Myotonies non dystrophiques

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2011

Introduction :

Dix fois moins fréquentes que la myotonie dystrophique, elles sont le plus souvent de transmission autosomique dominante, dues aux anomalies génétiques d’un des types de canaux ioniques des membranes musculaires.

Elles se séparent des myotonies dystrophiques de Steinert en raison de l’absence habituelle de dystrophie musculaire, c’est-à-dire de destruction musculaire progressive.

Myotonies non dystrophiquesElles sont également à différencier des pseudomyotonies ou neuromyotonies, qui sont des activités musculaires continues à point de départ vraisemblablement axonal.

Les avancées récentes de la génétique moléculaire aboutissent à une meilleure compréhension des myotonies non dystrophiques.

Attribuées à une dysfonction des canaux ioniques membranaires, elles se séparent actuellement en deux groupes principaux selon le type de canal ionique altéré :

– les canalopathies chlore ;

– les canalopathies sodium.

Les canaux chlore sont impliqués dans la maintenance du potentiel membranaire de repos.

Les canaux sodium sont responsables de l’initiation et de la propagation du potentiel d’action.

Les mutations du gène des canaux chlore, situé sur le chromosome 7, sont à l’origine de la plupart des myotonies congénitales.

Les mutations du gène des canaux sodium, situé sur le chromosome 17, causent la plupart des cas de paramyotonie congénitale et myotonie aggravée par le potassium.

Myotonies congénitales (canalopathies chlore) :

La myotonie congénitale (MC) est de transmission autosomique dominante ou récessive.

La myotonie se traduit par une difficulté à la décontraction musculaire, en rapport avec un état d’hyperexcitabilité de la membrane de la fibre musculaire.

C’est dans les formes récessives que l’intensité de la myotonie est la plus grande.

Une hypertrophie musculaire, qui pourrait être le résultat d’un effet positif de l’activité musculaire sur la trophicité du muscle, lorsqu’elle est présente, confère un aspect athlétique au patient.

Les deux variétés sont causées par des mutations du gène du canal chlore.

A – MYOTONIE CONGÉNITALE À TRANSMISSION AUTOSOMIQUE DOMINANTE OU MALADIE DE THOMSEN :

La description de Thomsen, en 1876, de la sémiologie observée sur lui-même et sur sa propre famille est toujours valable.

Les garçons sont plus sévèrement atteints.

La révélation de la maladie est parfois précoce (cris étranglés du nouveau-né ou myotonie palpébrale lors de l’éternuement).

Le début est souvent plus tardif chez la fille.

C’est surtout après la puberté que la maladie est découverte, lors de la scolarité ou du service militaire.

Les symptômes initiaux apparaissent surtout sur les mains, les jambes et les paupières.

Comme au cours des atteintes dominantes, la sémiologie est très variée à l’intérieur d’une même famille.

La myotonie est diffuse, avec une raideur indolore du corps au repos qui s’accentue lors d’un mouvement brusque.

Elle est alors généralisée. Le sujet est enraidi « comme une statue ».

Lorsqu’il veut avancer, la myotonie entraîne une chute immédiate.

Puis, la myotonie disparaît à l’exercice, (phénomène d’échauffement), ce qui fait souvent douter de l’organicité des symptômes.

La myotonie est augmentée par le froid, le repos, la fatigue, la menstruation, la grossesse et les facteurs psychiques.

La myotonie peut être spontanée, facilement mise en évidence lors d’une poignée de main.

Elle peut être mécanique et mise en évidence par la percussion des masses musculaires, en prenant la forme d’une indentation du muscle, persistant pendant quelque secondes ou plus.

La localisation de la myotonie est parfois trompeuse, lorsqu’elle entraîne des troubles de l’élocution, de la déglutition, de la mastication ou même une diplopie.

La myotonie, maximale à la puberté, s’améliore par la suite.

L’hypertrophie musculaire est fréquente.

L’aspect est athlétique, herculéen.

L’hypertrophie porte surtout sur les quadriceps et sur les muscles des mollets, mais s’étend également aux muscles de la nuque, aux deltoïdes, aux biceps et aux muscles des avant-bras.

L’hypertrophie musculaire persiste toute la vie, alors que la myotonie a plutôt tendance à diminuer.

L’électromyogramme (EMG) montre des averses myotoniques abondantes et diffuses.

