Manifestations ostéoarticulaires des pustuloses, acnés et syndromes apparentés

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Généralités :

A – DÉFINITIONS ET CADRES NOSOLOGIQUES :

Après avoir fait l’objet d’un débat prolongé autour de leur classification et de leur rapprochement, les manifestations ostéoarticulaires des différentes formes de pustulose et d’acné peuvent dorénavant être considérées comme une partie intégrante des spondylarthropathies (SpA), y compris et surtout lorsqu’elles s’inscrivent dans le cadre d’un « syndrome synovite, acné, pustulose, hyperostose, ostéite » (SAPHO).

Manifestations ostéoarticulaires des pustuloses, acnés et syndromes apparentésCependant, certaines particularités symptomatiques et évolutives justifient pleinement que ces entités soient traitées à part, ne serait-ce que parce qu’elles nécessitent souvent une prise en charge thérapeutique spécifique.

Il faut de plus souligner l’absence de systèmes de critères diagnostiques validés spécifiquement pour ce sous-groupe de rhumatismes inflammatoires, alors qu’ils ne correspondent qu’imparfaitement aux critères généraux retenus pour les SpA.

Seul le syndrome SAPHO a fait l’objet d’une réflexion plus poussée, mais les critères proposés par Benhamou et al n’ont, jusqu’à présent, pas été validés.

B – HISTORIQUE :

En 1961, Windom et al rapportent l’observation d’un garçon de 15 ans victime d’une polyarthrite asymétrique non destructrice, dans le contexte d’une acné conglobata.

Plus de 20 ans plus tard, un tableau rhumatismal similaire est rattaché à une autre forme d’acné sévère, l’hidrosadénite suppurée.

C’est un auteur japonais qui décrit, en 1967, une atteinte ostéoarticulaire mise en relation avec une pustulose palmoplantaire (PPP).

D’autres descriptions concordantes viennent par la suite du même pays, où la prévalence du psoriasis vulgaire apparaît paradoxalement basse.

En Europe, c’est à partir de 1971 que sont rapportés des cas d’ostéites multifocales aseptiques, tout d’abord chez des enfants.

Ces observations, que l’on intégrerait maintenant dans le syndrome SAPHO, semblaient concerner l’os isolément, jusqu’à ce que des pédiatres suédois rapportent la possibilité d’une association entre « ostéomyélite multifocale chronique récurrente » et PPP.

Successivement, des appellations variées ont été employées pour décrire ces phénomènes mixtes, dermatologiques et rhumatologiques (« ossification intersterno-costo-claviculaire », « hyperostose sterno-costo-claviculaire », « arthro-ostéite de la pustulose », etc).

Secondairement, la constatation de tableaux rhumatismaux similaires au cours de l’acné sévère a été le principal motif d’amalgame, donnant naissance en 1987 au concept unificateur du « SAPHO ».

Par la suite, la forte présomption de mécanismes physiopathogéniques communs (impliquant en particulier Propionibacterium acnes), ainsi qu’un parallèle frappant en termes d’évolution et de sensibilité au traitement, ont donné tout son sens à ce rassemblement, initialement considéré comme inapproprié par certains auteurs.

Pour autant, il ne s’agit pas de simplifier exagérément le cadre nosologique ainsi tracé, ne devant aucunement empêcher une démarche analytique systématique au cas par cas.

C – ÉPIDÉMIOLOGIE :

La relative « jeunesse » des SpA, décrites puis démembrées beaucoup plus récemment que la polyarthrite rhumatoïde, explique sans doute une vraisemblable sous-estimation de la prévalence et de l’incidence du sous-groupe des rhumatismes liés à la PPP ou à l’acné sévère.

En 1987, une enquête multicentrique française, à l’échelon national, a permis de colliger 85 observations de syndrome SAPHO, dont 44 comportant une PPP et 13 une acné.

Plus récemment, une étude monocentrique également française a porté sur 120 cas de syndrome SAPHO, examinés entre 1994 et 1999. Parmi eux, 66 et 30 patients, respectivement, étaient atteints d’une PPP et d’une acné sévère.

