Brûlures

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La gravité et donc le pronostic d’une brûlure dépendent de son étendue et de sa profondeur: celles-ci sont liées à la nature de l’agent vulnérant et au « débit calorique », c’est-à-dire à la température du facteur causal et à sa durée d’application.

Étendue de la brûlure :

L’étendue de la brûlure est déterminée simplement par la règle des 9 de Wallace (qu’il faut connaître par coeur) qui ne doit pas tenir compte des brûlures du premier degré.

* Chaque partie du corps est représentée par un multiple de 9 (pourcentage de la surface corporelle). Par exemple, le membre supérieur représente 4,5% par face, le membre inférieur 9% par face.

* Cette règle est peu précise et inapplicable chez l’enfant, c’est pourquoi les services de brûlés utilisent des schémas préimprimés.

Profondeur :

Brûlures

La profondeur de la brûlure est classée en quatre degrés de gravité croissante.

Premier degré

Le premier degré ne dépasse pas la couche cornée de l’épiderme :

– il guérit en quelques jours.

– il se traduit cliniquement par un érythème douloureux. et en histologie, par une simple inflammation.

Deuxième degré

Le deuxième degré ou intermédiaire passe dans le derme. On différencie:

– le deuxième degré superficiel, ou intermédiaire léger, ou la nécrose thermique atteint la partie la plus superficielle du derme laissant intacte une partie de la couche basale de Malpighi à partir de laquelle se fera la cicatrisation, en 20 jours environ et sans séquelles.

– le deuxième degré profond, ou intermédiaire profond, ne laisse subsister que quelques bourgeons épidermiques, satellites des enclaves épidermiques (poils et glandes sudoripares): la cicatrisation n’est possible qu’à partir de ces ”lots, souvent insuffisante, et entraîne toujours des cicatrices indélébiles.

cliniquement, il existe un décollement entre les tissus brûlés et les tissus sains, rempli d’exsudat: la phlyctène.

– lorsque la phlyctène est percée, le fond de la brûlure est douloureux au contact.

– les poils restent accrochés.

– les lésions saignent à la scarification.

Troisième degré

Le troisième degré représente une destruction totale du derme:

– la cicatrisation ne peut donc être que périphérique.

– cliniquement, escarre noirâtre et anesthésie douloureuse (le fond est insensible, mais la brûlure est douloureuse).

– les poils ne tiennent pas et les téguments lésés épaissis, ne se laissent pas pincer entre le pouce et l’index.

Quatrième degré

Le quatrième degré, ou carbonisation, correspond à l’atteinte des tendons, des muscles, des os… et conduit à des mutilations.

En fait la profondeur est très difficile à apprécier en urgence car la brûlure est une mosaïque et c’est l’évolution qui tranchera. De l’atteinte ou du respect de la basale dépendent les possibilités de cicatrisation et donc les indications chirurgicales.

Localisation de la brûlure :

La localisation de la brûlure intervient dans le pronostic esthétique, fonctionnel et vital.

Brûlures des voies respiratoires

Très souvent, les brûlures des voies respiratoires ne sont qu’une agression thermique des gaz chauds avec brûlures du tractus sus-glottique et sous-glottique, responsable de dyspnée, de tirage et de raucité de la voix, le refroidissement rapide expliquant l’absence de lésions distales :

– cependant la baisse de la PO2 est fréquente même en l’absence de lésions alvéolaires. Par contre, les agressions toxiques ou irritatives lèsent les alvéoles et sont responsables d’hypoxémie sévère.

– l’intoxication au CO doit être systématiquement recherchée par dosage du CO sanguin, car le traitement repose sur l’oxygénothérapie hyperbare en urgence.

– par ailleurs, il faut se méfier d’un « blast » pulmonaire, entraînant un oedème alvéolaire, voire un pneumothorax, lors des explosions.

– une fibroscopie est systématique au moindre doute.

Brûlures du visage

Les brûlures du visage entraînent un oedème considérable et doivent toujours faire rechercher une atteinte pulmonaire.

– L’atteinte oculaire est rare en dehors des brûlures chimiques (il s’agit surtout d’une atteinte palpébrale) mais l’examen ophtalmologique est systématique.

– Les brûlures de l’oreille sont très douloureuses et mettent à nu les cartilages. Le risque en est la surinfection qui détruit le cartilage et posera alors de difficiles problèmes de reconstruction.

Brûlures des orifices naturels

Les brûlures des orifices naturels (nez, bouche, anus, vagin) évoluent vers la sténose. De plus, de par leur polymicrobisme latent, ces brûlures sont toujours infectées.

Brûlures des organes génitaux externes

Les brûlures des organes génitaux externes entraînent un oedème rapide qui empêche tout sondage urinaire secondaire et impose donc la mise en place immédiate d’une sonde urinaire.