La myotonie électrique est le reflet de l’anomalie sarcolemmique.

L’averse myotonique est un train de décharges répétitives à haute fréquence, de 20 à 80 Hz, de potentiels de fibres musculaires, survenant après insertion de l’aiguille dans le muscle, après contraction musculaire ou après percussion.

Initialement, la fréquence et l’amplitude des premiers potentiels augmentent.

Puis, elles diminuent progressivement, donnant un bruit d’avion en piqué au haut-parleur, jusqu’à disparaître.

Les averses sont abondantes et diffuses. Des décharges plus brèves, avec augmentation de fréquence et diminution d’amplitude, sont également visibles.

La stimulation répétitive peut entraîner une diminution de l’amplitude des potentiels d’action, due au fait que le muscle devient réfractaire.

Cet aspect diffère du décrément myasthénique, car il ne diminue pas et réagit à une stimulation plus rapide. Lors de la contraction volontaire, les tracés sont normaux.

Le taux de créatine-kinase sérique est normal ou peu élevé.

Les modifications histologiques du muscle sont peu importantes et en général peu spécifiques.

On peut tout au plus noter une augmentation de diamètre des fibres de type II, parfois une absence des fibres de type II B, parfois quelques fibres atrophiques disséminées ou quelques centralisations nucléaires.

La microscopie électronique ne met pas en évidence de modifications majeures.

B – MYOTONIE CONGÉNITALE DE TRANSMISSION AUTOSOMIQUE RÉCESSIVE :

Décrite par Becker (1971), elle est de transmission autosomique récessive ou sporadique.

La consanguinité est fréquente.

La révélation est plus tardive que dans la forme précédente.

La maladie se manifeste habituellement entre 5 et 12 ans.

Le début est insidieux.

La myotonie porte sur les membres inférieurs, puis s’étend secondairement aux membres supérieurs et à la face.

Plus sévère qu’au cours de la maladie de Thomsen, elle s’accompagne d’épisodes généralisés de rigidité, survenant en particulier après une émotion ou une chute.

L’hypertrophie musculaire est beaucoup plus marquée qu’au cours de la maladie de Thomsen.

Les muscles sont fermes, mal relâchés, avec une limitation de la flexion dorsale des extrémités.

L’hypertrophie s’étend aux muscles masticateurs et cervicaux. Une faiblesse musculaire coexiste dans la moitié des cas. De siège proximal, elle est corrigée par l’exercice.

Parfois, elle s’associe à une atrophie distale des membres supérieurs, entraînant des difficultés de diagnostic avec la maladie de Steinert, particulièrement lorsque coexiste une atrophie des muscles de l’avant-bras et même des muscles sterno-cléido-mastoïdiens.

Une aréflexie est présente dans un tiers des cas. L’évolution générale se fait vers une aggravation vers 20 ou 30 ans.

L’EMG enregistre des averses myotoniques abondantes, mais parfois aussi des tracés myogènes sur le tracé volontaire, surtout sur les avant-bras, principalement s’ils sont atrophiques.

Aux fréquences de stimulation élevée du nerf moteur, l’amplitude de la réponse électrique diminue.

Ce décrément, souvent important dans les formes récessives avec faiblesse musculaire, est corrigé par l’exercice.

Indépendant d’un trouble de l’excitabilité nerveuse ou de la transmission neuromusculaire, il est à rattacher à la dépolarisation membranaire qui finit par aboutir à une inexcitabilité musculaire.

Une activité myotonique infraclinique est parfois enregistrée chez les sujets hétérozygotes.

La biopsie musculaire montre des images non spécifiques, au maximum des centralisations nucléaires, rarement des aspects dystrophiques dans les muscles de l’avant-bras.

C – DIAGNOSTIC DIFFÉRENTIEL :

Le diagnostic différentiel des myotonies congénitales se pose en général avec les myotonies dystrophiques.

Chez un adulte, il est en général facile de distinguer une myotonie congénitale d’une myotonie dystrophique au cours de laquelle le début est plus tardif ; la myotonie est en général modérée et prédomine sur les muscles de la main ; la faiblesse musculaire distale est importante et progressive ; des anomalies cardiaques, une cataracte et des anomalies systémiques sont habituelles ; la transmission est constamment de type autosomique dominant, l’anomalie génique portant sur le chromosome 19.