La PPP était associée à un psoriasis vulgaire dans 21 cas, l’acné sévère associée à une PPP ou un psoriasis vulgaire dans huit cas.

Au cours de la PPP, la fréquence des atteintes ostéoarticulaires a été chiffrée suivant les séries entre 9,4 % et 15 %. Les femmes sont plus souvent touchées que les hommes, contrairement à ce qui est observé au cours de l’acné.

Toutes les ethnies peuvent être affectées, même si les premiers cas signalés étaient principalement en provenance du Japon.

Plus généralement, la prévalence des syndromes SAPHO et apparentés est mal connue, ce d’autant qu’elle semble beaucoup varier d’un continent à l’autre.

Au Japon, la proportion des rhumatismes reliés à la PPP a été estimée à 4,7 %, parmi les patients victimes de SpA, dont la prévalence nationale était de l’ordre de 1/10 000.

Depuis les premières observations pédiatriques, on sait que les enfants ne sont pas épargnés. Cela étant, l’âge moyen au moment des premiers symptômes est compris entre 30 et 40 ans.

Comme cela a été bien établi avec le rhumatisme psoriasique, l’atteinte dermatologique peut précéder de nombreuses années les premiers signes rhumatismaux, ou au contraire survenir de façon très retardée.

Dans les deux cas, ceci complique bien entendu le diagnostic, qui est alors principalement orienté par l’existence d’une atteinte osseuse ou d’une localisation thoracique antérieure, suffisamment évocatrices pour faire envisager le diagnostic de syndrome SAPHO.

Dans la série multicentrique française, 28 des 85 cas n’avaient pas d’atteinte cutanée au moment du diagnostic.

Sur les 120 observations colligées à l’hôpital Bichat, la pathologie dermatologique succédait aux premiers signes rhumatismaux dans 32 % des cas, avec une absence de toute manifestation cutanée notée chez 19 patients (16 %).

D – APPROCHE PHYSIOPATHOGÉNIQUE :

En comparaison avec les autres SpA, spondylarthrite ankylosante et arthrites réactionnelles en tête, classiquement associées à l’antigène human leukocyte antigène (HLA) B27, le terrain génétique semble jouer un rôle moins important dans la physiopathogénie des rhumatismes liés à la PPP ou à l’acné.

Il faut néanmoins souligner la possibilité de formes familiales, avec en particulier la description de jumeaux monozygotes victimes d’une pathologie similaire, associant acné fulminans et arthrite.

Dans le même ordre d’idées, Dumolard et al ont décrit une fratrie de trois enfants atteints d’un syndrome SAPHO, comportant dans un cas une PPP et dans les deux autres un psoriasis vulgaire.

D’autres cas familiaux ont été recensés dans la littérature.

Un syndrome plus complexe, associant acné sévère, arthrites récidivantes corticosensibles et pyoderma gangrenosum, a été décrit sous le nom de « syndrome PAPA » (pyogenic sterile arthritis, pyoderma gangrenosum, and acne) par Lindor et al, au sein de trois générations d’une famille comptant neuf sujets atteints.

L’analyse de l’arbre généalogique a permis de retenir une transmission de type autosomique dominant, et le gène de prédisposition a été localisé sur le chromosome 15.

De plus, d’autres auteurs ont également attiré l’attention sur la fréquence non exceptionnelle du pyoderma gangrenosum au cours de l’acné sévère, notamment en cas d’arthrites associées.

Le rôle de certaines cytokines, comme le tumor necrosis factor (TNF), a été envisagé dans le déclenchement ou l’entretien des lésions ostéoarticulaires du syndrome SAPHO.

Ainsi, une équipe allemande a pu mettre en évidence une forte expression du TNF dans un échantillon biopsique provenant d’une ostéite mandibulaire.

Ceci pourrait expliquer l’apparente efficacité d’agents biologiques anti- TNF dans ce type de pathologie.

Dans cette réflexion sur la genèse de manifestations rhumatismales de l’acné et de la PPP, la théorie infectieuse connaît un regain d’intérêt.

