Lavage bronchoalvéolaire d’exploration

0
2877

Introduction :

Le LBA constitue un moyen peu invasif d’exploration du poumon distal, permettant le recueil du matériel cellulaire libre et du matériel acellulaire présents dans l’alvéole.

On estime à 1-3 % du volume pulmonaire et à 1 million d’alvéoles environ le territoire exploré par un LBA classique.

Cet examen a transformé l’abord diagnostique d’un certain nombre d’affections pulmonaires, permettant ainsi fréquemment de surseoir aux biopsies à thorax ouvert.

Cette contribution porte essentiellement sur le diagnostic des infections, en particulier opportunistes.

Lavage bronchoalvéolaire d'explorationD’un autre côté, la diversité des types cellulaires accessibles au LBA étant relativement restreinte, il est clair qu’aucun profil cytologique ne peut être considéré comme spécifique, à l’exception des cas où le LBA retrouve des cellules anormales.

De ce fait, l’intérêt s’est porté vers la caractérisation phénotypique et fonctionnelle de ces populations cellulaires.

À l’heure actuelle, la plupart des études fournissent des données plus physiopathologiques que diagnostiques.

Il est concevable cependant que la caractérisation de la spécificité antigénique des cellules immunocompétentes alvéolaires puisse un jour comporter une valeur diagnostique, comme par exemple dans les pneumopathies au béryllium.

De même, l’étude d’un certain nombre de fonctions cellulaires au cours d’une pneumopathie permettra peut-être d’en établir les caractéristiques évolutives, et éventuellement d’en déduire des indices pronostiques.

Réalisation pratique du lavage bronchoalvéolaire :

Le LBA est réalisé au cours de la fibroscopie bronchique, dont le premier temps est l’appréciation macroscopique endobronchique, qui peut parfois contre-indiquer le lavage (présence de pus en grande quantité).

L’anesthésie locale repose sur l’emploi de la lidocaïne, en spray pour les voies aériennes supérieures et en instillation directe par le canal du fibroscope pour la trachée, la carène et les bronches.

Tout surplus sera réaspiré avant la pratique du LBA pour faciliter sa réalisation et conserver une viabilité maximale des cellules alvéolaires récupérées.

Le LBA peut être, si nécessaire, réalisé sous anesthésie générale, voire au cours d’une ventilation assistée.

Pour une récupération optimale du liquide, le fibroscope doit être placé dans une bronche soussegmentaire permettant d’occlure la lumière bronchique.

A – Incidents, contre-indications :

Le LBA est un examen en règle dénué de risque.

Une prémédication par atropine peut être proposée, évitant les réactions vagales et réduisant les sécrétions bronchiques.

Les effets secondaires sont mineurs, à savoir fièvre et frissons survenant quelques heures après le LBA, bien prévenus par l’emploi d’antipyrétiques.

Une chute de la PaO2 (pression partielle en oxygène du sang artériel) de 5 à 10mm de mercure est usuelle, nécessitant chez les patients hypoxémiques de pratiquer l’examen sous oxygénothérapie et sous surveillance constante de la saturation oxygénée.

Les contre-indications classiques du LBA, que constituent un volume expiratoire maximal seconde (VEMS) inférieur à 1 000 mL, une PaO2 inférieure à 60 mm de mercure, un antécédent d’infarctus du myocarde récent, d’angor instable ou d’insuffisance cardiaque, doivent être nuancées en fonction du risque relatif lié à cet examen par rapport au bénéfice escompté.

Il n’existe pas de contre-indication absolue à le réaliser chez les patients présentant une hyperréactivité bronchique ; il est alors recommandé de pratiquer cet examen sous couvert de l’utilisation d’un bronchodilatateur inhalé.

Le LBAentraîne une réduction transitoire des paramètres ventilatoires ainsi qu’un infiltrat alvéolaire visible sur la radiographie pulmonaire standard et la tomodensitométrie (TDM), et qui peut persister de 48 à 72 heures après l’examen.

Ceci souligne la nécessité de réaliser ces examens préalablement au LBA pour ne pas en modifier l’interprétation.

B – Site du lavage :

Chez le sujet normal, il existe une bonne corrélation entre les données cellulaires obtenues à partir des différents lobes.

Dans les pathologies interstitielles diffuses avec répartition relativement homogène des anomalies radiologiques, il est recommandé de pratiquer le LBA dans le lobe moyen car le rendement y est optimal.

Quand les anomalies sont inhomogènes, le site du LBA dépend des objectifs du clinicien.

Lorsque le problème est l’identification d’une pathologie tumorale ou infectieuse, il est impératif de pratiquer le lavage au site des anomalies maximales.

En revanche, lorsqu’il s’agit de caractériser le profil cellulaire alvéolaire, d’une fibrose pulmonaire par exemple, afin d’en tirer si possible des arguments pronostiques, il est souhaitable de réaliser le LBA dans les zones où les lésions ne semblent pas irréversibles.

L’apport de la TDM est ici essentiel, guidant le LBA vers les zones dites en « verre dépoli », sièges de l’alvéolite inflammatoire.

C – Technique du lavage bronchoalvéolaire :

Le liquide instillé est du sérum physiologique stérile, réchauffé idéalement à 37 °C, ce qui en assure une meilleure tolérance. Un volume total de 150 à 300 mL doit être instillé afin d’en récupérer 50 à 60 % au moins, soit un minimum de 100 mL, nécessaires à une interprétation correcte des données cellulaires.

Ce volume sera instillé par fractions successives de 40 à 60 mL qui seront récupérées au fur et à mesure par aspiration douce pour limiter le risque de collapsus bronchique et d’hémorragie traumatique.

La récupération se fait au mieux dans un flacon siliconé posé sur de la glace pour éviter l’adhérence des macrophages aux parois.

Le lavage doit être transporté dans les meilleurs délais au laboratoire où sera réalisé l’examen, en sachant que si l’analyse cytologique peut souffrir un délai de 24 heures si le liquide est conservé à 4 °C, la mise en évidence de virus (Cytomégalovirus [CMV], herpès) ne sera, elle, possible que sur un liquide mis en culture immédiatement.

Au laboratoire :

A – Techniques de routine :

L’aspect macroscopique du liquide est consigné par écrit : aspect hémorragique ou lactescent (protéinose alvéolaire).

Le volume total du liquide récupéré doit être mesuré, puis ce dernier est homogénéisé par agitation douce et filtré à travers une compresse stérile afin d’éliminer le mucus, sauf lorsque l’on suspecte une pneumocystose ou une pathologie tumorale (pour les raisons que nous détaillerons ultérieurement).

Les cellules sont ensuite comptées à l’aide d’un hémocytomètre qui permet d’apprécier la densité cellulaire et la répartition entre grandes cellules (macrophages) et petites cellules (lymphocytes, polynucléaires mais aussi petits macrophages), mais qui ne permet pas de distinguer clairement leur nature.

