Malformations de la ceinture scapulaire chez l’enfant et l’adolescent

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Introduction :

Les malformations de la ceinture scapulaire sont un problème peu fréquent de pathologie orthopédique pédiatrique.

Elles n’en posent pas moins des problèmes thérapeutiques à la fois esthétiques et fonctionnels du fait de la spécificité du membre supérieur.

Elles intéressent d’une manière spécifique ou plus souvent régionale les différents éléments anatomiques que sont le squelette (omoplate, clavicule et extrémité supérieure de l’humérus) et les parties molles, muscles et paquets vasculonerveux.

Les malformations les plus fréquentes de la ceinture scapulaire sont :

– soit isolées, telle la pseudarthrose congénitale de la clavicule ;

– soit associées à d’autres atteintes régionales plus ou moins diffuses aux membres supérieurs, voire au rachis et au névraxe, telles la surélévation congénitale de l’omoplate et les hypoplasies du grand pectoral ;

– soit partie intégrante de syndromes dépassant les limites des membres supérieurs voire de l’appareil locomoteur, dans le cadre d’anomalies de la croissance ou de l’ossification, bien souvent génétiques, telles que la dysplasie cléidocrânienne, le syndrome de Holt-Oram, l’onyco-ostéodysplasie.

Pseudarthrose congénitale de la clavicule :

Malformations de la ceinture scapulaire chez l’enfant et l’adolescentLa pseudarthrose congénitale de la clavicule est une malformation rare de cet os et de pathogénie intrigante.

Elle fut décrite initialement par Fitzwillams en 1910, qui la différenciait des fractures obstétricales et des pseudarthroses traumatiques, ainsi que des atteintes de la neurofibromatose. Saint-Pierre, en 1930, l’isole de la dysplasie cléidocrânienne.

A – EXAMEN :

Alors, qu’à la naissance, il faut savoir évoquer la pseudarthrose congénitale de la clavicule devant un aspect radiologique de fracture obstétricale n’évoluant pas rapidement vers la consolidation, le diagnostic est posé en général dans la première enfance devant une déformation saillante, mobile et indolore du tiers moyen de la clavicule.

La clavicule est plus courte que du côté opposé, avec une diminution de la distance entre le manubrium sternal et l’articulation acromioclaviculaire en particulier lorsque l’enfant « rentre les épaules ».

Et la mobilité passive de l’épaule est normale. Plus tard, une symptomatologie douloureuse peut apparaître, alors que la tuméfaction du tiers moyen de la clavicule augmente de volume.

Mais le plus souvent, la déformation reste asymptomatique.

Si la malformation ne provoque généralement qu’un simple préjudice esthétique, l’hypermobilité de la pseudarthrose peut être exceptionnellement à l’origine de syndrome canalaire du défilé sous-claviculaire par compression de l’artère sous-clavière contre l’extrémité interne du fragment distal lorsque l’épaule est en abduction, ou de paralysies du plexus brachial.

La localisation est pratiquement toujours à droite, et 10 % des formes sont bilatérales.

Les localisations gauches s’accompagnent d’un situs inversus ou d’une dextrocardie.

Et cette localisation préférentielle à droite pose le problème de l’étiologie de cette malformation.

La radiographie retrouve un defect osseux au tiers moyen de l’os.

Le fragment proximal pointe au-dessus et en avant du fragment distal.

Les extrémités osseuses sont en général densifiées, arrondies, élargies, mais parfois au contraire effilées et hypoplasiques avec une réduction du canal médullaire.

Il n’y a aucun aspect d’activité de reconstruction osseuse, pas de cal, pas d’ossification périostée.

Il n’existe pas de malformation associée, l’anomalie de la clavicule est isolée.

La pseudarthrose congénitale de la clavicule doit être distinguée des pseudarthroses post-traumatiques, exceptionnelles à cet âge, des pseudarthroses de la neurofibromatose, en présence de taches café au lait et, dans sa forme bilatérale, de la dysostose cléidocrânienne.

B – ÉTIOLOGIE :

Malgré le caractère unilatéral de cette malformation, il semble exister quelques cas familiaux, ayant une transmission autosomique récessive.

La clavicule est le premier os à s’ossifier chez l’embryon.

Pour la majorité des auteurs, à la 4e semaine apparaît une condensation mésenchymateuse, qui se différencie à la 5e semaine en une barre précartilagineuse au sein de laquelle se forment deux noyaux d’ossification, le noyau interne étant plus volumineux que l’externe.

