Mycoses osseuses et articulaires

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Introduction :

A – CLASSIFICATION :

Les infections ostéoarticulaires à champignons sont des infections peu fréquentes.

On peut distinguer schématiquement les infections ostéoarticulaires apparaissant lors d’une dissémination hématogène du champignon et les infections après inoculation traumatique.

1- Infections d’origine hématogène :

Mycoses osseuses et articulairesParmi les infections ostéoarticulaires fongiques d’origine hématogène, il existe deux groupes de champignons :

– un premier groupe est composé de champignons cosmopolites saprophytes (Candida spp., Cryptococcus neoformans, Aspergillus spp.) qui se développent généralement chez l’immunodéprimé en présence de conditions favorables (antibiothérapie, traitement immunosuppresseur, cathéter…) ; la fréquence de ces mycoses, le plus souvent iatrogènes, est actuellement en augmentation avec l’avancée des techniques invasives et des moyens thérapeutiques.

Ces champignons ne possèdent pas un tropisme osseux très prononcé, mais peuvent s’y développer à l’occasion d’une majoration de l’immunodépression et d’une dissémination de la maladie ;

– le deuxième groupe de champignons à dissémination hématogène regroupe des champignons pathogènes qui ont une répartition géographique limitée, tropicale ou subtropicale (Histoplasma spp., Blastomyces dermatitidis, Coccidioides immitis).

Ces mycoses systémiques ont toutes une porte d’entrée respiratoire.

Des localisations osseuses, plus rarement ostéoarticulaires, peuvent se constituer lors de la phase de dissémination. Histoplasma duboisii, agent de l’histoplasmose africaine, et Blastomyces dermatitidis ont une affinité particulière pour le tissu osseux.

Ces infections peuvent être diagnostiquées chez des migrants, mais aussi chez des voyageurs, se rendant le plus souvent pour des séjours prolongés en zone d’endémie.

2- Infections par inoculation :

Les infections osseuses par inoculation traumatique sont dues à des champignons qui vivent dans le sol et/ou les végétaux.

Dans ce groupe d’infections, on trouve essentiellement les mycétomes fongiques, la sporotrichose, ainsi que les champignons noirs (dématiés).

B – MANIFESTATIONS CLINIQUES, RADIOLOGIQUES ET BIOLOGIQUES :

1- Manifestations cliniques :

Le diagnostic d’infection osseuse et/ou articulaire à champignon doit être évoqué chez un sujet ayant une lésion osseuse et/ou articulaire d’allure infectieuse, d’évolution lente et subaiguë, dont les prélèvements usuels bactériologiques restent négatifs.

La symptomatologie clinique est proche de celle des infections ostéoarticulaires bactériennes subaiguës, notamment mycobactériennes.

Les tableaux aigus septicémiques sont rares.

Certains terrains prédisposent à la survenue d’une infection à champignon opportuniste, comme l’immunodépression (syndrome d’immunodéficience humaine, greffe d’organes, polyarthrite rhumatoïde, diabète, éthylisme…) et les pathologies malignes, ce d’autant que se surajoutent des facteurs favorisants (antibiothérapie prolongée, alimentation parentérale, chimiothérapie, corticothérapie, cathéter…).

Des infections à champignons « exotiques » doivent être suspectées chez des patients ayant fait un séjour dans une zone d’endémie avec inoculation traumatique même très ancienne, ou inhalation d’un agent pathogène.

2- Manifestations radiologiques :

Les lésions sont volontiers ostéolytiques, mais restent peu spécifiques.

Comme le diagnostic est souvent tardif, on observe des lésions évoluées, très destructrices avec des abcès des parties molles et une importante périostose.

Le scanner permet de bien définir les modifications osseuses et l’imagerie par résonance magnétique (IRM) apprécie mieux les abcès, leur étendue et leur localisation.

Ces examens sont très utiles avant de réaliser un geste chirurgical.

3- Signes biologiques :

Il existe souvent un syndrome inflammatoire non spécifique, mais la vitesse de sédimentation (VS) et la C-reactive protein (CRP) peuvent être normales, en particulier chez le sujet immunodéprimé.

C – MÉTHODES DIAGNOSTIQUES : GÉNÉRALITÉS

1- Mise en évidence et identification du champignon :

Le diagnostic de mycose ostéoarticulaire repose essentiellement sur la mise en évidence du champignon à l’examen direct, en culture et/ou sur coupes histologiques.

Cela nécessite des colorations spécifiques et des conditions de culture particulières que le clinicien doit demander systématiquement en cas de lésions ostéoarticulaires traînantes ou si les prélèvements bactériologiques « usuels » sont négatifs.

Il faut donc souligner l’importance de fournir au biologiste des renseignements épidémiologiques et cliniques rigoureux lors de la recherche d’une mycose ostéoarticulaire.

En raison de leur grande taille, les champignons peuvent être aisément vus dans les prélèvements pathologiques (liquide articulaire, tissu osseux, synoviale…) :

– à l’état frais entre lame et lamelle après coloration (noir de chloral, bleu coton, bleu de tachophénol, bleu de toluidine) ;

– sur frottis de produit pathologique après coloration classique (May-Grünwald-Giemsa) ou spéciale (coloration argentique, acide périodique de Schiff [PAS]) ;

– sur des coupes histologiques : les infections fongiques provoquent une réaction cellulaire granulomateuse, épithélioïde.

Au sein de ce granulome, les champignons peuvent être visibles après coloration argentique ou au PAS.

La culture doit être réalisée sur milieu spécifique (milieu de Sabouraud), parfois sur milieu enrichi en sang.

L’incubation à température ambiante, à 30° et 37 °C doit être prolongée.

La culture permet l’identification exacte du champignon.