Des pastilles de cytocentrifugation sont ensuite réalisées avec de 1 à 2·105 cellules par lame, permettant d’établir la formule cellulaire différentielle après coloration appropriée, par comptage d’un minimum de 500 cellules.

Ce résultat peut être habituellement obtenu en 1 heure environ, en fonction des différentes techniques de coloration utilisées.

La coloration de Diff-Quick est une technique rapide qui doit toujours être confirmée par celle de May-Grünwald- Giemsa (MGG) en raison de sa meilleure fiabilité.

Un certain nombre de lames non colorées, séchées à l’air ou fixées, doivent être conservées à température ambiante pour colorations ultérieures si nécessaire, en sachant que de la technique de fixation peuvent dépendre des modifications de la formule cellulaire.

Enfin, des lames pourront être congelées à -20 °C en prévision d’éventuels immunomarquages, et le culot cellulaire pourra être fixé et inclus en paraffine pour permettre des études ultérieures sur coupes sériées (colorations spéciales, immunohistochimie, hybridation in situ).

Dès que les cellules nécessaires au comptage ont été prélevées, cellules et surnageant doivent être immédiatement séparés par centrifugation afin d’éviter tout risque d’interaction entre ces différents éléments (relargage de médiateurs par les cellules, par exemple) et d’en permettre l’analyse de manière fiable.

B – Colorations spéciales :

Elles sont réalisées en fonction du contexte clinique sur la pastille de cytocentrifugation ou sur le culot cellulaire inclus en paraffine.

Cette dernière technique s’applique particulièrement à la recherche de cellules à inclusions virales ou de cellules tumorales, ainsi qu’aux études immunocytochimiques, en pleine expansion.

Les principales colorations utilisables sont rapportées dans les paragraphes correspondant aux différentes pathologies considérées.

C – Études phénotypiques :

Elles permettent d’identifier en routine les populations lymphocytaires alvéolaires et leurs différentes sous-populations en détectant les protéines membranaires qui les caractérisent.

La fixation de l’anticorps spécifique est révélée par différentes méthodes, immunochimiques ou immunofluorescentes.

Cette étape utilise soit un microscope optique pour les techniques d’immunochimie, soit un microscope équipé pour la fluorescence, soit plus couramment de nos jours un cytofluoromètre.

Ces techniques ont été largement développées pour l’identification des populations lymphocytaires B (CD19, CD20, CD79a, immunoglobulines membranaires), T (CD3) et de leurs sous-populations CD4 et CD8 habituellement mutuellement exclusives, voire NK (natural killer) (CD56, CD57, CD16).

Par ailleurs, un certain nombre de marqueurs d’activation T ont été plus récemment caractérisés et classés en CD69 (très précoces), CD25 (chaîne alpha du récepteur de l’interleukine 2 [IL2]) et CD27 (précoces), HLA-DR (tardifs) et VLA-1 (très tardifs), en fonction de leur expression chronologique au cours de l’activation cellulaire. D’une manière plus générale, les lymphocytes T-CD4+ sont classés en CD45+, dits « naïfs », et CD29+, dits « mémoires ».

D’autres phénotypes sont habituellement associés à des fonctions.

Ainsi, parmi les lymphocytes CD8, classiquement suppresseurs/cytotoxiques, les CD8+ CD11b+ seraient suppresseurs, et les CD8+ CD28+ cytotoxiques.

Enfin, sortant du cadre diagnostique mais fort utile aux études physiopathogéniques, on peut utiliser la caractérisation phénotypique des molécules d’adhésion présentes à la surface des leucocytes et gouvernant en partie le trafic cellulaire dans le poumon (LFA-1, CD11a/CD18 et CD11c/CD18 en particulier).

D’introduction plus récente, l’étude phénotypique des récepteurs T et B permet, dans certains cas, d’affirmer la mono- ou l’oligoclonalité d’une population lymphocytaire retrouvée au LBA.

Cela peut comporter un intérêt diagnostique majeur en cas de population monoclonale B par exemple, argument de poids à l’appui d’un diagnostic de lymphome pulmonaire.

L’intérêt de la recherche d’une clonalité du récepteur T est d’ordre plutôt physiopathologique dans l’étude du répertoire antigénique de ces cellules.

D – Études moléculaires :

Elles visent à mettre en évidence des réarrangements géniques au niveau de l’ADN codant pour les récepteurs T et B, en utilisant des sondes marquées spécifiques des séquences recherchées.

Là encore, la démonstration d’une population lymphocytaire monoclonale B au sein du LBA constitue un argument de poids en faveur d’un lymphome pulmonaire dans un contexte radioclinique compatible.

De la même manière, si l’analyse moléculaire du récepteur des lymphocytes T alvéolaires peut être utile à de rares diagnostics, elle s’applique surtout à certaines problématiques de recherche.

E – Microscopie électronique :

Cette technique a été largement supplantée par les méthodes immunohistochimiques, en particulier pour la granulomatose pulmonaire à cellules de Langerhans (histiocytose X), qui en était encore l’indication de choix il y a quelques années.

L’étude ultrastructurale n’est jamais réalisée en routine et n’est effectuée que dans des centres très spécialisés car elle demande, tant pour la technique que pour l’analyse des résultats, un temps et une expérience considérables.

De plus, contrairement à l’analyse en microscopie optique, elle ne permet d’analyser qu’un tout petit contingent cellulaire du fait de la petite taille des échantillons pouvant être déposés sur les grilles d’analyse.

Quoi qu’il en soit, cette étude demeure intéressante pour la confirmation, par exemple d’une histiocytose X, par la mise en évidence de « corps X » dont un premier dépistage est toujours réalisé par le marquage en immunohistochimie des cellules alvéolaires par l’anticorps anti-CD1a.

La microscopie électronique peut être également utile à l’identification de certaines populations cellulaires comme les pneumocytes II, ou les cellules neuroendocrines dans le cadre de la pathologie tumorale, ainsi qu’à la caractérisation de matériel intracellulaire, dans les thésaurismoses, ou extracellulaire, comme dans la protéinose alvéolaire.

Dans tous les cas, si l’indication en est posée, un culot cellulaire d’au moins 5·106 cellules devra être fixé dans le glutaraldéhyde, postfixé, déshydraté, puis inclus en résine.

F – Minéralogie :

Compte tenu de la lourdeur d’une analyse minéralogique complète, celle-ci ne saurait être ni systématique ni exhaustive ; elle ne sera réalisée que sur des arguments précis, après détermination par un interrogatoire rigoureux du type de l’exposition potentielle.

Un minéral se définit à la fois par sa structure cristalline et sa composition chimique, aussi l’analyse minéralogique nécessite-t-elle d’adresser à un laboratoire spécialisé (Laboratoire d’étude des particules inhalées), parallèlement au laboratoire d’anatomopathologie, au moins 20 mL de LBA non filtré sur formol dépoussiéré. Le deuxième aliquot du LBA apparaît le plus rentable pour cette analyse.