Pour d’autres cependant, ces deux noyaux d’ossification naissent à la 6e semaine d’une ossification de membrane.

Ces noyaux d’ossification fusionnent à la 7e semaine pour former le corps de l’os.

À 7,5 semaines, il se forme aux extrémités de cet os une zone cartilagineuse dans laquelle l’ossification enchondrale débute à la 8e semaine, responsable de la croissance en longueur de cet os.

Le potentiel de croissance des extrémités de la clavicule est asymétrique et l’extrémité sternale est responsable de 75 à 80 % de la croissance en longueur.

L’origine de la pseudarthrose congénitale de la clavicule résiderait dans le défaut de fusion de ces deux centres d’ossification.

Du fait de sa latéralisation à droite, un rôle a été attribué à l’artère sousclavière plus proche de la clavicule de ce côté, dont les battements seraient à l’origine de la non-fusion des centres d’ossification, et ce d’autant qu’à cette disposition anatomique particulière s’ajouterait une fréquence particulière d’anomalies à types de côte cervicale ou de surélévation de la 1e côte, réduisant la largeur du défilé sousclavier et rapprochant encore l’artère de la clavicule.

Cependant, chez l’embryon, l’artère sous-clavière reste à distance de la partie moyenne du bord inférieur de l’os et la fusion de ces centres siège à l’union du tiers externe et des deux tiers internes de l’os, plus externe que la pseudarthrose congénitale de la clavicule.

Enfin, l’étude histologique de la pseudarthrose a montré la présence de cartilage hyalin au sein duquel les chondrocytes prennent une disposition en « colonne » ressemblant à du cartilage de croissance.

C – TRAITEMENT :

Le traitement de la pseudarthrose congénitale de la clavicule ne peut être que chirurgical car il n’y a aucune possibilité de consolidation spontanée.

La pseudarthrose doit être réséquée et les extrémités de la clavicule abordées en sous-périosté.

La cavité médullaire est avivée, ce qui peut être difficile lorsque la pseudarthrose est de type hypotrophique.

Une greffe spongieuse prélevée sur la crête iliaque est apposée de part et d’autre de la zone réséquée.

Une ostéosynthèse par broche pendant 3 semaines ou par plaque vissée concourt à la rapidité de la consolidation.

Il ne semble pas nécessaire d’utiliser de greffe corticale solide pour redonner une longueur à la clavicule, dont la croissance en longueur en particulier par son extrémité interne reste normale.

Chez le petit enfant, avant 3 ans, il semble qu’une ostéosynthèse ne soit pas nécessaire.

Les complications sont rares malgré la proximité de l’artère sousclavière, mais il a été décrit un cas de paralysie postopératoire du plexus brachial.

Les indications sont parfois discutées puisque la pseudarthrose congénitale de la clavicule est longtemps asymptomatique.

Cependant, l’évolution spontanée peut se faire vers l’aggravation du préjudice esthétique, avec une augmentation de volume de la tuméfaction, voire l’apparition d’un syndrome sous-clavier.

Et les bons résultats habituels de la chirurgie semblent plaider pour la consolidation chirurgicale de la pseudarthrose.

Surélévation congénitale de l’omoplate :

Décrite initialement par Eulenberg en 1863, puis par Willett et Walsham en 1880, elle prend le nom de « déformation de Sprengel » en 1891, à la suite de la publication de cet auteur.

On définit sous ce terme une position anormale de l’omoplate, dont la position habituelle en position debout et membres supérieurs ballants est située entre la 2e côte et le 7e espace intercostal, l’angle supérointerne étant en regard de l’épineuse de D1 et l’angle inférieur en regard de la 8e ou de la 9e côte.

La surélévation congénitale de l’omoplate touche plus souvent la fille (75 %) et est unilatérale dans 90 % des cas, autant gauche que droite.

Elle peut être isolée ou plus souvent associée à d’autres malformations régionales, voire à distance.

Une participation génétique est rarement évoquée en présence de formes bilatérales et familiales.

A – BILAN CLINIQUE :

Le diagnostic est évoqué à un âge variable avec le retentissement esthétique et fonctionnel. Sur le plan esthétique, la surélévation de l’omoplate comble la base du cou où saille le bord supérieur de l’omoplate.

