Kératinisation épidermique

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Introduction :

La peau joue un rôle protecteur essentiel pour le corps humain grâce à un revêtement continu, fin, souple et résistant, l’épiderme, qui exerce une fonction barrière, en empêchant la fuite de fluides plasmatiques et la pénétration de micro-organismes et d’éléments agressifs de l’environnement.

L’épiderme montre une polarité marquée tant au niveau structural que fonctionnel.

Kératinisation épidermiqueSon rôle protecteur est assuré par sa partie la plus superficielle, la couche cornée, dont l’organisation résulte de modifications biochimiques, métaboliques et morphologiques qui concernent les principales cellules épidermiques que sont les kératinocytes, dans leur évolution depuis leur situation basale au contact du derme, jusqu’à leur position externe superficielle.

De nombreuses modifications sont impliquées dans le programme de différenciation du kératinocyte en tant qu’élément cellulaire avec synthèse de protéines de structures spécifiques, changements dans la forme des cellules et transformation en cornéocytes (mort cellulaire programmée), aboutissant à la desquamation.

D’autres modifications correspondent à l’arrangement des espaces intercornéocytaires, assuré en partie par un ciment lipidique spécifiquement adapté à l’établissement d’une barrière hydrophobe efficace.

La kératinisation épidermique implique donc divers programmes de synthèses complémentaires, protéiques et lipidiques, associés à d’importants changements morphologiques, aboutissant d’une part à la cornification et à la fonction barrière propre à l’épiderme, et d’autre part à la desquamation.

Aspects histologiques généraux :

L’épiderme, épithélium malpighien auquel sont appendus des annexes, follicules pilosébacés et glandes sudorales, est constitué en majorité de cellules épithéliales d’origine ectodermique, les kératinocytes (90 %).

Les autres cellules épidermiques comprennent les cellules de Langerhans, les mélanocytes et les cellules de Merkel.

L’épaisseur de l’épiderme varie en fonction de la topographie (50 µm sur les paupières à 1 mm sur les régions palmoplantaires) et de l’âge (atrophie sénile).

C’est un tissu en renouvellement permanent, dans lequel le nombre de cellules reste relativement constant.

Il se compose d’un compartiment germinatif (couche basale) où s’effectuent des mitoses, et d’un compartiment de différenciation (couches épineuse, granuleuse et cornée) où les kératinocytes subissent des transformations progressives, pour finalement constituer les cornéocytes qui desquament à la surface de la peau.

Les kératinocytes de l’assise basale, cellules cylindriques ou cubiques, établissent une liaison solide avec le derme sous-jacent par l’intermédiaire d’une membrane basale dont ils élaborent les principaux constituants (laminines, fibronectine, collagènes IV et VII, chondroïtines sulfates…), et à laquelle ils sont rattachés par des contacts focaux et des hémidesmosomes régulièrement espacés à leur pôle basal.

Le cytoplasme des cellules basales contient de nombreux mélanosomes, des mitochondries et des paquets peu denses de filaments de kératine.

Les cellules basales assurent à l’épiderme son renouvellement par la présence de cellules souches (10 % environ), qui génèrent une population de cellules amplificatrices de mitoses.

Les autres kératinocytes basaux, dérivés des cellules souches, représentent les cellules d’amplification transitoire, qui expriment le programme de différenciation terminale et sont à l’origine des cellules suprabasales.

Les cellules souches ne quittent pas le compartiment basal.

Elles expriment plus fortement les intégrines b1 et ont été récemment rapportées pour exprimer spécifiquement le facteur de transcription p63.

La couche épineuse est constituée de quatre à huit assises de cellules polyédriques, de taille plus importante que les kératinocytes de l’assise basale.

Elles sont reliées entre elles par de très nombreux desmosomes, qui confèrent à ces cellules un aspect épineux.

Ces cellules présentent un cytoplasme plus volumineux, des paquets de tonofilaments mieux organisés, et des organites cytoplasmiques plus nombreux.

Dans les assises supérieures apparaissent les corps lamellaires (kératinosomes ou corps de Odland).

Ces constituants ovoïdes de 100 à 200 nm sont issus des vésicules golgiennes.