En particulier, la corynébactérie Propionibacterium acnes, déjà impliquée dans l’acné, voire la pustulose et le pyoderma gangrenosum, a pu être isolée à plusieurs reprises au sein de lésions articulaires ou osseuses, chez des patients victimes de syndrome SAPHO ou de rhumatismes apparentés.

Cela étant, ce type de recherche s’avère le plus souvent négatif et les résultats de différents protocoles thérapeutiques antibiotiques ont été globalement décevants.

Toutefois, une amélioration significative est parfois obtenue grâce à des antibiothérapies prolongées, reposant notamment sur les tétracyclines ou sur un macrolide comme l’azithromycine.

Dans d’autres situations, seul le traitement antiinflammatoire s’avère efficace, ce qui permet dès lors d’envisager un phénomène pathogène mixte ou successif, infectieux d’une part, réactionnel d’autre part.

Comme pour le rhumatisme psoriasique, un facteur traumatique a pu être incriminé comme agent initiateur d’une première manifestation articulaire, sans que ceci ait pu faire l’objet d’une démonstration scientifique. Le stress apparaît également comme un élément péjoratif, sinon déclenchant.

Clinique :

A – MANIFESTATIONS DERMATOLOGIQUES :

À côté de l’acné vulgaire, rarement responsable des signes rhumatologiques, ce sont surtout les formes sévères (acné fulminans, acné conglobata, hidrosadénite suppurée ou maladie de Verneuil) qui sont susceptibles de s’associer à des phénomènes rhumatismaux inflammatoires.

L’acné fulminans se localise préférentiellement au visage et au thorax, donnant lieu à des comédons, des kystes ou des abcès sous-cutanés, guérissant en laissant des cicatrices souvent creusantes et inesthétiques.

La forme conglobata se caractérise par des regroupements multiples et souvent délabrants de ces mêmes lésions.

L’hidrosadénite suppurée se concentre sur les régions pileuses (creux axillaires et inguinaux, pli fessier, régions périnéogénitales).

Toutes ces présentations de la maladie acnéique ont en commun une lésion élémentaire, réalisant en histologie une pustule sous-cutanée, centrée par un follicule pileux.

À l’origine de cette lésion, sont discutées la participation d’une hyperproduction sébacée et celle d’une surinfection bactérienne, par des germes comme le Propionibacterium acnes.

La PPP se caractérise elle aussi au plan histologique par l’existence de pustules, habituellement amicrobiennes, situées dans l’épiderme (corps muqueux de Malpighi).

Très longtemps, cette affection a été séparée de la forme pustuleuse palmoplantaire du psoriasis, sur des critères histologiques finalement discutables, opposant le caractère uniloculaire de la pustule dans le cas de la PPP à celui multiloculaire du psoriasis pustuleux.

En réalité, ces deux entités sont souvent impossibles à distinguer cliniquement, ce d’autant que la PPP est fréquemment associée au psoriasis vulgaire, tout particulièrement en Europe.

À présent, il paraît à la fois plus clair et plus pertinent de ne plus parler que de PPP, comme d’un symptôme pouvant rester isolé ou au contraire s’intégrer dans une maladie dermatologique plus diffuse.

Dans l’exposé qui suit, on a évité de parler de psoriasis pustuleux palmoplantaire ou encore de bactérides d’Andrews, ce dernier terme ayant été couramment utilisé dans le passé, pour rendre compte de la théorie de l’expression cutanée d’un processus infectieux à distance.

B – ATTEINTES OSTÉOARTICULAIRES AXIALES :

1- Paroi thoracique antérieure (PTA) :

L’atteinte thoracique antérieure, évidemment possible au cours d’autres rhumatismes inflammatoires, apparaît tout de même comme l’un des principaux signes distinctifs des manifestations ostéoarticulaires de la PPP et de l’acné sévère. Dans la série monocentrique de 120 observations de syndrome SAPHO, sa prévalence a été mesurée à 63 %, avec une tendance non significative suggérant une liaison avec la PPP.

Avant cela, plusieurs publications avaient déjà attiré l’attention sur l’atteinte élective de la région sterno-costo-claviculaire, au cours de la PPP, avec une prévalence atteignant même 100 % pour Sonozaki et al.