Il n’y a, en revanche, aucune justification de réaliser de manière systématique un antifongigramme au cours d’une infection ostéoarticulaire d’origine fongique.

Sa réalisation peut s’avérer nécessaire en cas de difficultés thérapeutiques.

L’interprétation et le choix des molécules antifongiques doivent alors être faits en milieu spécialisé.

2- Autres moyens diagnostiques :

* Recherche d’antigène :

La recherche d’antigène dans le sang a une excellente sensibilité et spécificité pour le diagnostic des cryptococcoses disséminées.

Elle est également intéressante pour le diagnostic des infections invasives à Aspergillus chez les patients neutropéniques ou allogreffés de moelle.

La recherche de l’antigène de Candida spp. est intéressante lorsqu’elle est couplée à la recherche d’anticorps antimannanes (kit Pastorex Candidat).

La recherche de l’antigène d’Histoplasma capsulatum est disponible aux États-Unis avec une grande sensibilité, mais ne l’est pas en Europe.

* Sérologies :

La recherche d’anticorps peut être très utile pour le diagnostic des mycoses exotiques systémiques (histoplasmose, blastomycose, coccidioïdose, paracoccidioïdose).

Dans l’aspergillose invasive, les sérologies sont souvent mises en défaut du fait de l’immunodépression sous-jacente.

* Tests cutanés :

Les tests cutanés explorent l’immunité cellulaire selon le principe de l’intradermoréaction.

Ils ne sont pas utiles pour le diagnostic des mycoses, car ne permettent pas de déterminer le caractère récent ou ancien de l’infection.

Leur intérêt est essentiellement épidémiologique.

Infections osseuses et articulaires d’origine fongique :

A – INFECTIONS À CHAMPIGNONS COSMOPOLITES OPPORTUNISTES :

1- Candidoses ostéoarticulaires :

Les Candida sont des levures cosmopolites, devenant pathogènes en présence de conditions particulières, favorables à leur développement (antibiothérapie prolongée, traitement immunosuppresseur, cathéter…) chez des patients immunodéprimés.

En effet, l’immunité cellulaire joue un rôle majeur dans la défense contre les infections à Candida et plus particulièrement les polynucléaires neutrophiles.

Plusieurs formes cliniques d’infections ostéoarticulaires à Candida sont décrites.

* Arthrites à « Candida » chez le nouveau-né :

Il s’agit d’une atteinte exclusivement articulaire, atteignant essentiellement le genou, plus rarement la hanche, l’épaule, le coude ou les chevilles.

L’atteinte peut être unique ou multifocale avec des atteintes bilatérales aux genoux.

Candida albicans est l’espèce la plus souvent isolée.

La porte d’entrée est digestive, puisque Candida albicans peut coloniser le tube digestif dès les premières heures de la vie.

Une pathologie sévère sous-jacente et des facteurs de risque d’infection fongique (antibiothérapie à large spectre, alimentation parentérale, cathéter ombilical) sont habituellement présents.

* Arthrites et ostéoarthrites à « Candida » de l’enfant et de l’adulte :

Ces atteintes ostéoarticulaires apparaissent au décours d’une candidémie à point de départ digestif ou génito-urinaire sur un terrain prédisposé (immunodépression, cancer, polyarthrite rhumatoïde) associé à des facteurs de risque d’infections fongiques (antibiothérapie prolongée, alimentation parentérale, cathéter, chimiothérapie…).

Le tableau est le plus souvent celui d’une monoarthrite aiguë atteignant surtout le genou et la hanche, plus rarement le coude, l’épaule, le métacarpe.

L’os peut également être atteint avec des localisations fréquemment multiples (côtes, sternum, humérus, maxillaire). De très rares cas d’arthrites faisant suite à une injection intra-articulaire de corticoïdes ont été décrits.

* Spondylodiscites à « Candida » :

Les spondylodiscites à Candida sont une complication tardive des candidémies et se manifestent donc à distance de celles-ci (environ 2 à 5 mois après).

Les signes cliniques et radiologiques ne sont pas spécifiques.

Il s’agit le plus souvent d’une douleur rachidienne d’horaire inflammatoire associée ou non à de la fièvre.

Les localisations vertébrales sont dorsales, lombaires, plus rarement cervicales ou plurifocales.

Les complications neurologiques sont rares.

La nature fongique doit être évoquée en présence d’un terrain particulier (usager de drogues par voie intraveineuse, immunodépression iatrogène, hémopathie et cancer…), de prélèvements sans germes isolés et d’une candidémie dans les mois précédents.

Elle doit être confirmée par la culture et/ou l’examen histologique d’une ponction-biopsie vertébrale.

Candida albicans est l’espèce la plus souvent isolée, mais d’autres Candida (tropicalis, parapsilosis…) ont été observés.

* Localisations ostéoarticulaires au cours de septicémie à « Candida » chez le toxicomane :

Drouhet et al ont décrit, en 1981, un tableau original de candidose disséminée survenant chez le toxicomane.

Il s’agissait de patients injecteurs d’héroïne par voie intraveineuse se présentant avec une fièvre élevée et des frissons apparus quelques heures après une injection.

Plusieurs jours après apparaissaient des lésions cutanées douloureuses, nodulaires, pustuleuses et/ou folliculaires, siégeant sur le cuir chevelu, la barbe, le pubis, le visage ou le corps.

Une localisation oculaire, de type choriorétinite, était associée chez 40 % des patients, ainsi que des lésions ostéoarticulaires chez un quart d’entre eux.

Ces atteintes ostéoarticulaires se manifestaient à distance des lésions cutanées (2 semaines à 5 mois).

Ont été observées des localisations vertébrales, chondrocostales, sternoclaviculaires, sacro-iliaques et du genou.

Elles étaient le plus souvent uniques, mais des localisations multiples ont été décrites.

