Épaule douloureuse

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A la hanche, articulation portante et concordante, la pathologie dégénérative intéresse surtout les surfaces cartilagineuses (arthrose). En revanche, à l’épaule, articulation suspendue et discordante, ce sont, à l’inverse, les structures péri-articulaires qui sont concernées par la pathologie de surcharge mécanique (tendinopathies).

Le terme générique de périarthrite scapulo-humérale (PASH), proposé par Duplay il y a plus d’un siècle, regroupe l’ensemble de la pathologie péri-articulaire mécanique et dégénérative dite « commune » de l’épaule.

En 1964, De Sèze a démembré les périarthrites scapulo-humérales en individualisant quatre tableaux cliniques correspondant à la classique « épaule en quatre maux »:

– l’épaule bloquée ou gelée (capsulite rétractile) est liée à l’épaississement et à la rétraction, d’origine neurotrophique, de la capsule de l’articulation gléno-humérale.

– l’épaule douloureuse aigue hyperalgique, par bursite microcristalline sous-acromio-deltoïdienne à cristaux d’hydroxyapatite, complique une calcification tendineuse.

– l’épaule douloureuse simple est liée à une tendinopathie de la coiffe des rotateurs ou du chef long du muscle biceps brachial.

– l’épaule impotente pseudo-paralytique traduit la rupture étendue, d’origine trophique, de la coiffe des rotateurs.

En 1972, Neer a eu le mérite de montrer que les deux dernières entités cliniques de la classification de De Sèze correspondent en fait à deux stades évolutifs différents d’un conflit entre la coiffe des rotateurs (muscles supra-épineux, infra-épineux, subscapulaire et chef long du muscle biceps brachial) et la voûte acromio-coracoïdienne (bord antéro-inférieur de l’acromion et bord antérieur du ligament acromio-coracoïdien).

Épaule douloureuse

– Il s’agit d’une tendinopathie de surcharge mécanique (« impingement syndrome » ou conflit sous-acromial) liée à la sollicitation articulaire excessive qui va aboutir à la dégénérescence, puis à la rupture du tendon.

– A ces facteurs mécaniques s’associent des facteurs dégénératifs intrinsèques liés au vieillissement du tendon. Des facteurs vasculaires (« zone critique » mal vascularisée proche de l’insertion du supra-épineux) rendent les structures tendineuses plus vulnérables.

Outre son intérêt physiopathologique, le concept de Neer permet une meilleure approche thérapeutique médicale (rééducation en recentrage) ou chirurgicale (acromioplastie).

Examen clinique de l’épaule douloureuse :

La douleur est le signe d’appel le plus fréquent, l’impotence fonctionnelle y étant souvent associée.

INTERROGATOIRE :

L’interrogatoire précise:

* le terrain: âge, sexe, membre dominant, profession, activités de loisirs et sports pratiqués.

* les caractères de la douleur:

– mode de début: progressif ou brutal. Le début aigu de la douleur peut être accompagné d’une sensation de déchirure suivie d’impotence.

– les circonstances déclenchantes: surmenage fonctionnel scapulaire professionnel ou sportif, traumatisme scapulaire direct ou indirect, voire simple effort de rattrapage.

– le siège de la douleur: à l’épaule, antérieure, externe, supérieure ou postérieure, ou à la scapula.

– ses irradiations: ascendantes vers la région latéro-cervicale ou descendantes au bras voire à l’avant-bras pouvant prêter à confusion avec une pathologie cervicale ou une névralgie cervico-brachiale.

– le mouvement responsable: l’accrochage douloureux est caractéristique d’une pathologie de la coiffe. Il faut faire préciser s’il survient en abduction ou en antépulsion et son angle de survenue, toujours le même pour un même malade.

– le handicap dans les gestes quotidiens doit être précisé (par exemple se peigner, enfiler un vêtement, agrafer un soutien-gorge).

– le rythme de la douleur: épisodique ou permanente, à l’effort ou au repos, diurne ou nocturne.

– sa durée et son évolution depuis le début des troubles.

* Thérapeutiques déjà mises en oeuvre:

– prise d’antalgiques et/ou d’AINS.