Cliniquement, les premiers signes perceptibles correspondent en général à une tuméfaction inflammatoire et douloureuse, concernant une ou deux articulations de la PTA, sternoclaviculaires avant tout, manubriosternale ou chondrosternales moins fréquemment.

Assez souvent, les patients décrivent une irradiation à l’épaule ou au trapèze, parfois exclusive en cas d’atteinte sternoclaviculaire.

Plus rarement, la zone douloureuse initiale est centrée sur l’une des pièces osseuses (clavicules, sternum), avec un gonflement généralement plus tardif, résultant de la diffusion de l’ostéite aux parties molles adjacentes.

Secondairement, le passage quasi systématique à la chronicité donne lieu à une extension progressive des phénomènes inflammatoires ostéoarticulaires, ayant la double particularité d’entraîner une érosion articulaire et une hypertrophie osseuse, souvent considérable.

Cette dernière concerne en premier lieu les clavicules, siège d’une hyperostose et d’une périostose parfois majeure, elle-même susceptible de se compliquer d’une compression puis phlébothrombose sous-clavière, donnant lieu à une circulation collatérale parfois visible.

Exceptionnellement, le phénomène compressif peut s’exercer sur les structures vasculaires artérielles, avec possibilité de complications ischémiques cérébrales.

Le processus inflammatoire sternal peut aussi se propager en arrière vers le médiastin, pour réaliser une réaction pseudotumorale, bien visualisée en tomodensitométrie (TDM) ou imagerie par résonance magnétique (IRM).

Cette atteinte peut être suffisamment extensive pour entraîner une compression puis une thrombose de la veine cave supérieure.

Malgré l’hyperostose, des cas de fracture pathologique ont été rapportés, avec la constitution fréquente d’une pseudarthrose peu ou pas douloureuse.

Dans une série de 15 patients victimes d’une atteinte typique de la PTA, un prélèvement biopsique local a permis sept fois d’isoler Propionibacterium acnes.

Un résultat similaire a été obtenu chez un autre patient, à partir d’une lésion d’ostéite sternale.

En raison d’un fréquent retard au diagnostic positif, il reste difficile de déterminer quelle est, parmi les différentes structures anatomiques de la PTA (articulations, enthèses et ligaments, pièces osseuses), la cible initiale de la pathologie rhumatismale.

Certains auteurs ont envisagé une atteinte première des enthèses, sans que cela ait pu faire l’objet d’une démonstration définitive.

À la phase d’état, les radiographies, la scintigraphie osseuse et la TDM permettent d’identifier les manifestations ostéoarticulaires les plus évocatrices : arthropathie érosive et condensante sternoclaviculaire ou manubriosternale, ostéite sclérosante et hypertrophiante, avec éventuelle composante lytique.

2- Rachis :

L’atteinte inflammatoire du rachis est rarement présente d’emblée, mais apparaît plus volontiers au cours des années ultérieures d’évolution, sous la forme de douleurs et d’un enraidissement, pouvant concerner chacun des trois étages, cervical, dorsal ou lombaire.

Sa prévalence a été évaluée entre 30 et 35 %, dans différentes séries de syndromes SAPHO.

Avec l’atteinte sacroiliaque, ce type de manifestation vient évidemment étayer le diagnostic de SpA et témoigne habituellement d’une sévérité plus importante du rhumatisme.

Cependant, cette atteinte axiale peut aussi demeurer cliniquement silencieuse, pour n’être objectivée que grâce aux différentes techniques d’imagerie (radiographies, TDM ou scintigraphie osseuse).

Certaines spondylites ou spondylodiscites ont fait l’objet d’explorations locales par prélèvement biopsique, dans le but principal d’éliminer un processus infectieux.

Habituellement négative, cette enquête a parfois permis d’isoler Propionibacterium acnes.

Radiologiquement, différentes lésions élémentaires peuvent s’associer de façon variable : formes érosives de spondylodiscopathie ou d’arthropathie interapophysaire postérieure, spondylites fréquemment condensantes, syndesmophytes parfois volumineux.

