Maladie de Steinert

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Introduction :

Décrite en 1909 par Steinert et par Batten et Gibb, la dystrophie myotonique est la plus fréquente des dystrophies musculaires de l’adulte.

Sa prévalence moyenne est estimée à 5 pour 100 000 habitants.

Elle est exceptionnellement élevée (189 pour 100 000 habitants) dans la population canadienne du Saguenay-Lac-Saint-Jean (nord du Québec) dont l’étude généalogique a permis d’établir que tous les patients descendaient d’un couple ancestral commun unique, immigré dans cette région en 1657.

Maladie de SteinertLa maladie de Steinert se singularise des autres dystrophies musculaires par l’existence d’une myotonie, qui en constitue le signe cardinal, et par une atteinte plurisystémique responsable d’une cataracte, d’une calvitie, de troubles cardiaques et d’une atteinte endocrinienne.

Bien que classée comme maladie musculaire, la maladie de Steinert est donc susceptible de concerner bien d’autres spécialistes que le neurologue.

Si l’avènement du diagnostic génétique moléculaire a rendu un peu désuètes les anciennes descriptions cliniques, il n’en demeure pas moins que l’identification clinique de la maladie et la connaissance de ses multiples manifestations restent d’actualité afin d’optimiser la prise en charge de ces patients.

Nous envisagerons successivement la description de la forme commune puis celle de la forme congénitale.

Aspects cliniques de la forme commune :

La sévérité de la maladie est très variable, allant des formes cliniquement asymptomatiques (cataracte isolée, myotonie détectée par l’électromyogramme [EMG]) aux formes avec déficit musculaire majeur, troubles de la respiration et de la déglutition, atteinte cardiaque.

La forme commune de la maladie de Steinert est habituellement reconnue dans la deuxième ou troisième décennie, mais beaucoup de patients ont des symptômes depuis l’enfance.

L’évolution de la maladie est généralement lente, mais une dégradation rapide et imprévisible peut s’observer chez certains patients jusqu’alors modérément atteints.

La capacité de travail est limitée à terme chez plus de deux tiers des patients.

L’espérance de vie excède rarement 65 ans, les deux principales causes de décès sont les pneumopathies et les troubles du rythme cardiaque [Brain 1998 ; 121 : 1557-1563].

A – Atteinte musculaire squelettique :

La répartition du déficit et de l’atrophie musculaire est très caractéristique, intéressant les muscles de la face, du cou et des segments distaux des membres.

L’atteinte des muscles de la face et du cou est une des plus précoces et des plus constantes mais elle passe souvent inaperçue du patient.

Les muscles temporaux et masséters sont atrophiés, donnant au faciès un aspect peu expressif, allongé, avec les joues creuses et la bouche entrouverte.

La force des orbiculaires palpébraux est diminuée. Le ptosis est fréquent, généralement symétrique et modéré.

Il est rare d’observer une franche limitation des mouvements oculaires ou une diplopie.

À cette atteinte musculaire s’associe une calvitie précoce chez les patients masculins, et parfois un prominauris (grandes oreilles décollées).

L’aspect du faciès est ainsi très particulier et permet souvent à lui seul d’évoquer le diagnostic.

Au cou, l’atrophie des sterno-cléido-mastoïdiens et la faiblesse des muscles fléchisseurs sont précoces, contrastant avec une force préservée des muscles extenseurs de la nuque.

La combinaison de l’atteinte faciale et de la musculature vélopharyngée est responsable d’une voix mal articulée, nasonnée, et de troubles de la déglutition dans les formes plus sévères.

L’atteinte musculaire distale des membres est généralement modérée au stade précoce de la maladie.

Sa répartition au niveau des avant-bras et des mains est diffuse, non sélective et symétrique, touchant les fléchisseurs, les extenseurs, et les muscles intrinsèques des mains.

Aux membres inférieurs, la faiblesse des releveurs des pieds et des orteils peut engendrer un steppage.