Une autre entité d’identification récente est le PROMM (proximal myotonic myopathy) décrite en 1994.

Il s’agit d’une affection autosomique dominante caractérisée par une myotonie, une faiblesse musculaire proximale, une cataracte, une possible atteinte cardiaque et un hypogonadisme.

Elle présente donc des similarités cliniques avec la maladie de Steinert, mais elle est souvent liée au chromosome 3q21 ; il s’agit d’une répétition de séquence CTG.

La myotonie clinique est moins franche dans le PROMM où elle est souvent fluctuante au cours du temps, y compris à l’EMG, et peut n’affecter que quelques muscles.

La faiblesse proximale et les douleurs musculaires sont les symptômes les plus fréquents.

Il n’y a pas d’atteinte intellectuelle, mais des anomalies diffuses de la substance blanche sur l’imagerie par résonance magnétique (IRM) cérébrale ont été rapportées chez quelques patients.

D – PHYSIOPATHOLOGIE :

Les MC sont des canalopathies chlore.

La myotonie est la conséquence d’une instabilité membranaire due à une diminution de la conductance du chlore (gCl).

La gCl, qui représente normalement 80 % de la conductance totale, s’abaisse ici à 20 % du fait de la réduction du nombre des canaux Cl-.

Cette réduction de gCl observée chez la chèvre myotonique se reproduit par blocage des canaux chlore par des acides aromatiques carboxyliques.

Lors de la propagation d’un potentiel d’action le long du tubule T, le K+ sorti de la fibre musculaire s’accumule à l’intérieur de ce dernier.

Chez un sujet normal, cette accumulation n’a pas d’effet dépolarisant grâce à l’entrée rapide, compensatoire, des ions Cldans la cellule, assurant un potentiel membranaire de repos.

En cas de réduction de la gCl, l’accumulation d’ions K+ n’est plus compensée.

Une dépolarisation membranaire survient, s’autoentretient, et crée un phénomène de postdépolarisation (after spasm) avec réactivation des canaux sodium, déclenchant un autre potentiel d’action.

Une correction secondaire se produit par mise en jeu de la pompe Na/K+ sensible au K+ réduisant l’accumulation de K+.

Le gène responsable de la MC, aussi bien dans la forme dominante que récessive, a été localisé sur le chromosome 7q35 contenant le gène humain CLC-1.

La détection d’une mutation au sein de la séquence codante du CLC-1 démontre qu’il est bien le gène responsable des deux formes, dominante et récessive, de la MC.

De nombreuses mutations ont par la suite été mises en évidence dans le gène CLC-1 :

– des mutations faux-sens, présentes à la fois dans les formes dominantes et récessives ;

– des mutations non-sens, ainsi que des délétions et des insertions entraînant soit un changement, soit un arrêt de la phase de lecture de l’acide ribonucléique (ARN) messager codant pour le canal chlore.

Le produit du CLC-1 est une protéine de 988 acides aminés d’une masse moléculaire de 110 kDa. La MC est une maladie due à la perte de fonction du canal chlore.

Les études de relation structurefonction du gène CLC-1 ont montré que le canal chlore fonctionne sous forme d’un oligomère, et qu’il suffit qu’une sous-unité soit porteuse d’une mutation faux-sens pour abolir l’activité de l’ensemble du tétramère, même si les autres sous-unités le composant sont normales.

Les mutations sont distribuées tout au long du gène, et peu d’entre elles sont communes à plusieurs familles.

Certaines mutations, notamment faux-sens, peuvent être mises en évidence dans les formes récessives ou dominantes.

La nature de la mutation ne permet pas de prédire le mode de transmission pour une famille donnée.

L’examen clinique et EMG des parents, et éventuellement des germains, contribue de façon plus efficace à l’établissement du mode de transmission de la maladie dans la famille étudiée.

Une grande prudence s’impose donc devant une forme sporadique, qui peut s’observer aussi bien dans le cadre d’une maladie dominante que récessive.

Le traitement des MC repose sur la prescription de médicaments diminuant, par des mécanismes encore mal compris, l’excitabilité de la membrane musculaire.

La méxilétine (Mexitilt), la carbamazépine (Tégrétolt) et la diphénylhydantoïne (Di-Hydant) sont efficaces sur les symptômes et signes des patients.

