale, la démence est majeure, la communication impossible, l’autonomie nulle et les données de l’anamnèse et de l’examen clinique permettent, en règle générale, de faire le diagnostic.

L’aspect clinique peut être sensiblement différent

Certains cas diffèrent par leur évolution, d’autres par leurs aspects cliniques psychiatriques ou comportementaux.

Cette hétérogénéité des syndromes démentiels de type Alzheimer remet en cause le concept d’une entité “ maladie d’Alzheimer ”. Le terme démence de type Alzheimer semble donc être plus adapté.

Démarche diagnostique :

La démarche diagnostique en matière de démence de type Alzheimer est essentiellement clinique.

Il n’existe pas, actuellement, de marqueur biologique spécifique.

La certitude diagnostique ne pouvant s’appuyer que sur les données neuropathologiques (présence en grande quantité de plaques séniles et de dégénérescence neurofibrillaire), l’approche clinique permet simplement de retenir un diagnostic de maladie d’Alzheimer probable.

Eléments sémiologiques

Les éléments sémiologiques à rechercher pour retenir cette probabilité sont essentiellement :

– un début entre 40 et 90 ans.

– une altération progressive de la mémoire retentissant sur la vie quotidienne.

– l’existence de troubles du langage (aphasie), de troubles de réalisation gestuelle (apraxie) et de l’activité perceptive (agnosie). Lorsque ces troubles sont tous présents, ils constituent le syndrome aphaso-apraxo-agnosique, très évocateur.

– l’absence de relation causale entre les troubles cognitifs et une hypo-vigilance ou un syndrome dépressif.

– l’absence d’affection organique générale ou cérébrale pouvant entraîner des troubles cognitifs.

Scanner cranio-cérébral

Les données du scanner cranio-cérébral sont évidemment indispensables pour éliminer la plupart des lésions non dégénératives du système nerveux central et, en particulier, les séquelles d’accidents vasculaires.

Précision du diagnostic clinique

La précision du diagnostic clinique dépend largement de l’expérience de l’examinateur.

Le diagnostic est fait actuellement correctement dans 80 à 90 % des cas par les équipes spécialisées.

Un progrès intéressant a été réalisé par l’établissement des critères définis par le National institute of neurological disorders and stroke (NINCDS) et l’Alzheimer disease and related disorder association (ADRDA).

Autres éléments diagnostiques

En ce qui concerne les autres données diagnostiques, on retrouve :

– l’ imagerie cérébrale fonctionnelle, et en particulier la tomographie d’émission monophotonique (“ Single photon emission computed tomography ” ou SPECT), est intéressante, pouvant donner des éléments en faveur du diagnostic positif. En particulier une hypoperfusion bi-pariéto-temporale postérieure est très évocatrice.

– l’ imagerie morphologique cérébrale (TDM et surtout IRM) permet actuellement de réaliser des mesures volumétriques des structures particulièrement intéressées par l’atrophie (hippocampe, région temporale) et peut apporter des données utiles à la démarche diagnostique.

– la biopsie cérébrale, exceptionnellement réalisée, peut apporter l’élément neuropathologique nécessaire au diagnostic de certitude.

AUTRES DEMENCES DEGENERATIVES :

Démences frontales :

Les démences frontales sont beaucoup plus rares et parfois trompeuses.

Le début est plus souvent comportemental que cognitif.

Symptômes de type psychiatrique

Les symptômes de type psychiatrique sont fréquents : modifications de la personnalité, perte d’initiative et de motivation, dépression atypique, troubles du comportement par désinhibition.

Troubles cognitifs

Les troubles cognitifs sont centrés par le “ syndrome dysexécutif ”  qui peut échapper à un examen clinique rapide et au bilan neuropsychologique classique : difficultés pour formuler un but, pour organiser et exécuter une action, pour changer de stratégie, pour prendre des décisions et s’adapter à des situations nouvelles et anticiper….

Troubles de l’attention et de la mémoire

Les troubles de l’attention et les troubles de la mémoire (mémoire de travail) constants sont, eux, plus facilement repérables.

Sur le plan paraclinique

Sur le plan paraclinique, on retrouve :

– le scanner cranio-cérébral ou l’IRM, qui mettent en évidence une atrophie parfois importante au niveau du lobe frontal et des pôles temporo-frontaux.