L’extension proximale du déficit est plus tardive, toutefois certains patients présentent précocement un déficit amyotrophiant des quadriceps.

Les muscles abdominaux sont souvent touchés, la musculature spinale est respectée.

Les rétractions musculotendineuses sont rares, les réflexes ostéotendineux distaux sont diminués et s’abolissent avec l’évolution.

Une neuropathie axonale sensitivomotrice modérée, non corrélée à l’importance du handicap moteur, a été démontrée par des travaux électrophysiologiques et histopathologiques.

La myotonie est le signe cardinal de la maladie de Steinert.

À l’inverse de ce que l’on observe dans les myotonies non dystrophiques, il est exceptionnel que les patients s’en plaignent.

Elle doit donc être attentivement recherchée par l’examen, sous peine de méconnaître le diagnostic.

Elle se définit comme une lenteur anormale et indolore à la décontraction musculaire, elle diminue progressivement à la répétition du mouvement et n’est pas corrélée à la sévérité de l’atteinte déficitaire.

Le rôle aggravant du froid, rapporté par certains patients, n’est cependant pas démontré par les études électrophysiologiques.

Dans la maladie de Steinert, la myotonie prédomine au niveau des mains.

La myotonie spontanée est détectable après fermeture du poing ou serrement de la main : l’extension des doigts, surtout du pouce, est lente et difficile, le sujet s’aidant parfois d’une flexion du poignet pour rouvrir sa main.

La myotonie spontanée n’est plus appréciable lorsque la faiblesse des doigts est trop importante.

La myotonie provoquée se recherche par la percussion de l’éminence thénar où elle se traduit par un mouvement d’adduction prolongée du pouce.

B – Manifestations cardiaques :

L’atteinte cardiaque est commune au cours de la maladie de Steinert.

Environ 90 % des patients ont des anomalies électrocardiographiques.

Il est important de noter l’absence de corrélation entre la gravité, l’évolutivité de l’atteinte cardiaque et celle de l’atteinte musculaire squelettique.

Des études démontrent que la taille de l’expansion CTG n’est pas un facteur prédictif des anomalies cardiaques.

Ces notions justifient pleinement l’intérêt d’une surveillance électrocardiographique régulière et répétée (une à deux fois par an) chez l’ensemble des patients, quel que soit leur statut clinique.

Les troubles de la conduction auriculoventriculaire (bloc auriculoventriculaire de différents degrés) et intraventriculaires (bloc de branche) sont les plus fréquents, et leur risque de survenue augmente avec l’âge.

Les troubles du rythme s’observent aussi, qu’ils soient supraventriculaires (flutter ou fibrillation auriculaire, dysfonction sinusale) ou, plus rarement, à l’étage ventriculaire.

Il existe une corrélation négative des troubles du rythme ventriculaire avec l’âge.

On peut voir enfin un dysfonctionnement ventriculaire gauche mais, contrairement à ce que l’on observe dans d’autres dystrophies musculaires, l’insuffisance cardiaque congestive est rare.

Il existe un risque de mort subite chez les patients atteints de maladie de Steinert, dont la fréquence est diversement appréciée selon les études (entre 4 et 10 %).

Son risque et son mécanisme de survenue ont été étudiés chez 49 patients asymptomatiques implantés d’un pacemaker doué d’une fonction holter et suivis pendant 2 ans en moyenne.

Tous les patients inclus avaient soit des troubles de la conduction infrahissienne soit une bradycardie documentée (intervalle HV supérieur ou égal à 70 ms).

Cette étude a montré que 44 %des patients implantés présentaient des blocs auriculoventriculaires complets et 55 %des troubles du rythme ventriculaire avec survenue de trois morts subites, dont deux n’étaient pas d’origine rythmique.

Ces résultats semblent valider l’indication de la stimulation cardiaque préventive dans le cas où l’intervalle HV est supérieur à 70 ms, même si les patients sont cliniquement asymptomatiques.

L’électrocardiogramme (ECG) et le Holter rythmique constituent les examens de base pour le dépistage des manifestations cardiaques chez les patients atteints de maladie de Steinert.