Paramyotonie congénitale et myotonie aggravée par le potassium (canalopathie sodium) :

Traditionnellement et historiquement séparées, ces deux affections ont été peu à peu rapprochées, en raison de formes cliniques de passage.

La génétique moléculaire les a définitivement associées en tant que variantes alléliques, lors de mutations géniques affectant une région précise du chromosome 17 et exprimées dans une même protéine : la sous-unité alpha du canal sodium voltage-dépendant, la première étant sensible à la température, la seconde sensible au potassium.

Elles sont groupées sous le terme de « complexe adynamie-paramyotonie ».

A – PARAMYOTONIE CONGÉNITALE (MALADIE D’EULENBURG) :

Les caractéristiques de la paramyotonie congénitale (PC) sont les suivantes :

– c’est une myotonie aggravée par l’effort (myotonie paradoxale) ;

– elle est en plus sensible au froid ;

– elle prédomine sur le visage et peut être plus discrète sur les membres ;

– des accès paramyotoniques suivis ou non d’une fatigue musculaire généralisée.

La PC débute dans l’enfance dès la naissance, sans amélioration avec l’âge, de transmission autosomique dominante.

On observe alors un aspect « d’yeux de Chinois ».

Celui-ci est essentiellement noté lors de l’exposition au froid. La myotonie des paupières entraîne un découvrement de la sclère lors du regard brusque vers le bas (lid-lag sign).

En plus des manifestations myotoniques, des accès de faiblesse musculaire transitoire sont provoqués par le froid. Deux tests diagnostiques peuvent être utilisés.

Le premier consiste à immerger l’avant-bras du patient dans de l’eau à 15 °C pendant une demi-heure.

On observe alors l’association d’une myotonie et d’un déficit moteur du côté du membre refroidi.

Le second consiste en l’ingestion de chlorure de potassium (3 g de KCl, puis 8 g de KCl une demi-heure après en absence de réponse clinique pour un adulte de 60 kg).

Le test est positif en cas d’aggravation franche de la myotonie.

Il permet de distinguer les myotonies du canal sodium de celles liées à des mutations du canal chlore.

La réponse au test de charge au potassium est inconstante dans les PC, au contraire des myotonies aggravées par le potassium (MAP).

L’accès est déclenché par le froid. Sa topographie cheiro-faciolinguale est particulière.

La main se place en attitude d’abduction du pouce et du cinquième doigt, et de flexion des articulations métacarpophalangiennes des deuxième, troisième et quatrième doigts.

À la face, le sourire se fige, l’ouverture des paupières est difficile, la langue devient dure.

Il se produit une dysphagie lors de l’absorption d’une glace, parfois une dysarthrie.

L’accès dure quelques minutes, rarement plus de 1 heure, et cède au réchauffement.

Il est parfois suivi d’une période de fatigue musculaire généralisée, donnant une parésie plutôt qu’une véritable paralysie flasque, susceptible de durer plusieurs jours.

Lorsque le membre supérieur est plongé dans l’eau à 12 °C, la myotonie est immédiate, suivie d’une paralysie après 30 minutes.

En dehors des accès, une myotonie, d’action ou de percussion, est présente sur les muscles des paupières, de la bouche, des loges péronières ou de la main, exagérée à l’exercice.

Des accès myotoniques localisés sont déclenchés par l’application d’un glaçon, sur la paupière ou sur la langue.

Les examens biologiques pendant l’accès montrent une augmentation du taux de créatine-kinase sérique et parfois, contrairement aux notions traditionnelles, une hyperkaliémie caractérisant les « paralysies périodiques paramyotoniques ».

De même, il est fréquent qu’une charge en potassium déclenche un accès.

L’EMG montre, dans l’intervalle des accès, des averses myotoniques diffuses, prédominant dans les muscles proximaux.

Celles-ci augmentent lorsqu’on abaisse la température, deviennent maximales à 29 °C, et sont suivies par un silence électrique à 18 °C.

L’amplitude de la réponse évoquée par stimulation à 25 ou 50 Hz est réduite du fait de l’anomalie membranaire.

La biopsie musculaire montre des anomalies peu spécifiques : inégalité de taille des fibres, centralisations nucléaires, faible différenciation des types de fibres.

L’évolution générale ne se fait habituellement pas vers l’amélioration. L’évolution des accès est souvent dissociée.