Ils contiennent des hydrolases et un empilement de feuillets lipidiques.

Les cellules épineuses s’aplatissent progressivement pour donner naissance à une ou deux assises de cellules granuleuses caractérisées par la présence dans leur cytoplasme de granules denses polygonaux ou ovoïdes, basophiles (grains de kératohyaline).

Les gros granules sont traversés par des filaments de kératine et sont formés par l’agrégation de profilaggrine, précurseur de la filaggrine, protéine matricielle des cornéocytes.

Au cours de la différenciation, les kératinosomes grossissent, se rapprochent de la partie apicale de la membrane plasmique avec laquelle ils fusionnent, et leur contenu est déversé dans l’espace intercellulaire entre les couches granuleuse et cornée.

La transition entre ces dernières couches est caractérisée par une série de transformations importantes, avec autolyse des noyaux et des organites cellulaires et formation de l’enveloppe cornée sous la membrane plasmique.

La couche cornée, dont l’épaisseur varie selon les régions corporelles, est constituée d’un empilement de cellules anucléées très aplaties, les cornéocytes.

Le cytoplasme de ces cellules est occupé par des filaments de kératine inclus dans une matrice amorphe, limitée en périphérie par une paroi épaisse, l’enveloppe cornée, doublée d’une paroi lipidique qui remplace la membrane plasmique.

Au niveau de la couche la plus superficielle, les jonctions entre cornéocytes sont dégradées, la cohésion cellulaire disparaît et les cornéocytes desquament.

Kératines et protéines associées :

A – RAPPEL SUR LES KÉRATINES :

Les kératines représentent une vaste famille multigénique de filaments intermédiaires exprimés par les cellules épithéliales, et considérés comme leur marqueur principal de différenciation.

Ces protéines insolubles sont représentées par 20 polypeptides de poids moléculaires (PM) et points isoélectriques différents, appelés K1 à K20.

Ces protéines, exprimées par paires, forment des hétérodimères qui s’associent pour former des tonofilaments de 10 nm de diamètre.

Les kératines sont des protéines fibreuses de structure a-hélicoïdale.

Elles sont classées en deux groupes sur la base de leur comportement en électrophorèse bidimensionnelle.

Les kératines de type I (K9 à K20) correspondent aux protéines les plus légères (40-64 kDa) et les plus acides, et sont codées par des gènes présents sur le chromosome 17.

Les kératines de type II (K1 à K8) sont plus lourdes (52,5-67 kDa), plus basiques et sont codées par des gènes portés par le chromosome 12.

La structure secondaire des polypeptides de kératine met en évidence un « core » central a-hélicoïdal d’environ 310 résidus, flanqué de part et d’autre de domaines N- et C-terminaux qui varient en longueur et séquence.

La classification des kératines en types repose essentiellement sur les séquences internes des segments a-hélicoïdaux.

L’organisation structurale des filaments de kératine est un processus dynamique et complexe : la sous-unité de base est un dimère formé par l’enroulement a-hélicoïdal selon un axe parallèle de deux polypeptides, l’un acide, l’autre basique (on parle de paire) ; des structures tétramériques (protofilaments) sont réalisées à partir de deux sous-unités associées de façon antiparallèle, le filament intermédiaire étant constitué de huit protofilaments enroulés en une superhélice de 32 polypeptides.

B – KÉRATINES ÉPIDERMIQUES :

Au niveau cutané, les kératines représentent le composant majeur des kératinocytes.

Elles sont présentes dans toutes les couches de l’épiderme et au niveau des phanères, mais pour ces dernières, leur composition est différente (kératines dites « dures »).

La différenciation épidermique s’accompagne de modifications qualitatives et quantitatives de l’expression des kératines, avec une densification progressive des faisceaux de filaments (30 % des protéines dans les cellules basales à 85 % dans les cellules de la couche cornée) et des modifications physicochimiques (établissement de ponts disulfures au niveau de la couche cornée).

En outre, l’expression des kératines varie en fonction du degré de maturation des cellules épidermiques.

Des combinaisons spécifiques de gènes de kératines de type I et de type II sont exprimées et régulées de manière très précise.