Cependant, l’indication d’une exploration électrophysiologique endocavitaire doit être assez large compte tenu de la grande fréquence des troubles conductifs infrahissiens même en cas d’ECG normal, et de la gravité potentielle d’un trouble conductif asymptomatique.

Enfin, une évaluation précise du statut cardiologique est indispensable dès lors que l’on envisage de traiter une myotonie invalidante car les produits efficaces (mexilétine, diphénylhydantoïne) sont cardiotoxiques.

C – Atteinte respiratoire :

Les troubles respiratoires sont fréquents et procèdent de plusieurs mécanismes : atteinte des muscles respiratoires, pneumopathie de déglutition secondaire à l’atteinte des muscles vélopharyngés, et troubles du sommeil.

L’atteinte diaphragmatique résulte à la fois de la faiblesse et de la myotonie.

Elle est un élément déterminant dans la survenue d’une hypoventilation alvéolaire.

Une surmortalité est observée chez les patients ayant un syndrome restrictif et une hypercapnie.

Une corrélation statistique a été établie entre la prévalence de l’hypercapnie (PaCO2 >= 43 mmHg) et le degré de handicap fonctionnel à l’échelle MDRS (muscular disability rating scale), la somnolence diurne étant un cofacteur prédictif significatif.

La surveillance des épreuves fonctionnelles respiratoires et de la gazométrie artérielle est donc déterminante.

Elle sera complétée au besoin par une étude polysomnographique.

D – Manifestations endocriniennes :

L’atteinte gonadique est au premier plan chez l’homme.

Elle est responsable d’un hypogonadisme hypergonadotrope.

Un bilan de stérilité primaire ou secondaire peut être à l’origine du diagnostic de la maladie. Une atrophie testiculaire est présente chez 60 à 80 %des patients, la diminution de la libido et l’impuissance sont habituellement plus tardives.

Les principales lésions histologiques sont une fibrose des tubes séminifères, responsable d’une azoospermie tardive, alors que les cellules de Leydig sont conservées, voire hyperplasiques.

L’élévation du taux des gonadotrophines plasmatiques, en particulier de l’hormone folliculostimulante (FSH), et leur réponse explosive lors de la stimulation par la gonadolibérine (LH-RH) sont le reflet de l’atteinte gonadique primaire.

La testostéronémie est normale ou légèrement diminuée.

Chez la femme, les anomalies sont plus rares (15 à 20 %).

Les dosages hormonaux sont généralement normaux mais on peut observer des troubles des règles, une ménopause précoce. Les troubles du métabolisme glucidique sont fréquents.

L’intolérance aux hydrates de carbone, dépistée par une hyperglycémie provoquée par voie orale, est beaucoup plus fréquente que le diabète de type II dont l’incidence est quatre fois supérieure à celle de la population générale.

Elle s’associe à un hyperinsulinisme témoignant d’une résistance périphérique à l’insuline.

Une diminution significative du taux d’acide ribonucléique (ARN) du récepteur à l’insuline a été mise en évidence dans les biopsies musculaires de patients atteints de dystrophie myotonique.

Parmi les autres manifestations endocriniennes, on peut citer des anomalies du métabolisme du calcium, un goitre colloïde ou nodulaire, une diminution du métabolisme de base non expliquée par une hypothyroïdie.

E – Manifestations oculaires :

La plus commune est la cataracte qui est quasiment constante chez les patients adultes de 40 ans.

Elle affecte assez souvent simultanément les deux yeux et peut être le premier et l’unique signe de la maladie, son aspect à un stade évolué n’étant pas toujours suffisamment spécifique pour évoquer le diagnostic en l’absence des autres manifestations.

Elle est de type souscapsulaire postérieur et donne des opacités multicolores irisées dont le nombre et la taille croissent avec le temps, conduisant à l’intervention chez environ 20 % des patients.