Tandis que la paramyotonie disparaît au réchauffement, une position bizarre des membres persiste, parfois pendant des heures.

L’accès paralytique dure quelques heures, parfois un à plusieurs jours.

À la longue, des périodes prolongées de paralysies indépendantes du froid, dites parfois paralysies périodiques paramyotoniques, sont susceptibles de s’installer.

B – MYOTONIES AGGRAVÉES PAR LE POTASSIUM (MYOTONIA FLUCTUANS ; MYOTONIA PERMANENS ; MYOTONIE CONGÉNITALE SENSIBLE À L’ACÉTAZOLAMIDE) :

Les MAP se distinguent des PC par la moindre sensibilité au froid de la myotonie, la plus grande constance des manifestations myotoniques, et l’absence de faiblesse musculaire.

Toutefois, la myotonie peut fluctuer d’un jour à l’autre.

Les PC et les MAP ont pour particularité une grande variabilité clinique, dans l’intensité des manifestations cliniques et la topographie des muscles touchés.

Un certain nombre de cas particuliers doivent être connus.

La myotonie est parfois si intense qu’elle en impose alors pour un syndrome de Schwartz-Jampel.

Le test de charge au potassium est alors contre-indiqué, en raison du risque de myotonie diaphragmatique.

La myotonie diaphragmatique peut être la seule manifestation clinique pouvant conduire à des accès dyspnéiques, lors de tentatives d’intubation ou d’explorations fonctionnelles respiratoires.

La myotonie peut s’exprimer préférentiellement sur les muscles pharyngés, à l’origine d’une dysphagie à la glace.

Dans certains cas, des myalgies peuvent s’associer aux manifestations myotoniques.

Comme dans toutes les maladies des canaux ioniques, les désordres hydroélectrolytiques et l’utilisation d’anesthésiques dépolarisants de membrane peuvent être source d’aggravation des signes et symptômes.

Ainsi, un trismus ressemblant à celui observé au cours de l’hyperthermie maligne peut s’observer lors de l’anesthésie de patients porteurs d’une mutation du canal sodium.

C – PARALYSIE PÉRIODIQUE HYPERKALIÉMIQUE (MALADIE DE GAMSTORP) :

La paralysie périodique hyperkaliémique (PPhyperK) est actuellement indissociable, du fait des acquisitions de la biologie moléculaire, de la PC.

La maladie de Gamstorp (1956) est caractérisée par des accès paralytiques rapidement résolutifs régressant avec l’âge.

La maladie débute dans la deuxième enfance ou l’adolescence.

La fréquence des crises est maximale entre 15 et 25 ans, et décroît après 30 ans.

La transmission génétique est autosomique dominante.

La PPhyperK présente trois variantes distinctes :

– sans myotonie ;

– avec myotonie ;

– avec paramyotonie.

L’accès est déclenché par un court repos après un exercice important.

Il peut être provoqué par le froid ou le jeûne glucidique.

L’attaque débute par des acroparesthésies des membres, avec paresthésies péribuccales.

Un léger exercice musculaire, ou l’ingestion de glucides, peuvent prévenir le passage au stade suivant, adynamique.

Sinon, la paralysie débute aux extrémités, puis atteint les muscles des ceintures, ceux de la nuque, peut intéresser les muscles innervés par les nerfs crâniens, rarement les muscles respiratoires.

L’accès dure d’une dizaine de minutes à 1 heure, et s’accompagne d’un malaise général intense.

Pendant l’accès, les réflexes tendineux sont abolis.

Il existe une hyperkaliémie (6 à 7 mmol) par fuite du potassium dans le plasma, avec hyperkaliurie responsable de modifications électrocardiographiques (T ample et pointu).

L’EMG montre parfois des averses myotoniques. Le muscle est inexcitable lors de la stimulation. Entre les accès, la myotonie, pratiquement constante, variable selon les familles, prédomine sur la face, la langue, l’éminence thénarienne.

L’EMG montre fréquemment des décharges myotoniques.

Des myalgies sont parfois persistantes. Une hypertrophie des mollets est fréquente.

Une faiblesse musculaire et parfois une amyotrophie surviennent tardivement, après 40 ans.

L’accès d’adynamie peut être déclenché par une charge en potassium (4 à 6 g de KCl per os), ou réduit par l’injection de calcium intraveineux.