– le SPECT, qui objective une hypoperfusion focalisée dans les mêmes régions.

On distingue deux types de démences frontales différenciées seulement par des données neuropathologiques, obtenues parfois du vivant du patient par biopsie :

– la maladie de Pick, qui est rare (caractérisée par des neurones ballonnés et la présence de corps de Pick).

– les démences frontales, non spécifiques, beaucoup plus fréquentes, appelées actuellement démences temporo-frontales.

Démences parkinsoniennes :

Un syndrome démentiel peut s’observer au cours de l’évolution de la maladie de Parkinson.

Sa fréquence est diversement appréciée.

– La sémiologie est caractéristique du fait de l’existence :

– d’une bradyphrénie.

– de difficultés d’évocation mnésique.

– de troubles visuo-spatiaux.

– et d’une symptomatologie frontale.

– Le syndrome aphaso-apraxo-agnosique serait classiquement absent.

Le tableau renvoie au concept de démence sous-corticale s’opposant à celui de démence corticale comme les démences de type Alzheimer.

Toutefois, dans un certain nombre de cas, une symptomatologie démentielle de type Alzheimer peut être observée.

Paralysie supranucléaire progressive :

La paralysie supranucléaire progressive (ou maladie de Steele-Richardson-Olszewski) est probablement une des moins rares des démences dégénératives non Alzheimer après les démences de type frontal et les démences de type parkinsonien :

– débutant après 50 ans, elle se caractérise par une atteinte progressive de l’ oculomotricité verticale et de la réactivité oculovestibulaire.

– à ces signes très évocateurs s’associe un syndrome parkinsonien akinéto-rigide.

– précocement apparaît un syndrome démentiel de type frontal (syndrome dysexécutif).

Il n’y a pas de caractère familial.

Dégénérescence cortico-basale :

La dégénérescence cortico-basale a une sémiologie aisément reconnaissable :

– en effet, il existe un syndrome akinéto-rigide à prédominance unilatérale associée parfois à des mouvements anormaux.

– ces éléments peuvent masquer un symptôme majeur homolatéral aux troubles akinéto-rigides : l’ apraxie. Cette dernière se développe progressivement et se bilatéralise.

– un syndrome dyséxécutif associé aux troubles apraxiques est la règle générale.

– les autres fonctions cognitives sont atteintes beaucoup plus tardivement.

– des myoclonies ne sont pas exceptionnelles.

Imagerie morphologique

L’imagerie morphologique permet de mettre en évidence une atrophie cérébrale localisée aux régions fronto-pariétales et est controlatérale aux symptômes.

Le SPECT confirme cette focalisation en objectivant une hypoperfusion prédominant dans la région pariétale.

Maladie des corps de Lewy disséminés :

La maladie des corps de Lewy disséminés réalise une démence progressive associée à une symptomatologie parkinsonienne :

– très souvent, les patients sont considérés au début comme étant atteints par la maladie de Parkinson.

– certains éléments sémiologiques sont évocateurs :

– fluctuations de l’atteinte cognitive.

– fréquence des épisodes confusionnels.

– hallucinations (surtout visuelles).

– activité délirante.

– signes frontaux neurologiques et neuropsychologiques.

– troubles posturaux avec chutes fréquentes…

Des critères diagnostiques ont récemment été isolés.

L’importance de ce type de démence est diversement appréciée. elle pourrait être relativement fréquente.

Autres démences dégénératives :

D’autres démences dégénératives beaucoup plus rares peuvent être rencontrées.

Maladie de Huntington

On retrouve la maladie de Huntington, où l’altération cognitive peut masquer longtemps les troubles extra-pyramidaux (chorée surtout, parfois syndrome parkinsonien).

L’histoire familiale et l’analyse génomique sont ici déterminantes.

Dégénérescence striatonigrique

La dégénérescence striatonigrique peut s’accompagner d’un syndrome démentiel associé à la symptomatologie extra-pyramidale.

Démences mésolimbiques

On retrouve des démences mésolimbiques, avec troubles de la personnalité et du comportement associées à un syndrome démentiel de type sous-cortical frontal.