De même que la cataracte doit être systématiquement recherchée par un examen à la lampe à fente chez les patients atteints de dystrophie myotonique, ce diagnostic est à évoquer systématiquement chez les sujets porteurs d’une cataracte présénile.

D’autres anomalies oculaires, moins fréquentes, sont décrites : hypotonie oculaire, dégénérescence pigmentaire de la rétine (périphérique ou impliquant la macula), troubles de la sécrétion lacrymale, anomalies palpébrales, conjonctivales et cornéennes.

F – Atteinte du système nerveux central :

L’hypersomnie, la somnolence diurne sont très fréquentes et souvent méconnues, pouvant conduire abusivement au diagnostic de narcolepsie.

L’hypoventilation alvéolaire ne paraît pas être le seul facteur en cause puisque ces troubles du sommeil peuvent s’observer sans atteinte respiratoire démontrée, ou persister après correction de l’hypoventilation, suggérant la participation d’un mécanisme central que semblent confirmer les études électrophysiologiques.

Les troubles de la personnalité ne sont pas rares.

Ils associent indifférence, apathie, traits évitants et ne paraissent liés ni à une dépression, ni au degré de handicap physique. Des troubles intellectuels sont décrits, en particulier une altération des fonctions exécutives.

Toutefois il n’y a pas de déclin intellectuel progressif au cours de la maladie de Steinert.

Le retard mental est l’apanage des formes congénitales.

Une diminution significative du métabolisme cérébral du glucose, corrélée au nombre de répétitions du triplet CTG, a été démontrée en tomographie par émission de positrons.

G – Manifestations digestives :

La musculature lisse n’est pas épargnée au cours de la maladie de Steinert.

Elle est responsable de troubles digestifs qui sont très fréquents et essentiellement liés à une diminution de la motilité digestive.

On peut observer une dysphagie, un reflux gastrooesophagien, des troubles du transit intestinal (diarrhée, constipation), un dysfonctionnement du sphincter anal en partie dû à la myotonie.

Les lithiases biliaires conduisent un tiers des patients à la cholécystectomie.

L’augmentation des gammaGT et des phosphatases alcalines est présente chez environ la moitié des patients, en dehors de tout éthylisme.

H – Autres manifestations :

La calvitie s’observe chez environ 80 % des patients masculins alors qu’elle est rare chez les femmes.

Elle est précoce, frontale et temporale, et son étendue est en général corrélée avec la gravité de la maladie.

Les autres systèmes pileux peuvent être touchés mais à un moindre degré.

Les ongles sont normaux.

Plusieurs cas de pilomatrixome ont été décrits.

Les altérations osseuses les plus classiques sont un épaississement de la voûte crânienne et une hyperostose frontale interne observés dans 60 à 70 % des cas.

Sur le plan immunologique et hématologique, il existe une diminution du taux sérique des immunoglobulines G et du taux de lymphocytes T circulants, corrélée à la taille de l’expansion dans le gène DMPK.

Forme congénitale de la maladie de Steinert :

Cette forme particulière s’observe de façon quasi-exclusive chez les nouveaunés de mère atteinte de dystrophie myotonique, indépendamment du degré de gravité de l’atteinte maternelle.

Elle provoque le décès du nouveau-né dans 16 % des cas.

Le début anténatal de cette forme de la maladie rend compte de la diminution des mouvements actifs foetaux et d’un hydramnios, ce dernier constituant un critère pronostique péjoratif.

On peut observer des pieds bots, plus rarement un tableau d’arthrogrypose.

Le nouveau-né se présente avec une hypotonie globale, une faiblesse marquée des muscles de la face avec un aspect en « accent circonflexe » de la lèvre supérieure, des troubles de la succion et de la déglutition.

Une détresse respiratoire est fréquente, en rapport avec une atteinte du diaphragme, des muscles intercostaux, responsable d’un aspect grêle des côtes.

Elle peut être majorée par une hypoplasie pulmonaire.

La myotonie n’étant pas cliniquement détectable à la naissance, le diagnostic repose sur l’évocation clinique du diagnostic et la mise en évidence d’une atteinte qui était méconnue chez la mère.