Un torticolis ou un pterygium colli peuvent encore aggraver le préjudice esthétique.

L’omoplate est hypoplasique, plus large que haute, avec un bord spinal convexe, un bord externe concave et allongé. Son déplacement par rapport à sa position physiologique intéresse les trois plans de l’espace :

– dans le plan sagittal, le bord supérieur bascule vers l’avant, ce qui en majore la saillie, et la pointe est déviée en dehors ;

– dans le plan frontal, elle subit une rotation externe autour d’un axe antéropostérieur, en adduction, à tel point que son angle inférieur est basculé en dedans, son angle supérieur proéminent à la base du cou ;

– dans le plan horizontal, le bord spinal est rapproché de la ligne des épineuses.

Ce préjudice esthétique est à la base de la classification de Cavendish en quatre grades :

– grade 1 ou très légère lorsque les épaules sont au même niveau et la déformation invisible ou pratiquement sur le patient habillé ;

– grade 2 ou légère lorsque les épaules sont au même niveau ou pratiquement mais la déformation est visible sur le patient habillé, comme une bosse à la base du cou ;

– grade 3 ou modéré lorsque l’épaule est surélevée de 2 à 5 centimètres ;

– grade 4 ou sévère lorsque la surélévation est si importante que l’angle supérieur de l’omoplate est proche de l’occiput.

Sur le plan fonctionnel, la bascule en varus de la cavité glénoïde est à l’origine d’une limitation de l’abduction de l’épaule qui peut être de 100 à 120° chez 40 % des patients.

Il faut encore préciser le degré de fixité de l’omoplate liée à la présence fréquente d’un os omovertébral et d’adhérences profondes.

Une instabilité multidirectionnelle de l’épaule peut survenir, due à la distension progressive des formations capsulaires et ligamentaires périarticulaires.

Le reste du bilan clinique doit rechercher d’autres malformations locales et régionales : hypoplasie des muscles de la ceinture scapulaire, os omovertébral, scoliose et sa gibbosité. Un bilan vasculaire et neurologique a un intérêt pronostique majeur pour les indications thérapeutiques.

À distance, d’autres anomalies ou malformations cliniques doivent être recherchées : pied bot, malformations de la charnière lombosacrée, dysplasie de hanche.

B – BILAN RADIOLOGIQUE :

La radiographie est indispensable au diagnostic malgré les difficultés techniques de visualisation de l’os.

Outre le degré de surélévation sur une radiographie debout, bras ballants le long du corps, elle peut montrer la présence d’un os omovertébral et préciser l’importance de l’hypoplasie osseuse.

La classification de Rigault en trois degrés est basée sur l’aspect radiographique.

– degré 1 ou surélévation discrète lorsque l’angle interne de l’omoplate est entre les apophyses transverses de D2 et D4 ;

– degré 2 ou surélévation habituelle lorsque l’angle interne est entre les transverses de C5 et de D2 ;

– degré 3 ou surélévation grave lorsque l’angle interne est audessus de C5.

Cette classification prend également en compte l’importance de la dysplasie de l’omoplate qui augmente avec le degré de la surélévation et les malformations associées, puisque d’une part, elle précise la topographie de l’angle interne de l’omoplate et que d’autre part, l’os omovertébral n’est en général pas retrouvé dans les surélévations du premier degré.

Mais surtout, ce bilan radiographique participe à la recherche des autres malformations qui peuvent aggraver le pronostic et être à l’origine de graves complications per- et postopératoires :

– la clavicule est en règle courte, ce qui peut menacer le plexus brachial lors de l’abaissement de l’omoplate. Une barre osseuse unissant clavicule et omoplate a même été décrite ;

– les côtes sont souvent l’objet de réductions numériques, de fusions.

Le gril costal peut être déformé en cuvette en regard de l’omoplate ;

– les vertèbres peuvent être aussi malformées et de tout type : hémivertèbres, défauts de segmentation avec barres pédiculaires, syndrome de Klippel-Feil, voire éperon intracanalaire avec diastématomyélie.

Un examen par résonance magnétique nucléaire est donc indispensable.

La surélévation congénitale de l’omoplate s’accompagne donc souvent d’autres malformations locales et régionales.

La plus fréquente est l’existence d’un os omovertébral présent dans environ 20 % à 50 % des cas.

Cet os omovertébral, dont la longueur peut atteindre 7 cm, peut être remplacé par une structure cartilagineuse ou par un trousseau fibreux.