Brûlures des mains

Les brûlures des mains sont très fréquentes. Le risque fonctionnel est maximal sur la face dorsale (peau mince) ou les tendons et les articulations (IPP) sont très souvent atteints.

Brûlures circulaires des membres

Les brûlures circulaires des membres, de par l’oedème, peuvent entraîner une gêne au retour veineux et parfois à l’apport artériel :

– le moindre trouble circulatoire doit conduire à la réalisation d’incisions de décharges (qui ne sont pas des aponévrotomies), faites sans anesthésie et sans faire saigner car limitées aux tissus brûlés ce qui ne laisse pas de cicatrice (donc, les faire sans hésiter).

– il suffit d’ouvrir pour permettre le drainage de l’oedème.

Brûlures des plis de flexion

Les brûlures des plis de flexion cicatrisent en créant des brides rétractiles qui gênent la fonction.

Brûlures du membre inférieur

Enfin, à surface égale, les brûlures du membre inférieur sont plus graves que celles du membre supérieur, car elles s’infectent plus, gênent le nursing et sont, de plus, les meilleures zones de prélèvement.

ÉLÉMENTS DU PRONOSTIC :

Outre les éléments du pronostic déjà vus (surface, agent vulnérant, profondeur et localisation), il faut prendre en compte :

* l’âge du blessé (fragilité du vieillard ou de l’enfant, surtout de moins de 3 ans).

* l’existence de tares médicales qui vont gêner la réanimation (diabète, insuffisance cardiaque à cause des perfusions nécessaires, insuffisance hépatique à cause de l’hypermétabolisme).

* le délai entre l’accident et le début du traitement (plus la réanimation est précoce, moins longtemps dure l’ischémie tissulaire du choc hypovolémique qui majore les lésions).

* l’existence de lésions associées :

– leur traitement doit être réalisé dans les 6 heures (avant que la plaie ne s’infecte).

– la brûlure s’accompagnant d’une hémoconcentration, tout hématocrite inférieur à 35% doit faire suspecter une hémorragie.

* pour évaluer simplement et rapidement le pronostic on utilise surtout la règle de Baux:

– âge + pourcentage de la brûlure <50: les chances de survie sont de 100%.

– âge + pourcentage de la brûlure >100: les chances de survie sont <10%.

– on rajoute 15% s’il existe des tares médicales.

– cette technique est simple mais elle ne tient pas compte de la profondeur.

* l’utilisation des UBS (« unit burn standard ») est plus précise: (UBS = pourcentage total de la brûlure + 3 x pourcentage de la brûlure au 3e degré) :

– une brûlure est grave si ce coefficient est supérieur à 100, mortelle le plus souvent au-delà de 150.

– cette technique ne tient pas compte de l’âge, n’est pas très utilisable en urgence (difficulté d’apprécier la profondeur en urgence) et a donc surtout un intérêt statistique.

PHYSIOPATHOLOGIE ET TRAITEMENT GÉNÉRAL :

La brûlure entraîne de nombreux désordres métaboliques qui évoluent dans le temps :

– troubles hydroélectrolytiques dans les 72 premières heures qui représentent l’urgence vitale immédiate.

– puis troubles métaboliques qui durent jusqu’à la guérison.

Troubles hydroélectrolytiques :

Choc hypovolémique

– La brûlure entraîne une extravasation plasmatique, par la plaie et par augmentation de la perméabilité capillaire liée à une intense réaction inflammatoire.

– Il y a fuite d’eau, d’albumine et d’électrolytes dont une partie est définitive (exsudats), l’autre étant secondairement réabsorbée (oedème).

– La proportion relative d’oedème et d’exsudat dépend de la profondeur de la brûlure. Les brûlures du deuxième degré exsudent beaucoup alors que celles du troisième degré exsudent peu mais entraînent des oedèmes importants.

Conséquences

Les conséquences sont l’hypovolémie avec hémoconcentration et signes de choc, ce qui entraîne la libération d’amines pressives qui vont aggraver la souffrance des territoires brûlés, favoriser les ulcères de stress, entraîner une anoxie cérébrale qui explique les états délirants ou comateux et peuvent entraîner une insuffisance rénale fonctionnelle.

Traitement

Le traitement repose sur une réanimation, qui doit être la plus précoce possible, en n’utilisant si possible que des voies d’abord périphériques (asepsie):

– en urgence, il s’agit d’une réanimation « a priori » basée sur des schémas thérapeutiques visant à rattraper le retard.

– dès que possible, cette réanimation sera adaptée au bilan biologique qui doit être quotidien: pouls, tension artérielle, temps de recoloration capillaire, diurèse (supérieure à 30ml/h) et densité urinaire (entre 1015 et 1025), glycosurie, hémoglobinurie, bilan sanguin avec mesure de la masse sanguine.