Dans l’assise basale, les kératinocytes synthétisent la paire de kératines K5 et K14, et plus irrégulièrement la kératine K15.

Avec l’initiation du programme de différenciation, apparaissent les kératines de différenciation terminale K1 et K10 et, dans la couche granuleuse, la kératine additionnelle K2e. En cas d’hyperprolifération, les kératines K6, K16 et K17 sont exprimées.

L’épiderme palmaire et plantaire contient une sous-unité particulière K9 exprimée par certains kératinocytes suprabasaux, qui expriment aussi K10.

L’étude de souris transgéniques exprimant des kératines mutées a mis en évidence le rôle important des filaments de kératines de l’épiderme, qui fournissent un support structural flexible et résistant, en l’absence duquel les kératinocytes ne peuvent maintenir leur intégrité lorsqu’ils sont soumis à une friction mécanique légère.

Les gènes de kératine peuvent être porteurs de mutations dans la population humaine, entraînant pour un certain nombre d’entre eux des maladies bulleuses héréditaires de la peau.

C – PROTÉINES ASSOCIÉES :

Parmi les protéines associées aux kératines, la filaggrine assure des fonctions importantes dans la maturation de la couche cornée.

Le précurseur, la profilaggrine, est stocké au niveau de la couche granuleuse dans une sous-population de grains de kératohyaline ; c’est une protéine (PM > 450 kDa) riche en acides aminés basiques (histidine) et en résidus phosphate dont les domaines N- et C-terminaux lient le calcium.

La filaggrine est présente dans les assises profondes de la couche cornée.

Elle s’associe aux tonofilaments de kératine et contribue à leur agrégation.

Sa composition en acides aminés est similaire à celle de la profilaggrine, mais les phosphates sont éliminés lors de la conversion profilaggrine-filaggrine.

Elle donne par protéolyse un mélange d’acides aminés libres et de dérivés (acide urocanique et acide pyrrolidone carboxylique) présents dans la partie superficielle de la couche cornée, et qui contribuent à son hydratation.

Jonctions :

Les jonctions jouent un rôle essentiel dans la cohésion épidermique et dans les fonctions de communication intercellulaire.

Elles comprennent essentiellement des jonctions gap, des desmosomes et des jonctions d’adhésion.

Les protéines constitutives des jonctions serrées (tight junction) sont détectées dans l’épiderme, mais ne semblent pas constituer des jonctions fonctionnelles.

Au niveau de l’assise basale, les kératinocytes sont ancrés à la jonction dermoépidermique par des hémidesmosomes, attachés aux filaments de kératine par de nombreuses molécules (antigènes de la pemphigoïde bulleuse 230 et 180 kDa, intégrine a6b4…) et par des contacts focaux discrets (assurant une connexion aux microfilaments d’actine à travers la chaîne b1 des intégrines).

Sur leurs membranes latérales, les kératinocytes basaux expriment les intégrines a2b1 et a3b1, qui contribuent à leur attachement mutuel à ce niveau.

Lorsque les kératinocytes quittent le compartiment prolifératif, ils perdent ces molécules de surface.

Les jonctions « gap » sont des canaux à ouverture variable formés par des protéines spécialisées, les connexines, permettant des communications entre cellules jointives.

Leur rôle dans la coordination du processus de la kératinisation reste peu connu.

Les « jonctions d’adhésion » ressemblent aux desmosomes, mais diffèrent sur le plan biochimique et fonctionnel.

Elles sont constituées de cadhérines classiques associées à des microfilaments d’actine, ce qui leur confère des propriétés de cohésion et de signalisation intercellulaire.

Leur contribution dans le processus de différenciation reste à préciser.

Les jonctions les mieux connues sont les desmosomes.

A – MORPHOLOGIE ET STRUCTURE DES DESMOSOMES :

La cohésion interkératinocytaire est mécaniquement assurée par des jonctions solides appelées desmosomes qui correspondent aux ponts intercellulaires particulièrement visibles dans les couches suprabasales de l’épiderme.

Ces constituants des kératinocytes sont des structures symétriques constituées de trois parties. Les deux parties cytoplasmiques ou plaques desmosomales sont des structures denses, formées sur les feuillets internes de membranes plasmiques des cellules en contact.