Son insertion vertébrale est variable, sur les épineuses, les arcs postérieurs ou les apophyses transverses des vertèbres cervicales.

Son insertion scapulaire peut être remplacée par une véritable articulation et est en rapport avec la position de l’omoplate : plus l’insertion de l’os omovertébral est haute, proche de l’angle supéro-interne, plus l’omoplate est haute et verticale, et la rotation axiale moins importante ; et plus l’insertion de l’os omovertèbral se rapproche de l’angle interne et plus l’omoplate est basse, avec une limitation plus importante de l’abduction de l’épaule.

L’os omovertébral ou ses équivalents cartilagineux ou fibreux semblent donc agir comme un frein à la descente physiologique de l’omoplate.

La signification de cet os omovertébral est incertaine : il pourrait s’agir d’une ossification du muscle angulaire ou d’un os omocervical, reliquat d’une anomalie régressive, équivalent de l’os suprascapulaire que l’on rencontre chez certains vertébrés inférieurs.

C – ANATOMIE PATHOLOGIQUE ET PATHOGÉNIE :

L’omoplate apparaît à la 5e semaine de vie embryonnaire sous la forme d’une masse mésenchymateuse située en regard de C4-C5.

Elle migre progressivement de la 6e à la 12e semaine jusqu’à sa position physiologique définitive en direction caudale en subissant par ailleurs une rotation externe.

À la 8e semaine son bord supérieur est au niveau de C7 et son angle inférieur en regard de la 6e côte.

À la 12e semaine, elle a atteint sa situation finale. Parallèlement à cette migration la morphologie de l’omoplate se modifie : de plus large que haute au départ, ses dimensions s’inversent progressivement pour atteindre des dimensions définitives, plus haute que large, du fait de l’adaptation de cet os à la bipédie et à la fonction de préhension du membre supérieur.

La surélévation congénitale de l’omoplate résulterait donc d’un arrêt de la migration caudale de cette structure entre les 9e et 12e semaines.

Cet arrêt de la migration de l’omoplate est par ailleurs associé à un arrêt de développement des parties molles voisines, en particulier des muscles qui s’insèrent sur l’omoplate (rhomboïde, angulaire et trapèze), souvent hypoplasiques voire fibreux et infiltrés de tissu graisseux.

Les trousseaux fibreux unissant la face antérieure de l’omoplate au gril costal, et qui limitent encore l’abduction de l’épaule, ressortent vraisemblablement du même processus malformatif.

D’autres malformations régionales sont souvent associées à la surélévation congénitale de l’omoplate.

La clavicule d’abord est souvent raccourcie, son extrémité externe est incurvée et l’angle entre l’omoplate et la clavicule est fermé.

En revanche, il n’a pas été montré de rétrécissement du défilé costoclaviculaire qui pourrait entraîner une compression du plexus brachial.

Des moyens d’union anormaux ont cependant été décrits à partir de la clavicule sous la forme d’une barre omoclaviculaire.

Plus à distance, les côtes peuvent subir une régression numérique, être le siège de synostoses.

Il peut exister des côtes cervicales.

Les vertèbres sont souvent malformées avec des défauts de segmentation de tous types, blocs antérieurs ou postérieurs, hémivertèbres, spina bifida.

Une scoliose peut être associée, sans qu’il y ait de rapport entre sa latéralisation et le côté de la surélévation de l’omoplate.

Un syndrome de Klippel- Feil, parfois associé, aggrave le préjudice esthétique avec un cou court, une implantation basse des cheveux, une limitation de la mobilité du rachis cervical et des malformations vertébrales cervicales.

Une diastématomyélie a été décrite dans 8 % des cas, avec un rétrécissement ou des anomalies du canal vertébral à type d’éperon intracanalaire, voire une iniencéphalie.

Cette atteinte régionale ferait de cette malformation une perturbation du développement de la notochorde.

D – TRAITEMENT :

1- Méthodes :

Le traitement ne peut être que chirurgical, et les méthodes utilisées à type soit de résection osseuse soit d’abaissement de l’omoplate, parfois associées d’ailleurs.

* Résections osseuses :

Ce sont les plus anciennes.

La résection de l’os omovertébral, lorsqu’il existe, est systématique et c’est le premier temps de l’intervention.

Les résections partielles de l’omoplate doivent être extrapériostées pour éviter les réossifications.