L’examen en microscopie optique du culot cellulaire de LBA inclus en paraffine reste la méthode la plus utilisée en routine pour repérer les poussières minérales.

Il ne caractérise cependant que les grosses particules, en particulier les corps ferrugineux ou pseudoferrugineux intramacrophagiques orientant dès leur aspect vers une nature asbestosique ou non.

Les corps ferrugineux, de forme régulière, segmentés, avec une fibre centrale fine transparente, fibre d’amiante dans 95 %des cas, correspondent à des corps asbestosiques (CA).

Les corps pseudoferrugineux sont formés sur d’autres fibres plus fines ou irrégulières correspondant à du talc, des fibres de verre, du kaolin, du charbon.

L’observation de particules inertes libres intramacrophagiques hautement réfringentes suggère une exposition à des particules telles que la silice, le charbon, les métaux durs, l’aluminium ou les alliages utilisés en dentisterie.

L’analyse minéralogique : en routine clinique, lorsque des particules empoussiérées sont observées en microscopie optique, l’interrogatoire du patient est souvent suffisant pour préciser l’histoire de l’exposition.

Dans les cas sans exposition retrouvée ou pour clarifier la situation des cas d’exposition mixte, souvent à des fins médicolégales, une analyse minéralogique beaucoup plus longue et délicate s’impose.

L’aliquot de LBA frais est traité avec un volume égal d’hypochlorite de sodium pour digérer la matière organique, puis filtré, permettant d’obtenir un échantillon de particules minérales représentatif de la charge endoalvéolaire, et de fournir des résultats quantitatifs.

L’échantillon peut être analysé directement (par dosage d’un élément chimique) ou reconcentré par centrifugation ou par microfiltration sur une membrane compatible avec la méthode analytique choisie.

La microscopie électronique couplée à la spectrométrie dispersive en énergie des rayons X avec étude de la microdiffraction permet d’associer à l’examen morphologique l’analyse chimique élémentaire, particule par particule.

L’analyse des fibres nues ou de la partie centrale des corps ferrugineux peut être ainsi faite en analysant simultanément les éléments dont le numéro atomique est supérieur à 8.

Ces techniques couplées permettent également l’analyse de particules non fibreuses (talc, silice, métaux durs).

L’analyse de l’activation des neutrons, technique très spécifique mais très lourde, est spécialement utilisée dans la détection de traces de métaux durs dans la phase acellulaire du LBA (tungstène, tantale, cobalt).

L’analyse quantitative des CA dans le LBA est hautement corrélée à la quantification tissulaire obtenue par biopsie.

Il a pu être établi par exemple qu’une charge de 1 CA/mL de lavage était tout à fait prédictive d’une concentration supérieure à 1 000 CA/g de tissu sec.

Cependant, la mise en évidence de particules minérales dans le poumon témoigne de la réalité d’une exposition à ces contaminants mais n’est pas synonyme de pathologie environnementale.

Cette mise en évidence peut être néanmoins très utile à l’argumentation d’un dossier de maladie professionnelle si l’exposition demeurait jusque-là incertaine.

Il faut d’ailleurs souligner que les CA peuvent persister dans le poumon plus de 20 ans après l’arrêt de l’exposition, mais qu’à l’inverse, ils peuvent ne pas être détectés au LBA malgré l’exposition certaine des patients.

L’appréciation d’une exposition antérieure aux particules non fibreuses s’appuie non seulement sur le nombre total de particules retrouvées mais aussi sur leur nature et leur abondance relative ; en effet, 90 % des LBA contiennent de la silice et des oxydes de fer, mais moins de 30 %contiennent du cobalt ou du tungstène.

C’est l’identité même d’une particule minérale au sein d’un mélange de poussières qui sera le plus souvent traceur d’une exposition, là encore sans évidence de maladie.

G – Microbiologie :

Le LBA à visée microbiologique n’est pas l’examen de choix dans l’exploration d’un foyer localisé, le plus souvent d’origine bactérienne, ou en cas de suppuration bronchique.

Il est alors plus indiqué de réaliser un examen de l’expectoration pour recherche de bacilles acidoalcoolorésistants (BAAR) ou de légionnelles, voire un examen protégé perendoscopique.

La meilleure indication du LBA à titre infectieux est l’exploration d’une pneumopathie alvéolo-interstitielle diffuse, voire d’un aspect de miliaire.

Différents agents pathogènes peuvent être mis en évidence dans le liquide de lavage, soit à l’examen direct sur colorations standards ou spéciales, soit après mise en culture, soit par utilisation d’anticorps monoclonaux (Pneumocystis carinii, Toxoplasma gondii, Legionella pneumophila, CMV, herpès, adénovirus).

Les recherches de virus nécessitent que le liquide de lavage soit transporté au plus vite au laboratoire, si possible dans un milieu spécial.

Le volume optimal pour la recherche d’agent pathogène n’est pas clairement défini, mais en pratique on adresse de 10 à 15 mL dans chaque laboratoire concerné (bactériologie, virologie, anatomopathologie, mycoparasitologie).

H – Biochimie :

La détermination des composés non cellulaires du liquide de lavage (immunoglobulines, albumine, enzymes, phospholipides, prostaglandines, par exemple) se heurte à certaines difficultés techniques non résolues, ce qui en fait un examen sortant du cadre de la routine.

L’objectif est d’analyser les éléments du film alvéolaire.

Il est capital de séparer rapidement cellules et surnageant pour éviter le relargage de certaines substances par les cellules.

Il semble par ailleurs souhaitable de ne pas utiliser le premier aliquot récupéré.

La dilution considérable de ces éléments induite par l’instillation du sérum physiologique en rend l’interprétation délicate.

Pour résoudre ce problème, certains ont proposé de rapporter la concentration de la substance à doser à celle d’un élément de référence qui n’est pas synthétisé par le poumon et dont la concentration serait stable.

Parmi les nombreuses substances utilisées à ces fins (inuline, urée, potassium, glucose, albumine), l’albumine répondrait le mieux à ces exigences.

Par ailleurs, les faibles concentrations des substances retrouvées in vivo dans le liquide alvéolaire, jointes à l’effet de dilution dont nous avons parlé, impliquent une concentration préalable du liquide de lavage ainsi que l’utilisation de méthodes de dosage plus sensibles que celles utilisées habituellement pour les composés sériques.

En réalité, aucune de ces techniques de concentration n’a fait la preuve de sa fiabilité et de sa reproductibilité.

Elles sont donc dans l’ensemble réservées à des problématiques de recherche.

Avant d’aborder les résultats que l’on peut attendre de l’examen direct du LBA, il faut savoir qu’il est possible, sur indication particulière des cliniciens, d’en congeler les différents éléments.