Il est confirmé par l’étude génétique moléculaire.

La principale cause de décès chez ces nouveau-nés est l’insuffisance respiratoire aiguë.

Si l’enfant survit, le développement moteur est retardé mais ne compromet pas l’acquisition de la marche ni l’autonomie motrice.

Cependant un retard mental affecte au moins deux tiers de ces enfants, avec un QI compris entre 40 et 80.

La myotonie clinique est rarement détectable avant l’âge de 5 ans mais constamment présente après la première décennie. L’évolution de la maladie rejoint ensuite celle de la forme commune.

Le risque de récurrence d’une forme congénitale est très élevé chez une mère ayant déjà eu un enfant atteint de forme néonatale.

Ce risque théorique approximatif est estimé de la façon suivante :

– une femme atteinte de maladie de Steinert, ayant déjà eu un enfant atteint d’une forme congénitale, a un risque statistique pour sa descendance de 25 % de morts néonatales, 25 % de formes infantiles sévères et 50 % d’enfants sains ;

– une femme atteinte n’ayant pas eu d’enfant atteint de forme congénitale, a un risque statistique pour sa descendance de 10 %de morts néonatales, 10 % de formes infantiles sévères, 30 %de formes tardives, et 50 %d’enfants sains.

Aspects génétiques :

La maladie de Steinert est une affection d’hérédité autosomique dominante, à pénétrance complète et à expressivité variable.

De génération en génération, le début de la maladie est de plus en plus précoce et la maladie de plus en plus grave.

Ce phénomène d’anticipation est maintenant expliqué à l’échelon moléculaire. La localisation exacte du gène en 19 q13.3 date de 1992.

L’anomalie moléculaire correspond à l’amplification d’une répétition du trinucléotide CTG situé dans la région 3’ non codante du gène codant la DMPK.

Le nombre de répétitions chez les individus normaux est variable (5 à 37).

Il est supérieur à 50 et peut atteindre 2 000 ou plus chez les sujets atteints de dystrophie myotonique de Steinert.

L’événement original qui déclenche et détermine le nombre de répétitions de ce triplet n’est pas encore connu.

Ces données permettent le diagnostic génétique direct de la maladie, avec une grande fiabilité, quel que soit le type de prélèvement utilisé (sang, villosités choriales, amniocytes).

L’expansion de l’ADN est détectable soit par la technique du southern blot, soit par PCR (polymerase chain reaction) qui donne une réponse plus rapide mais ne peut être employée que pour de courtes répétitions de triplets (5 à 300).

Une corrélation a été établie entre la taille de l’expansion du triplet et la sévérité de la maladie, les formes congénitales correspondant aux expansions les plus larges.

Toutefois cette corrélation n’est pas absolue, et ni l’âge de début ni l’évolutivité de la maladie ne peuvent être prédits par les résultats de l’étude génétique moléculaire pour les expansions de taille intermédiaire.

Chez les sujets sains, le nombre de triplets CTG est relativement stable d’un tissu à l’autre et lors de la transmission.Àl’inverse, chez les individus atteints, il existe une instabilité intergénérationnelle se traduisant par une augmentation de la taille des répétitions CTG au cours des générations successives, ce qui explique le phénomène d’anticipation observé depuis longtemps par les cliniciens.

Cependant, le nombre de répétitions CTG transmis varie à la fois selon la taille de la répétition et selon le sexe du parent transmetteur.

Lorsque le nombre de triplets est inférieur à 100 chez le parent transmetteur, l’amplification à la génération suivante est plus importante si la transmission est paternelle.

En revanche, au-delà de 500 CTG, on observe une inversion de l’influence du sexe, tendant vers une diminution du nombre des répétitions lors des transmissions paternelles et vers une augmentation lors des transmissions maternelles.

Cette limitation à l’expansion lors des transmissions paternelles a été proposée comme une explication possible au caractère exceptionnel des formes néonatales transmis par les pères.