Tardivement, des images de blocs vertébraux ou d’ankylose interapophysaire postérieure peuvent apparaître.

À un stade précoce, seule l’IRM permet d’identifier précisément un processus inflammatoire débutant, dans les corps vertébraux, les disques intervertébraux ou les articulations interapophysaires postérieures.

Dans un cas de spondylite lombaire, l’extension prévertébrale du processus inflammatoire a été responsable d’une phlébothrombose iliaque par compression extrinsèque.

3- Pelvis :

Les localisations pelviennes sont dominées par les sacro-iliites érosives, cependant un peu moins fréquentes que dans les autres SpA (40 % au maximum, dans la série de l’hôpital Bichat).

Elles s’expriment sous la forme de pygalgies inflammatoires, plus souvent unilatérales, avec éventuelle boiterie associée.

Il existe fréquemment une ostéite condensante de voisinage, bien visualisée sur les radiographies et surtout les examens TDM et IRM.

Cette ostéite para-articulaire peut se développer de façon extensive et centrifuge en direction de l’aile iliaque ou du sacrum, mais semble toujours prendre naissance dans la région souschondrale de l’interligne sacro-iliaque.

Des symphysites pubiennes ont également été décrites, évoluant habituellement sous une forme mixte, érosive et ostéocondensante.

4- Mandibule, crâne :

L’atteinte osseuse mandibulaire n’est pas exceptionnelle, chez l’enfant comme chez l’adulte.

Sa prévalence atteignait 10,8 % dans la série de l’hôpital Bichat, en association plus fréquente avec la PPP qu’avec l’acné sévère.

L’ostéomyélite diffuse et sclérosante de la mandibule, longtemps considérée comme une maladie purement stomatologique, a finalement été intégrée au syndrome SAPHO, compte tenu de son association très fréquente avec la PPP, le psoriasis ou l’acné.

Cette localisation peut se compliquer de troubles dentaires, voire de fracture pathologique.

Une atteinte osseuse temporale, compliquée d’hypoacousie, a été signalée, et rattachée dans un cas à une extension crânienne de l’ostéite, à partir d’une localisation sur la branche montante de la mandibule, à travers l’articulation temporomandibulaire.

5- Atteintes ostéoarticulaires périphériques :

* Arthrites périphériques :

Les arthrites périphériques sont assez fréquentes, puisque leur prévalence varie entre 23 et 44 %.

Elles semblent survenir plus volontiers en cas d’hidrosadénite suppurée et peuvent représenter la seule manifestation rhumatismale détectable.

Contrairement au rhumatisme psoriasique, les localisations interphalangiennes distales sont exceptionnelles.

La disposition des arthrites est le plus souvent mono- ou oligoarticulaire asymétrique.

À côté des formes subaiguës ou chroniques, les plus fréquentes, des tableaux transitoires très inflammatoires, pseudoseptiques, ont été rapportés, principalement en association avec l’acné fulminans, mais aussi avec la PPP.

Il peut s’agir de polyarthralgies sans arthrite vraie, souvent associées à un syndrome fébrile et à des myalgies.

En cas de réaction fluxionnaire articulaire, l’analyse du liquide synovial révèle une formule hypercellulaire, dépassant souvent 50 000 éléments/mm², avec une large prédominance de polynucléaires neutrophiles.

Les cultures à visée bactériologique sont habituellement négatives, mais permettent parfois d’isoler Propionibacterium acnes, y compris de façon itérative. Dans ces situations particulières, il semble qu’une antibiothérapie prolongée ait une efficacité réelle.

Cependant, dans la majorité des cas, l’évolution se fait sur un mode chronique et donne parfois lieu à une atteinte érosive, comparable à celle observée au cours du rhumatisme psoriasique.

* Ostéites périphériques :

Les ostéites mono-, ou plus fréquemment multifocales, peuvent concerner le squelette appendiculaire.

Avant l’émergence du concept SAPHO, de telles atteintes apparemment isolées avaient été décrites chez l’enfant sous l’appellation « ostéite multifocale récurrente chronique ».