Résorption de l’oedème

La résorption de l’oedème entre la 4e et la 7e heure par arrêt de la réaction inflammatoire entraîne une surcharge liquidienne que le rein doit évacuer. L’absence de réponse au traitement diurétique conduit à la dialyse rénale, mais le pronostic est alors mauvais.

Troubles métaboliques :

Les troubles métaboliques apparaissent dès la première minute mais ne se dévoilent qu’après quelques jours.

Du fait de l’hypersécrétion de catécholamines liée au stress et à la lutte contre la déperdition thermique, la brûlure entraîne le plus grand hypermétabolisme rencontré en clinique.

Conséquences

Les conséquences des troubles métaboliques sont l’hyperglycémie par glycogénolyse et sécrétion de glucagon, la lipolyse, l’hypercatabolisme protidique avec bilan azoté négatif.

Cet hypercatabolisme se maintient jusqu’à la guérison, c’est-à-dire qu’il est intense et exceptionnellement long, d’ou le risque de dénutrition, entraînant un retard de cicatrisation ainsi qu’une baisse des défenses de l’organisme.

Traitement

Le traitement repose sur l’hypernutrition, parentérale les premiers jours tant qu’existe un iléus paralytique, puis entérale exclusive (en raison du risque septique et des facilités techniques):

– la surveillance se fait sur la courbe de poids qui doit rester égale.

– les besoins sont tels (5 000 à 6 000 calories par jour et plus) qu’il faut parfois réaliser un gavage continu par nutripompe.

Période dite « maladie des brûlés »

La période dite « maladie des brûlés est la plus longue. Elle s’étend du 7e jour à la guérison par obtention du recouvrement cutané ou à la mort par son échec.

L’infection et la dénutrition sont les deux phénomènes pathologiques les plus importants. Le pronostic du grand brûlé dépend de ces deux facteurs qui sont liés l’un à l’autre. Tous les traitements sont palliatifs tant que le recouvrement cutané n’est pas obtenu.

Agression microbienne :

L’agression microbienne est inévitable car la brûlure met en contact le milieu intérieur et le milieu extérieur.

Conséquences

Les conséquences de l’apparition de germes sont l’infection quasi inéluctable de la plaie qui peut aider à déterger les lésions du 3e degré, mais aggrave les lésions du 2e degré. Le patient est très souvent fébrile (39 °C), sans frissons :

– si la concentration microbienne est trop élevée, la cicatrisation va s’arrêter, avec aggravation des lésions et risque de septicémie d’autant plus grave qu’elle serait due à des germes hospitaliers.

– l’infection est responsable de la quasi-totalité des décès chez les brûlés.

Traitement

Le traitement est essentiellement local et vise à maintenir les plaies le plus propres possible.

Il faut y ajouter des mesures d’ordre général telles l’utilisation de matériel à usage unique, la création de centres spécialisés qui sont faits d’unités isolées aux règles de circulation strictes (douche avant la visite des familles, sas d’entrée et de sortie…) souvent équipées de flux laminaire (qui maintiennent les chambres en hyperpression ce qui chasse l’air et les microbes), infirmières spécialisées…

Traitement général

Le traitement général associe:

– la prévention du tétanos.

– les vaccinations antistaphylococcique et antipyocyanique, qui semblent efficaces.

– la surveillance de la cartographie bactérienne du sujet deux fois par semaine (prélèvements).

– l’antibiothérapie n’est jamais réalisée de principe, mais doit être adaptée aux germes du patient (hémocultures). Les antibiotiques seront donnés à très fortes doses en contrôlant l’efficacité du traitement par le dosage de la concentration sérique des antibiotiques et du pouvoir bactéricide du sérum.

Autres perturbations :

Lutte contre la douleur

La brûlure (superficielle) ainsi que les pansements sont excessivement douloureux, ce qui oblige à les faire sous anesthésie générale avec les risques que cela comporte.

Lutte contre le froid

Le brûlé a froid car la peau perd son rôle thermorégulateur :

– de plus les troubles hypothalamiques secondaires à la réaction inflammatoire générale régulent la température du brûlé 1 ou 2 °C au-dessus de la normale (hyperthermie métabolique).

– il faut donc une atmosphère chaude, avec couverture chauffante voire rayonnement infrarouge, ce qui permet de diminuer les besoins métaboliques.

Troubles de la coagulation

Troubles de la coagulation avec hypercoagulabilité :

– l’anémie par spoliation (hémolyse traumatique et toxique) ne se dévoile qu’au 4-5e jour, les transfusions sont alors souvent nécessaires.

– l’existence d’une hémoglobinurie est un signe de brûlure grave.

Troubles respiratoires

L’oxygénothérapie est systématique, en cas de troubles respiratoires.

Troubles digestifs

– Iléus paralytique dans les 48 premières heures.