Le surnageant peut être conservé à -20 °C, voire à -80 °C (optimal pour la conservation des protéines).

Les cellules doivent être préalablement traitées dans un milieu propre à la congélation, puis placées dans de l’azote liquide, ce qui en assure une bonne conservation morphologique, en particulier pour les lymphocytes ; la conservation des fonctions cellulaires est plus contestable.

Résultats chez les sujets normaux :

La quantité de liquide récupéré est de 50 à 70 % du volume instillé.

En deçà de ce pourcentage, l’interprétation des résultats est sujette à caution.

A – Composés cellulaires :

La quantification de chaque population cellulaire (macrophages, lymphocytes et polynucléaires neutrophiles [PNN]) est exprimée soit en nombre absolu par millilitres, soit en pourcentage des cellules récupérées.

Ces chiffres, établis chez des sujets normaux non fumeurs.

Les autres types cellulaires représentent habituellement moins de 1 % des cellules récupérées, à savoir polynucléaires éosinophiles (PNE), basophiles, plasmocytes et mastocytes.

De plus, des hématies ainsi que des cellules bronchiques et alvéolaires peuvent être retrouvées.

Une récupération de plus de 5 % de cellules bronchiques et de plus de 10 % de PNN chez ces sujets normaux plaide pour une qualité médiocre du lavage (bronchique plus qu’alvéolaire) ou pour un tabagisme.

Les facteurs perturbant la récupération du lavage sont essentiellement la toux et tout syndrome obstructif.

La cellularité observée chez un sujet fumeur est globalement augmentée, essentiellement par augmentation des macrophages et des polynucléaires, et à un moindre degré des lymphocytes.

Âge, ethnie, sexe, poids et volume pulmonaire n’influencent pas ces résultats.

B – Caractéristiques phénotypiques :

Il est à noter que le rapport CD4/CD8 pulmonaire est en règle identique à celui des cellules sanguines.

Le tabagisme s’accompagne habituellement d’une augmentation des CD8, avec comme conséquence une diminution du rapport CD4/CD8.

Apport du lavage bronchoalvéolaire en pathologie :

Le LBA assure un diagnostic dans la plupart des pathologies infectieuses, en permettant d’identifier les agents pathogènes responsables, ou dans certaines affections d’origine non infectieuse mais s’accompagnant de cellules anormales au LBA ou de matériel extracellulaire.

Dans toutes les autres situations, le LBAa essentiellement une valeur d’orientation diagnostique et de suivi thérapeutique, fondée sur le profil cellulaire observé et les caractéristiques morphologiques et phénotypiques de ces cellules.

C’est à dessein que nous n’aborderons ici que les affections dans lesquelles le LBA est d’un apport certain au diagnostic et non pas uniquement à l’exploration des mécanismes physiopathologiques.

A – Diagnostic assuré par lavage bronchoalvéolaire :

L’intérêt majeur du LBA dans toutes ces circonstances est d’avoir considérablement réduit les indications de la biopsie pulmonaire à thorax ouvert.

1- Pathologies infectieuses :

Le LBAa trouvé une indication particulière dans l’exploration des infections survenant chez les patients immunodéprimés (receveurs d’allogreffe ou sujets infectés par le virus de l’immunodéficience humaine [VIH]).

En cas de négativité d’un premier examen et de l’échec d’un traitement antibiotique probabiliste, la répétition du LBA couplé à des biopsies transbronchiques dans les zones radiologiquement pathologiques permet d’optimiser le rendement diagnostique.

La découverte d’un agent opportuniste dans le LBA est par définition pathologique.

* Pneumocystose :

La sensibilité du LBA pour le diagnostic de pneumocystose est actuellement de plus de 95 % en l’absence de prophylaxie par aérosols de pentamidine, à condition de respecter certains impératifs : non-filtration du LBA, importante concentration cellulaire par lame (supérieure à 2·105 cellules/lame), colorations spéciales, d’où la nécessité d’une demande précise et orientée du clinicien.

La coloration de Diff-Quick, très sensible pour les formes végétatives de P carinii, ne dispense pas des colorations de référence que sont le Gomori-Grocott et le Gram-Weigert à la recherche de formes kystiques du pathogène.

La négativité de cette recherche n’exclut pas le diagnostic, en particulier chez les patients sous prophylaxie par aérosols de pentamidine où la sensibilité duLBAréalisé dans le lobe moyen chute à 65 %.

Dans cette situation, il est recommandé d’effectuer un LBA dans deux segments (par exemple lobes moyen et supérieur) pour retrouver une sensibilité supérieure à 90 %.

De même, l’utilisation d’anticorps monoclonaux permettrait pour certains d’optimiser le rendement diagnostique.

Si l’amplification génique par PCR (polymerase chain reaction) semble prometteuse, elle est à réserver aux résultats négatifs ou discordants des deux précédentes méthodes.

Enfin, l’étude de la cellularité du LBA permet d’apprécier le degré d’inflammation de l’interstitium, qui reflète la gravité du tableau clinique ; en particulier, le pourcentage de PNN est bien corrélé à la PaO2 et au taux de lacticodéshydrogénase (LDH) sériques.

La pratique d’un lavage de contrôle en cas de guérison clinique est inutile car la persistance du parasite au-delà de 21 jours de traitement est démontrée.

En l’absence d’amélioration de la symptomatologie sous traitement, un second LBA peut objectiver l’existence d’un autre pathogène ou la présence isolée du pneumocyste, à interpréter en fonction du contexte comme un échec thérapeutique.

* Toxoplasmose :

La toxoplasmose est de diagnostic plus difficile en raison de son faible parasitisme.

La détection du toxoplasme est possible sur la coloration de MGGmais réclame une recherche très soigneuse par un lecteur expérimenté.

Sa mise en évidence bénéficie donc de l’apport des anticorps monoclonaux, de la possibilité de cultures et actuellement de l’amplification génique par PCR.

* Aspergillose :

Le diagnostic d’aspergillose pulmonaire invasive reste difficile et souvent tardif avec les méthodes classiques (examen direct après colorations spécifiques et culture).

La PCR et la détection d’antigènes aspergillaires dans le LBA ont été développées récemment.

Si cette dernière témoigne d’une bonne spécificité en méthode Elisa, car positive en phase de multiplication du champignon, sa sensibilité semble décevante car moindre et souvent retardée par rapport à la détection de l’antigénémie sérique.

L’apport de la PCR apparaît également modeste : la sensibilité est de 55 %et la valeur prédictive positive de 25 %.

Elle doit donc être interprétée avec grande prudence chez les sujets à risque de colonisation bronchique aspergillaire (corticothérapie au long cours, bronchopneumopathie chronique obstructive [BPCO]…).