Insomnie fatale familiale

On retrouve une insomnie fatale familiale, avec atteinte dégénérative du thalamus et, sur le plan sémiologique, démence de type frontal, insomnie progressivement totale, hallucinations, ataxie et dysautonomie.

Comme dans le cas de la maladie de Creutzfeldt-Jakob (voir infra), il s’agit d’une affection à prions, correspondant à une mutation identifiée dans le gène PrP.

Démence associée à la sclérose latérale amyotrophique

Démences non dégénératives

Les démences non dégénératives sont fréquentes, représentant 40 à 50 % des démences.

DEMENCES VASCULAIRES :

Les démences dites “ vasculaires ” sont les plus fréquentes, représentant en moyenne 15 % à 20 % des démences.

Lorsqu’un facteur vasculaire est associé à un facteur dégénératif de type Alzheimer, on parle de démence mixte.

Physiopathologie :

Les démences dites “ vasculaires ” sont secondaires à des lésions encéphaliques de nature vasculaire, corticales ou sous-corticales :

– l’altération des fonctions intellectuelles est la conséquence de lésions ischémiques corticales bilatérales étendues ou de multiples infarctus de petit volume (démence par infarctus multiples).

– des lésions sous-corticales limitées, mais “ stratégiquement ” disposées de telle façon qu’elles interrompent des voies sous-cortico-corticales indispensables au fonctionnement du cortex, peuvent aussi entraîner un syndrome démentiel.

– les mécanismes à l’origine sont variables : accidents vasculaires cérébraux répétés, hémorragiques ou ischémiques, lacunes liées à une athéromatose ou à une hypertension artérielle.

– une forme particulière de démence vasculaire est représentée par l’encéphalopathie de Binswanger, qui se développe chez des sujets atteints d’une hypertension artérielle et qui correspond à des lésions étendues de la substance blanche en relation avec une pathologie artériolaire.

Éléments d’orientation :

Sur le plan clinique

Sur le plan clinique, une démence vasculaire doit être évoquée lorsque existent :

– des antécédents vasculaires.

– des facteurs de risque vasculaire.

– une évolution par à-coups successifs.

– l’existence de signes neurologiques locaux.

– la survenue d’épisodes confusionnels transitoires.

Images évocatrices au scanner

On retrouve des images évocatrices au scanner : hypodensités séquellaires d’accident vasculaire cérébral, plus ou moins étendues, hypodensités multiples d’infarctus limités, lacunes diffuses.

Echelles cliniques

On retrouve aussi des échelles cliniques telles que celle d’Hachinski ou tomodensitométriques (Loeb) qui permettent de différencier les démences vasculaires des démences dégénératives et de définir des démences dites “ mixtes ” dans la mesure où facteurs vasculaires et facteurs dégénératifs sont associés.

Critères de diagnostic de démence vasculaire

Des critères de diagnostic de démence vasculaire ont été récemment définis (critères Ninds-Airen.

DEMENCES DE CAUSES NEUROCHIRURGICALES :

Les causes sont fréquentes et diverses : hématomes sous-duraux chroniques, tumeurs cérébrales (frontales, du 3e ventricule).

Une de ces étiologies mérite d’être soulignée : il s’agit de l’ hydrocéphalie communicante, dite “ à pression normale ” (HPN).

Hydrocéphalie communicante :

On désigne sous le nom d’hydrocéphalie communicante, dite “ à pression normale ” les hydrocéphalies chroniques s’exprimant par la triade classique : détérioration intellectuelle, marche à petits pas et troubles sphinctériens.

On les explique par des troubles de la résorption du liquide céphalo-rachidien au niveau des granulations de Pacchioni à la convexité, tels qu’on peut en rencontrer après une hémorragie méningée spontanée ou traumatique, ou après une méningite.

Toutefois, ce syndrome est de plus en plus souvent identifié en l’absence de ces antécédents, sur un terrain, et on suspecte le rôle d’une altération de la barrière hémato-encéphalique et/ou de la compliance cérébrale.

S’agissant d’ une des rares causes curables de démence, elle demande pour sa confirmation des explorations à la fois sensibles et spécifiques :

–  sensibles pour la détection d’une hydrocéphalie, ce qui est résolu par le scanner.