– Diarrhée fréquente par hyperosmolarité ou infection.

– Hyperacidité gastrique responsable d’ulcères.

Insuffisance rénale fonctionnelle

Insuffisance rénale fonctionnelle secondaire aux perturbations hydroélectrolytiques.

Troubles du comportement

Les troubles du comportement sont très fréquents, allant de la simple dépression réactionnelle aux grands syndromes confusionnels.

La prescription d’analgésiques et de tranquillisants est quasi systématique.

Troubles endocriniens multiples

TRAITEMENT LOCAL :

Le traitement local amène les brûlures des premier et deuxième degrés superficiels à la cicatrisation et prépare un sous-sol sain, c’est-à-dire bourgeonnant et non infecté, pour la greffe des deuxième degré profond et troisième degré.

* En urgence, l’important est de ne pas nuire et il faut se contenter d’envelopper le patient dans un drap propre, après avoir coupé les vêtements brûlés, puis dans une couverture pour limiter les pertes de chaleur :

– ne rien mettre sur la brûlure qui empêche d’apprécier sa profondeur (antiseptique coloré, pommades…).

– le traitement commencera dans le service receveur par le premier bilan, au cours duquel on excisera les phlyctènes, enlèvera les souillures…, ce qui permettra un bilan précis.

– on propose actuellement un refroidissement immédiat (dans les 15 minutes) des brûlures pendant 15minutes. Ce refroidissement a un effet antalgique et semble limiter l’approfondissement de la brûlure et l’oedème par une diminution de la libération d’histamine. En pratique, cette technique est utile dans les brûlures limitées.

* Le traitement local commence toujours par le bilan, quotidien, au cours duquel on réalise un nettoyage et l’excision des zones nécrosées, ce qui permet un nouveau bilan des lésions:

– il est fait sous anesthésie générale le plus souvent car les zones qui bourgeonnent sont douloureuses et hémorragiques.

– on profite du bain pour mobiliser les articulations afin de prévenir les raideurs.

La couverture des zones à greffer peut se faire de deux façons.

La détersion dite « classique » :

La détersion dite « classique » consiste à préparer la greffe sur une durée de 30 jours :

– la plaie peut être laissée à l’air, surtout sur la face, le tronc et les orifices naturels. L’utilisation de lits fluidisés facilite cette technique en évitant la macération mais augmente les pertes liquidiennes.

– sinon un pansement est réalisé, surtout sur les membres qui sont ensuite immobilisés sur attelle en extension (lutte contre la rétraction cutanée) et surélevés (lutte contre l’oedème).

* La greffe est réalisée à partir de la 3e semaine alors que les brûlures des premier degré et deuxième degré superficiel sont presque cicatrisées.

* L’avantage de cette technique est sa souplesse d’utilisation, les pansements étant adaptés quotidiennement à l’évolution des lésions (pansement gras pour « déterger », au corticotulle. si le bourgeon est trop inflammatoire, aux antiseptiques…).

* Ses inconvénients sont sa lenteur qui augmente le risque infectieux, la sclérose du sous-sol et les séquelles fonctionnelles.

L’ excision-greffe précoce :

Réalisée dans la première semaine, l’excision-greffe précoce est un parage chirurgical des brûlures profondes.

* Ses avantages sont le raccourcissement considérable de l’évolution, ce qui prévient ainsi l’infection. Ce peut être une mesure de sauvetage chez les grands brûlés infectés.

* Ses inconvénients sont sa difficulté technique pour juger de la profondeur du parage nécessaire (le derme fait moins de 1mm d’épaisseur) et son caractère très hémorragique qui empêche de dépasser 15 à 20% de la surface corporelle.

Elle est surtout utile à la face et aux mains car la qualité du revêtement cutané est meilleure.

Autogreffe :

Quelle que soit la technique, seule une autogreffe peut prendre :

– elle doit être la plus fine possible pour cicatriser rapidement et prendre facilement.

– elle est prise surtout aux membres inférieurs (cuisse et jambe), mais toute zone saine peut être prélevée.

– la peau du crâne est une zone donneuse excellente qui ne laisse pas de séquelles cicatricielles et cicatrise très vite, mais son prélèvement est hémorragique.

– en fonction de l’étendue à greffer, des artifices existent: homogreffes ou greffes de cadavre vont servir de pansement temporaire, en attendant que les zones de prélèvements cicatrisent (20 jours).

– les greffes en filet permettent d’augmenter la surface greffée mais laissent des séquelles esthétiques plus importantes.

– les cultures d’épiderme humain et la peau synthétique sont encore des voies de recherche.

Rééducation :

L’autre volet du traitement local est la rééducation, qui prévient la raideur et les rétractions, en particulier par l’utilisation d’attelles de posture.