Candida albicans était la seule espèce isolée.

L’hypothèse avancée pour expliquer l’émergence sur un mode épidémique de ce syndrome était la contamination par la salive, utilisée pour dissoudre une héroïne importée d’Iran à cette époque.

* Infections sur prothèse à « Candida » :

Les infections de prothèses articulaires à Candida restent rares puisque seuls 30 cas sont actuellement publiés dans la littérature.

On estime qu’elles sont responsables d’environ 1 % des infections sur prothèses.

Il s’agit essentiellement de patients ayant un âge avancé et des pathologies sous-jacentes comme la polyarthrite rhumatoïde, l’arthrose, le diabète, facteurs de risque que l’on retrouve chez beaucoup de patients porteurs de prothèses articulaires.

Plus rarement, ce sont des patients toxicomanes ou immunodéprimés (transplantation hépatique, infection par virus de l’immunodéficience humaine [VIH]…).

Les prothèses infectées sont essentiellement localisées au genou et à la hanche.

Candida albicans est l’espèce la plus souvent isolée, mais aussi Candida parapsilosis, Candida tropicalis, et Candida glabrata.

+ Diagnostic :

Le diagnostic d’infection à Candida est établi sur l’isolement du champignon en culture sur milieu spécifique dans les prélèvements osseux et/ou articulaires.

Les hémocultures sont rarement positives.

La recherche de l’antigène ou d’anticorps antimannanes n’a pas été évaluée spécifiquement dans ce type d’infection.

+ Traitement antifongique :

Le traitement antifongique de référence reste l’amphotéricine B plus ou moins associée à la flucytosine.

La durée optimale du traitement n’est pas connue.

Elle doit toujours être prolongée de plusieurs semaines à plusieurs mois.

Le fluconazole seul en première intention ou en relais de l’amphotéricine B, associé ou non à la flucytosine, est également efficace lorsque le champignon est sensible, puisque la diffusion ostéoarticulaire est excellente.

Il a été utilisé au cours d’arthrites, d’ostéites, de spondylodiscites à Candida et d’infection sur prothèse.

Il est utilisé à la dose de 400 mg/j pour une durée prolongée, allant jusqu’à 6 mois dans les spondylodiscites.

L’efficacité des nouveaux antifongiques (voriconazole, caspofungine) dans les infections ostéoarticulaires à Candida est mal documentée.

L’association à un traitement chirurgical est très souvent nécessaire en cas d’ostéite ou de spondylodiscite.

En cas d’infection sur prothèse, un changement de la prothèse est indispensable.

Une réimplantation à distance sans rechute a été décrite chez huit patients.

Le drainage articulaire, complété ou non par une synovectomie, doit être pratiqué en cas d’arthrite fongique.

2- Cryptococcoses ostéoarticulaires :

Cryptococcus neoformans est un champignon cosmopolite opportuniste devenant pathogène sur terrain immunodéprimé, en particulier chez les patients infectés par le VIH et les greffés sous traitement immunosuppresseur.

La porte d’entrée est le plus souvent pulmonaire, mais de rares cryptococcoses cutanées primitives d’inoculation sont rapportées.

La localisation la plus fréquente et la plus grave est l’atteinte du système nerveux central.

Typiquement, le tableau est celui d’une méningoencéphalite le plus souvent subaiguë, mais parfois rapidement mortelle en cas d’hypertension intracrânienne.

Les localisations osseuses sont rares.

Elles touchent essentiellement les vertèbres, mais aussi les os plats et moins souvent les os longs.

Les lésions sont ostéolytiques avec une réaction périostée modérée.

Elles se voient au cours des formes disséminées chez le patient immunodéprimé dans environ 5 à 10% des cas.

Elles sont alors associées à d’autres localisations, en particulier cutanées.

Les atteintes osseuses isolées sont beaucoup moins fréquentes.

Elles peuvent se voir chez des patients atteints de pathologies ou recevant des traitements immunosuppresseurs (sarcoïdose, tuberculose, corticothérapie, diabète…), mais aussi en absence de déficit immunitaire.

De rares cas d’infections osseuses localisées ont été décrits après injection intra-articulaire de corticoïdes.

Les arthrites sont encore plus exceptionnelles. L’atteinte articulaire est le plus souvent unique.

Le genou est la localisation la plus fréquente.

Un cas d’arthrite du coude associée à une tendinite et ténosynovite de l’avant-bras avec syndrome du canal carpien a été décrit tout récemment.

Le diagnostic repose sur l’examen direct avec coloration par l’encre de Chine, PAS ou Gomori-Grocott, d’un prélèvement osseux ou articulaire, montrant la présence de levures encapsulées.

La culture sur milieu de Sabouraud confirme le diagnostic.

La recherche d’antigène cryptococcique dans le sang et dans le liquide céphalorachidien (LCR) est un excellent marqueur d’infection disséminée.

L’amphotéricine B associée à la flucytosine reste le traitement de référence des atteintes disséminées.

Le fluconazole à la dose de 400 à 800 mg/j, est utilisé le plus souvent en relais, mais parfois d’emblée en l’absence d’atteinte méningée.

Un drainage chirurgical du foyer osseux est en général nécessaire.

3- Aspergillose ostéoarticulaire :

Aspergillus est un champignon filamenteux, cosmopolite, à tropisme pulmonaire. L’espèce la plus souvent isolée en pathologie humaine est Aspergillus fumigatus, mais d’autres espèces ont été décrites comme responsables d’infections ostéoarticulaires, comme Aspergillus flavus ou Aspergillus nidulans.

Les localisations osseuses sont rares.