D’autres agents opportunistes, comme Nocardia , Cryptococcus, Cryptosporidium et Histoplasma, par exemple, peuvent également être retrouvés par le lavage.

* Tuberculose :

Le LBA, s’il ne dispense pas des prélèvements habituels, est de bonne sensibilité, notamment chez l’immunodéprimé.

La découverte d’une mycobactérie atypique au LBA pose les mêmes problèmes d’interprétation quant à son caractère pathogène que sa découverte dans les sécrétions bronchiques, particulièrement au cours de l’infection par le VIH.

* Pneumopathie bactérienne :

Le LBA est d’une grande rentabilité dans le diagnostic de pneumopathie bactérienne survenant chez les patients ventilés.

La quantification des bactéries intracellulaires (de 3 à 5 % des cellules du LBA selon les auteurs) par la coloration de Gram a une bonne sensibilité diagnostique, de l’ordre de 85 %.

De plus, les résultats de l’examen direct (morphologie et coloration des bactéries) sont bien corrélés à ceux des cultures, permettant une antibiothérapie précoce optimale.

La culture quantitative du LBA est utilisée par différentes équipes bien qu’il n’y ait pas de consensus sur la définition du seuil de positivité (de 104 à 105 cfu/mL).

* Pneumopathies virales :

La découverte de CMV ou du virus de l’herpès dans un LBA ne peut, à elle seule, en affirmer le rôle pathogène, en particulier au cours de l’infection à VIH.

Malgré l’apport de l’immunofluorescence, des cultures rapides et de l’amplification par PCR, le diagnostic repose, devant un tableau radioclinique compatible, sur l’absence d’autres pathogènes et sur la présence de stigmates histologiques d’infection tissulaire (cellules à inclusions).

Au décours d’une allogreffe de moelle ou après transplantation pulmonaire, la situation est différente en raison de la fréquence et de la gravité d’une pneumopathie à CMV.

La détection précoce de CMV dans le sang et/ou le LBA est suffisante pour instituer un traitement antiviral.

2- Pathologie tumorale :

L’intérêt du LBA dans le diagnostic des tumeurs pulmonaires à localisation périphérique est probablement sous-estimé.

Sa sensibilité dépend du type histologique et de la présentation radiologique.

Il faut en effet différencier les formes localisées nodulaires et les formes diffuses correspondant soit à un carcinome bronchioloalvéolaire primitif, soit à une lymphangite carcinomateuse secondaire.

La meilleure rentabilité diagnostique concerne les formes diffuses.

Il a été montré en effet que le LBA fournit le diagnostic dans 93 % des carcinomes bronchioloalvéolaires et dans 89 % des lymphangites carcinomateuses, contre 45 % dans les nodules périphériques isolés.

Les cellules anormales à caractère tumoral sont isolées, ou le plus souvent regroupées en petits amas pseudopapillaires, et sont identifiables sur les colorations standards de MGG et de Papanicolaou.

Pour préciser le type histologique, l’inclusion du culot cellulaire permet d’effectuer des coupes sériées, des colorations spéciales et une étude immunohistochimique.

Dans le cas de tumeur secondaire, l’utilisation d’anticorps monoclonaux spécifiques de certains types cellulaires peut permettre de préciser le site de la tumeur primitive (exemple : antithyroglobuline pour la thyroïde, PSA [prostate specific antigen] pour la prostate ou HMB45 (human melanoma B45) pour les mélanomes).

Le diagnostic différentiel avec certaines pathologies bénignes reste toutefois souvent difficile.

En effet, certaines atypies cellulaires ainsi qu’une hyperplasie des pneumocytes II peuvent s’observer chez 40 % des sujets immunodéprimés, chez les patients traités par chimio- ou radiothérapie, ainsi qu’au cours de détresses respiratoires aiguës entraînant des dommages alvéolaires diffus.

Une grande prudence est donc de rigueur dans l’interprétation des résultats qui devront toujours être confrontés au contexte clinique.

Il n’existe en effet aucun marqueur spécifique de la malignité.

Pour le diagnostic des lymphomes malins non hodgkiniens à localisation pulmonaire, la sensibilité du LBA paraît se situer autour de 67 %.

Le diagnostic repose sur la mise en évidence de cellules d’aspect lymphoïde, morphologiquement anormales, ou d’un nombre anormalement élevé d’une population cellulaire clonale définie par ses phénotypes membranaires.

Il s’agit en pratique le plus souvent de lymphome de phénotype B.

Chez les sujets normaux, les lymphocytes B représentent moins de 1 % des lymphocytes recueillis par le LBA. Dans les lymphomes, ce pourcentage peut s’élever jusqu’à 40 %.

Ce diagnostic peut être également évoqué sur la mise en évidence d’un pic monoclonal à l’immunoélectrophorèse des protéines alvéolaires, comparée à l’immunoélectrophorèse sérique.

La sensibilité du LBA tombe à 33 % dans le diagnostic de lymphomes hodgkiniens pulmonaires, probablement du fait du caractère nodulaire des lésions.

3- Granulomatose pulmonaire à cellules de Langerhans (histiocytose X) :

Le LBA est en général hypercellulaire puisque la plupart des sujets sont fumeurs, mais il n’existe pas de profil cytologique type ; seul le pourcentage des PNE est parfois augmenté.

Le diagnostic repose sur la mise en évidence d’un nombre anormalement élevé (> 5 %) de cellules de Langerhans, identifiées en immunohistochimie grâce à l’anticorps monoclonal anti-CD1a.

Celui-ci est dirigé contre un épitope de la cellule de Langerhans résistant à la fixation, et donc utilisable sur coupes semi-sériées du culot d’inclusion cellulaire.

Les cellules de Langerhans peuvent cependant être observées en petit nombre chez les sujets fumeurs ainsi qu’au cours de certaines pneumopathies interstitielles avec fibrose, ou de processus tumoraux comme les carcinomes bronchioloalvéolaires.

Ce n’est que dans un contexte évocateur, si le nombre de ces cellules est supérieur à 5 %, que le diagnostic peut être considéré comme probable.

À l’inverse, la négativité de cette recherche n’exclut nullement le diagnostic.

Enfin, une étude ultrastructurale complémentaire de la recherche des structures caractéristiques intracytoplasmiques linéaires pentalaminaires aux extrémités renflées en « raquettes », pourra confirmer le diagnostic.

4- Protéinose alvéolaire :

Le diagnostic de lipoprotéinose alvéolaire est établi sur la constatation macroscopique d’un liquide opaque ou lactescent, avec un abondant précipité granuleux.

En microscopie optique, on observe une réduction du nombre des macrophages alvéolaires qui ont un cytoplasme spumeux, vacuolisé, riche en phospholipides, siégeant au sein d’un matériel extracellulaire amorphe, très abondant, organisé en corps éosinophiles.