Sur les plaques, viennent s’insérer les filaments de kératine et les protéines jonctionnelles transmembranaires.

Ces dernières forment une portion extracellulaire du desmosome, la desmoglea ou « core » qui, en présence d’ions calcium, assure la fonction d’adhésion intercellulaire.

Les desmosomes réunissent les cytosquelettes des kératinocytes en une suprastructure tissulaire, conférant à l’épiderme ses propriétés biomécaniques exceptionnelles.

Certains composants des desmosomes sont impliqués dans de nombreuses dermatoses auto-immunes.

B – MOLÉCULES ASSOCIÉES AUX DESMOSOMES :

De nombreuses protéines calcium-dépendantes constituant les desmosomes ont été identifiées.

Les protéines transmembranaires sont les cadhérines desmosomales qui comprennent les desmogléines (Dsg 1-3) et les desmocollines (Dsc 1-3).

Ces molécules glycosylées, largement exposées à la face externe de la membrane plasmique, interviennent dans l’adhésion intercellulaire en association avec des protéines cytoplasmiques de la famille des caténines (plakoglobine, b-caténine) et d’autres molécules de type « armadillo » (plakophilines 1-3).

Les protéines non glycosylées de la plaque desmosomale comprennent les desmoplakines I et II, la desmoyokine, la kératocalmine, des protéines de la famille des plectines et autres molécules dont les rôles ne sont pas élucidés.

Le nombre et la taille des desmosomes augmentent au cours de la différenciation épidermique, renforçant la cohésion générale à l’échelle tissulaire.

Les associations entre cadhérines, protéines de la plaque et éléments du cytosquelette sont contrôlées par des kinases et des phosphatases membranaires.

C – CORNÉODESMOSOMES :

Au niveau de la couche cornée, la plaque desmosomale disparaît, intégrée dans l’enveloppe cornée.

Les desmosomes changent d’aspect et sont biochimiquement modifiés pour devenir des cornéodesmosomes, qui expriment une protéine spécifique, la cornéodesmosine.

Celle-ci est synthétisée par les kératinocytes granuleux, et est sécrétée dans l’espace intercellulaire pour être incorporée aux desmosomes avant transformation en cornéodesmosomes.

Cette protéine basique, phosphorylée et glycosylée, est liée par liaisons covalentes et ponts disulfures à la face externe des enveloppes cornées.

Ses régions N- et C-terminales présentent des structures en boucles qui contribuent à ses propriétés adhésives.

Couche cornée :

La cornification correspond aux dernières étapes de la différenciation épidermique, et à un processus de mort cellulaire programmée particulier qui aboutit à la desquamation, et à laquelle participent de nombreuses hydrolases.

Pour un territoire cutané donné, l’épaisseur de la couche cornée est constante en raison du nombre de cornéocytes qui se détachent de la surface, et qui est strictement compensé par la formation de nouveaux cornéocytes dont le nombre est lui-même déterminé par le taux de prolifération des kératinocytes basaux.

La couche cornée comprend essentiellement deux compartiments, l’un riche en protéines et hydrophile représenté par les cornéocytes, l’autre formé en majorité de lipides et hydrophobe, et représenté par l’espace intercornéocytaire.

A – CORNÉOCYTES ET ENVELOPPE CORNÉE :

Les cornéocytes contiennent essentiellement une matrice dense enserrant des filaments au sein d’une enveloppe protéique caractéristique, l’enveloppe cornée.

Cette paroi, apposée à la face interne de la membrane plasmique, présente une structure hautement résistante, qui résulte de l’établissement de ponts disulfures et de liaisons covalentes ou ponts isopeptidiques e-(c-glutamyl) lysine entre différents précurseurs protéiques, sous l’action d’enzymes, les transglutaminases, présentes préférentiellement au niveau de la couche granuleuse, et activées par une augmentation du calcium cytosolique.

De nombreuses protéines, associées à la membrane des kératinocytes ou stockées dans les grains de kératohyaline, participent à l’élaboration de l’enveloppe cornée.

L’involucrine (68 kDa), riche en glutamine et lysine, est exprimée dans la partie supérieure de la couche épineuse et dans la couche granuleuse.