Une charge en glucose avec ou sans insuline, avant le test de charge en potassium, prévient ou réduit considérablement l’accès.

L’évolution générale se fait vers l’amélioration. Le début, entre 5 et 10 ans, a parfois été précédé de périodes d’hypotonie précoce, de faiblesse musculaire ou de fixité du regard au froid.

Les accès sont brefs, résolus en 10 à 20 minutes, et reproduits plusieurs fois dans la journée.

Une aggravation est habituelle à la puberté. Les accès deviennent plus brefs et plus sévères.

La gravité est maximale entre 15 et 35 ans. Puis une amélioration apparaît.

Les thérapeutiques de l’accès sont diverses : boissons sucrées, en évitant les jus de fruit contenant du potassium, parfois perfusions de glucose et injection d’insuline, gluconate de calcium, produits évitant la fuite de calcium (adrénaline), tolbutamide, inhalation de salbutamol.

Le traitement préventif augmente la diurèse du potassium.

D – VARIANTES DE CANALOPATHIES SODIUM :

Rosenfeld et al ont rapporté récemment la première mutation dans le segment D1 du SCN4A, qui était associée à une forme douloureuse de PC. Jurkat-Rott et al ont rapporté des cas de paralysie périodique hypokaliémique (PPhypoK) par mutation SCN4A.

En effet, la PPhypoK est transmise sur un mode autosomique dominant mais parfois sporadique.

La localisation génique est sur le chromosome 1 (1 q3 1 -q32).

Le produit génique est le récepteur dihydropyridine du canal calcium.

Une deuxième étude a confirmé ces données, et a estimé qu’environ 10 % des PPhypoK sont liés à une mutation SCN4A.

E – PHYSIOPATHOLOGIE :

Le canal sodium, fait de protéines membranaires responsables de la génération de potentiels d’action musculaire, contient une grande sous-unité alpha support de cette activité, la sous-unité bêta ayant un effet sur l’amplitude et surtout sur la vitesse d’inactivation.

Les protéines codées par le gène du canal sodium contiennent quatre domaines qui modulent le flux ionique.

Dans la paramyotonie d’Eulenburg, le potentiel de repos est normal (-80 mV) à 37 °C.

Si la température s’abaisse, les fibres se dépolarisent. Une activité spontanée apparaît à -60 mV.

La dépolarisation s’étend à toutes les fibres à -40 mV. Puis les fibres deviennent inexcitables.

Ce phénomène de dépolarisation au froid est prévenu par blocage des canaux sodium voltage-dépendants grâce à la tétrodotoxine.

On l’interprète donc comme une sensibilité anormale au froid des canaux sodium, avec une augmentation de la conductance du sodium (gNa) température-dépendante.

La conductance du sodium, qui est normale à 37 °C, s’élève anormalement à 27 °C (de même que la conductance du chlore), alors que la conductance du potassium reste normale.

Ainsi, dans la paramyotonie, la dépolarisation et l’inexcitabilité des fibres sont liées à des anomalies température-dépendantes des canaux sodium.

Au cours de la maladie de Gamstorp, le potentiel membranaire de repos est anormalement bas (-46 mV) et déplacé vers le seuil de dépolarisation membranaire spontané entre les accès, en raison de l’augmentation de concentration du potassium extracellulaire.

Dans les formes avec myotonie, l’augmentation de concentration de potassium in vitro entraîne une dépolarisation, puis une inexcitabilité des fibres, qui est bloquée par la tétrodotoxine.

Ce phénomène indique une anomalie des canaux sodium, avec une augmentation anormale de la conductance du sodium avec la dépolarisation.

Les études de « patch clamp » montrent l’augmentation du nombre de canaux sodium ouverts ou l’augmentation de leur temps d’inactivation rapide, ou les deux phénomènes.

Ceci explique la dépolarisation persistante et l’hyperexcitabilité membranaire.

Les ions sodium continuent à pénétrer dans la fibre à travers les canaux non inactivés, et entretiennent ainsi la dépolarisation.

Ceci, en retour, provoque l’inactivation des canaux sodium normaux, ce qui est à l’origine d’une inexcitabilité des fibres et d’une paralysie.

Parallèlement à l’entrée du sodium, de l’eau entre dans la fibre, causant une hémoconcentration et une augmentation de la concentration sérique du potassium qui, à son tour, atteint les fibres musculaires dont le potentiel de repos est élevé.