Ce matériel granuleux, protéinacé, déjà visible sur une coloration standard de MGG, est surtout bien mis en évidence par la coloration de PAS (acide périodique Schiff), ainsi qu’en microscopie électronique du fait de son aspect lamellaire caractéristique .

De plus, ce matériel est fortement marqué par les anticorps antisurfactants dans les protéinoses alvéolaires primitives.

Dans tous les cas, il conviendra d’éliminer devant toute protéinose alvéolaire une pathologie associée en recherchant avec soin des particules biréfringentes en lumière polarisée, pouvant orienter vers une silicose, des agents pathogènes (P carinii ou Nocardia) ou des cellules tumorales.

5- Hémorragie alvéolaire :

Le diagnostic est facilement affirmé si le LBA retrouve des hématies en grand nombre dans tous les aliquots récupérés, alors que la fibroscopie n’a pas été traumatique et qu’il n’existe pas d’anomalie endobronchique.

Il peut s’agir d’une hémorragie récente, qu’il faudra intégrer dans un contexte clinique de syndrome de Goodpasture ou de maladie de Wegener par exemple.

Le plus souvent, le diagnostic d’hémorragie alvéolaire repose sur la constatation de sidérophages qui sont des macrophages contenant de l’hémosidérine. Des études expérimentales ont montré qu’ils apparaissaient 48 à 72 heures après un saignement.

L’intensité d’une hémorragie alvéolaire peut donc être quantifiée soit par le pourcentage de sidérophages retrouvés dans le lavage, soit par l’indice de Golde.

Il s’agit d’un indice colorimétrique établi sur l’intensité de la coloration de Perls qui teinte en bleu les dépôts ferriques.

Une hémorragie alvéolaire peut être affirmée s’il existe pour certains auteurs plus de 20 % de sidérophages, pour d’autres un indice de Golde supérieur à 100.

6- Lipidoses :

Il existe des lipidoses exogènes par inhalation d’huiles minérales utilisées comme laxatifs ou en gouttes nasales, et des lipidoses endogènes par thésaurismose ou embolie graisseuse.

Les premières se caractérisent par un aspect huileux du liquide de lavage et l’existence de vacuoles intramacrophagiques.

La nature des lipides peut être déterminée par les colorations appropriées et par HPLC.

Les thésaurismoses phospholipidiques, quant à elles, donnent un aspect évocateur aux macrophages qui apparaissent spumeux, contenant des inclusions colorables par le noir Soudan en microscopie optique et présentant une structure lamellaire en microscopie électronique.

B – Diagnostic non assuré par liquide bronchoalvéolaire :

Dans un certain nombre d’affections pulmonaires, le LBA ne peut avoir qu’une valeur d’orientation diagnostique, fondée sur la caractérisation des profils cellulaires récupérés, voire une valeur pronostique et de suivi thérapeutique.

1- Sarcoïdose :

Bien que cette affection ait donné lieu à de multiples études, aucune n’a permis jusqu’à présent de tirer du LBA des arguments formels sur les plans diagnostique, pronostique, ni même physiopathogénique.

Cependant, l’association de plusieurs critères dans un contexte radioclinique évocateur peut orienter vers le diagnostic de sarcoïdose, tels qu’une hyperlymphocytose alvéolaire ne dépassant pas en règle 40 à 50 % des cellules, de phénotype essentiellement CD3+ CD4+, avec un rapport CD4/CD8 pouvant atteindre 8 à 10. Beaucoup plus rarement, l’alvéolite lymphocytaire est à prédominance CD8.

La persistance de l’alvéolite au-delà de 1 an, beaucoup plus que l’intensité de l’alvéolite initiale, a pu constituer pour certains un indice de mauvais pronostic.

La plupart des auteurs dénient cependant à l’heure actuelle toute valeur pronostique à ces critères.

Des études ont également porté sur le dosage de certains composés solubles présents dans le liquide de LBA tels que fibronectine, activateur du plasminogène, acide hyaluronique, peptide III du collagène, enzyme de conversion de l’angiotensine, lysozyme et collagénase.

Cela dit, aucun de ces éléments n’a fait la preuve de sa valeur pronostique, encore que des travaux récents aient montré que l’intensité de l’activité sécrétoire des cellules composant l’alvéolite sarcoïdienne (IL2, IL6, IL8) était corrélée à un mauvais profil évolutif.

En revanche, l’étude du LBA a largement contribué à une meilleure connaissance de la physiopathogénie de la sarcoïdose.

Les macrophages alvéolaires y apparaissent très activés, capables de sécréter « spontanément » de l’enzyme de conversion de l’angiotensine et du calcitriol par exemple.

Ils produisent également nombre de cytokines intervenant dans le recrutement et la prolifération des lymphocytes T, et donc dans l’entretien de l’alvéolite, telles que l’IL1, l’IL6, le TNF alpha (tumour necrosis factor), mais aussi l’IL12 et l’IL15.

Les lymphocytes alvéolaires de la sarcoïdose sont quant à eux également très activés, de phénotype CD4+ HLA-DR+ CD25+.

Il y existe une expansion particulière de cellules CD29+ (mémoires), de même que de cellules CD3+ LFA-1+, particulièrement chez les patients présentant des anomalies radiologiques thoraciques.

Leur profil sécrétoire est de type TH1, avec une expression marquée aussi bien des ARNm (acide ribonucléique messager) que des protéines IL2 et IFNç (interféron).

Enfin, plusieurs études se sont intéressées au répertoire du récepteur T dans cette affection, à la recherche d’arguments en faveur de la nature de l’antigène déclenchant et/ou entretenant la maladie.

Elles ont conclu dans l’ensemble à l’existence d’une expansion oligoclonale

2- Pneumopathies d’hypersensibilité :

Les données du LBA dépendent ici largement du délai écoulé entre l’examen et la dernière exposition à l’antigène incriminé.

Si celle-ci est très récente (< 24 heures), la cellularité sera dominée par une forte augmentation des PNN, accompagnée d’un afflux d’autres cellules inflammatoires comme PNE, mastocytes et lymphocytes.

Si la dernière exposition remonte de 2 à 7 jours, elle sera marquée par une forte alvéolite lymphocytaire, de type essentiellement CD8+, avec rapport CD4/CD8 < 1. On constate de plus à ce stade des taux élevés d’immunoglobulines G,AetMdans le fluide deLBA.

Le contexte cellulaire est en règle très évocateur, avec, outre les éléments susdécrits, le caractère spumeux des macrophages.

Les lymphocytes sont morphologiquement et phénotypiquement très activés (HLADR+ et CD25+).

On retrouve également un nombre anormalement élevé de cellules NK dans ces lavages.

Les meilleurs éléments diagnostiques tirés du LBA seraient l’intensité de l’hyperlymphocytose à CD8, la mastocytose (< 1 %) et la normalisation des phénotypes après éviction de l’antigène.