Elles peuvent intéresser soit la saillie de la fosse sus-épineuse, soit s’étendre, même à la quasi-totalité de l’os.

L’association d’une résection partielle de l’omoplate et de l’os omovertébral, à une désinsertion de la longue portion du triceps semble encore améliorer le résultat.

Il faut en rapprocher les ostéotomies verticales de l’omoplate avec abaissement de la seule partie externe de l’omoplate.

* Abaissement de l’omoplate :

Il nécessite la résection de l’os omovertébral lorsqu’il existe.

Il doit s’accompagner d’une correction de la rotation externe et donc de la varisation de la glène qui pour certains est le temps principal. Une ostéotomie première de la clavicule peut être utile pour faciliter l’abaissement et éviter les complications neurologiques.

La désinsertion des muscles qui s’insèrent sur l’omoplate est faite :

– soit au niveau de l’os et en extrapériosté, pouvant emporter même le bord interne de l’omoplate.

L’incision est latérale, en regard du bord spinal, et l’abaissement maintenu par suture de la pointe au gril costal ou enfouissement dans le grand dorsal.

À la section extrapériostée musculaire peut être associée la résection de la fosse sus-épineuse saillante, voire la section de l’apophyse coracoïde ;

– soit au niveau de leurs insertions sur la ligne médiane, comme dans la technique de Woodward qui semble la plus utilisée actuellement.

Par une incision plus esthétique située sur la ligne médiane, les muscles trapèze, rhomboïde et angulaire sont désinsérés des épineuses et suturés avec un décalage vers le bas.

Il faut se méfier du nerf spinal accessoire qui peut être lésé lors de la section de l’angulaire.

Il faut récliner les muscles en dehors pour libérer la face antérieure de l’omoplate des adhérences avec les plans profonds, et se méfier, lors de l’abaissement, d’une disparition du pouls radial et d’une éventuelle paralysie du plexus brachial.

Une ostéotomie de la clavicule peut d’ailleurs être nécessaire pour diminuer ce risque neurologique.

L’abaissement est en général de l’ordre de deux niveaux vertébraux et l’aponévrose du trapèze est réinsérée sur la ligne médiane quelques étages plus bas, en ajoutant à l’abaissement une dérotation de l’omoplate sur son axe.

Pour éviter le risque d’hypercorrection, il faut, compte tenu de l’hypoplasie de l’omoplate, déterminer l’importance de l’abaissement en se guidant non pas sur la pointe mais sur l’angle interne de l’omoplate ou le centre géométrique de l’os.

Les résultats de l’intervention de Woodward sont bons dans environ 60 à 80 % des cas avec une amélioration esthétique et fonctionnelle, et une amélioration de l’abduction de l’épaule de l’ordre de 30°.

Les interventions d’abaissement peuvent enfin être associées à une résection de la partie saillante de l’épine de l’omoplate.

2- Indications :

Les indications sont basées sur l’importance du préjudice esthétique et du déficit fonctionnel d’abduction de l’épaule.

Si l’abstention se justifie dans les degrés 1 de Rigault lorsque le préjudice esthétique est réduit, les interventions de résection partielle de l’omoplate peuvent permettre à moindres risques une amélioration esthétique, même incomplète, dans les degrés supérieurs.

En revanche, l’amélioration de l’abduction ne peut être obtenue que par une intervention d’abaissement et de réorientation de l’omoplate telle que l’intervention de Woodward, seule ou associée à une résection partielle de l’os saillant.

Le résultat fonctionnel immédiat peut encore s’améliorer avec la rééducation postopératoire.

L’âge à l’intervention n’est pas dans ces conditions un facteur péjoratif et il faut savoir ne pas opérer trop tôt, en raison des difficultés d’appréciation peropératoires, ni trop tard pour permettre les possibilités de remodelage.

En revanche, si la présence d’un os omovertébral n’a pas d’influence pronostique, l’association à d’autres malformations locales ou régionales, en particulier du rachis cervical est un facteur pronostique péjoratif dont il faut tenir le plus grand compte dans les indications chirurgicales.

Syndrome de Poland :

A – GÉNÉRALITÉS :

En 1841, A Poland décrivait, chez un bagnard supplicié, des malformations d’un membre supérieur associant une aplasie des muscles pectoraux et des anomalies de la main.