– et spécifiques pour ne pas dériver inutilement des sujets présentant une dilatation ventriculaire a vacuo, en particulier par atrophie alzheimerienne ou ischémique.

De nombreux tests ont été proposés : ainsi l’étude de la circulation du liquide céphalo-rachidien par le biais du transit d’un isotope injecté par voie lombaire, ou encore la ponction soustractive (30 à 50 ml) qui entraîne parfois une amélioration spectaculaire, de la marche notamment.

Il y a toutefois de nombreux faux positifs et faux négatifs, le test-clé étant l’efficacité d’une dérivation ventriculo-péritonéale ou lombo-péritonéale permanente, geste évidemment plus lourd.

A l’heure actuelle, la valeur prédictive d’une amélioration de la perfusion cérébrale (mesurée par TEMP à l’HMPAO) induite par ponction déplétive est une méthode prometteuse.

CAUSES INFECTIEUSES ET INFLAMMATOIRES :

Neurosyphilis :

La cause la plus importante est la neurosyphilis, qui effectue un retour en force, en raison d’un certain relâchement de la vigilance médicale, et de la co-infection avec le VIH, même si cette éventualité est moins fréquente qu’on ne l’a craint initialement.

Stade tertiaire

Il s’agit du stade tertiaire de l’infection, traditionnellement appelé “ paralysie générale ” :

– ce terme recouvre une méningo-encéphalite chronique, avec souvent participation vasculaire, parfois associée à d’autres localisations (tabès, gommes).

– il n’y a en fait pas de paralysie, mais une démence particulière par son allure paranoïaque et les troubles du comportement (exemple : achats irraisonnés).

– un tremblement notamment lingual et un signe pupillaire d’Argyll-Robertson sont fréquemment présents.

Diagnostic

Le diagnostic est relativement aisé si on réalise une sérologie spécifique devant toute démence. Les cas de positivité des anticorps dans le liquide céphalo-rachidien et non dans le sang sont en effet très exceptionnels, voire contestables.

Après le scanner (qui peut être normal), la ponction lombaire montrera habituellement :

– une réaction lymphocytaire.

– une hyperprotéinorachie.

– et une augmentation des immunoglobulines avec répartition oligoclonale.

Maladie de Lyme :

Dans les zones d’endémie, on peut rencontrer une autre spirochétose, la maladie de Lyme, qui peut créer une démence dans de rares formes chroniques, également décelable par une sérologie et l’étude du liquide céphalo-rachidien.

Connectivites :

Des syndromes démentiels peuvent être observés dans le cadre de l’évolution de certaines connectivites, lupus, syndrome de Gougerot-Sjögren. thyroïdite d’Hashimoto…

Ces tableaux démentiels sont difficiles à distinguer de ceux observés parfois dans la sclérose en plaques évoluée.

Maladie de Creutzfeldt-Jakob :

On peut également ranger dans ce cadre la maladie de Creutzfeldt-Jakob, importante non par sa fréquence mais par ses implications de santé publique avec le risque de transmission par des tissus nerveux humains (greffes, extraits hypophysaires) et animaux (maladie de la “ vache folle ”).

Il existe également de rares formes familiales, liées à une mutation du gène PrP, d’où l’accumulation de prions dans les tissus nerveux :

– cette affection évolue habituellement en moins de 1 an, l’altération cognitive s’associant à des myoclonies, des signes cérébelleux, des troubles visuels corticaux.

– toutes les explorations restent négatives (TDM, IRM, ponction lombaire), hormis l’ électroencéphalogramme qui montre volontiers des anomalies périodiques (pointes lentes triphasiques), quasi pathognomoniques dans ce contexte.

– le diagnostic de certitude repose sur l’histologie révélant une spongiose corticale plus ou moins diffuse.

CAUSES TOXIQUES ET METABOLIQUES :

Parmi les causes toxiques, il faut signaler :

– essentiellement l’ alcool, par divers mécanismes (toxicité directe, encépalopathie carentielle, traumatismes répétés).

– mais aussi l’oxyde de carbone, le mercure, le bismuth, le plomb.