– infiltrations: leur site, leur nombre, leur efficacité et la durée de l’efficacité.

– traitements physiques et sous quelles modalités.

* Les antécédents:

– le patient a-t-il déjà souffert de l’épaule, du même côté ou du côté opposé?

– antécédents traumatiques en particulier scapulaires (fractures ou luxations) ou du membre supérieur.

– les prises de médicaments au long cours (barbituriques).

– les antécédents généraux (diabète sucré).

EXAMEN DE L’ÉPAULE :

L’examen « programmé » de l’épaule permet le plus souvent, par une analyse sémiologique fine, de faire un diagnostic lésionnel précis sans avoir recours aux examens complémentaires sophistiqués.

L’examen clinique de l’épaule suit toujours le même schéma. Le sujet doit être examiné nu jusqu’à la ceinture et l’examen des épaules sera symétrique et comparatif.

Inspection :

Il faut regarder le patient se déshabiller.

L’inspection peut révéler une asymétrie de hauteur des deux moignons et préciser une éventuelle attitude antalgique, au maximum membre atteint soutenu par le membre sain (classique attitude antalgique « du traumatisé du membre supérieur »).

Rarement, le moignon de l’épaule est augmenté de volume.

Il faut surtout comparer les reliefs musculaires (deltoïde, trapèze supérieur, supra-épineux et infra-épineux par l’étude des fosses correspondantes), articulaires (articulations acromio-claviculaires et sterno-claviculaires) et le positionnement de la scapula dans les trois plans de l’espace.

Par la simple inspection, on pourra ainsi faire le diagnostic:

– d’une paralysie du nerf axillaire devant l’atrophie du deltoïde.

– d’une exceptionnelle atteinte du nerf sus-scapulaire devant l’atrophie des fosses supra-épineuses et infra-épineuses, laquelle est beaucoup plus souvent satellite d’un sujet qui souffre de l’épaule de façon chronique.

– d’une paralysie de la branche latérale du nerf accessoire devant l’atrophie du muscle trapèze supérieur, associée à une abduction permanente de la scapula.

– d’une paralysie du nerf thoracique long (muscle dentelé antérieur du thorax) devant un décollement du bord médial de la scapula (pseudo-scapula-alata) aggravée quand on demande au sujet de « faire des pompes » contre un mur.

– d’une luxation sterno-claviculaire antérieure.

– d’une disjonction acromio-claviculaire.

Palpation :

La palpation recherche les points douloureux:

– antérieurs: au sillon delto-pectoral, en regard de la pointe du processus coracoïde, le long du sillon inter-tuberculaire ou de l’articulation sterno-claviculaire.

– externe: sous-acromial.

– supérieur: acromio-claviculaire.

– postérieur: à l’insertion scapulaire du muscle élévateur de la scapula.

Étude classique de la mobilité :

Mobilité active

L’épaule, avec ses trois axes de travail et ses trois degrés de liberté articulaire, est le complexe le plus mobile de l’organisme.

* Il en résulte des mouvements simples:

– flexion (ou antépulsion ou élévation antérieure).

– extension (ou rétropulsion).

– abduction (ou élévation latérale).

– adduction.

– rotation interne ou médiale.

– rotation externe ou latérale.

Ces deux derniers mouvements peuvent être réalisés coude au corps ou bras à 90° d’abduction.

* De multiples mouvements combinés peuvent aussi être étudiés en appréciant notamment la possibilité pour le patient de réaliser des gestes usuels (main-bouche, main-front, main-nuque, main-vertex, main-épaule opposée, main-fesse, main-dos, main-omoplate).

Elévation active

L’étude de l’élévation active dans le plan de la scapula mérite une attention particulière.

* La perte de l’élévation active oriente soit vers une paralysie vraie, en particulier du muscle deltoïde, soit vers une pseudo-paralysie d’une rupture de coiffe. C’est le tableau d’épaule pseudo-paralytique avec ascension du moignon de l’épaule dès le démarrage de l’élévation. En revanche, le sujet peut très facilement lever le bras au zénith en s’aidant du bras controlatéral. Ce tableau classique et pathognomonique de la rupture de la coiffe est en pratique peu fréquent. En effet, bon nombre de ruptures de coiffe gardent une mobilité active normale.