Depuis on définit sous le nom de syndrome de Poland l’association d’une aplasie totale ou partielle du muscle grand pectoral à des brachysyndactylies, voire à une hypoplasie plus diffuse du membre supérieur.

Une définition encore plus restrictive de ce syndrome associe une aplasie du faisceau sternocostal du grand pectoral à des brachymésophalangies, excluant les aplasies majeures du muscle et les syndactylies des doigts.

L’atteinte peut être autant droite que gauche et est le plus souvent unilatérale.

Bien que l’étiopathogénie de ce syndrome soit encore inconnue, il ne semble pas s’agir d’une affection génétique ou héréditaire, mais plutôt du résultat d’une agression sur l’embryon à la 7e semaine de gestation, qui correspond au terme de développement simultané du grand pectoral et des phalanges intermédiaires, au moment où, par ailleurs, les doigts en palette se trouvent encore au contact de la paroi thoracique.

Le mécanisme de cette agression serait un spasme vasculaire ou une interruption de la vascularisation de structures mal vascularisées par ailleurs.

L’association à une hypoplasie d’origine vasculaire d’un membre inférieur serait en faveur de cette hypothèse.

B – CLINIQUE :

L’atteinte du grand pectoral est constante et touche le plus souvent le seul faisceau sternocostal du muscle.

La peau en regard forme un repli au niveau du pilier antérieur de l’aisselle, véritable faux cutané inesthétique délimitant une dépression thoracique sous-axillaire.

Le faisceau claviculaire est bien moins souvent en cause.

Bien qu’elle ne s’accompagne que d’un préjudice esthétique sans retentissement fonctionnel véritable, cette hypoplasie musculaire ne modifie pas la force musculaire en rotation interne, mais entraîne une diminution de la force d’adduction comme cela a pu être affirmé chez des athlètes en fin de croissance.

Mais la mobilité passive de l’épaule est en règle normale par ailleurs. D’autres muscles peuvent être intéressés par la malformation : le petit pectoral, le grand dentelé ou les intercostaux, mais aussi les muscles de la paroi abdominale.

En superficie de l’hypoplasie musculaire, la peau est fine, adhérente.

La glande mammaire est hypoplasique à un degré variable et le mamelon est parfois ectopique, déplacé en haut et en dehors.

Il peut même être absent.

Au-dessous de l’hypoplasie du grand pectoral, le gril costal est en général normal, mais les côtes peuvent être hypoplasiques, voire absentes.

Même dans ces cas, la fonction respiratoire ne semble pas perturbée.

Le membre supérieur est fréquemment intéressé par les malformations, sans qu’il y ait de relation entre les anomalies thoraciques et celles du membre supérieur.

L’hypoplasie du bras et de l’avant-bras est pratiquement constante, avec un raccourcissement parfois sévère.

Mais les malformations des doigts sont les plus caractéristiques et portent autant sur la main qui est hypoplasique que sur les doigts qui sont raccourcis par brièveté des 2e phalanges.

Elles peuvent être classées soit dans le cadre des synbrachydactylies en quatre stades (doigts courts, mains en « fourche », monodactylies et adactylies), soit dans le cadre des brachymésophalangies et, là encore, en quatre stades (brachymésophalangies simples, brachymésophalangies avec syndactylie, syndactylies des quatre doigts internes laissant seul le pouce libre ou « main en mitaine », et aplasie médiane ou « main en fourche »).

D’autres associations ont été décrites : main bote, synostose radiocubitale supérieure, syndrome de Moebius, leucémie, malformations rénales et dextrocardie.

C – TRAITEMENT :

Le traitement de ce syndrome est chirurgical, mais, là encore, il varie selon le préjudice esthétique et fonctionnel.

Le retentissement esthétique de l’aplasie du grand pectoral peut nécessiter des interventions de chirurgie plastique, utilisant un lambeau musculaire libre ou de muscle grand dorsal pour combler l’hypoplasie du plan costal antérieur, bien que la direction des fibres de ce lambeau ne soit pas la même que celles du grand pectoral.

On y associe l’utilisation chez la fille de prothèses mammaires, plus volontiers au moment de la puberté, et chez le garçon, beaucoup plus rarement, de prothèse thoracique sur mesure.

Les malformations des doigts varient selon les cas en fonction de leur type anatomique et de leur retentissement fonctionnel : libération des syndactylies, « désenfouissement » du pouce, voire établissement d’une pince pouce-index opposable.