Chez l’enfant et l’adolescent, l’atteinte osseuse s’exprime initialement sous une forme extrêmement douloureuse et inflammatoire, de siège métaphysoépiphysaire, généralement sans signe articulaire de voisinage.

Cette présentation fait souvent redouter un processus infectieux, voire néoplasique, ce d’autant que les signes généraux sont habituellement marqués.

Le caractère plurifocal asymétrique, de même que la présence d’une éruption cutanée concomitante, sont des éléments capitaux mais inconstants d’orientation, permettant d’éviter l’accumulation d’investigations inutiles, notamment par prélèvement biopsique local.

Avec ou sans traitement, l’évolution de ces ostéites est habituellement chronique, avec poussées inflammatoires intermittentes, donnant lieu à des douleurs locales, souvent accompagnées d’une tuméfaction perceptible.

Entre ces reviviscences, il subsiste parfois une hypertrophie osseuse palpable, correspondant à l’hyperostose et à la périostose consécutives à la chronicité du processus.

Chez l’adulte, les ostéites périphériques sont assez rares et correspondent souvent à une atteinte ayant débuté durant l’enfance ou l’adolescence.

Les os le plus touchés sont le tibia et le fémur.

L’aspect radiologique des lésions est parfois inquiétant, pseudosarcomateux, avec une périostose souvent floride.

Comme pour les arthrites, les prélèvements osseux à visée bactériologique sont généralement négatifs, à de rares exceptions près.

* Enthésopathies périphériques :

À la différence des autres SpA, les enthésopathies périphériques semblent relativement peu fréquentes, avec toutefois la possibilité de talalgies.

6- Associations morbides :

La PPP et l’acné sévère peuvent être combinées ou se succéder chez un même patient, tout comme elles peuvent s’associer à d’autres affections dermatologiques (psoriasis vulgaire, pyoderma gangrenosum, érythème noueux, aphtose bipolaire).

Signalons l’association rapportée d’un syndrome SAPHO avec une maladie de Behçet compliquée d’atteinte oculaire.

L’existence d’un syndrome sec et d’une inflammation chronique des glandes salivaires a été enregistrée chez quelques patients, dans différentes séries publiées.

Par ailleurs, il existe de façon claire chez les patients un risque accru d’entérocolopathie inflammatoire (maladie de Crohn surtout, mais aussi rectocolite hémorragique), sans que les cours évolutifs des pathologies rhumatismale et digestive n’aient de parallélisme apparent.

Cette prévalence augmentée (5 % dans la série de l’hôpital Bichat) est un argument supplémentaire pour une intégration au groupe des SpA.

7- Complications :

Les complications locorégionales des atteintes ostéoarticulaires, par fragilisation (fractures pathologiques) ou compression (thromboses vasculaires), ont été détaillées plus haut.

Un cas de transformation sarcomateuse d’une ostéite iliaque a été rapporté, mais ce type d’évolution semble exceptionnel.

Quelques complications viscérales ont été signalées, incluant une granulomatose nécrosante pulmonaire, une amylose avec atteinte rénale.

Examens complémentaires :

A – EXAMENS BIOLOGIQUES :

Lors des poussées inflammatoires rhumatismales, il existe habituellement une élévation non spécifique de la vitesse de sédimentation (VS) et de la protéine C réactive (PCR), parfois très marquée.

L’hyperleucocytose à polynucléaires neutrophiles s’observe principalement en cas d’acné sévère. Une hypergammaglobulinémie polyclonale est possible, ainsi que la présence de complexes immuns circulants.

Cependant, il n’existe pas de corrélation parfaite entre les signes cliniques et ces différents paramètres inflammatoires, pouvant demeurer normaux ou peu élevés en pleine période d’activité du processus rhumatismal.

En cas d’arthrite, et suivant le stade aigu ou chronique, l’analyse cytologique du liquide articulaire révèle une formule de type inflammatoire, avec un aspect parfois puriforme et une richesse souvent marquée en polynucléaires neutrophiles.

Aiguë ou chronique, la synovite n’a aucun caractère histologique spécifique.