SÉQUELLES :

Le bilan des séquelles et leur traitement n’est possible qu’une fois la cicatrisation obtenue.

Séquelles psychiatriques :

Les séquelles psychiatriques sont constantes, allant de la dépression au grand syndrome délirant.

– Le retour à la vie habituelle est souvent très difficile à cause des séquelles esthétiques qui obligent le sujet à s’adapter à une nouvelle identité.

– Cette difficulté est d’autant plus marquée que la brûlure touche des zones « sociales » (face et mains surtout).

Séquelles articulaires :

A type de raideur, d’ostéomes, les séquelles articulaires sont liées à l’alitement prolongé, à la difficulté de mobilisation des articulations douloureuses et parfois aux rétractions cutanées.

Elles imposent une libération chirurgicale rendue difficile par la mauvaise qualité de la peau.

Séquelles cutanées :

Description clinique

Les séquelles cutanées sont les plus fréquentes.

* La cicatrisation entraîne des rétractions cutanées responsables :

– d’attitudes vicieuses, pouvant aboutir à des raideurs articulaires.

– des rétractions des ouvertures (anus, bouche, ectropion).

– des rétractions du cou pouvant réaliser un véritable enlisement du menton dans le sternum.

– des mains avec souvent hyperextension des MP et flexion des IP, rétraction des commissures…

* Très souvent existe une hypersensibilité au froid.

* La cicatrisation spontanée est responsable de prurit et d’une fragilité des cicatrices.

* Les greffes sont souvent dyschromiques, avec un aspect de maillage des greffes en filet, et une cicatrice hypertrophique à la jonction peau-greffe.

* Spontanément, les cicatrices sont boursouflées, cartonnées et on distingue les cicatrices hypertrophiques qui s’améliorent avec la compression et l’excision itérative et les chéloïdes qui sont douloureuses, ne s’améliorent pas et récidivent.

* Les mutilations (extrémités, nez et oreilles).

* La cancérisation des zones cicatrisées spontanément est exceptionnelle (ulcère de Marjolin).

Traitement

* Le traitement du prurit repose sur la prescription de crèmes et pommades pour éviter le dessèchement, la crénothérapie (utilisation de jets filiformes).

* L’assouplissement des cicatrices et la lutte contre leur rétraction font appel :

– aux crèmes et pommades, à la kinésithérapie (massage des cicatrices, postures ou attelles dynamiques…).

– à la crénothérapie (qui fait également blanchir les cicatrices).

– et à la compression par les vêtements qui améliorent leur aspect (à condition d’être portés 1 an jour et nuit).

* Quand toutes ces techniques ont été utilisées, le traitement est chirurgical: ponçage, greffes, plasties cutanées locales voire lambeaux microchirurgicaux qui apportent une vascularisation avec le revêtement cutané.

BRÛLURES DE L’ENFANT :

* La brûlure de l’enfant est grave dès que 5 à 10% de la surface corporelle est touchée. Dans 75% des cas, il s’agit d’inattention ou d’imprudence, deux tiers des brûlures surviennent chez des enfants de moins de 3 ans. leur mortalité est plus élevée.

* Le traitement est identique mais la réanimation immédiate est plus délicate de par le faible volume liquidien et le choc souvent plus marqué.

– Par contre, l’épidermisation est plus rapide et les greffes prennent mieux.

– L’apport d’oracilline systématique (3 jours) prévient la « scarlatine des petits brûlés ».

– Les cicatrices hypertrophiques sont constantes, obligeant à une chirurgie plastique secondaire et le retentissement psychiatrique est important.

AUTRES BRÛLURES :

Les principes du traitement des autres brûlures restent les mêmes.

Brûlures électriques :

Les brûlures électriques sont des lésions de coagulation produites par le passage du courant à travers les tissus. Il existe donc un point d’entrée et un point de sortie.

La porte d’entrée siège trois fois sur quatre aux membres supérieurs et la porte de sortie est le plus souvent située aux membres inférieurs.

* Le principal problème de ce type de brûlure est la diffusion à tout le corps, avec des dégâts beaucoup plus importants que ne le laisse supposer la porte d’entrée:

– tétanisation (responsable d’une flexion au membre supérieur, le sujet s’accrochant à la source électrique, d’une extension au membre inférieur qui éjecte le sujet de la source électrique avec possibilité de lésions traumatiques associées), voire arrêt cardio-respiratoire.

– une myoglobinurie (par lésions musculaires) survient à la 4e heure et peut, parfois, induire une insuffisance rénale par tubulopathie.

– enfin, on peut noter des troubles nerveux secondaires (anesthésies, paralysies) car le courant passe préférentiellement par les axes vasculo-nerveux.

– Il y a également des risques de complications thrombo-emboliques.

– Il y a un risque de troubles neurologiques centraux, avec coma, confusion qui imposent la réalisation d’un EEG.