* L’élévation active peut également déclencher un « arc douloureux », habituellement compris entre 60 et 120°, et qui traduit l’accrochage de la lésion tendineuse de la coiffe dans le défilé sous-acromial.

– Cet accrochage apparaît à l’élévation et surtout à la redescente du bras, obligeant parfois le patient à retenir le bras pour passer la zone douloureuse.

– Au-delà de 120°, l’élévation active redevient facile et non douloureuse.

– Un arc douloureux au-delà de 120° oriente plutôt vers une pathologie de l’articulation acromio-claviculaire.

* Enfin, lors de ce mouvement d’élévation latérale active de l’épaule, l’étude du rythme scapulaire recherchera une rupture du rythme harmonieux décrit par Codman traduisant l’asynchronisme des articulations scapulo-thoracique et scapulo-humérale (inversion de rythme).

Mobilité passive

– La rotation latérale est étudiée coude au corps. Elle est comparée au côté controlatéral. Elle est quantifiée en degrés d’angle à l’aide du goniomètre.

– La rotation médiale est étudiée par la manoeuvre main-dos en mesurant la distance qui sépare le pouce de l’apophyse épineuse de la 7ème vertèbre cervicale (distance pouce-C7, exprimée en centimètres).

– L’abduction passive est étudiée en maintenant simultanément le bord libre de la scapula, de façon à ne pas se laisser abuser par une compensation au niveau de l’espace de glissement scapulo-thoracique.

Recherche d’un syndrome sous-acromial :

Un certain nombre de manoeuvres cherchent à reproduire le conflit entre la coiffe et l’arche acromiale (existe-t-il un syndrome sous-acromial?).

 » Impingement sign » de Neer

L' »impingement sign » de Neer est le signe de l’incarcération.

L’examinateur se place derrière le patient qui est assis.

La rotation de la scapula est prévenue par une main tandis que l’autre élève passivement le bras du sujet en avant, produisant à la fois une abduction et une flexion antérieure, créant ainsi un conflit entre le tubercule majeur et le bord antéro-inférieur de l’acromion et une douleur élective reconnue par le patient.

Signe de Hawkins

Pour le test de Hawkins, l’examinateur est devant le patient. Il élève le bras du sujet jusqu’à 90° de flexion antérieure stricte, coude fléchi à 90° et il imprime alors un mouvement de rotation médiale à l’articulation gléno-humérale en abaissant l’avant-bras.

La rotation médiale amène le tubercule majeur sous le ligament acromio-coracoïdien et le tubercule mineur au contact du processus coracoïde. Ce test augmente le conflit antérosupérieur ou atteste d’un conflit antérieur coracoïdien.

Signe de Yocum

Pour le test de Yocum, la main de l’épaule examinée est sur l’épaule controlatérale et on demande au sujet de lever le coude sans lever l’épaule.

Il se produit un conflit d’abord entre le tubercule majeur et le ligament acromio-coracoïdien puis avec une éventuelle ostéophytose inférieure de l’articulation acromio-claviculaire.

Bilan topographique de la lésion :

D’autres manoeuvres ont pour objectif de préciser la topographie de la lésion musculaire ou tendineuse. Cette détermination repose sur l’analyse des mouvements contrariés.

Manoeuvre de Jobe

La manoeuvre de Jobe teste le muscle supra-épineux.

L’examinateur est face au patient, ce dernier place les bras à 90° d’abduction, 30° de flexion antérieure (plan de la scapula) et pouces dirigés vers le bas de telle sorte que l’épaule soit en rotation médiale.

L’examinateur tente alors de baisser les bras du patient contre sa résistance.

Manoeuvre de Patte

La manoeuvre de Patte teste indifféremment infra-épineux et petit rond, qui sont tous deux rotateurs latéraux.

Elle consiste à tester, de manière comparative, la rotation latérale à 90° d’élévation antérieure.

L’examinateur soutient le coude du patient à 90° d’élévation dans le plan de la scapula et demande au sujet d’effectuer une rotation latérale contre résistance.