Il s’agit le plus souvent d’atteinte par contiguïté à partir d’un foyer de voisinage : côtes ou sternum dans l’aspergillose pulmonaire, maxillaire dans l’aspergillose sinusienne, et même le rachis à partir d’un abcès sur prothèse aortofémorale.

Des infections ostéoarticulaires après inoculation traumatique ont également été décrites : au rachis après infiltration de corticoïdes, laminectomie ou cure de hernie discale ; aux os du crâne après traumatisme crânien ; au tibia après infiltration locale de cortisone.

Des localisations multiples (vertébrales, costales) par dissémination hématogène chez l’immunodéprimé sont moins fréquentes.

L’atteinte articulaire isolée est exceptionnelle.

Le diagnostic repose sur l’isolement du champignon en culture ou sa mise en évidence dans les biopsies osseuses.

La sérologie aspergillaire est rarement positive.

L’antigène aspergillaire est utile dans le diagnostic des formes invasives.

L’amphotéricine B restait, jusqu’à une date récente, le traitement de référence, la flucytosine étant rarement efficace in vitro sur Aspergillus sp.

L’itraconazole a été utilisé seul ou après un traitement d’attaque par amphotéricine B avec succès.

Il peut être utilisé en première intention chez des patients pas ou peu immunodéprimés et lorsque l’infection n’est pas disséminée.

La durée doit être prolongée de plusieurs mois.

Le plus souvent, un geste chirurgical est nécessaire et doit être complété d’un traitement antifongique.

De rares cas d’aspergillose osseuse traités avec succès par itraconazole seul, sans excision chirurgicale, ont été rapportés. Les nouveaux antifongiques (voriconazole, caspofungine) présentent une activité importante sur Aspergillus sp.

Le voriconazole a pu être utilisé avec succès dans quelques observations d’atteinte osseuse aspergillaire.

B – INFECTIONS À CHAMPIGNONS « EXOTIQUES » :

1- Dissémination hématogène :

* Histoplasmose ostéoarticulaire :

Il existe deux formes d’histoplasmose, différant par leur répartition géographique et leur présentation clinique : une forme cosmopolite, surtout rencontrée sur le continent américain, due à Histoplasma capsulatum qui a un tropisme essentiellement pulmonaire ; une forme limitée géographiquement au continent africain, due à Histoplasma duboisii, dont les cibles sont le système des phagocytes mononucléés, la peau et le tissu osseux.

+ Histoplasmose à « Histoplasma capsulatum » :

La porte d’entrée est essentiellement pulmonaire (inhalation de spores). Les manifestations de la primo-infection associent de la fièvre, des signes respiratoires (douleurs, toux, hémoptysie, dyspnée) et dans 10 % des cas des arthralgies, une polyarthrite et/ou un érythème noueux.

Cette phase peut être suivie d’une phase de dissémination polyviscérale (foie, rate, ganglions, système nerveux central, tube digestif, coeur…) chez le sujet immunodéprimé.

L’atteinte osseuse ou articulaire peut alors être observée, mais reste exceptionnelle.

Il s’agit de localisations osseuses multiples, souvent lytiques ou d’ostéoarthrites mono- ou pauciarticulaires.

+ Histoplasmose à « Histoplasma duboisii » :

La porte d’entrée est digestive ou cutanée. Histoplasma duboisii à un tropisme osseux et cutané très prononcé.

L’atteinte ostéoarticulaire peut toucher les genoux, les coudes, les poignets, les côtes, le sternum, le maxillaire, mais aussi les vertèbres.

La présentation clinique et radiologique des lésions est très proche de celle observée dans la tuberculose.

Le diagnostic est confirmé par la recherche d’Histoplasma à l’examen direct en montrant la présence de petites (Histoplasma capsulatum) ou grandes levures (Histoplasma duboisii) ou sur coupes histologiques avec coloration au PAS, révélant les levures au sein d’un granulome épithélioïde.

La culture se fait à 30 °C et doit être prolongée.

Elle permet d’obtenir la forme filamenteuse d’Histoplasma sp.

La sérologie est très contributive chez les sujets immunocompétents.

Chez l’immunodéprimé, l’amphotéricine B reste toujours le traitement de choix des histoplasmoses disséminées sévères. L’itraconazole est utilisé avec succès dans les autres cas.

Chez les sujets non infectés par le VIH, il peut être utilisé en première intention en cas de maladie de sévérité modérée ou moyenne, à la dose de 200 à 400 mg/j avec une durée prolongée de 6 à 12 mois.

Le traitement est de 1 an minimum dans l’histoplasmose africaine, mais le risque de rechutes, parfois tardives, est important, même si le sujet ne présente pas d’immunodépression.

* Blastomycose ostéoarticulaire :

L’agent de la blastomycose est un champignon dimorphique, appelé Blastomyces dermatitidis.

Cette mycose se voit essentiellement en Amérique du Nord et au Mexique, mais aussi en Afrique du Nord et du Sud. La porte d’entrée est pulmonaire.

L’atteinte osseuse peut se voir, soit au cours d’une forme chronique de la maladie associant des lésions cutanées papuleuses puis ulcérovégétantes et des lésions ostéoarticulaires ; soit lors d’une forme disséminée où elle est fréquente (25 à 60 %).

Elle atteint alors les os longs, le crâne, les côtes et les vertèbres, mais aussi le carpe et le tarse.

Il s’agit de lésions le plus souvent ostéolytiques, à contours nets, fréquemment associées à une condensation périphérique et à une réaction périostée.

L’atteinte articulaire se voit au cours des formes disséminées. Il s’agit d’une synovite aiguë, monoarticulaire, atteignant le plus souvent le genou, parfois la cheville, le coude, le poignet ou la main.

Le diagnostic est fait par l’examen direct du pus, par la culture sur milieu de Sabouraud et/ou par l’examen histologique avec coloration au PAS.