* Un bilan cardiologique est donc toujours nécessaire :

– lors de la réanimation il faudra alcaliniser le patient.

– une héparinothérapie est souvent nécessaire.

* Enfin à cause de l’oedème musculaire, il faut réaliser des aponévrotomies.

Brûlures chimiques :

* Les produits acides ou basiques se combinent avec l’eau et donnent une réaction exothermique. Puis, l’acide coagule l’albumine, les bases les protéines.

* Le traitement est une urgence car la gravité tient à la nature du caustique, à sa concentration, à son mode d’action et surtout à la durée du contact.

– Il faut donc diluer le caustique par un lavage doux et prolongé 30 minutes à l’eau.

– Ne pas oublier de déshabiller le blessé ou introduire un jet d’eau entre la peau et les vêtements.

– L’utilisation de bases ou d’acides antagonistes est interdite car la réaction de neutralisation est exothermique.

– Dès que possible, il faut faire un examen ophtalmologique en examinant particulièrement les culs-de-sac car le liquide a pu être projeté.

– De plus, il faut contacter un centre antipoison car le produit a pu être inhalé ou avalé.

– Le reste du traitement est identique, mais les greffes cutanées prennent particulièrement mal.

* A part:

– l’acide fluorhydrique: l’ion fluor capte le calcium et entraîne la mort cellulaire. Après lavage abondant, le traitement consiste à appliquer de façon répétitive, du gel de gluconate de calcium sur la brûlure. Un traitement de calcium par voie intraveineuse est parfois nécessaire. L’excision des zones nécrosées est réalisée très précocement.

– le phosphore (s’enflamme à l’air): dans l’ordre, éteindre la flamme par l’eau, puis laver à grande eau pendant 30 minutes, puis humidifier la région atteinte avec de l’eau (les corps gras sont proscrits).

– les liquides réfrigérants sont insolubles dans l’eau et doivent être dilués dans l’huile.

Radiations ionisantes :

Les radiations ionisantes sont divisées en deux groupes: les brûlures actiniques et les radiodermites.

Brûlures actiniques

Les brûlures actiniques (liées aux UV (soleil)) :

– donnent un érythème carmin et prurigineux avec oedème et vésicules et ne sont dangereuses que si elles sont étendues.

– entraînent au minimum fièvre à 38 °C, insomnies, nausées et asthénie.

– la desquamation survient vers le 5-7e jour avec pigmentation temporaire.

Radiodermites

Les radiodermites sont essentiellement vues au stade de séquelles plusieurs années après l’exposition :

– le plus souvent des lésions profondes coexistent avec les lésions cutanées.

– il faut alors apporter des tissus vascularisés car les greffes ne prennent pas (plasties cutanées locales ou lambeaux microchirurgicaux).

La partie suivante correspond à la question proprement dite.

RECAPUTILATIF :

Les brûlures peuvent mettre en jeu le pronostic vital, souvent le pronostic fonctionnel, toujours le pronostic esthétique et sont considérées comme graves dès qu’elles touchent plus de 15% de la surface corporelle de l’adulte.

* Le traitement des brûlures est double:

– la réanimation vise à sauver le patient et à subvenir à des besoins métaboliques très augmentés.

– le traitement local prévient l’infection et prépare à la greffe cutanée, seule possibilité de recouvrement en l’absence de cicatrisation spontanée.

* Seules les brûlures graves, qui mettent en jeu le pronostic vital et/ou fonctionnel seront traitées en service spécialisé, mais beaucoup de brûlures entraînent des séquelles esthétiques qu’il ne faut pas négliger.

Étiologie :

On distingue les circonstances des brûlures de leur type.

Circonstances des brûlures

– Accidents domestiques (70% des cas).

– Brûlures professionnelles (20%).

– Accidents de la route (5%) qui associent aux brûlures des lésions traumatiques.

– Autolyse, brûlure de loisirs, catastrophes collectives.

Type de brûlure

Les brûlures thermiques sont de loin les plus fréquentes.

En fonction de l’agent vulnérant on distinguera :

– les brûlures par solide, qui sont des brûlures de contact, localisées mais profondes.

– les brûlures par liquides dont l’étendue dépendent du ruissellement.

– les brûlures par gaz.

– le feu.

– les brûlures électriques. Il existe un point d’entrée et un point de sortie.

– les brûlures chimiques.

– les radiations ionisantes.

Physiopathologie :

La brûlure entraîne de nombreux désordres physiologiques qui évoluent dans le temps.

Les perturbations sont représentées essentiellement par des troubles hydroélectrolytiques dans les 72 premières heures (urgence vitale), des troubles métaboliques et une agression bactérienne.