Interprétation

* Pour ces deux dernières manoeuvres, trois types de réponses peuvent être obtenues:

– si le sujet résiste sans aucune douleur, le tendon du muscle testé est intact.

– si le sujet peut résister malgré la douleur, il s’agit d’une tendinopathie simple.

– si le sujet ne peut résister malgré toute sa bonne volonté et que le bras ou l’avant-bras descend lentement, il s’agit d’une rupture du tendon concerné.

* La chute du bras ou de l’avant-bras est cotée en trois degrés par la réalisation simultanée d’un « testing » manuel:

– 1: la résistance est inférieure au côté opposé, il est possible d’abaisser le bras ou l’avant-bras.

– 2: le sujet peut effectuer le test contre pesanteur mais ne résiste pas.

– 3: le sujet ne peut pas effectuer le test contre pesanteur.

Ce « testing » témoigne de la valeur fonctionnelle du muscle testé et la force développée serait proportionnelle à l’état trophique du muscle et à la taille de la brèche.

« Lift off test »

Le « lift off test » étudie le muscle subscapulaire.

On demande au patient de placer le dos de la main dans le dos, au niveau de la ceinture. l’examinateur décolle la main en tenant le coude pour éviter son extension et lorsque la main est à 5 ou 10cm de la ceinture il demande au patient de tenir la position.

Lorsque le test est positif (rupture du muscle subscapulaire), la main part comme un ressort et va frapper le dos.

« Palm up test »

Le « palm up test » explore, quant à lui, le chef long du muscle biceps brachial.

Le patient effectue une élévation antérieure du bras contre résistance, coude tendu, paume de la main tournée vers le haut (supination et extension du coude).

Si cette manoeuvre réveille une douleur à la face antérieure du bras sur le trajet du long biceps, le test est dit positif.

La rupture du chef long du muscle biceps brachial se traduit par l’apparition d’une boule molle à la face antérieure et inférieure du bras, juste au-dessus du pli du coude, visible lors de la flexion contrariée du coude, correspondant au corps charnu du muscle qui se contracte. Cette rupture du chef long du muscle biceps brachial n’a, en règle générale, aucune répercussion fonctionnelle du fait de la suppléance du chef court de ce même muscle.

Siège du conflit :

Conflit antérosupérieur de Neer

Encore appelé conflit sous-acromial ou « impingement syndrome » en anglais, le signe de Neer témoigne d’un conflit entre les tendons de la coiffe, essentiellement celui du muscle supra-épineux, et le bord antéro-inférieur de l’acromion et le ligament acromio-coracoïdien.

A l’examen, la manoeuvre de Neer est positive.

Les tendons les plus souvent lésés sont ceux du supra-épineux, du chef long du biceps brachial et plus tardivement du muscle infra-épineux.

Ce conflit débouche sur l’intervention d’acromioplastie décrite par Neer.

Conflit antéro-interne de Gerber

Gerber a montré le rôle pathogène possible du processus coracoïde susceptible d’induire un conflit, non plus antérosupérieur acromio-huméral, mais antérieur coraco-huméral entre le processus coracoïde et le trochin.

Ce conflit apparaît électivement en flexion antérieure-rotation médiale.

– La douleur est plus antérieure.

– Elle apparaît électivement lors du maintien de la position en flexion antérieure-rotation interne du bras (conduire une automobile ou écrire au tableau).

– Il existe souvent un pont douloureux électif à la pointe de l’apophyse coracoïde.

– A l’examen, la manoeuvre de Hawkins est positive.

Les tendons les plus souvent lésés sont ceux du chef long du biceps brachial et du muscle subscapulaire.

Ce conflit peut déboucher sur l’intervention de coracoplastie inférolatérale.

Les conflits de Neer et de Gerber peuvent être associés.

Conflit glénoïdien postérosupérieur de Walch

Décrit par G. Walch, le conflit glénoïdien postérosupérieur est responsable de lésions de la face profonde du muscle supra-épineux. Il survient électivement chez les sujets jeunes pratiquant un sport d’arme.

La douleur siège à la face postérieure de l’épaule. Il s’agit d’un diagnostic arthroscopique.