Une correction spontanée de la mutation transmise par le père a été rapportée dans quelques cas.

De plus, chez un même patient, le nombre de répétitions CTG varie non seulement d’un tissu à l’autre, mais aussi au sein d’un même tissu. Les expansions ont une taille plus importante dans les fibres musculaires que dans les lymphocytes.

Cette hétérogénéité de la taille des répétitions CTG dans les tissus est le résultat d’une instabilité somatique.

Chez les embryons porteurs de l’anomalie moléculaire, le nombre de répétitions ne commencerait à augmenter qu’entre la 13e et la 16e semaine de gestation.

Cette instabilité somatique persiste après la naissance et l’on observe une augmentation progressive de la taille des répétitions pendant toute la vie.

Actuellement, on ne sait pas encore si l’amplification du triplet CTG d’une génération à l’autre s’effectue uniquement dans l’embryon ou si elle se réalise aussi dans les gamètes.

La protéine DMPK est une protéine kinase.

Elle a été localisée par immunocytochimie au niveau du muscle cardiaque, des triades et du réticulum sarcoplasmique des cellules musculaires squelettiques, du réticulum endoplasmique des cellules épithéliales du cristallin.

Dans le muscle des patients adultes, l’expression du gène DMPK est diminuée.

Cette diminution de production de la protéine est la conséquence de la séquestration, dans le noyau des cellules, des ARN messagers porteurs de l’amplification CUG (transcription des triplets CTG).

Cependant, une diminution de l’expression du gène DMPK n’apparaît pas suffisante pour expliquer les désordres multisystémiques observés dans la maladie de Steinert.

L’expansion de la répétition CTG pourrait également perturber l’expression des gènes DMAHPet DMR-N9, contigus au gène DMPK sur le chromosome 19.

En outre, il est possible que les répétitions du tripletCUG dans l’ARN messager du gène DMPK entraînent un désordre du métabolisme d’autresARN messagers.

Différents modèles de souris transgéniques porteuses de la mutation du gène humain DMPK (avec différentes tailles de l’amplification CTG) ont été créés afin d’acquérir une meilleure connaissance des mécanismes physiopathologiques de la maladie.

Ces modèles reproduisent une instabilité intergénérationnelle et somatique comme on l’observe chez les patients.

Signalons enfin que, dans une large famille où les individus atteints présentaient un phénotype similaire à celui de la dystrophie myotonique, l’expansion de triplets dans le gène DMPK n’a pas été mise en évidence et l’analyse de liaison a identifié un locus (DM2) dans la région 3q.

Diagnostic différentiel :

Il se pose essentiellement avec une entité clinique d’identification récente appeléePROMM(proximal myotonic myopathy), le PROMM et la dystrophie myotonique appartenant au groupe nouvellement défini des myopathies myotoniques multisystémiques dominantes (DOMMOP = dominant multisystem myotonic myopathies).

L’identification du PROMM date de 1994.

Il s’agit d’une affection autosomique dominante multisystémique caractérisée par une myotonie, une faiblesse musculaire proximale, une cataracte, une possible atteinte cardiaque et un hypogonadisme.

Elle présente donc des similarités cliniques avec la maladie de Steinert mais elle n’est pas liée au même locus et les patients atteints de PROMM n’ont pas d’expansion du nombre de triplets CTG dans le gèneDMPK.

En pratique, on est conduit à évoquer ce diagnostic chez tout patient suspect de maladie de Steinert dont le diagnostic n’est pas confirmé par l’étude génétique moléculaire.

La localisation chromosomique duPROMMn’est pas encore connue, il n’existe pas actuellement d’évidence en faveur d’une mutation instable.

Il est important de noter que la myotonie clinique est beaucoup moins franche dans le PROMM où elle est souvent fluctuante au cours du temps, y compris à l’EMG, et peut n’affecter que quelques muscles.

La faiblesse proximale et les douleurs musculaires sont les symptômes les plus fréquents, un tremblement d’action est observé dans environ 20 %des cas.

Les lésions histologiques musculaires sont dépourvues de spécificité.