L’amphotéricine ou l’itraconazole sont les antifongiques efficaces dans le traitement des localisations ostéoarticulaires au cours des blastomycoses.

Un drainage chirurgical est très souvent nécessaire.

* Coccidioïdomycose :

Coccidioides immitis, agent de la coccidioïdomycose, est un champignon dimorphique.

Cette mycose est endémique dans certaines régions arides et chaudes (sud-ouest des États-Unis, Amérique centrale, Venezuela, Argentine).

La contamination de l’homme se fait en général par inhalation de spores.

L’atteinte osseuse ou articulaire se voit au cours de la forme disséminée chez le sujet immunodéprimé, en particulier infecté par le VIH.

Les lésions osseuses sont souvent multiples et siègent sur la métaphyse des os longs, des côtes, des os du crâne et de la ceinture pelvienne.

Elles se présentent radiologiquement, soit sous forme de kystes, soit sous forme de lésions érosives parfois très étendues avec réaction périostée dans un tiers des cas.

Des spondylodiscites ont également été observées.

Dans ces cas, on remarque une importante destruction osseuse, alors que les disques intervertébraux sont le plus souvent respectés, et des lésions costales dans 15 % des cas.

L’atteinte articulaire se voit surtout au voisinage de lésions osseuses, beaucoup plus rarement de façon isolée.

L’atteinte touche habituellement une seule articulation, en particulier le genou, rarement la hanche.

On peut citer à part des arthrites qualifiées de réactionnelles, migratrices et multiples, ou de simples arthralgies survenant lors de la primo-infection.

Elles sont généralement associées à un érythème noueux.

Le diagnostic repose sur la mise en évidence de sphérules de Coccidioides immitis dans les prélèvements ou l’isolement du germe en culture sur milieu de Sabouraud.

Ces prélèvements sont extrêmement dangereux à manipuler ; le clinicien doit donc informer le laboratoire de la suspicion diagnostique de coccidioïdomycose.

La sérologie aide au diagnostic.

L’amphotéricine B reste le traitement de référence, mais le fluconazole et l’itraconazole sont également efficaces.

Ils peuvent être utilisés dans le traitement des formes peu sévères ou en relais de l’amphotéricine B.

* Paracoccidioïdomycose :

Paracoccidioides brasiliensis, agent de la paracoccidioïdomycose ou blastomycose sud-américaine, est un champignon dimorphique présent dans presque tous les pays d’Amérique du Sud.

L’homme se contamine par voie buccopharyngée.

Le champignon a un tropisme essentiellement respiratoire.

Les atteintes ostéoarticulaires sont rares.

Elles peuvent passer complètement inaperçues.

Il s’agit de lésions ostéolytiques des diaphyses ou des épiphyses des os longs (tibia), en général isolées.

Ces lésions peuvent fistuliser à la peau et former des abcès sous-cutanés.

Le diagnostic est établi par l’examen direct, la culture et l’examen histologique avec coloration spécifique des lésions.

Le traitement initial des formes disséminées est l’amphotéricine B suivi éventuellement d’un traitement par kétoconazole, itraconazole ou cotrimoxazole.

* Pénicilliose :

Penicillium marneffei est un champignon opportuniste, dimorphique, dont la répartition géographique est limitée au Sud-Est asiatique.

Il devient pathogène en cas d’immunodépression en rapport avec une infection par le VIH ou non (maladie de Hodgkin, corticothérapie, cancer, tuberculose…).

La porte d’entrée est vraisemblablement respiratoire. Les manifestations cliniques comportent une fièvre élevée, des lésions cutanées disséminées (papules, nodules, folliculite), et une toux.

Des adénopathies diffuses et une hépatosplénomégalie peuvent être associées.

Les lésions osseuses se voient surtout chez des adultes non infectés par le VIH.

Il s’agit de lésions ostéolytiques, costales, vertébrales, des os longs et des os du crâne pouvant évoquer une tuberculose ou une histoplasmose.

Des lésions ostéolytiques des phalanges on été décrites chez des nourrissons infectés par le VIH.

Le moyen de diagnostic le plus rapide est la visualisation du champignon par l’examen microscopique direct d’une lésion cutanée ou osseuse ou sur une biopsie après coloration au Giemsa, PAS ou Gomori-Grocott.

La culture du champignon à partir de divers prélèvements (pus, sang, moelle…) peut également confirmer le diagnostic.

Le traitement des formes disséminées est l’amphotéricine B.

L’itraconazole peut être utilisé en première intention dans les formes moins sévères.

* Autres mycoses rares avec localisations ostéoarticulaires :

Les mucormycoses peuvent être responsables de lésions osseuses délabrantes par extension à partir d’un foyer sinusien, cérébral ou pulmonaire.

2- Inoculation traumatique :

* Mycétome fongique et autres infections à « Scedosporium » :

Les mycétomes sont des pseudotumeurs inflammatoires chroniques, contenant des grains fongiques ou actinomycosiques.

Les mycétomes fongiques sont dus à des champignons dont Madurella mycetomatis, Leptosphaeria senegalensis, Scedosporium apiospermum.

Ces champignons sont des saprophytes du sol et des épineux des régions tropicales.

Les mycétomes fongiques sont endémiques dans la zone nord-tropicale de part et d’autre du 15e parallèle nord : Sénégal, Mali, Mauritanie, Niger, Tchad, Somalie, Soudan, Inde, Mexique, Brésil.

Ils sont plus rares en Asie du Sud-Est, en Afrique du Nord et du Sud.

De rares cas ont été observés en Europe.

L’inoculation se fait à partir d’une lésion traumatique par une écharde ou épine souillée.

Les champignons, qui ont un tropisme osseux important, se développent d’abord dans le tissu sous-cutané puis gagnent de proche en proche le périoste puis l’os.