Il est favorisé par une rétroversion insuffisante de l’humérus. Celle-ci peut être mesurée au scanner et faire l’objet d’une ostéotomie humérale de rétrotorsion.

Examen locorégional et général :

L’examen locorégional et général complétera systématiquement l’étude clinique de l’épaule proprement dite, une pathologie à distance pouvant coexister ou même susciter la symptomatologie.

* Il faut, avant tout, vérifier la liberté du rachis cervical pour ne pas se laisser abuser par une douleur scapulaire projetée d’origine cervicale. La manoeuvre main-dos permet de différencier une douleur scapulaire projetée d’origine cervicale o la rotation médiale reste libre, alors que toute épaule douloureuse, quelle qu’elle soit, a une rotation médiale limitée et douloureuse.

* L’examen du membre supérieur dans son ensemble comportera un examen neurologique, l’étude de l’état de la main à la recherche d’un éventuel syndrome épaule-main, la recherche d’un syndrome du canal carpien ou d’un syndrome du défilé thoraco-brachial par les manoeuvres spécifiques, la palpation du creux axillaire.

* Enfin, l’examen viscéral étudiera particulièrement le coeur, les poumons, le foie et la vésicule dont les atteintes peuvent s’exprimer par des douleurs rapportées à l’épaule.

SYNTHÈSE CLINIQUE :

Au terme de cet examen, il est possible d’individualiser trois tableaux cliniques essentiels.

Un tableau aigu: l’épaule hyperalgique

L’épaule hyperalgique, par bursite microcristalline, complique une calcification tendineuse.

Le tableau clinique est très bruyant: la douleur, d’apparition brutale, est très aigue, comparable à celle d’une crise de goutte, et s’accompagne d’une impotence fonctionnelle majeure. Des signes inflammatoires locaux, voire généraux, sont possibles.

Cette symptomatologie aigue disparaît spontanément en 1 à 2 semaines.

Deux tableaux chroniques :

Epaule bloquée

L’épaule enraidie (épaule bloquée ou gelée ou capsulite rétractile) dont la présentation clinique, avec limitation de la mobilité activo-passive, est caractéristique. Elle est liée à l’épaississement et à la rétraction, d’origine neurotrophique, de la capsule de l’articulation gléno-humérale.

Conflit sous-acromial

L’épaule conflictuelle (conflit sous-acromial) avec accrochage douloureux caractéristique et impotence plus ou moins marquée.

Le conflit représente de loin la cause la plus fréquente d’épaule douloureuse chronique vue en milieu rhumatologique.

La clinique permet de préciser le stade évolutif du conflit entre la coiffe des rotateurs et la voûte acromio-coracoïdienne dont Neer décrit trois stades:

* le stade I se caractérise sur le plan anatomique par un oedème associé à des suffusions hémorragiques du tendon. Il s’agit, en fait, d’une tendinopathie aigue de surcharge mécanique:

– ce stade est l’apanage des sujets jeunes, de moins de 25 ans, les douleurs d’épaule apparaissant au décours d’un surmenage scapulaire.

– la douleur est retardée, se produisant après un effort violent ou inhabituel.

– à ce stade, les lésions sont réversibles.

* au stade II, apparaissent des lésions de fibrose dégénérative témoins d’une tendinopathie chronique. A ce stade, les lésions tendineuses sont irréversibles:

– l’âge de survenue est plus tardif (25 à 40 ans).

– les douleurs évoluent de façon chronique, avec un accrochage douloureux survenant lors du mouvement d’élévation latérale et plus généralement lors des gestes de la vie courante situés au-dessus du plan de l’épaule.

– la douleur survient pendant l’activité, réveillée par elle et la stoppant.

* le stade III représente le stade ultime de la détérioration tendineuse aboutissant à la perforation trophique de la coiffe des rotateurs (la dénomination de rupture ne doit être conservée qu’en cas de traumatisme):

– l’âge de survenue est plus avancé et le tableau clinique réalisé est celui d’une impotence douloureuse plus ou moins marquée responsable d’une rupture du rythme scapulaire, avec élévation du moignon de l’épaule qui apparaît dès les premiers degrés d’élévation latérale, mouvement qui est plus ou moins limité selon les cas.