Plusieurs études se sont attachées à rechercher une valeur prédictive auLBAdans ce contexte, en particulier quant à l’évolution possible vers la fibrose.

Il semble qu’aucun des marqueurs de fibrose présents dans le LBA de ces patients (acide hyaluronique, procollagène de type III, fibronectine, facteur de croissance des fibroblastes) ne puisse être corrélé à une telle évolution.

Par ailleurs, des anomalies à peu près similaires à celles que nous venons de décrire ont été retrouvées chez des sujets exposés aux mêmes antigènes, mais ne développant pas de pneumopathie.

La lymphocytose y est cependant en règle moins intense.

Enfin, outre son apport important au diagnostic des pneumopathies d’hypersensibilité, le LBA comporte une valeur essentielle pour l’étude de leur physiopathologie.

C’est ainsi qu’on a pu démontrer le rôle de certaines cytokines d’origine macrophagique (MIP-1a [macrophage inflammatory protein] et IL8) dans l’attraction locale des lymphocytes CD8+ et des PNN.

C’est ainsi également qu’on a pu faire la preuve de l’expansion intrapulmonaire de certains clones de cellules CD8+, en rapport avec la nature de l’antigène en cause, comme en atteste la restriction du répertoire de leur récepteur T lors de la phase aiguë de l’affection avec normalisation de ce profil à distance.

3- Fibrose idiopathique diffuse (FID) :

Le LBA permet ici non tant d’assurer le diagnostic que d’apporter des éléments pronostiques, initiaux d’une part et au cours de l’évolution d’autre part.

Il n’existe pas d’arguments cytologiques spécifiques en faveur d’une FID, mais le profil cellulaire alvéolaire peut être évocateur s’il associe dans un contexte clinicoradiologique compatible une augmentation variable des PNN et des PNE.

Il faut savoir que ce profil varie de manière conséquente selon le territoire où est effectué le LBA, d’où l’importance de faire précéder l’examen d’une TDM thoracique afin de repérer le siège le plus vraisemblable de l’alvéolite inflammatoire.

Il est plus rare d’observer une augmentation du nombre des lymphocytes et du rapport CD4/CD8, contrairement à ce qui est retrouvé dans les fibroses pulmonaires associées aux collagénoses.

Il n’y a pas de consensus sur la valeur du LBA comme élément pronostique et indicatif de la réponse au traitement.

Une élévation préférentielle des lymphocytes est souvent corrélée à une meilleure sensibilité aux stéroïdes.

En revanche, l’élévation des PNN et des PNE est en règle associée à un pronostic plus sombre, avec mauvaise réponse au traitement.

Une étude plus récente a montré une relation négative entre la survie des patients et le seul nombre des PNE au LBA, à l’exclusion de tous les autres types cellulaires présents dans le LBA.

Là encore, le LBA a permis, parmi d’autres modes plus invasifs d’exploration du poumon, de participer très largement aux études physiopathologiques portant sur les FID.

On incrimine ainsi une quantité de médiateurs d’origine macrophagique dans la genèse de la fibrose pulmonaire.

L’activation de ces cellules, et leur relargage de prostaglandines E2 (PGE2) en particulier, serait de mauvais pronostic.

L’élucidation des mécanismes de la fibrogenèse pulmonaire n’est pas d’ordre purement théorique mais permet d’élaborer de nouveaux concepts thérapeutiques, fondés par exemple sur l’utilisation d’antiprotéases, d’inhibiteurs des cytokines ou des facteurs de croissance des fibroblastes.

4- Connectivités :

L’alvéolite inflammatoire associée à ces affections est en règle comparable à celle de la FID, avec accumulation intra-alvéolaire de PNN, de macrophages, et parfois de lymphocytes.

Aucun profil cellulaire n’est pathognomonique de l’une, quelconque, de ces affections, et la cellularité peut varier en fonction du type de connectivite, de l’existence ou non d’une atteinte pulmonaire radiologique et de son profil évolutif.

Le LBA permet d’étudier le degré d’activation des cellules alvéolaires, montrant par exemple dans le lupus érythémateux disséminé la présence d’un nombre élevé de lymphocytes CD4+ et CD8+ HLA-DR+.

Globalement, les macrophages sont également très activés, libérant des ions superoxydes, des facteurs chimiotactiques pour les neutrophiles, de la fibronectine, des facteurs de croissance pour les fibroblastes, du TNF alpha.

Dans ce contexte, il faut noter la présence particulièrement importante de médiateurs fibrosants dans le LBA des patients atteints de sclérodermie.

Plus qu’au diagnostic étiologique précis des localisations pulmonaires de chacune de ces affections, leLBAest surtout utile au diagnostic de leurs complications (infections, pneumopathie iatrogène, hémorragie alvéolaire).

Il comporte de plus une valeur pronostique, en règle péjorative lors de la prédominance ou de l’apparition de PNN et PNE.

5- Pneumoconioses :

L’intérêt du LBA ici est principalement d’exclure devant un tableau de pneumopathie interstitielle les autres étiologies possibles, ou de documenter un tel diagnostic chez des patients pouvant méconnaître leur exposition aux poussières minérales et les risques qui en découlent.

Nous avons déjà mentionné l’intérêt du LBA dans l’identification minéralogique.

Il faut toutefois rappeler :

– que la démonstration de poussières minérales dans le LBA est indicative d’une exposition mais n’est pas synonyme de maladie ;

– qu’il n’existe pas de seuil de concentration de particules au-delà duquel le développement de la maladie est inéluctable.

Néanmoins, la concentration de CA est plus importante en cas d’asbestose qu’en cas de pathologie pleurale liée à l’amiante ;

– qu’une alvéolite macrophagique, lymphocytaire ou à polynucléaires peut être associée à la pneumoconiose, mais également à la simple exposition aux silicates, sans signification clinique particulière.

En revanche, la bérylliose est la seule pneumoconiose où les données du LBA pourraient être utilisées à des fins diagnostiques, montrant des anomalies proches de celles observées dans la sarcoïdose active avec hyperlymphocytose à CD4 activés (CD4+ DR+).

6- Pneumopathie à éosinophiles :

Étant donné l’absence habituelle d’éosinophiles dans le LBA, toute éosinophilie alvéolaire est pathologique.

L’intensité de celle-ci est très variable.

Elle peut ne témoigner que d’une réaction inflammatoire non spécifique et ne dépasse alors habituellement pas 5 %, comme dans les collagénoses, l’histiocytose X, la sarcoïdose, certaines pneumopathies médicamenteuses, les pneumopathies d’hypersensibilité aux antigènes organiques ou la fibrose pulmonaire idiopathique.

Il est classique par ailleurs d’observer, si le LBA est réalisé chez les asthmatiques en état stable, une éosinophilie alvéolaire de l’ordre de 5 %.

Les tests de provocation allergénique conduiraient à un afflux local d’éosinophiles.