Ils forment des microabcès créant des géodes irrégulières, parfois très étendues.

Ces lésions se fistulisent et laissent sourdre des grains qui sont formés d’agglomérats de filaments mycéliens.

L’atteinte articulaire résulte de l’extension du foyer osseux.

La forme clinique la plus caractéristique est le mycétome fongique du pied, ou pied de Madura.

Après une incubation variable de quelques mois à quelques années, apparaît une tuméfaction nodulaire, indolore du pied qui augmente progressivement de taille pour former une volumineuse tuméfaction bosselée atteignant la face dorsale et plantaire, à partir de laquelle vont se développer les fistules laissant s’échapper un pus contenant des grains.

L’extension osseuse lytique peut aboutir à des pertes de substance importantes.

D’autres localisations sont également possibles : membres, fesses, dos, cuir chevelu….

Le diagnostic différentiel est le mycétome actinomycosique d’origine bactérienne.

Les radiographies montrent initialement une augmentation de volume et de la densité des parties molles.

Les lésions osseuses sont quasi constantes après 3 ans d’évolution.

Les images de destruction sont multiples et de taille variable.

Elles prédominent aux bases des 2e, 3e et 4e métatarsiens et au tarse antérieur.

Les images de condensation osseuse atteignent électivement les métatarsien et le calcaneum.

Elles siègent d’abord à la périphérie des lacunes osseuses puis s’étendent à l’ensemble de l’os.

S’y associe une réaction périostée plurilamellaire ou spiculée d’importance variable.

L’extension des lésions osseuses est mieux précisée par le scanner.

L’extension dans les parties molles est bien appréciée par l’IRM.

Le diagnostic est confirmé par l’examen direct et la mise en culture sur milieu de Sabouraud, permettant d’identifier l’espèce responsable indispensable pour adapter le traitement.

Le traitement chirurgical est essentiel et l’exérèse doit être complète.

L’amputation est parfois nécessaire. L’efficacité des antifongiques seuls est limitée.

La molécule de choix est l’itraconazole, puisque ces champignons sont souvent résistants à l’amphotéricine B et au fluconazole.

Le traitement doit être prolongé de plusieurs mois. Des infections ostéoarticulaires isolées à Scedosporium sp. (Scedosporium apiospermum, Scedosporium prolificans) ont été décrites.

Les arthrites apparaissent généralement après un traumatisme (plaie, piqûre), une injection intra-articulaire ou une intervention chirurgicale.

Les ostéites peuvent également se voir à la suite d’un traumatisme ou d’une amputation, exceptionnellement lors d’infection disséminée chez des patients immunodéprimés.

* Sporotrichose :

La sporotrichose est une mycose à tropisme sous-cutané et lymphatique due à un champignon dimorphique, Sporothrix schenckii. Le sol et les végétaux sont le réservoir naturel du champignon.

Bien que cosmopolite, cette mycose se rencontre surtout en Afrique du Sud, au Japon et en Amérique centrale.

Elle évolue le plus souvent sur un mode sporadique, mais des épidémies familiales, principalement chez l’enfant, sont observées.

La contamination de l’homme se fait généralement par effraction cutanée (piqûre par épine ou autre matériel végétal, blessure avec un outil ou morsure d’animal).

Les personnes infectées sont donc souvent en contact avec la terre et les végétaux.

Des spores peuvent également être introduites dans l’organisme par inhalation et être alors responsables d’une pneumopathie.

Le terrain joue un rôle important dans cette pathologie, dont les manifestations cliniques sont polymorphes.

La forme la plus caractéristique du sujet immunocompétent est la sporotrichose cutanée primaire, qui associe un chancre d’inoculation (lésion nodulaire, ulcérée ou verruqueuse au point d’inoculation) suivi une quinzaine de jours après par des nodules situés sur le trajet de drainage lymphatique (complexe cutanéolymphatique).

L’atteinte osseuse se voit surtout chez des patients immunodéprimés (éthyliques chroniques, diabétiques, sous corticothérapie…) après 50 ans.

Elle est secondaire à une dissémination sanguine ou lymphatique de l’infection.

Il s’agit, soit d’ostéite ou de périostéite, soit de gommes ostéomyélitiques.

Par ordre de fréquence, les os atteints sont le tibia, les os du carpe et du tarse, le radius et le cubitus.

L’atteinte articulaire est plus rare.

Il peut s’agir, soit d’une monoarthrite chronique localisée essentiellement au genou, moins souvent au poignet ou au carpe (où elle peut être associée à une ténosynovite), à la cheville ou au coude ; soit d’une atteinte polyarticulaire entrant dans le cadre d’une atteinte disséminée.

Cette dernière se voit chez les patients immunodéprimés.

Elle se manifeste par des signes généraux (fièvre, asthénie, amaigrissement) et l’atteinte d’un ou de plusieurs organes (poumon, système nerveux central, appareil ostéoarticulaire).

Des lésions cutanées disséminées, à type de gommes pouvant s’ulcérer, ou des lésions verruqueuses et squameuses peuvent être associées.

Le diagnostic repose sur l’isolement du champignon en culture sur milieu de Sabouraud.

L’examen anatomopathologique révèle le plus souvent une réaction granulomateuse et/ou à polynucléaires neutrophiles non spécifique.

Des colorations au PAS ou par la coloration argentique de Grocott peuvent visualiser les levures avec parfois un aspect en « corps astéroïdes ».

Le traitement des sporotrichoses disséminées avec localisations ostéoarticulaires repose sur l’administration d’amphotéricine B ou d’itraconazole associée à un traitement chirurgical pour diminuer au maximum le risque de récidive.