– la douleur devient permanente et ne cède qu’imparfaitement au repos, réveillant fréquemment le malade la nuit et l’empêchant de se coucher sur son épaule.

– la perforation étendue peut entraîner un tableau clinique d’épaule pseudo-paralytique avec dissociation entre des mouvements actifs impossibles et des mouvements passifs normaux.

Explorations complémentaires :

La radiographie simple aura surtout pour but de ne pas méconnaître une tendinopathie calcifiante ou une autre affection de l’épaule.

L’imagerie aura pour objectif de préciser les lésions des structures péri-articulaires de l’épaule qui ne sont pas visibles en radiographie standard.

CAPSULITE RÉTRACTILE :

La présentation clinique de l’épaule gelée est suffisamment caractéristique pour ne pas avoir besoin de l’arthrographie pour faire le diagnostic de la rétraction capsulaire de l’épaule.

* Le seul diagnostic différentiel est une atteinte articulaire de la gléno-humérale (dégénérative, inflammatoire ou arthropathique) qui sera facilement écartée par la radiographie standard.

* A l’arthrographie, deux paramètres sont à prendre en compte:

– quantitatif: avec impossibilité d’injecter plus de quelques centimètres cubes de produit de contraste. L’injection est difficile et peut s’accompagner d’une déchirure de la capsule à sa partie antérieure.

– qualitatif: avec disparition des expansions capsulaires, en particulier du récessus inférieur.

TENDINOPATHIES CALCIFIANTES :

* La radiographie montre la calcification péri-articulaire. Le site du dépôt calcique est variable, superficiel ou profond, intratendineux. il peut concerner tous les tendons de la coiffe, avec une prédilection pour celui du muscle supra-épineux.

* Cette périarthrite calcifiante, fréquemment bilatérale, est le plus souvent totalement asymptomatique (3% des épaules cliniquement normales). Elle peut aussi se traduire par une épaule douloureuse chronique, sans qu’il y ait de parallélisme entre la grosseur de la calcification et l’intensité des symptômes.

* Enfin, l’expression clinique peut réaliser le tableau bruyant d’épaule hyperalgique. Il est exceptionnel d’observer au cours de l’épisode aigu l’opacification spontanée de la bourse sous-acromio-deltoïdienne. La migration calcique peut être partielle et le patient est alors exposé à de nouvelles crises aigues. elle peut être totale avec disparition de l’image radiographique et guérison définitive.

* Fréquentes, apanage de la femme d’âge moyen, les calcifications péri-articulaires de l’épaule sont de deux types:

– dystrophiques : calcifications tendineuses sur tendon dégénératif. La dégénérescence des fibres collagènes du tendon appelle le dépôt calcique. Ces calcifications sont volontiers persistantes.

– réactionnelles : calcifications tendineuses sur tendon sain. Il s’agit d’une maladie à part entière rentrant ou non dans le cadre plus général d’une maladie des calcifications tendineuses multiples ou rhumatisme à hydroxyapatite. Ce type de calcification a un cycle évolutif propre aboutissant à la disparition spontanée de la calcification au bout de quelques années (en général moins de 10 ans). Les crises hyperalgiques peuvent être un des moyens de guérir.

PATHOLOGIE DE LA COIFFE :

* La radiographie peut montrer une diminution de l’espace acromio-huméral (moins de 6 à 7 mm), soit de façon permanente, soit seulement lors de la manoeuvre de Leclercq d’abduction contrariée, traduction indirecte d’une perforation de la coiffe des rotateurs.

* La perforation est précisée par l’arthrographie de l’épaule montrant le passage du produit de contraste dans la bourse sous-deltoïdienne. Des coupes tomodensitométriques couplées à l’arthrographie (arthroscanner) réalisent au mieux le bilan des lésions. Dans des mains expertes, l’échographie peut aussi donner des renseignements précis sur l’état de la coiffe. De même, l’IRM permet une étude détaillée des parties molles péri-articulaires.