COMPLICATIONS IMMÉDIATES :

* Il s’agit d’un choc hypovolémique car la brûlure entraîne une perte de plasma et d’électrolyte, dont une partie est définitive (exsudat), l’autre (oedème) secondairement réabsorbée :

– après 72 heures, il existe une réabsorption des oedèmes et le pronostic est alors au rein qui doit éliminer les liquides en excès.

– on peut observer une insuffisance rénale fonctionnelle secondaire aux troubles hydroélectrolytiques qui cède au traitement diurétique le plus souvent.

* Douleur.

* Troubles de la thermorégulation: le brûlé a froid.

* Troubles respiratoires: l’hypoxémie est fréquente, même sans atteinte de l’arbre respiratoire. On peut voir une agression alvéolaire de gaz toxique ou de monoxyde de carbone (dosage systématique). un éclatement des alvéoles avec pneumothorax dans les « blasts ».

* Parmi les troubles digestifs constatés, on retrouve :

– un iléus paralytique dans les 48 premières heures imposant le recours à la voie veineuse.

– une diarrhée.

– des ulcères.

* Troubles du comportement.

COMPLICATIONS SECONDAIRES :

Troubles métaboliques

Les brûlures entraînent une hypersécrétion de catécholamines, particulièrement intense et prolongée, responsable d’un hypercatabolisme conduisant à une perte de poids sévère et à un retard à la cicatrisation en l’absence d’une hypernutrition compensatrice.

Complications infectieuses

La brûlure met en contact le milieu intérieur et extérieur, avec pullulation microbienne quasi obligatoire sur les plaies pouvant, si la concentration est trop élevée, aggraver les lésions et entraîner des septicémies, souvent à germes hospitaliers résistants.

L’obtention de la cicatrisation est la meilleure prévention des troubles infectieux.

Autres complications

Les autres complications rencontrées sont les troubles de la coagulation avec hypercoagulabilité, les troubles endocriniens avec aménorrhée.

COMPLICATIONS TARDIVES: LES SÉQUELLES FONCTIONNELLES :

Les séquelles dépendent du siège de la brûlure, de son étendue et de sa profondeur, du mode de traitement ainsi que de facteurs personnels comme la race du sujet (pour la cicatrisation) et son psychisme.

* Les séquelles psychiatriques sont constantes.

* Dans les séquelles articulaires, les raideurs et les ostéomes relèvent de la chirurgie orthopédique, mais leur traitement est rendu difficile par la mauvaise qualité de la peau qui recouvre les articulations.

* Les séquelles cutanées sont les plus fréquentes. Il peut s’agir :

– de brides cutanées par rétraction cicatricielle, responsable d’attitudes vicieuses: rétraction des ouvertures (anus, bouche, ectropion), rétraction du cou, des mains.

– hypersensibilité au froid, prurit, fragilité, dyschromie:

– cicatrices cutanées hypertrophiques, voire cicatrices chéloïdes.

– les mutilations (extrémités, nez et oreilles).

Diagnostic :

Le diagnostic doit déterminer le type de brûlure, sa profondeur et son étendue afin d’établir un pronostic.

ÉTENDUE DE LA SURFACE BRÛLÉE :

L’étendue de la surface brûlée est calculée de façon approximative rapidement par la règle des 9 et définie plus précisément en se servant de tables pré-imprimées tenant compte de l’âge.

PROFONDEUR :

La profondeur de la brûlure est surtout déterminée a posteriori par l’évolution des lésions.

* Le premier degré ne dépasse pas la couche cornée de l’épiderme et se traduit par un érythème douloureux qui guérit en quelques jours.

* Le deuxième degré, qui passe dans le derme et se traduit par des phlyctènes:

– le deuxième degré superficiel respecte une partie de la basale et permet une cicatrisation spontanée.

– le deuxième degré profond ne peut cicatriser qu’à partir des enclaves épidermiques, et la greffe cutanée est le plus souvent nécessaire.

* Le troisième degré ou destruction totale du derme se caractérise par la présence d’une escarre insensible. Pas de cicatrisation spontanée possible sauf par la périphérie.

* Le quatrième degré est une carbonisation des éléments nobles.

En fait, le diagnostic lésionnel exact est très difficile en urgence car la brûlure est une mosaïque et c’est l’évolution qui précisera la gravité des lésions.

LOCALISATION DE LA BRÛLURE :

La localisation de la brûlure met en jeu :

– le pronostic vital en cas de brûlures des voies aériennes (surtout si inhalation de gaz toxiques ou de monoxyde de carbone).

– le pronostic fonctionnel avec les brûlures de la face, des mains, des plis de flexion, les brûlures circulaires ou des orifices naturels.

ÉLÉMENTS DU PRONOSTIC :

* Sont de mauvais pronostic :

– l’âge du patient (l’enfant jeune ou le sujet âgé sont plus fragiles).

– l’étendue de la brûlure (grave à partir de 15% chez un adulte).