* Ostéoarthrites à champignons noirs (dématiés) :

Les dématiés sont des champignons saprophytes des plantes des régions chaudes et humides, regroupant de nombreux genres (Phialophora, Drechslera, Exophiala…).

Ils sont exceptionnellement responsables de mycoses chez l’homme.

Habituellement, le tableau clinique est celui d’un abcès granuleux cutané ou sous-cutané, appelé phaeohyphomycose.

La contamination se fait à l’occasion d’un traumatisme cutané, le plus souvent minime pouvant passer inaperçu.

Le diagnostic repose sur l’examen histologique qui montre la présence de filaments mycéliens cloisonnés, septés.

En culture, les colonies de dématiés sont pigmentées en noir.

Les atteintes osseuses et/ou articulaires sont exceptionnelles. Sept cas ont été décrits dans la littérature : trois infections à Drechslera, quatre infections à Phialophora.

Il s’agit le plus souvent d’extension de proche en proche (atteinte de synoviale, puis de l’articulation, puis de l’os) à partir d’un foyer cutané ou sous-cutané.

Une baisse de l’immunité (corticothérapie, néoplasie, chimiothérapie, diabète…) favorise le développement du champignon, mais le développement du champignon chez un sujet immunocompétent est possible.

La progression de ces ostéoarthrites est très lente, s’étendant sur des mois et même des années.

Elles engendrent des lésions osseuses importantes suivies de lourdes séquelles fonctionnelles, sans mettre en jeu le pronostic vital.

Le seul cas de dissémination par voie sanguine du champignon avec localisation osseuse secondaire est celui d’une patiente immunocompétente ayant une endocardite sur prothèse aortique à Drechslera longirostrata, compliquée d’une spondylodiscite.

Le diagnostic repose sur l’examen histologique d’un prélèvement osseux ou articulaire et sur la culture du champignon et son identification.

Un prélèvement chirurgical peut être nécessaire.

La notion de traumatisme cutané en zone tropicale et la présence d’un abcès cutané à proximité du foyer permettent d’évoquer le diagnostic.

Le traitement est difficile, car la sensibilité aux antifongiques est mauvaise.

L’amphotéricine B seule ou en association avec la flucytosine est généralement utilisée.

L’association amphotéricine B et kétoconazole a permis de guérir la patiente avec une spondylodiscite destructrice à Drechslera longirostrata, après échec de ces molécules utilisées en monothérapie et malgré l’absence de synergie in vivo.

Traitement. Généralités :

A – MOLÉCULES ANTIFONGIQUES COMMERCIALISÉES :

Au cours des dernières années, de nouvelles molécules antifongiques sont apparues sur le marché.

On distingue essentiellement quatre classes d’antifongiques qui sont : l’amphotéricine B et ses dérivés, les nucléosidiques, les imidazolés et les échinocandines.

1- Amphotéricine B et ses dérivés :

Jusqu’à une date récente, l’amphotéricine B restait le traitement de référence des mycoses systémiques sévères.

C’est un antibiotique polyénique extrait de Streptomyces nodosus qui agit en altérant la membrane des champignons.

Grâce à sa forte affinité pour l’ergostérol membranaire des champignons, il peut s’insérer dans la membrane et la déstabiliser.

Son affinité est moindre pour le cholestérol contenu dans les membranes humaines, mais explique la toxicité pour les cellules rénales.

Le spectre antifongique est très large puisque l’amphotéricine B est active sur les levures (Candida, Cryptococcus…), sur les champignons filamenteux (Aspergillus…) et sur les champignons dimorphiques (Histoplasma, Blastomyces, Coccidioides…).

La diffusion ostéoarticulaire est moyenne, mais suffisante pour guérir ces foyers profonds.

L’administration de l’amphotéricine B se fait à la dose de 0,5-1 mg/kg/j en perfusion de 4 heures dans du soluté glucosé 5 %, après une dose test de 1 mg.

La dose cumulative maximale n’est pas clairement déterminée.

La tolérance de cette molécule est médiocre.

Elle est responsable de réactions immédiates (fièvre, frissons, malaise..) lors de la perfusion intraveineuse qui peuvent être prévenues par l’administration préalable d’hydrocortisone et d’antihistaminiques.

Elle a une toxicité veineuse importante, mais surtout elle a une toxicité rénale chez au moins un tiers des malades (néphropathie tubulaire avec hypokaliémie, acidose tubulaire puis insuffisance rénale), cumulative qui peut être un facteur limitant du traitement.

Il existe actuellement plusieurs formulations lipidiques de l’amphotéricine B, pour améliorer la tolérance, en particulier rénale de cette molécule.

L’amphotéricine B liposomale (AmBisomet) a une meilleure tolérance immédiate et une toxicité rénale moindre, mais cette formulation ne permet pas de gain en efficacité antifongique.

Son coût est très élevé et ne permet de l’utiliser qu’en seconde intention en cas d’intolérance importante ou en cas d’insuffisance rénale avec l’amphotéricine B conventionnelle.

2- Antifongiques nucléosidiques :

La flucytosine (Ancotilt) est une pyrimidine de synthèse dont le mode d’action passe par le blocage de la synthèse protéique, secondaire à l’incorporation de la molécule dans l’acide ribonucléique (ARN) du champignon.

Le spectre d’action de cet antifongique concerne essentiellement les levures (Candida, Cryptococcus), moins les champignons filamenteux et pas du tout les champignons dimorphiques.

La flucytosine doit toujours être utilisée en association avec un autre antifongique, car le risque de sélectionner des souches résistantes est élevé.

La diffusion tissulaire (LCR, os…) de la molécule est bonne.

La posologie quotidienne est de 100-200 mg/kg en quatre administrations, soit par voie veineuse (traitement d’attaque), soit par voie orale (traitement d’entretien).