* La perforation peut être complète, transfixiante ou partielle, superficielle, intratendineuse ou profonde. Il faut préciser la topographie de la lésion tendineuse (supra-épineux isolé ou s’étendant en arrière à l’infra-épineux ou en avant au subscapulaire) et son étendue en sachant qu’elle est sous-estimée, les berges de la perforation étant le plus souvent le siège de lésions nécrotiques qu’il faudra exciser par un geste chirurgical.

* L’ascension de la tête humérale, qui résulte de la brèche de la coiffe des rotateurs, et le contact acromio-trochitérien permanent entra”nent à la longue la constitution d’une néoarthrose acromio-trochitérienne correspondant à la « cuff tear arthropathy » de Neer, secondaire à la perforation massive et vieillie de la coiffe.

* La radiologie doit rechercher des lésions associées, en particulier de l’acromio-claviculaire, par un cliché centré sur cette articulation. Des lésions dégénératives de celle-ci, quasi constantes à partir de 50 ans, peuvent prendre part au conflit et aux douleurs et imposer un traitement propre.

Autres causes d’épaule douloureuse chronique :

Le diagnostic des autres impotences douloureuses de l’épaule est rendu possible par la clinique et les examens complémentaires.

ÉPAULE INSTABLE :

L’épaule instable est rarement douloureuse.

* Le test de l’appréhension ou signe de « l’armé » est le signe essentiel et pathognomonique de l’instabilité antérieure chronique de l’épaule qui est la plus fréquente.

– Le patient est en position assise, l’examinateur derrière lui saisit son poignet avec une main en portant le bras à 90° d’abduction et 90° de rotation latérale, son autre main est placée sur l’épaule examinée, les doigts en avant, qui contrôlent l’avancée de la tête, et le pouce en arrière.

– Le test s’effectue alors en accentuant doucement, pour ne pas luxer la tête, la rotation latérale et la rétropulsion du bras tandis que le pouce de l’autre main exerce une poussée sur la tête humérale d’arrière en avant.

– L’appréhension se lit sur le visage du malade et est immédiatement rapportée à l’interrogatoire. Quelquefois la peur est telle que le sujet empêche l’examinateur d’effectuer la manoeuvre.

– Lorsque la manoeuvre est terminée, il faut d’abord remettre le bras en rotation médiale et flexion antérieure puis le laisser descendre pour éviter le risque de luxation.

* L’arthroscanner permet de visualiser la lésion du bourrelet.

AUTRES AFFECTIONS RHUMATOLOGIQUES DE L’ÉPAULE :

L’aspect clinique et radiographique des autres affections rhumatologiques de l’épaule est généralement aisé à reconnaître.

Arthrites infectieuses ou inflammatoires :

* L’arthrite septique à germe banal, dont le tableau clinique est bruyant, ne peut prêter à confusion qu’avec une crise aigue de périarthrite calcifiante. Le premier signe radiographique en est l’érosion à la zone de réflexion de la membrane synoviale qu’il faut savoir rechercher avec soin.

* L’ostéoarthrite tuberculeuse de l’épaule a une expression clinique volontiers plus trompeuse, à type d’arthrite subaigue voire chronique. L’aspect radiologique typique est représenté par la « carie sèche » qui réalise une volumineuse géode du pôle supérieur de la tête humérale, d’apparition retardée.

* Arthrite rhumatoïde de l’épaule: il est rare qu’une atteinte scapulaire isolée inaugure la polyarthrite et les autres déterminations articulaires de la maladie permettront rapidement d’en faire le diagnostic. La radiographie permet, à un stade évolué de l’affection, de retrouver les érosions de la tête humérale caractéristiques de l’arthrite rhumatismale.

* La pseudo-polyarthrite rhizomélique est souvent plus difficile à reconnaître. Elle peut se traduire par une impotence douloureuse isolée des deux épaules. L’association fréquente de myalgies spontanées ou provoquées des bras et surtout l’existence d’un syndrome inflammatoire biologique permettra d’évoquer cette affection qui touche le sujet âgé.

Atteintes dégénératives de l’épaule :

* L’omarthrose a une traduction radiographique précoce avec pincement de l’interligne gléno-huméral et ostéophytose « en goutte » du pôle inférieur de la tête.