Dans le cadre du poumon éosinophilique tropical, ce chiffre peut dépasser 30 à 40 %.

Il est utile, dans ces cas, d’interpréter les résultats en fonction de l’existence ou non d’une hyperéosinophilie sanguine associée.

C’est dans la pneumopathie idiopathique à éosinophiles (maladie de Carrington) que l’élévation la plus franche est observée, pouvant atteindre 90 %.

Le contexte radioclinique est en règle très évocateur, et la rentabilité habituelle du LBA permet d’en affirmer le diagnostic, sans recours nécessaire à la biopsie pulmonaire chirurgicale.

La normalisation du profil cytologique de cette affection sous stéroïdes rend compte de sa grande sensibilité au traitement, et peut constituer un argument diagnostique rétrospectif supplémentaire.

Enfin, une franche éosinophilie au LBA doit faire évoquer de principe une vascularite de type Churg et Strauss.

Les arguments cliniques et anatomopathologiques trancheront.

Le LBA permet une approche physiopathogénique des lésions pulmonaires liées aux éosinophiles eux-mêmes.

Il a été montré en effet que ces cellules pouvaient sécréter des protéases neutres et des radicaux libres de l’oxygène, ainsi que certaines protéines (major basic protein et cationic protein) qui seraient impliquées dans la genèse possible d’une fibrose.

7- Pneumopathies iatrogènes :

Le nombre de médicaments impliqués dans le développement d’une toxicité pulmonaire ne cesse de croître.

Le diagnostic de ce type d’atteinte est souvent délicat, car il se doit d’avoir éliminé d’abord toute localisation pulmonaire de la maladie en cause, de même qu’une infection chez un patient immunodéprimé.

Le LBA constitue dans ce contexte, joint à la réflexion clinique, la clé de voûte de la stratégie diagnostique, dans des situations cliniques parfois très aiguës.

Le LBA peut être normal ou témoigner d’une alvéolite globale. Plus classiquement, trois types essentiels d’alvéolite sont retrouvés selon le type cellulaire le plus manifestement affecté, PNN, PNE ou lymphocytes.

L’alvéolite à éosinophiles est rare, parfois intense (> 40 %), particulière à certains antibiotiques comme la minocycline, et souvent associée à des signes extrathoraciques immunoallergiques.

L’alvéolite à PNN non altérés peut atteindre 40 à 60 % des cellules récupérées lors de la phase très précoce d’une pneumopathie d’hypersensibilité ; moins marquée (5 à 30 %), elle traduirait le développement d’une fibrose pulmonaire.

C’est dans ces cas que l’imputabilité du médicament est le plus difficile à affirmer.

L’alvéolite à lymphocytes T est la plus fréquente, pouvant atteindre 20 à 70 %des cellules alvéolaires.

Elle est rarement pure, mais le plus souvent associée à un petit pourcentage de PNE, basophiles, mastocytes, voire de plasmocytes, contexte cellulaire hautement évocateur d’une pneumopathie d’hypersensibilité.

L’étude des marqueurs phénotypiques montre en règle générale une augmentation nette de la population CD8+ avec diminution du rapport CD4/CD8 souvent inférieur à 0,5.

Cette inversion a parfois même pu être constatée en l’absence de toute alvéolite.

Dans certains cas plus rares (nitrofurantoïne, méthotrexate, BCG intravésical), l’hyperlymphocytose est essentiellement constituée de cellules CD4+.

Les caractéristiques morphologiques des cellules alvéolaires peuvent également contribuer au faisceau diagnostique.

En cas de thésaurismose par exemple, les macrophages alvéolaires ont un aspect spumeux lié aux vacuoles lipidiques intracytoplasmiques, dont les colorations appropriées, ainsi que l’aspect en microscopie électronique (particulièrement en cas de phospholipidose), permettront d’apprécier la nature.

Les données desLBA itératifs peuvent constituer un argument de poids au diagnostic rétrospectif lorsqu’elles témoignent de la résolution plus ou moins complète de l’alvéolite après arrêt de la drogue incriminée ou de la normalisation des caractéristiques phénotypiques de la lymphocytose.

Ces deux éléments peuvent cependant être temporairement dissociés.

L’épreuve de réintroduction du médicament n’est pas anodine, et à ce titre-là ne sera jamais systématique.

Elle a pu néanmoins se pratiquer soit à titre diagnostique en milieu hospitalier, soit par inadvertance. Le LBAy est alors fondamental, en montrant une réapparition rapide de l’hyperlymphocytose.

En pratique, le LBA permet dans un contexte clinique non univoque tel qu’une pathologie maligne intrathoracique ayant nécessité radiothérapie et chimiothérapie, d’éliminer infection et hémorragie alvéolaire et d’a

Enfin, comme dans les autres pneumopathies interstitielles, le LBA a grandement contribué à élucider, au moins en partie, la physiopathologie de ces pneumopathies iatrogènes.

En effet, il a permis d’apporter des arguments soit expérimentaux, soit tirés de l’étude des données récupérées chez l’homme, en faveur de plusieurs types de mécanismes pathologiques, comme la toxicité directe de la drogue (bléomycine), la thésaurismose associée à des réactions inflammatoires (amiodarone), les réactions immunitaires spécifiques (minocycline, BCG) et les mécanismes toxiques d’expression immunologique (pneumopathies radiques).

Au terme de cet exposé, il apparaît que le LBA a considérablement modifié les méthodes d’exploration de la pathologie pulmonaire.

Il en représente une technique d’investigation peu invasive, généralement dénuée de risque et permettant de restreindre considérablement les indications de la biopsie pulmonaire chirurgicale.

L’apport du LBAdans ces dernières années a été spectaculaire dans le diagnostic des infections pulmonaires, en particulier chez le patient immunodéprimé.

Dans la pathologie interstitielle non infectieuse, à l’opposé, la contribution diagnostique du LBA est limitée par l’absence de spécificité des profils cellulaires observés.

Il est de ce fait vraisemblable que le développement de cette technique portera essentiellement sur deux points.

Le premier de ces points est d’une part le démembrement des phénomènes élémentaires constituant la réponse immune et inflammatoire du poumon à des agressions aussi diverses qu’agents infectieux, médicaments ou situation de rejet de greffe, et d’autre part une meilleure appréhension des mécanismes régissant les relations entre alvéole et bronche par exemple, voire entre poumon et organes extrathoraciques.

Le second point porte sur la définition d’indices pronostiques, fondée non tant sur la simple cytologie alvéolaire que sur les modifications d’un ensemble de marqueurs phénotypiques et fonctionnels.

Ce dernier point bénéficie à l’heure actuelle de l’apport des techniques utilisées en biologie fondamentale.

Celles-ci doivent cependant et impérativement être validées en pathologie pulmonaire avant de faire la preuve de leur utilité en pratique clinique.

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.