L’étude anatomopathologique de fragments biopsiques osseux donne des résultats variables, en fonction du stade des lésions : initialement, il existe un aspect d’ostéite active, avec des remaniements inflammatoires avec infiltrats abondants de cellules mononucléées, de polynucléaires neutrophiles, voire de cellules géantes, réalisant parfois des images de microabcès ; secondairement, se mettent en place les phénomènes de cicatrisation, avec une réaction d’ostéosclérose souvent très prononcée, pseudopagétique.

L’étude bactériologique de prélèvements articulaires ou osseux permet parfois d’isoler Propionibacterium acnes, dont le rôle pathogène réel reste toutefois à définir, même si plusieurs observations ont indiqué une évolution favorable après mise en route et poursuite prolongée d’une antibiothérapie adaptée.

À la différence de la spondylarthrite ankylosante et de la plupart des autres SpA, la prévalence du groupe HLA B27 n’apparaît que modérément augmentée en comparaison avec la population générale (19,2 % sur 73 patients de la série nationale de Chamot et al, 13 % sur 83 patients de la série monocentrique de l’hôpital Bichat), avec des extrêmes allant de 13 à 32 %.

B – EXAMENS D’IMAGERIE :

Pour simplifier l’exposé, les différentes données d’imagerie ont été détaillées plus haut, avec chaque type de manifestation clinique.

Globalement, on peut dire que les phénomènes d’arthrite érosive, d’ostéite chronique et d’hyperostose sont généralement faciles à identifier sur les radiographies standard, éventuellement complétées par une analyse TDM.

Pour les formes débutantes d’atteintes ostéoarticulaires, ces mêmes examens sont souvent pris en défaut, contrairement à l’IRM.

Ce type d’imagerie permet non seulement de visualiser précocement les réactions inflammatoires articulaires, osseuses ou enthésopathiques, mais aussi de suivre l’évolution du processus rhumatismal, sous l’effet des traitements.

Certaines localisations ostéoarticulaires pouvant demeurer infracliniques, la scintigraphie osseuse se révèle être un excellent outil de dépistage et de cartographie lésionnelle, tout particulièrement sur le squelette axial.

Diagnostic différentiel :

Le principal diagnostic différentiel se pose avec les autres SpA, et en tout premier lieu avec le rhumatisme psoriasique, ayant un tropisme commun pour les mêmes sites ostéoarticulaires (PTA, rachis, et articulations sacro-iliaques), ainsi qu’un même potentiel érosif et destructeur.

En réalité, en dehors des considérations dermatologiques, le principal signe distinctif correspond à l’hyperostose, très particulière au syndrome SAPHO.

Certaines formes très inflammatoires d’arthrite peuvent être prises à tort pour des phénomènes septiques ou microcristallins, mais la ponction articulaire permet habituellement de redresser le diagnostic.

En cas d’atteinte osseuse prédominante ou exclusive, une maladie de Paget est souvent évoquée, compte tenu de nombreuses similitudes d’imagerie (hypertrophie et condensation osseuse, aspect anarchique des travées). Plus rarement, sont évoquées une sarcoïdose ou une histiocytose à détermination osseuse.

Certaines infections torpides, en particulier à mycobactéries, peuvent mimer une ostéite chronique du syndrome SAPHO, notamment en cas de localisation thoracique antérieure ou rachidienne.

Dans le registre tumoral, certaines formes lytiques ou avec périostose floride peuvent faire craindre un sarcome, voire un lymphome, notamment en cas de localisation sur les os longs, le bassin ou la mandibule.

La plupart du temps, ces différents diagnostics alternes sont finalement éliminés en raison d’une topographie évocatrice ou multifocale, ou encore d’une association à des manifestations cutanées.

Cela étant, la situation est parfois moins claire, principalement dans les formes rhumatologiques pures, d’où la décision parfois prise d’effectuer un prélèvement biopsique.

Parmi les traitements proposés dans l’acné, les dérivés de la vitamine A peuvent donner lieu à des complications rhumatismales, principalement sous la forme de rachialgies et d’enthésopathies multiples, mais aussi d’arthrites aiguës.