Elle se trouve liée aux desmoplakines, et avec l’envoplakine et la périplakine, elle constitue un support à l’enveloppe cornée.

La kératolinine (36 kDa) ou cystatine A, riche en glutamine, résulte de la polymérisation de monomères de 6 kDa.

Les cornifines ou small proline-rich proteins (SPRP) sont exprimées dans les couches épineuse et granuleuse avec la trichohyaline (248 kDa) et la cystein-rich protein (CRP) (16 kDa).

Ces molécules, dans les stades ultimes de la différenciation kératinocytaire, sont rendues insolubles par l’établissement de liaisons covalentes sous l’action des transglutaminases épidermiques, pour être intégrées à l’enveloppe cornée.

Le précurseur majeur de l’enveloppe des cornéocytes, la loricrine (26 kDa), est localisée à la face interne de la paroi des cornéocytes.

Particulièrement riche en glycine (47 %), sérine et cystéine, cette protéine est hautement insoluble.

D’autres précurseurs comme les pancornulines et la scielline ont aussi été décrits.

B – LIPIDES INTERCELLULAIRES :

Les lipides des espaces intercornéocytaires dérivent de glycolipides et de phospholipides synthétisés par les kératinocytes épineux et granuleux.

Ils consolident la cohésion des cornéocytes et confèrent à la couche cornée ses propriétés imperméables.

Le contenu lipidique de l’épiderme est le résultat final de la lipogenèse kératinocytaire et sébacée.

Il est relativement constant pour un site donné, mais varie selon la localisation (face, bras, paume de main).

Dans l’épiderme normal, un mélange de lipides neutres et polaires prédomine dans les couches profondes et est progressivement remplacé par un contenu plus apolaire, incluant des céramides, des stérols libres et des acides gras libres, ainsi que des quantités variables de triglycérides, esters de stérol et autres composants non polaires.

Il existe une relation particulière entre la composition du ciment lipidique intercellulaire et la qualité de la fonction barrière de la couche cornée.

Les céramides ont un rôle primordial dans la fonction d’imperméabilité à l’eau.

Les lipides synthétisés par les kératinocytes sont acheminés à la surface par les kératinosomes.

Ils sont sécrétés dans les espaces intercellulaires et s’auto-organisent sous l’action d’enzymes, dont la phospholipase A2, en feuillets continus alignés parallèlement aux membranes cellulaires des cornéocytes.

Le nombre de lamelles lipidiques extracellulaires et le degré de leur organisation augmentent progressivement des assises profondes aux assises les plus superficielles de la couche cornée où le ciment lipidique se fissure.

Les espaces intercornéocytaires les plus superficiels contiennent des triglycérides et du squalène sécrétés par les glandes sébacées.

C – DESQUAMATION :

La dégradation définitive des jonctions protéiques, cadhérines desmosomales et cornéodesmosine, sous l’action d’enzymes protéolytiques, aboutit au détachement complet et à la desquamation des cornéocytes superficiels.

Cette étape ultime du processus de différenciation épidermique est réalisée par des protéases spécifiques, dont la mieux connue est l’enzyme chymotryptique du stratum corneum (SCCE : stratum corneum chymotryptic enzyme).

Cette sérine protéase est synthétisée sous forme d’un précurseur inactif sécrété dans l’espace intercellulaire à l’interface entre couches granuleuse et cornée.

Des inhibiteurs de protéases sont aussi présents au niveau de la couche cornée et contribuent à la régulation de la desquamation.

Une autre enzyme, la desquamine (40 kDa), issue d’un précurseur, la « prédesquamine », se fixe sur des glycoprotéines de la surface des cornéocytes.

Elle possède une activité nucléasique et de type trypsine, et joue un rôle important dans la desquamation.

De nombreuses glycosidases endogènes, issues des kératinosomes, contribuent à diminuer le niveau de glycosylation des structures jonctionnelles et à amplifier leur dissociation au niveau de la couche cornée.

Il est probable que le degré d’hydratation et le niveau d’expression de certains lipides des espaces intercornéocytaires, comme le sulfate de cholestérol, jouent aussi un rôle dans cette régulation.