– la profondeur (les brûlures du deuxième degré profondes et au-delà).

– la localisation de la brûlure (voies respiratoires, brûlures circulaires, orifices naturels…).

– l’existence de lésions associées.

– le délai avant la mise en route du traitement.

– l’existence de tares médicales (augmentation des complications de la réanimation).

– la septicité de la brûlure.

* On peut évaluer simplement le pronostic chez l’adulte à partir de la règle des 100 :

– âge + pourcentage de la brûlure inférieur à 50: les chances de survie sont de 100%.

– âge + pourcentage de la brûlure supérieur à 100: les chances de survie sont inférieures à 10%.

On rajoute 15 pour l’existence de tares médicales.

Traitement précoce :

Le traitement du brûlé est double: général, c’est la réanimation, local, c’est la lutte contre l’infection et la préparation du recouvrement cutané, seule possibilité de guérison.

TRAITEMENT LOCAL PRÉCOCE :

Sur le plan local :

* il faut ôter les vêtements en les coupant sans toucher aux lésions et envelopper dans un champ propre.

* les lésions à nu sont enveloppées dans un pansement simple, stérile:

– le bilan exact de la brûlure sera fait lors du premier bain dans le service receveur.

– les brûlures circulaires qui forment un garrot veineux, a fortiori un garrot artériel, doivent bénéficier d’incisions de décharge.

* A l’arrivée dans le service receveur seront réalisés des bains quotidiens au cours desquels on réalisera le nettoyage et l’excision des zones nécrosées, ce qui permettra de remettre à jour le bilan. Ce bain est fait sous anesthésie générale.

* En fonction du siège des lésions, de l’étendue de celles-ci et des écoles on peut réaliser:

– une détersion par les pansements pour préparer la greffe qui sera faite dans le premier mois.

– une excision-greffe précoce.

– la greffe est toujours autologue et, dans certaines unités, il est possible de réaliser des cultures de cellules pour combler le déficit cutané.

TRAITEMENT GÉNÉRAL :

La réanimation doit être précoce, à partir d’une voie d’abord périphérique.

* C’est une réanimation « a priori » qui doit rattraper le retard initial et prévenir le choc hypovolémique :

– des formules permettent de calculer la quantité de liquide nécessaire en fonction de l’étendue de la brûlure.

– la moitié du volume à perfuser le premier jour doit être passée dans les 8 premières heures à compter de l’accident.

* Le lendemain, la moitié du volume initial calculé doit être perfusée, mais la réanimation sera en fait adaptée aux résultats du bilan biologique.

* La surveillance initiale est clinique.

* Il faut y ajouter la prévention du tétanos, des analgésiques et des tranquillisants, une oxygénothérapie, le réchauffement. Les transfusions sont nécessaires vers le 4e ou le 5e jour pour lutter contre l’hémolyse et l’hémodilution liées à la réabsorption.

* Les lésions associées (fractures, « blast » abdominal…) doivent être traitées en urgence, tant que la peau le permet.

Formes cliniques :

Brûlures de l’enfant :

* La brûlure de l’enfant est grave dès que 5 à 10% de la surface corporelle sont touchés. Elle est souvent liée à la négligence des parents. 3 ans est l’âge charnière en dessous duquel la mortalité est beaucoup plus élevée.

* Le choc est plus marqué de par la faible masse liquidienne et la réanimation difficile (problème de voie d’abord, d’adaptation précise de la réanimation)…

* Un traitement antistreptococcique est systématique les 3 premiers jours.

* La cicatrisation est plus rapide et les greffes prennent mieux, mais les cicatrices hypertrophiques sont constantes.

* Le choc psychologique est important avec, secondairement, des problèmes d’insertion affective et professionnelle.

Les autres brûlures :

* La brûlure électrique est profonde mais localisée, avec un point d’entrée et un point de sortie.

– Le risque vital est lié à la diffusion à tout le corps du courant avec risque de lésion cardiaque.

– Une myoglobinurie secondaire à l’atteinte musculaire peut conduire à l’insuffisance rénale.

– L’excision chirurgicale des lésions est la règle, le reste du traitement est identique.

* Pour les brûlures chimiques, le lavage à l’eau prolongé est une urgence thérapeutique et le meilleur traitement.

– L’examen ophtalmologique est indispensable.

– Les brûlures sont souvent peu étendues et posent donc peu de problèmes de réanimation, mais il faut insister sur la mauvaise qualité du sous-sol rendant la prise des greffes difficiles.

Les radiations ionisantes les plus fréquentes sont liées au soleil et ne posent guère de problèmes thérapeutiques.

* Les radiodermites associent aux lésions cutanées des lésions des plans sous-jacents rendant impossible la prise de greffe et qui obligent à recourir à des lambeaux vascularisés. Risque de cancérisation secondaire.

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