Une paralysie en résulte.

Enfin, l’excrétion urinaire de potassium augmente.

F – GÉNÉTIQUE :

Le gène de la sous-unité alpha du canal sodium voltage-dépendant du type IV est localisé sur le bras long du chromosome 17 (q23.1- q25.3).

L’identification de polymorphismes de restriction à l’intérieur du gène a démontré une liaison génique à 17q23.1-q35.3 entre le gène et le phénotype PC, MAP ou PPhyperK.

Au total, une vingtaine de mutations ponctuelles ont été décrites dans le gène SCN4A.

Le produit du SCN4A est une protéine constituée de 1836 acides aminés.

Les mutations de la PC (segments S3 ou S4 domaine IV, ou boucle entre les domaines III et IV) et de la maladie de Gamstorp (segment S5 du domaine II et segment S6 du domaine IV) ont été déterminées.

Il s’agit souvent du remplacement de thréonine par de la méthionine.

Dans les deux maladies, la sous-unité alpha du canal sodium est anormalement inactivée, et le canal reste trop longtemps ouvert.

L’influx de sodium entraîne un efflux de potassium.

Les deux formes de la maladie sont des variations alléliques de mutation à l’intérieur du même gène du canal sodium.

Selon le type de mutation se produit, soit l’hyperactivité électrique de la PC, soit la MAP et la PPhyperK.

Ce concept clarifie la confusion qui régnait à propos de la nosologie de ces maladies.

L’augmentation, même modérée, du taux de potassium extracellulaire (par l’effort musculaire par exemple) dépolariserait la membrane de la fibre musculaire.

Les canaux mutés, s’inactivant anormalement, provoqueraient une fuite de sodium conduisant à maintenir une dépolarisation membranaire.

Cette hyperexcitabilité membranaire conduirait à une myotonie.

Une dépolarisation plus importante de la membrane musculaire, par exemple lors d’un effort musculaire intense, activerait de façon prolongée l’ensemble des canaux sodium en raison du défaut d’inactivation des canaux mutés.

Cette inactivation massive des canaux se traduirait par un accès de paralysie.

Le diagnostic moléculaire des myotonies du canal sodium est utile, en raison de la variabilité de la symptomatologie, source de difficultés diagnostiques, et à titre présymptomatique en raison des précautions anesthésiques à prendre.

G – SYNTHÈSE PATHOGÉNIQUE :

La synthèse des données électrophysiologiques et génétiques débouche sur un modèle pathogénique.

La sous-unité alpha du canal sodium qui comporte le changement d’acide aminé est anormalement inactivée.

Le canal s’ouvre normalement, mais reste ouvert pendant une période prolongée.

À l’état normal, 1 % des canaux sodium fonctionne ainsi sur le mode « non inactivé ». Une mutation augmente la proportion des canaux fonctionnant sur le mode « non activé ».

Il suffit que 2 % des canaux fonctionnent ainsi pour que des courants ioniques pathologiques soient générés.

Cet influx de sodium abaisse le potentiel membranaire de repos, augmentant ainsi l’excitabilité du muscle, et créant une myotonie.

L’influx anormal de sodium entraîne réciproquement un efflux anormal de potassium, une diffusion de l’excès de potassium audelà du tubule T.

Ces perturbations ioniques retentissent sur le potentiel membranaire de repos.

Deux seuils sont critiques :

– un premier seuil de dépolarisation membranaire potassiumdépendant dans le tubule T, au-dessus duquel surviennent des potentiels d’action répétitifs et une myotonie (-50 mV) ;

– un second seuil de potentiel de membrane, au-dessous duquel la membrane devient inexcitable et une paralysie se produit (-40 mV).

Les facteurs exogènes, comme le repos après exercice, l’absorption de potassium, le froid, agissent en modifiant le potentiel membranaire de la fibre musculaire.

Par exemple, une chute de 10 °C dans la température musculaire peut entraîner une chute de 3,3 mV dans le potentiel membranaire, selon l’équation de Nernst.

Un tel effet n’a pas de conséquence sur un muscle normal.

En revanche, sur un muscle dont les canaux sodium fonctionnent anormalement, le seuil myotonique peut être atteint.