Affections génétiques avec atteinte de l’épaule :

Il faut rapprocher des malformations de l’épaule, dans leurs formes non isolées, certaines ostéochondrodysplasies, dont l’atteinte de la ceinture scapulaire passe cependant au second plan, voire est inconstante.

A – DYSPLASIE CLÉIDOCRÂNIENNE :

C’est la plus typique.

Cette affection héréditaire à transmission autosomique dominante est une anomalie de l’ossification de membrane et se traduit par un retard d’ossification des os relevant de ce type d’ossification.

Elle touche les clavicules, parfois réduites à deux petits moignons rudimentaires, voire totalement absentes dans 10 % des cas, ce qui donne un aspect caractéristique au thorax lorsque l’enfant « rapproche ses épaules ».

Les omoplates sont hypoplasiques.

Le crâne est augmenté de volume avec la persistance des fontanelles.

Il existe une dysmorphie faciale avec une saillie des bosses frontales, un élargissement de la base du nez et un hypertélorisme.

Les anomalies vertébrales sont fréquentes : platyspondylie, vertèbres cunéiformes et parfois scolioses et cyphoses.

Au bassin, il existe une coxa vara et un élargissement de la symphyse pubienne, les ailes iliaques sont hypoplasiques.

B – ONYCHO-OSTÉODYSPLASIE :

Elle se traduit par l’association :

– d’une dysplasie unguéale, plus intense sur les doigts radiaux ;

– d’une dysplasie « autour des genoux » avec une hypoplasie de la rotule et du condyle fémoral externe ;

– d’une dysplasie « autour des coudes » avec une hypoplasie de la tête radiale et du condyle fémoral externe ;

– et de cornes iliaques.

Il a été décrit par ailleurs de rares atteintes de l’épaule avec en particulier une dysplasie de la ceinture scapulaire, une hypoplasie de l’omoplate étendue à l’apophyse coracoïde et à l’acromion, une hypoplasie de la tête humérale, et une saillie de l’extrémité externe de la clavicule.

C – SYNDROME D’APERT OU ACROCÉPHALOSYNDACTYLIE :

C’est sans doute une affection touchant l’ossification enchondrale.

Elle comporte une atteinte dysmorphique faciale avec une rétrognatie, des malformations des mains et des pieds à type d’aplasies osseuses et de syndactylies.

Les atteintes des épaules sont moins fréquemment décrites.

Elles se manifestent dans la seconde enfance par un aplatissement de la tête humérale qui s’excentre, voire se luxe, alors que la cavité glénoïde est dysplasique, allongée et concave, irrégulière.

D – SYNDROME DE HOLT-ORAM :

Il a une transmission autosomique dominante.

Il associe une malformation cardiaque de type communication interventriculaire ou interauriculaire à une hypoplasie plus ou moins sévère du rayon radial du membre supérieur avec une hypo- ou une aplasie des pouces, un hypoplasie radiale, et à l’épaule, une hypoplasie des omoplates et des têtes humérales alors que les clavicules sont larges et courtes, avec une saillie des articulations acromio- et coracoclaviculaires.

Les épaules sont « tombantes » et la présence d’os acromial a été signalée.

Conclusion :

Les malformations congénitales de la ceinture scapulaire sont d’abord osseuses, et parfois difficiles à préciser sur le seul bilan radiographique habituel, compte tenu des difficultés techniques de réalisation de l’examen.

Localement elles intéressent aussi les parties molles, muscles et structures vasculaires et nerveuses, et cette atteinte doit être recherchée à tous les stades de la prise en charge, tant diagnostique que thérapeutique, faisant alors de la malformation une affection régionale.

Mais si le processus malformatif peut être localisé aux constituants anatomiques de la ceinture scapulaire, il peut s’étendre à distance, en particulier au rachis et au névraxe.

Ailleurs enfin, la malformation de la ceinture scapulaire fait partie d’un tableau plus complexe d’un syndrome malformatif génétique, où elle est au second plan tant par le retentissement esthétique et fonctionnel que par la nécessité éventuelle d’une prise en charge thérapeutique.

Le bilan d’une malformation de l’épaule doit donc être aussi complet que possible, utilisant toutes les ressources de l’imagerie et, en particulier, le recours aux techniques les plus récentes telles que le scanner 3D ou la résonance magnétique nucléaire.

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