En cas d’administration prolongée, les radiographies permettent d’objectiver une hyperostose vertébrale diffuse, à tendance ankylosante, souvent associée à des enthésopathies ossifiantes multifocales.

En règle générale, les douleurs disparaissent de manière progressive, suite à l’arrêt du médicament incriminé.

Dans le même ordre d’idée, un autre médicament utilisé pour l’acné, la minocycline, a été rendu responsable de syndromes lupiques induits, comportant fréquemment des polyarthralgies ou une polyarthrite.

Traitements :

Qu’il s’agisse des manifestations osseuses ou articulaires inflammatoires, la base du traitement repose essentiellement sur les anti-inflammatoires non stéroïdiens.

Ces derniers sont donnés soit de façon ponctuelle lors de poussées inflammatoires intermittentes, soit de façon plus continuelle en cas de progression linéaire du rhumatisme.

Leur efficacité est jugée satisfaisante dans environ deux tiers des cas.

En situation de réponse insuffisante à ce type de traitement, le recours aux corticoïdes est parfois jugé nécessaire, avec des résultats équivalents.

La colchicine paraît peu ou pas efficace, sauf exception.

Pour les formes articulaires limitées, mono- ou oligoarticulaires, les infiltrations locales de cortisoniques ou les synoviorthèses à l’acide osmique peuvent s’avérer très bénéfiques.

Exceptionnellement, la résection chirurgicale de l’extrémité interne de la clavicule a été proposée, en cas d’ostéoarthrite sternoclaviculaire réfractaire et douloureuse.

En cas d’atteinte osseuse au premier plan, l’administration intraveineuse de bisphosphonates (pamidronate) semble permettre un bon contrôle des douleurs, avec un effet rémanent intéressant.

Dans les situations assez exceptionnelles où Propionibacterium acnes est mis en évidence, au sein d’une lésion osseuse ou articulaire, un traitement antibiotique est logiquement proposé, avec une efficacité généralement satisfaisante.

Différents protocoles thérapeutiques ont été utilisés, toujours sur une période d’administration de plusieurs mois : les antibiotiques choisis ont été les tétracyclines (doxycycline), les macrolides (roxithromycine, azithromycine), l’amoxicilline ou la rifampicine, en monothérapie ou en association.

À partir de ces observations, différents auteurs ont proposé des protocoles d’antibiothérapie prolongée, y compris en l’absence d’isolement initial de tout micro-organisme.

En particulier, la doxycycline a donné des résultats inconstants.

C’est dans les formes rebelles ou particulièrement récidivantes que se discute l’introduction d’un traitement de « fond » ou « modificateur ».

Comme pour le rhumatisme psoriasique, le méthotrexate a été administré à des patients généralement porteurs d’un rhumatisme à expression majoritairement périphérique, avec une efficacité souvent bonne.

La ciclosporine pourrait également s’avérer bénéfique.

En revanche, la sulfasalazine est assez rarement efficace, avec environ un patient sur trois amélioré, au moins partiellement, dans la cohorte de l’hôpital Bichat.

Mentionnons tout de même quelques résultats plus encourageants, chez l’adulte, et surtout dans les formes pédiatriques.

Deux équipes distinctes ont proposé un traitement anti-TNF, par infliximab ou étanercept, à quatre patients atteints de syndromes SAPHO réfractaires aux autres thérapeutiques classiques : les résultats très prometteurs appellent confirmation sur un plus grand nombre de patients.

Pronostic :

Dans la majorité des cas, le pronostic du syndrome SAPHO paraît finalement plus favorable que celui d’autres SpA, notamment de la spondylarthrite ankylosante.

Dans la série des 120 cas de l’hôpital Bichat, aucune complication sévère ni invalidante n’a été enregistrée, y compris dans le sous-groupe de 47 patients suivis pendant plus de 5 ans.

Chez ces derniers et en moyenne, le nombre de foyers d’ostéite ou d’arthrite est passé respectivement de 1,57 à 1,91 et de 2,68 à 3,11, en l’espace de 9 ans et demi.

De la même façon, les formes pédiatriques semblent connaître une évolution favorable, avec une rémission survenant dans trois cas sur quatre environ.

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