– L’arthrose primitive de l’épaule est rare. elle est le plus souvent post-traumatique et l’anamnèse recherchera des antécédents traumatiques de l’épaule, même lointains.

– L’ostéophytose peut prendre un caractère exubérant dans le cadre d’une hyperostose.

* L’ostéonécrose de la tête humérale, qui est aplatie en forme de hachette à la radiographie, est en général facile à reconnaître.

* L’arthropathie destructrice de l’épaule est rare. La destruction est rapide. A la destruction s’associent des « nuages » de matériel calcique secondaires à l’ostéolyse. Cet aspect particulier est observé chez les sujets âgés et s’accompagne volontiers d’un épanchement hémorragique (épaule sénile hémorragique).

Arthropathies de l’épaule :

Arthropathies métaboliques

* La chondrocalcinose, qui peut s’exprimer en clinique par des crises de pseudo-goutte, se traduit à la radiographie par des dépôts calciques visibles au niveau du cartilage d’encroûtement articulaire de l’épaule. Les crises de pseudo-goutte sont à différencier de la goutte, qui est exceptionnelle à l’épaule, et surtout de la crise aigue de périarthrite calcifiante, beaucoup plus fréquente à cette articulation. La chondrocalcinose peut également se traduire par une athropathie destructrice de l’épaule.

* Les calcifications de la chondrocalcinose sont à distinguer de celles de l’épaule de Milwaukee. Dans cette affection, les dépôts d’hydroxyapatite liés à la dégénérescence des structures articulaires et péri-articulaires de l’épaule représentent un facteur aggravant des lésions par la libération d’enzymes secondaire à leur phagocytose par les synoviocytes. Ils transforment une petite rupture en perforation étendue de la coiffe avec constitution lente d’une omarthrose secondaire non destructrice.

Arthropathies nerveuses

Atteinte syringomyélique, destructrice, ou paraostéoarthropathie, constructrice, avec ossification para-articulaire. Le contexte (dissociation thermo-algique suspendue dans le premier cas, atteinte neurologique centrale [traumatisme du crâne ou hémiplégie] dans l’autre) permet d’en faire le diagnostic.

Arthropathie hémophilique

Le contexte permet aisément le diagnostic d’arthropathie hémophilique. Elle est la conséquence des épanchements hémarthrosiques récidivants qui compliquent le trouble de la coagulation.

Autres arthropathies

L’arthrographie fait aisément le diagnostic de synovite villo-nodulaire ou d’ostéochondromatose dont les corps étrangers intra-articulaires peuvent être ossifiés et spontanément visibles sur la radiographie standard.

ATTEINTE NEUROLOGIQUE :

Une atteinte neurologique peut aussi prêter à confusion.

* Outre les atteintes des nerfs supra-scapulaire, branche latérale du nerf accessoire ou thoracique long déjà vues, le syndrome de Parsonage et Turner, entité particulière évoluant en deux phases d’abord douloureuse, puis paralysante et amyotrophiante, représente une cause rare d’épaule douloureuse dont il faut toutefois connaître la présentation clinique très caractéristique.

* La maladie de Parkinson peut aussi se révéler par des douleurs scapulaires.

LÉSIONS DE VOISINAGE OU A DISTANCE :

* Les lésions osseuses de voisinage sont décelées par la radiographie:

– ostéites: microbiennes ou non (SAPHO [synovite, acné, pustulose, hyperostose, ostéite]).

– dystrophie osseuse de Paget.

– tumeur osseuse.

– strie de Looser et Milkman ostéomalacique.

– lyse post-traumatique de la clavicule.

* Les douleurs projetées à l’épaule sont plus difficiles à écarter :

– rarement d’origine viscérale (douleurs thoracique [coeur, péricarde, médiastin, plèvre, parenchyme pulmonaire, diaphragme] ou abdominales [foie, vésicule biliaire, pancréas, péritoine]).

– le plus souvent d’origine cervicale, imposant un examen systématique du rachis cervical devant toute douleur scapulaire.

– il faut y penser lorsque l’examen de l’épaule proprement dit est normal.

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