– et surtout l’encéphalopathie des sujets dialysés, due à l’aluminium.

Causes métaboliques

Pour les causes métaboliques :

– on doit évoquer l’ insuffisance hépatique, rénale, respiratoire, mais il s’agit de tableaux relativement aigus, plus proches d’une confusion.

– les carences en vitamine B12, en folates, en vitamine PP sont à rechercher au moindre doute.

– il faut signaler enfin la possibilité d’une hypothyroïdie comme facteur causal de démence ou simplement comme facteur aggravant d’une altération des fonctions cognitives.

Conduite à tenir

Le diagnostic étiologique ayant été porté, des mesures thérapeutiques sont souvent possibles.

Mesures thérapeutiques spécifiques :

Le terme de démence “ curable ” renvoie à des étiologies précises répondant à des actions thérapeutiques spécifiques :

– c’est le cas des démences pouvant bénéficier d’un traitement neuro-chirurgical :

– évacuation d’un hématome sous-dural.

– exérèse d’une tumeur cérébrale.

– et surtout dérivation ventriculo-péritonéale ou lombo-péritonéale en cas d’hydrocéphalie à pression normale.

– c’est le cas aussi de certaines démences d’origine endocrinienne, métabolique ou carentielle : la correction du trouble fait disparaître ou régresser la symptomatologie démentielle (exemple : correction d’une hypothyroïdie, correction d’un déficit en vitamine B12…).

– c’est le cas encore de certaines démences infectieuses accessibles à un traitement antibiotique :

– dans le neurosyphilis, l’antibiothérapie à base de pénicilline, à dose extrêmement progressive, sous couvert d’une corticothérapie les premiers jours pour éviter une réaction de lyse, ne permet pas en général de guérison mais une stabilisation du tableau. Elle doit être répétée tous les 3 à 6 mois jusqu’à la normalisation des constantes chimiques et cellulaires du liquide céphalo-rachidien.

– de la même façon, le syndrome démentiel de la maladie de Lyme peut répondre à une antibiothérapie adaptée.

– les syndromes démentiels s’intégrant dans le cadre des connectivites peuvent être améliorés par la corticothérapie.

– dans les démences vasculaires, s’il n’est pas possible de faire disparaître la destruction du parenchyme cérébral par les lésions vasculaires, il est toujours possible de mettre en place des mesures dont le but est d’éviter ou de ralentir l’aggravation de la symptomatologie démentielle :

– il s’agit de corriger les facteurs de risque vasculaire : diabète sucré, hypercholestérolémie, hypertension artérielle…..

– il est à noter que l’hypotension artérielle parfois brutale induite par un traitement mal adapté peut avoir des effets délétères sur le parenchyme cérébral comme les poussées d’hypertension artérielle.

Autres mesures thérapeutiques et médico-sociales :

Quel que soit le type de démence, qu’elle soit “ curable ” ou non, des mesures thérapeutiques et médico-sociales peuvent être mises en place pour améliorer l’état clinique des patients :

–  suppression des facteurs d’aggravation associés (exemple : facteurs de risque vasculaire, carences vitaminiques, abus de psychotrope sédatif ou de médication anticholinergique).

–  correction de déficit sensoriel.

– mais aussi aménagement du lieu de vie et utilisation ponctuelle ou permanente d’institution spécialisée.

Il s’agit aussi de favoriser une stimulation cognitive permanente.

Ces mesures peuvent améliorer largement certains états démentiels et, en particulier, ceux qui échappent à une stratégie thérapeutique spécifique.

C’est le cas, en particulier, de la plupart des syndromes démentiels d’étiologie dégénérative.

Dans les démences de type Alzheimer, toutefois, la correction du déficit cholinergique représente un traitement symptomatique actuellement possible depuis la mise sur le marché de la tacrine. D’autres molécules sont actuellement en voie de développement et pourraient donner de bons résultats dans ce type de démence comme dans les autres démences dégénératives.

Enfin, une prise en charge médico-sociale est indispensable, surtout dans les formes évoluées. Diverses mesures sont possibles : porter des repas à domicile, aide-ménagère, soins d’hygiène infirmier, accueil temporaire dans des institutions spécialisées, aménagement de l’appartement, mesures de protection juridique…

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