Principaux facteurs de régulation de la kératinisation épidermique :

L’équilibre entre prolifération et différenciation des kératinocytes est fondamental, pour assurer une architecture correcte à l’épiderme et lui conférer une fonction barrière normale.

Cet équilibre est conditionné par un grand nombre de facteurs diffusibles (facteurs de croissance et de différenciation, calcium extracellulaire, cytokines, hormones, vitamines…) produits par les cellules épidermiques ellesmêmes, mais aussi par les interactions entre kératinocytes et cellules dermiques, pouvant agir en synergie ou de manière antagoniste.

Les études de transplantation, de cicatrisation, et les cultures de kératinocytes sur diverses matrices ont permis d’apprécier les effets de ces facteurs qui peuvent agir de manière autocrine ou exercer des effets paracrines pour moduler la différenciation en activant la transcription de gènes spécifiques.

Les kératinocytes activés sous l’effet de facteurs environnementaux ont un programme de différenciation perturbé.

Les facteurs de croissance représentent d’importants médiateurs de la communication intercellulaire et exercent un rôle régulateur par le biais de récepteurs membranaires qui ont une activité tyrosine kinase.

Epidermal growth factor (EGF), keratinocyte growth factor (KGF), transforming growth factor (TGF) a et b sont actuellement les mieux connus.

Parmi les dérivés vitaminiques, les rétinoïdes (dérivés de la vitamine A) sont d’importants régulateurs de la prolifération et de la différenciation kératinocytaire. In vitro, ils inhibent la différenciation terminale des kératinocytes par inhibition de l’expression des kératines K1 et K10 et réduction de l’expression de la filaggrine et de la loricrine.

In vivo, ils régulent l’expression des kératines associées à l’hyperprolifération kératinocytaire.

Ils exercent des effets sur la glycosylation et ont une incidence sur la cohésion kératinocytaire.

Les rétinoïdes agissent après transport vers le noyau par une protéine vectrice cytoplasmique, puis liaison à des récepteurs nucléaires spécifiques appartenant à la famille des récepteurs des stéroïdes.

Ces composés ont montré leur efficacité pour corriger de nombreux troubles de la kératinisation.

Plus récemment, les dérivés de la vitamine D ont été aussi utilisés, car ils agissent sur le cycle cellulaire en diminuant les cellules en phase S et influent sur la différenciation en augmentant l’activité transglutaminase.

Les dérivés de la vitamine D peuvent être synthétisés par les kératinocytes sous l’action des ultraviolets (UV) et leurs mécanismes d’action sont similaires à ceux des hormones stéroïdes.

Conclusion :

La kératinisation épidermique implique des processus coordonnés de division et de différenciation des kératinocytes.

L’épiderme se renouvelle grâce à l’existence d’une population particulière de cellules souches.

Il conserve une épaisseur constante par desquamation, au terme du processus de différenciation, par dégradation des feuillets lipoprotéiques cornéocytaires et digestion enzymatique des cornéodesmosomes.

L’ensemble de ces phénomènes est coordonné et intégré dans le processus dynamique de la différenciation kératinocytaire auquel participe un grand nombre de gènes et de molécules.

De nombreux signaux contribuent à l’induction d’une différenciation, dont les plus importants comprennent un blocage de l’activité mitotique, une diminution puis une perte de l’expression des intégrines, l’acquisition de composants desmosomaux et de protéines de jonction sous l’influence de kinases et phosphatases membranaires, une modification de la perméabilité de la membrane plasmique, afflux de calcium intracellulaire et activation des transglutaminases.

Les schémas de régulation sont complexes ; ils peuvent être modifiés sous l’influence de nombreux signaux endogènes (interactions dermoépidermiques, facteurs d’origine endothéliale, médiateurs de l’inflammation…), ou de facteurs exogènes (UV, virus…).

De manière très générale, toute rupture de l’homéostasie épidermique s’accompagne d’anomalies dans l’expression du programme de différenciation épidermique.

L’étude de ce programme, la connaissance des gènes impliqués et leur régulation ont permis une meilleure compréhension de la kératinisation épidermique normale et des désordres associés.

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