La toxicité est essentiellement hématologique (majorée par l’insuffisance rénale) et hépatique.

3- Azolés :

Les azolés sont devenus des médicaments essentiels dans le traitement des mycoses.

Ils agissent en altérant la perméabilité membranaire par inhibition de la synthèse des stérols membranaires d’origine fongique.

Actuellement, les imidazolés, molécules de première génération (kétoconazole), ne sont plus utilisés en France dans le traitement des mycoses systémiques.

En revanche, l’utilisation des triazolés, fluconazole et itraconazole a franchement augmenté.

La tolérance de ces molécules est généralement bonne et la toxicité faible.

Mais il faut tenir compte des interactions médicamenteuses fréquentes avec cette famille d’antifongiques.

De nouvelles molécules viennent d’obtenir l’autorisation de mise sur le marché, comme le voriconazole, et deux autres sont en développement avancé, préclinique et clinique : le posaconazole et le ravuconazole.

* Fluconazole (Triflucant) :

Le fluconazole est actif sur Candida albicans, Cryptococcus neoformans, mais Candida krusei est naturellement résistant, et la sensibilité de Candida glabrata est inconstante.

Cette molécule est inactive sur les champignons filamenteux et médiocremennt efficace sur la plupart des dimorphiques.

La posologie est variable selon le champignon en cause et le site de l’infection, allant de 50 mg/j pour une candidose buccale à 800 mg/j pour le traitement d’attaque d’une cryptococcose neuroméningée.

L’administration peut se faire par voie orale en une prise par jour, puisque la biodisponibilité du médicament est excellente.

La voie intraveineuse se justifie en cas d’infection sévère avec foyer profond.

* Itraconazole (Sporanoxt) :

L’itraconazole a un spectre plus large comprenant les levures (Candida, Cryptococcus), Aspergillus, et certains champignons exotiques comme Histoplasma, Blastomyces, Sporothrix, Coccidioides et d’autres.

Ce médicament n’est commercialisé que sous forme orale (gélule, solution buvable).

La forme intraveineuse est disponible en autorisation temporaire d’utilisation.

La solution buvable est à privilégier, car sa biodisponibilité est supérieure à celle des gélules.

La posologie varie de 200 à 400 mg/j et la prise doit se faire lors d’un repas riche en graisse.

Dans les mycoses profondes sévères, une dose de charge de 600 mg/j pendant 2 jours doit être faite et il est recommandé de faire un dosage en chromatographie liquide à haute pression (HPLC) (concentration résiduelle) de l’itraconazole vers le 7e jour, car l’absorption intestinale est variable d’un sujet à un autre.

Les interactions médicamenteuses sont assez nombreuses, en particulier avec certains antihistaminiques, le cisapride (associations contre-indiquées), certaines benzodiazépines, la rifampicine et certains immunosuppresseurs.

La diffusion dans le LCR est médiocre.

La diffusion dans les autres tissus (poumons, cerveau, peau, os) est mal connue, mais permet de traiter ces diverses localisations des mycoses.

Les effets secondaires sont rarement sévères, le plus souvent à type de troubles digestifs.

* Voriconazole (V-fendt) :

Le voriconazole est un nouveau triazolé à spectre large, assez superposable à celui de l’itraconazole, mais dont l’activité antifongique est supérieure.

Il existe sous forme injectable et forme orale.

Une dose de charge est nécessaire le premier jour et la posologie orale est fonction du poids du patient.

La diffusion du médicament est bonne, y compris dans le LCR.

Il est désormais disponible en France.

4- Échinocandines :

Une nouvelle classe d’antifongiques a récemment été développée.

Il s’agit de la famille des échinocandines, dont la seule molécule utilisable actuellement est la caspofungine (Cancidast).

Le mode d’action de ces antifongiques est original, puisqu’ils agissent sur les bêta-1-3 glucanes de la paroi du champignon.

Le spectre de cette molécule comprend Candida sp, Aspergillus sp.

L’activité sur Cryptococcus neoformans est nulle.

La caspofungine a reçu très récemment l’autorisation de mise sur le marché pour le traitement de l’aspergillose invasive chez les patients réfractaires ou intolérants à l’amphotéricine B, à des formulations lipidiques d’amphotéricine B et/ou à l’itraconazole.

Seule une forme injectable par voie intraveineuse lente (perfusion de 1 heure) est disponible.

La posologie habituelle est : une dose de charge de 70 mg le premier jour, 50 mg/j à partir du 2e jour.

Compte tenu de leur mécanisme d’action original, il pourrait être intéressant de l’administrer en association à un azolé ou à un polyène.

Les résultats de travaux expérimentaux et actuellement quelques observations cliniques encourageantes rendent désormais nécessaire la mise en place d’études cliniques d’association d’antifongiques.

La durée exacte du traitement antifongique est difficile à déterminer.

Elle sera toujours longue, prolongée de plusieurs mois.

Elle est fonction du terrain, de la localisation, de l’évolution sous traitement, de l’espèce du champignon, de l’association ou non à un traitement chirurgical et de l’existence de matériel étranger.

B – TRAITEMENT CHIRURGICAL :

Une intervention chirurgicale doit être conseillée, en particulier lorsque les lésions sont volumineuses et/ou abcédées, rendant difficile la pénétration des antifongiques, ou lorsque la sensibilité du champignon aux antifongiques est faible (mycétome fongique).

Elle associe généralement débridement, drainage des lésions abcédées et excision de tous les tissus nécrosés.

Elle permet également de faire des prélèvements multiples à visée mycologique et histologique.

Les infections à champignon sur matériel étranger (prothèse articulaire, clou…) nécessitent, en absence de contre-indications chirurgicales formelles, l’ablation de la prothèse qui pourra être remplacée dans un deuxième temps.

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