Mélanomes méningés primitifs

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Introduction :

Dans le SNC, les mélanocytes, cellules d’origine neurectodermique, sont présents, à l’état normal et en faible densité, sur toute la surface du névraxe, mais se concentrent tout particulièrement dans les leptoméninges de la face ventrale du bulbe, de la base du cerveau, dans la profondeur des sillons corticaux ainsi que sur les faces antérolatérales de la moelle épinière.

Ces cellules sont à l’origine des manifestations neurologiques des mélanoses neurocutanées, ainsi que des mélanomes primitifs du SNC et des enveloppes méningées, qui sont des tumeurs de survenue exceptionnelle.

Mélanomes méningés primitifsPlus rarement, certaines localisations de tumeurs mélaniques primitives du SNC ne peuvent s’expliquer que par la présence d’îlots ectopiques de cellules mélanocytaires, dans des sites qui en sont normalement dépourvus.

À l’inverse des métastases, les mélanomes leptoméningés primitifs sont des tumeurs rares (environ 220 cas rapportés depuis la description princeps de Virchow).

Ils surviennent soit sous la forme d’une infiltration étendue, diffuse des leptoméninges, avec par place une nodulation plus ou moins apparente, soit ils se présentent comme une ou plusieurs tumeurs circonscrites, nodulaires.

Leur siège est ubiquitaire sur le névraxe.

Ces tumeurs sont le plus souvent en rapport direct avec les leptoméninges, mais peuvent parfois se présenter comme de véritables tumeurs intracrâniennes ou intramédullaires.

Elles sont très rarement attachées à la dure-mère. Leur âge de découverte se situe entre 30 et 40 ans, avec un second pic de fréquence dans la première décennie, sans prédominance de sexe.

Environ 25 % des mélanomes leptoméningés surviennent sur un terrain de mélanose neurocutanée (MNC), qui est une forme rare de phacomatose caractérisée par l’association de tumeurs pigmentaires cutanées, nævi congénitaux géants ou multiples, et d’une infiltration mélanocytaire diffuse des leptoméninges.

À l’inverse des nævi congénitaux qui sont bénins, les cellules mélaniques localisées dans les septoméninges ont une propension à la transformation maligne.

Les nævi cutanés de la MNC sont localisés préférentiellement au scalp, à la face et au niveau de la ligne médiane postérieure, topographies évocatrices qui doivent alerter le clinicien en cas de forme fruste de la maladie, sans symptomatologie neurologique.

Il en est de même pour le nævus ophtalmomaxillaire d’Ota, qui doit inciter à rechercher une MNC.

Tableau clinique :

Les manifestations neurologiques de la MNC surviennent essentiellement dans la petite enfance, plus rarement à l’adolescence, avec un tableau clinique d’hydrocéphalie communicante, en rapport avec des troubles de circulation du liquide céphalorachidien (LCR) au niveau de la base du crâne.

De telles formes symptomatiques sont de très mauvais pronostic, même en l’absence de mélanome leptoméningé, qui complique 40 à 60 % des cas de MNC.

Le traitement est essentiellement à visée palliative, avec une pose de shunt ventriculopéritonéal pour soulager l’hydrocéphalie.

La plupart des mélanomes méningés primitifs surviennent de manière sporadique, et environ 75 %de ces tumeurs ne sont associées à aucune lésion pigmentaire cutanée.

Leur symptomatologie ne présente aucune spécificité, tantôt à type de crises comitiales, tantôt sous le masque de troubles psychologiques divers ou de symptomes liés à une hypertension intracrânienne.

Examens complémentaires :

Parmi les examens d’imagerie, la résonance magnétique nucléaire (IRM) est plus sensible que la tomodensitométrie, en particulier en cas de formes tumorales diffuses qui peuvent simuler une arachnoïdite au scanner ou à la myélographie.

En IRM, les tumeurs mélaniques montrent des aspects assez évocateurs du diagnostic, quoique inconstants, en rapport avec les propriétés paramagnétiques particulières de la mélanine : après injection de gadolinium, ces lésions montrent un hypersignal sur les séquences pondérées en T1 et un hyposignal en T2.