Il apparaît donc que les diverses formes de maladie de Gamstorp et de maladie d’Eulenburg sont des variations alléliques de mutations à l’intérieur du même gène du canal sodium.

Selon le type de mutation se produit, soit l’hyperactivité électrique de la maladie d’Eulenburg, soit la paralysie intermittente de la maladie de Gamstorp.

Ce concept clarifie la confusion qui régnait à propos de la nosologie de ces maladies.

De la substitution de tel ou tel aminé dépend un mécanisme similaire produisant un état tantôt hyperexcitable, tantôt hypoexcitable de la membrane musculaire.

Le traitement des PC et des MAP repose sur l’association d’acétazolamide (Diamoxt) et de méxilétine (Mexitilt), efficaces dans plus de 90 % des cas.

Chondrodystrophie myotonique de Schwartz-Jampel :

Très différent des précédents, de transmission autosomique récessive, ce syndrome est caractéristique dès la petite enfance.

À l’extrémité céphalique, le rétrécissement de la fente palpébrale se fait dans les deux sens, vertical et horizontal.

Il s’agit d’un blépharophimosis, d’un blépharospasme ou d’un ptosis.

Les anomalies oculaires sont inconstantes : cataracte, subluxation du cristallin, strabisme.

L’implantation des oreilles et des cheveux est basse. Le front est bas et lisse.

Les joues sont rondes et saillantes.

La bouche est petite. Les lèvres sont pincées. Le menton est fuyant, plissé.

Un retard statural s’associe à des malformations multiples et variées : microcéphalie, voûte ogivale, aplasie laryngée avec voix nasillarde, aiguë, cou court, thorax en carène, épaules en avant, clavicules sinueuses, cyphoscoliose, hernies, anomalies coxales (coxa vara ou valga), anomalies de la tête fémorale, anomalies des os longs en haltère, pieds en varus équin.

Parfois sont signalés des souffles cardiaques, une hyperthermie maligne.

Une hypertrophie diffuse est à l’origine d’un aspect herculéen.

Les muscles sont enraidis, tendus et fermes, limitant l’ampleur des mouvements, rendant la marche lente et laborieuse, le sujet étant penché en avant, les genoux et les coudes fléchis.

La myotonie est spontanée ou mécanique.

L’EMG montre à la fois une myotonie spontanée et une pseudomyotonie.

Cette activité ne disparaît pas lors du sommeil, ni après curarisation, ni après benzodiazépines.

La biopsie musculaire ne comporte que des anomalies non spécifiques.

La physiopathologie est mal connue.

La localisation chromosomique est 1 p34-p36-1.

Le syndrome de Schwartz-Jampel est classé en S J S1 débutant dans l’enfance (avec deux sous-groupes S J S1 A à prédominance myotonique et S J S1 B chondrodysplasique), et S J S2 plus sévère, dès la naissance, évoluant rapidement vers la mort.

Le locus de S J S1 est situé sur le chromosome 1.

La protéine est le perlecan, un protéoglycane présent dans la membrane basale et la matrice extracellulaire jouant un rôle important dans la distribution d’acétylcholinestérase à la jonction neuromusculaire.

Les mutations du gène HSPG2 sont à l’origine de S J S1.

Conclusion :

Les syndromes myotoniques non dystrophiques sont dus à des mutations des canaux ioniques :

– canal chlore pour les myotonies congénitales : le non-fonctionnement de ce canal entraîne une hyperexcitabilité de la membrane de la fibre musculaire ;

– canal sodium pour la paramyotonie congénitale et la myotonie aggravée par le potassium : l’inactivation massive du canal sodium entraîne une paralysie ; l’inactivation partielle une myotonie.

Myotonie congénitale : il existe une forme dominante et une forme récessive ; le gène CLC-1 est situé sur le chromosome 7.

Ce sont les examens cliniques et électromyographiques, plus que l’étude en biologie moléculaire, qui permettent d’établir le mode de transmission génétique.

La paramyotonie congénitale entraîne une myotonie aggravée par l’effort et par le froid.

Le froid peut être aussi responsable d’un accès de faiblesse majeure.

Une charge en potassium augmente inconstamment les symptômes.

La myotonie aggravée par le potassium est moins sensible au froid que la paramyotonie, et il n’existe pas de faiblesse musculaire.

L’anomalie génétique se situe sur le gène SCN4A sur le chromosome 17.

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