La fréquence exacte des troubles du rythme cardiaque reste à établir.

Il n’y a pas d’atteinte intellectuelle mais des anomalies diffuses de la substance blanche sur l’IRM encéphalique ont été rapportées chez quelques patients.

Diagnostic et prise en charge :

Le diagnostic de dystrophie myotonique peut généralement être évoqué sur les seules données cliniques mais un retard au diagnostic n’est pas rare en raison d’une expression phénotypique fruste (cataracte isolée, arythmie cardiaque) ou de troubles négligés du fait de leur ancienneté.

La mise en évidence d’une myotonie à l’EMG et d’une cataracte par l’examen à la lampe à fente sont utiles dans les formes paucisymptomatiques.

La confirmation diagnostique est apportée par l’étude génétique moléculaire qui rend dès lors inutile la biopsie musculaire.

Lorsque celle-ci est effectuée, elle montre un taux élevé de noyaux musculaires centralisés, une atrophie sélective des fibres de type I, et des remaniements de structure (fibres annulaires, masses sarcoplasmiques latérales).

Aucune de ces anomalies n’est spécifique mais l’ensemble des lésions est assez distinctif.

L’enquête familiale doit être aussi complète que possible, incluant les individus à risque réputés asymptomatiques sur le plan musculaire.

Le diagnostic anténatal est réalisable sur biopsie des villosités choriales entre la neuvième et la 11e semaine d’aménorrhée.

La prise en charge d’un patient atteint de dystrophie myotonique passe d’abord par une enquête initiale rigoureuse à la recherche des différentes manifestations systémiques de la maladie (ECG, Holter rythmique, pléthysmographie, gazométrie artérielle, dosages hormonaux, examen ophtalmologique) dont l’exploration sera poursuivie si besoin (électrophysiologie endocavitaire, polysomnographie).

Le rythme de la surveillance de l’état musculaire, cardiaque et respiratoire sera ensuite adapté à l’état du patient, avec au moins un électrocardiogramme et un Holter-ECG annuels.

Le steppage peut être corrigé par des orthèses antiéquin. Le traitement de la myotonie ne se justifie que si elle est invalidante, ce qui est rare.

Elle peut être améliorée par la diphénylhydantoïne (100 mg 2 à 3 fois/j) ou la mexilétine (400 à 600 mg/j).

Ces produits ne seront prescrits qu’après accord du cardiologue, en raison de leur effet arythmogène et sur la conduction cardiaque.

Les indications et les résultats du traitement chirurgical de la cataracte sont comparables à ceux des autres types de cataracte.

La correction chirurgicale du ptosis n’est pas souhaitable car elle expose à des ulcérations cornéennes en raison de la faiblesse des orbiculaires palpébraux qui lui est associée.

L’implantation d’un pacemaker sera envisagée chez les patients symptomatiques ou en cas de troubles importants de la conduction.

Les critères de la stimulation cardiaque préventive sont encore débattus.

En cas d’atteinte respiratoire, la prévention des pneumopathies de déglutition, la kinésithérapie, le traitement précoce des infections pulmonaires sont nécessaires.

Le recours à une ventilation non invasive peut être indiqué chez les patients ayant un syndrome restrictif et une hypercapnie.

Les complications anesthésiques, dominées par les complications respiratoires, sont à redouter chez ces patients qu’il convient de protéger de toute intervention non indispensable.

Elles justifient un bilan préanesthésique approfondi, l’éviction (halogénés, suxaméthonium) ou l’emploi prudent (néostigmine, thiopental) de certains produits anesthésiques, un monitorage cardiaque, respiratoire et thermique pendant l’intervention, enfin une surveillance postopératoire prolongée en milieu de réanimation avec kinésithérapie adaptée dès que possible.

L’accouchement est aussi une période délicate compte tenu de la fréquence des complications obstétricales dues à une mauvaise contraction du muscle utérin (mauvais déroulement du travail, risque accru d’hémorragie et de rétention placentaire).

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