L’étude du LCR est un appoint utile au diagnostic, quand elle permet d’observer des grains libres de mélanine, ou des cellules rondes de cytologie anormale, contenant des dépôts de pigment.

En microscopie, les cellules tumorales ont des noyaux pléomorphes, très irréguliers et souvent nucléolés, avec une activité mitotique élevée.

Elles contiennent volontiers d’importantes quantités de mélanine et ont un immunophénotype évocateur : protéine S100+, HMB-45+ (marqueur de différenciation mélanocytaire), vimentine+.

En microscopie électronique, ces cellules tumorales renferment des organelles caractéristiques, prémélanosomes et mélanosomes à différents stades de maturation.

Attitudes thérapeutiques :

L’intervention chirurgicale ne permet pas toujours de réaliser une exérèse complète : celle-ci est totalement impossible lorsque l’on est en présence d’une forme diffuse leptoméningée ou d’une forme tumorale apparemment circonscrite, mais qui s’accompagne d’une mélanose leptoméningée étendue, bien que « non tumorale ».

L’exérèse complète est possible lorsque la tumeur est intra-axiale, parfois siège d’une hémorragie.

Parmi les autres options thérapeutiques, la radiothérapie apparaît peu efficace car les mélanomes sont des tumeurs très radiorésistantes. Des protocoles de chimiothérapie sont utilisés par certains.

Ils sont le plus souvent à base de DTIC (dacarbazine) et sont associés ou non à une radiothérapie complémentaire.

Ces protocoles permettent parfois d’obtenir des rémissions cliniques complètes.

Les mélanomes, survenant ou non sur MNC, sont des tumeurs agressives, qui ont une propension à la récidive et peuvent disséminer hors du névraxe, notamment dans la cavité péritonéale, par le trajet d’une dérivation ventriculopéritonéale.

Globalement, leur pronostic est sévère, avec une survie moyenne d’environ 5 mois, et moins de 15 % de survie à 2 ans.

Néanmoins, certains cas de survie prolongée sur plusieurs années ont été rapportés.

Parmi les facteurs de meilleur pronostic, on peut mentionner les formes tumorales localisées, plus accessibles à la chirurgie, ainsi que les tumeurs de topographie spinale ou de la fosse postérieure.

Diagnostic :

Le diagnostic de mélanome méningé primitif peut être difficile.

Dans la grande majorité des cas, les localisations cérébrales ou méningées apparemment primitives de mélanome correspondent en fait à des métastases de tumeurs mélaniques occultes dont l’origine est à rechercher hors du SNC, notamment au niveau cutané et oculaire, par un interrogatoire et un bilan clinique complets.

Le diagnostic différentiel du mélanome primitif méningé est également celui des autres tumeurs pigmentées du SNC.

De nombreuses tumeurs du SNC peuvent contenir de la mélanine, à l’instar du schwannome mélanotique, du médulloblastome, de l’épendymome, mais la présentation clinique, les caractères morphologiques de ces néoplasmes sont habituellement suffisamment distinctifs pour ne pas prêter à confusion avec un mélanome.

En revanche, le diagnostic différentiel entre un mélanome et un mélanocytome peut être excessivement difficile.

Le mélanocytome se présente comme une tumeur unique, bien limitée, macroscopiquement très pigmentée, de topographie intradurale ou extradurale, sans infiltration des structures nerveuses sous-jacentes.

Il survient électivement dans le canal rachidien, la fosse postérieure et le cavum de Meckel.

Ce néoplasme a une présentation clinique analogue à celle d’un méningiome, avec lequel il a très souvent été confondu, sous la dénomination de « méningiome mélanotique ».

Néanmoins, ses caractéristiques ultrastructurales, son profil immunohistochimique sont bien ceux d’une tumeur d’origine mélanocytaire, et non méningothéliale.

Le mélanocytome se distingue du mélanome essentiellement par son évolution clinique prolongée, indolente, et ses critères cytologiques évoquant la bénignité, avec prédominance de cellules fusiformes.

Si la plupart des mélanocytomes sont guéris par la chirurgie, un certain nombre de ces tumeurs vont récidiver, voire évoluer vers un authentique mélanome.

La frontière entre les deux entités n’est donc pas encore parfaitement définie.

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